Résumé Le Provencal

du 19 décembre 1966

MALGRE LA DEFAITE SUBIE A VALENCIENNES (2-1) UN GRAND ESPOIR EST NE

(reportage de notre envoyé spécial Maurice FABREGUETTES)

Skoblar ; un tigre dans le moteur de l'O.M.

Skoblar, croyons-nous, on n'a pas fini d'en parler !

L'O.M., qui ne voyait dans notre comparaison qu'une édition publicitaire déguisée a mis un tir dans son moteur. Vous verrez tout ce que sera représente de qualités et de défauts, de féminité, de grâce, parfois insolente, et d'excès en tout genre.

Récapitulons : dans ce premier match de championnat dans une équipe française, Skoblar a réussi à placer sur la transversale d'une bonne trentaine de mètres, un shoot auquel le qualificatif de percutant combien à peine.

Il tira un corner à la perfection, il se fit aussi remarquer par des passes, des dribbles et des remises exécutées avec une dérisoire facilité.

Enfin, à une minute de la fin, il marquait un but royal, un but de pur puncheur.

Voilà pour l'actif. Et reconnaissait que c'est assez impressionnant, mais on a deviné sans peine que ce puncheur naturel était un hyper nerveux, un homme de caractère - certains diront de mauvais caractère - qui n'attend pas d'avoir reçu un coup pour le rendre et qui manifesta, en maintes occasions, une humeur plutôt déplaisante.

C'est ainsi qu'il expédia, en première mi-temps, un court crochet à la mâchoire de Kocik, qui riposta à une irrégularité de Makoski par une série de ruades spectaculaires, et qu'il adressa à deux reprises des remontrances à l'arbitre au sujet du placement de ses partenaires sur coup-franc, ce qui n'était, évidemment, pas fait pour mettre ledit arbitre dans de bonnes dispositions à son égard.

Une entrée fracassante, avouons-le !

Nous n'avons jamais vu un joueur étranger débuter en France d'une manière aussi fracassante. En général, un étranger se dit "Je ne suis pas dans mon pays, c'est ma première rencontre ici, montrons-nous sous notre jour le plus favorable et, même si on nous donne quelques coups, évitons de les rendre, on verra plus tard".

Aucune de ces pensées n'a heurté le terrible Josip Skoblar. Il n'est pas de ceux qui réfléchissent, qui se posent des questions ; à sa manière, il fonce et on le vit ordonner à Joseph de se replier et conseiller Escale sur un coup franc. Un match terminé, il tremblait encore dans les vestiaires, véritable paquet de nerfs secoué de convulsions. Le moment eut été sans doute mal choisi pour les faire des observations, on n'y aurait risqué le K.O.

Mauvaise tête, mais bon pied.

Il reste que Josip Skoblar va être l'une des grandes attractions du football français. On ne s'embêtera jamais avec lui et nous pouvons, sans craindre de nous tromper, prédire qu'il deviendra la coqueluche du public marseillais. À qui le comparer ? À Andersson ? Non.

Curieusement, une silhouette vient à l'esprit, celle du puncheur narbonnais Jo Gonzales. Peut-être aussi, pourrait-on à son sujet évoquer l'attaquant de l'Inter de Milan : Mazzola. De toute façon, un footballeur de classe européenne : mauvaise tête mais bon pied.

On a aussi, longuement parlé de Skoblar, car la rencontre, en elle-même, n'implique pas de longs commentaires.

Le résultat le plus logique est apparu après une assez longue domination de Valenciennes.

Dans les deux équipes en présence, et qui jouaient suivant les mêmes directives, les défenseurs firent presque tout le jeu, disons même qu'ils abusèrent de leur force et de leurs "lignes" pour étouffer tout le jeu entre les deux étaux.

Donc, Tassone, Artelesa, Zwunka et Lopez, en faisait leur bon match actuel, ont fait jeu égal avec Mayet, Provelli, Piumi et Séraphin.

Au milieu du terrain, de part et d'autre, si la bonne volonté fut évidente, il n'en sortit rien de très claire.

Écrasées entre deux défenses faisant à part la plus petite à l'offensive, les attaques n'eurent pas la partie belle.

Nous avons assez parlé de ce Skoblar pour dire cependant que le meilleur attaquant de la rencontre fut le petit Guinot, un garçon en train de passer de la classe nationale à la classe internationale, au moins "B".

On citera également Bonnel d'un côté et Buron de l'autre. Quant aux deux gardiens Maggiera et Escale, ce dernier mal placé sur le premier but de Valenciennes, n'eurent pas à se surpasser.

V.A. : Pas de cadeau pour Robert DOMERGUE

et l'O.M. s'incline (2-1)

VALENCIENNES - Le ciel est d'un gris sale, vent froid, mais il ne pleut pas, du moins quand les deux équipes pénètrent sur la pelouse grasse du Stade Nungesser.

Pas de changement en dernière minute : Skoblar est bien là, à la gauche de Joseph, tandis que le sud américain Fernando joue à l'aile droite de Valenciennes.

En boxe, le premier quart d'heure de la partie s'appelle le round d'observation.

Les deux équipes, sous l'oeil de Robert Doumergue, leur ancien et nouvel entraîneur à la fois s'applique à bien jouer mais le résultat n'est pas à la hauteur des intentions.

Jusqu'à présent Skoblar n'a guère attiré l'attention du public que par un petit crochet court adressé en direction de la mâchoire de Kocik.

Que voilà une entrée en matière dans le championnat de France ne manquant pas de piquants !

On pourra dire tout ce que l'on voudra de notre bon Croate, sauf qu'il a peur.

Cela écrit, on peut ajouter, suivant la formule consacrée, que les défenses ont pris de part et d'autre le pas sur les attaques.

Le deuxième quart d'heure, très animée, mais toujours confus, va être marqué par un grand exploit de Skoblar, du pied cette fois !

À la 24e minute, le Yougoslave s'empare du ballon à une trentaine de mètres du but : Mazzera évite la charge de deux adversaires avec une su-pré élégance, s'avance de quelques pas et tira brusquement. Le gardien de Valenciennes n'avait pas eu le temps de lever les bras que la transversale en tremblait déjà ! Un éclair de grand football dans la grisaille. Un peu plus tard, Guinot, le meilleur joueur de V.A. et de la rencontre, réussit à son tour un très bon tir, mais à côté.

Durant le dernier quart d'heure de cette première mi-temps, V.A. prit un avantage assez constant.

Mais dominer n'est pas toujours marqué, ni même comme dans ce camp qu'à menacer le but de l'adversaire. Escale en effet, n'eut pas à se surpasser pour mettre un terme aux fougueuses attaques de Valenciennes.

Skoblar se fit encore remarquer, à son avantage en tirant un corner avec tellement d'effet, que tous en furent surpris, partenaires et adversaires.

Zéro à zéro à la mi-temps résultat reflétant assez bien ce que nous venons de voir.

L'O.M. reprend le jeu avec contre lui un vent devenu plus violent.

Escale s'en aperçoit assez vite son premier dégagement à touche à 30 mètres à peine de son but. Par la suite la terrible domination de Valenciennes ne fait que s'accentuer.

Cependant, comme cela se passe comme presque toujours en pareil cas, c'est le dominé qui a la meilleure occasion de marquer.

Séraphin, en voulant contrôler le ballon de la poitrine fait un véritable cadeau à Buron, mais ce dernier, sans doute surpris, ne sait pas en profiter. Dommage, car quelques minutes plus tard, exactement à la 59e minute, Guillon tir un corner et le ballon entre directement dans les cages.

V.A. 1 - O.M. 0

U incident assez violent succède à cet exploit technique : Skoblar et Dakoski s'accrochent en disputant une balle au sol, ou ils sont tombés tous les deux.

Skoblar qui semble avoir le sang chaud, rue dans les jambes de son adversaire de manière très violente.

Piumi d'abord Kocki ensuite se présentent en justiciers et l'arbitre ne réussit à calmer les esprits qu'en notant sur son carnet le N.10 du Yougoslave.

Puis les événements vont se précipiter alors que la partie tire à sa fin et que la brume envahit le terrain.

Pour une charge irrégulière de Lopez sur Fernando, l'arbitre accordé un coup franc à Valenciennes. Gunot le tir de la droite vers la gauche et l'on voit alors Bonnel, à l'issue d'une course d'élan de 20 mètres au moins, fondre et catapulter le ballon dans la cage d'un irrésistible coup de tête, 85e minute : un fort joli but.

V.A 2 - O.M. 0.

L'O.M. va-t-il s'incliner sur ce résultat somme toute un peu lourd ? Non ! Alors qu'il reste une minute à jouer, une bonne attaque marseillaise se développe. Fulgenzy centre de la droite, Joseph touche le ballon de la tête, il effleure plutôt. C'est alors que Skoblar bondit, contrôle le ballon de la poitrine et d'un même jet, avant d'avoir retouché le sol, frappe et marque à bout portant. Un vrai but de puncheur.

V.A 2 - O.M. 1 et c'est aussitôt la fin.

Maurice FABREGUETTES

Robert Domergue : "Beaucoup trop de nervosité"

VALENCIENNES - La rencontre terminée, Robert Domergue se demandait s'il devait rire de la victoire de son ancien club, Valenciennes, ou pleurer de la défaite de l'O.M.

Il s'en sortit avec le sourire.

"eJ n'ai pas beaucoup aimé cette rencontre ; elle a été jouée avec beaucoup trop de nervosité. Sans doute les joueurs des deux équipes ont-ils tenu à me faire plaisir, mais cela a été plutôt raté.

"Skoblar : c'est un joueur de très grande classe qui n'a fait que confirmer ce que nous pensions de lui, mais il faudra tout de même qu'il se modère sur le terrain sinon il pourrait être suspendu assez régulièrement. Il faut qu'il sache qu'un joueur de football, surtout un attaquant, peut recevoir des coups.

"Mais enfin, essentiel, à mon sens, et que c'est un footballeur de très grand talent et surtout un véritable puncheur, et je suis persuadé une fois qu'il aura mis un peu d'eau dans son vin, tous arrangera pour le mieux et pour le meilleur d'affaires de l'O.M."

M. Leclerc : "Tous les torts n'étaient pas de son coté"

M. Leclerc n'en a pas perdu le sourire, pourtant il devait nous confier :

"Certes, je n'excuse pas les quelques excès de Skoblar ; c'est un joueur remarquable mais un peu trop dynamique. Cependant, tous les torts ne sont pas de son côté car, somme toute, il n'a fait que répondre. Je trouve que les joueurs de Valenciennes ont été très durs avec lui. On avait parlé de lui à Valenciennes durant toute la semaine qui a précédé la rencontre, il était très attendu et on lui avait préparé une sorte de comité d'honneur.

Ceci dit je crois comme mon entraîneur Robert Domergue, qu'il est nécessaire de le modérer un peu. Mais tout de même, quelle classe et quelle santé !"

Gaby Robert : "Notre victoire est méritée"

Gaby Robert, on s'en doute, après avoir embrassé son ami Robert Domergue, était tout content de ce qui venait d'arriver à son équipe.

"Notre victoire est tout de même méritée. Certes mon équipe n'est plus ce qu'elle a été dans le passé mais je la crois capable de se reprendre. Quant à Skoblar, je le connaissais déjà et je savais que c'est un très grand joueur mais doté d'une fichtre de caractère. Il a d'ailleurs été plusieurs fois suspendu dans son pays et en particulier au cours d'un match international contre le Luxembourg.