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Résumé Le Provencal

du 20 mai 1967

 

FOOTBALL DE COMBAT

L'O.M. concède le "nul" contre RENNES (1 à 1)

Les équipes

RENNES : Robin, Boutet, Ascencio, Jadzyk, Cardiet, Pellegrini, Darchen, Prigent, Rodighiero, Takac, Rico

O.M. : Escale, Fulgenzy, Artelesa, Swunka, Lopez, Djorkaeff, Hodoul, Destrumelle, Joseph, Fiawoo, Casolari

But pour Marseille : Fiawoo (28me minute) ; Rennes : Cardiet (77me)

Recette 100.527 francs pour 13.674 spectateurs

Il y a en football une seule règle : vitesse plus précision.

Pour avoir confondu vitesse et précipitation, précipitation et imprécision, l'O.M. s'est beaucoup fatigué, pour un résultat médiocre.

Il a perdu un point sur son terrain, ce qui n'est rien, mais surtout a offert à son fidèle public un spectacle de petite qualité.

Certes Skoblar ne jouait pas et l'on peut croire que sa seule présence aurait assuré la victoire de son équipe.

Cependant même sans son éminent virtuose, l'O.M. aurait pu jouer avec un tout petit peu plus de maîtrise.

Foncer c'est bien, disputer chaque balle comme s'il s'agissait d'un billet gagnant au tiercé n'est pas interdit mais encore faut-il ouvrir les yeux.

Ce sera la principale leçon de cette rencontre.

L'O.M. a encore beaucoup à travailler, pour former un ensemble cohérent et efficace.

Le "coeur au ventre" ne suffit pas.

Un "nul" logique

En première mi-temps on crut que la "marée noire" pour reprendre une expression de nos confrères de Lens allait submerger la défense bretonne.

Face à Joseph - Fiawoo, plus Casolari et souvent Djorkaeff déchaînés le centre de la défense rennaise (Ascensio - Jadzyk plus particulièrement) faisait difficilement le poids.

Mais un seul but de Fiawoo vint concrétiser ce football de force et de combat... et en deuxième mi-temps, le meilleur jeu de Rennes prit le dessus.

Tant et si bien que le but égalisateur de Carliet vint s'inscrire logiquement dans le cours de la partie.

1 à 1 à la fin, qui pourrait se plaindre ?

Takac ! c'est bon

On était, aussi, venu pour voir Takac.

Le Yougoslave de Rennes, bien que la réussite n'ait pas été de son côté, en a fait assez pour démontrer une valeur non négligeable.

En virtuosité et en puissance et variétés de tir, il est certainement inférieur à Skoblar.

Mais à ses grandes qualités techniques, il ajoute un labeur presque inépuisable, une présence constante, une grande rudesse et beaucoup de clairvoyance.

Un joueur très précieux de toute façon, que l'on verrait avec plaisir à l'O.M. à côté de Skoblar.

On remarqua, aussi, à Rennes la sobriété et la sûreté de Cardiet, la finesse de l'Ascensio et les dons du jeune Rico.

À l'O.M., Joseph avec ses qualités et ses défauts bien connus, Djorkaeff en grande forme, Artelesa, Zwunka, ce dernier un peu trop irrégulier toutefois et Escale.

Mais à cette équipe ce qui manque le plus et un stabilisateur. Un joueur capable de "calmer le jeu", quand le besoin s'en fait sentir.

Maurice FABREGUETTES

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C'ETAIT JOUR DE FETE

Onze hommes sous un vieux maillot...

Au bout du Prado, à deux pas de la mer, sous un soleil déjà estival, les anciens de l'O.M. 1938 se sont retrouvés pour le repas amical qui devait les réunir, à 13 heures aux "Ambassadeurs".

Qui s'étaient déjà rencontrés au lendemain de l'arrivée de Willy Kohut à Marseille, peu avant la rencontre de Coupe Angoulême - Lyon.

Mais, ce jour-là, Ben Bouali et Franz Olej manquaient à l'appel.

Hier, l'équipe était enfin au complet moins Bastien empêché ce qui fut un instant d'intense émotion quand Olej (venu de Cabasse) et Ben Bouali (arrivé le matin même d'Alger, à 10h20) tombèrent dans les bras de leurs anciens coéquipiers et particulièrement de Willy Kohut qui était reparti en 1939 pour sa lointaine patrie.

Ben Bouali pleura comme un enfant sur l'épaule de Willy, puis partit s'asseoir à l'écart cacher ses larmes qui n'arrêtèrent pas de couler...

Inoubliable image de l'amitié, mais aussi l'illustration parfaite de ce que peut faire un sport dans les relations humaines !

Cette poignante minute passée, toute l'équipe prit la traverse de l'olympique et se rendit au stade de l'Huveaune coiffé d'un arc-en-ciel dessiné par le soleil qui jouait avec les arroseurs à rotation.

La chacun y alla de son petit solo : Pardigon imita "le Jaguar", Bruhin dribbla d'imaginaires adversaires (cependant que Zatelli lui criait : "Attention au claquage !") Zermani exécuta deux blocages de rêve, Georges Dard mit un tir sur la barre, Aznar crocheta Gonzales et Kohut tira un superbe corner du coin gauche avec son pied droit ! ...

Puis, sous la conduite du père Gascard, la joyeuse troupe reprit le chemin du retour, précédé par la petite Csilla qui de temps à autre stoppait tout le monde pour prendre des instantanés de ces retrouvailles historiques.

Au moment de passer à table, le bon père Gascard, tout ému nous disait : "C'est vraiment extraordinaire de "les" retrouver 30 ans après !"

À l'heure des toasts, à une voix qui s'éleva pour dire : "A mes 30 ans !", M. Gascard répondit : "Dans 30 ans j'aurais 107 !... Mais j'aimerais bien qu'on se retrouve !"

Cela donne une idée de la chaude ambiance qui entoura cette réunion et cela explique seulement avec quel esprit ces hommes pratiquaient le football quand ils étaient des jeunes gens !

A cette journée pleine d'amitié, à ce rassemblement des anciens de l'O.M. soudée comme aux beaux jours par l'estime réciproque et une certaine tendresse maternelle, il ne manquait plus que le témoignage d'affection de Marseille.

Il est venu, dans la nuit du Stade-Vélodrome, ce témoignage de toute une ville qui n'a pas oublié.

Chaleureux caractères rendant sa reconnaissance à l'infini, le stade s'est embrasé pour une ovation qui restera dans la mémoire des anciens comme l'écho de leur gloire passée.

Jamais nous avions regretté, comme hier soir, la fuite du temps...

Pour notre part, en revoyant sur la pelouse les vainqueurs de la coupe de 1938 pour nous murmurer cette prière - peut-être païenne mais tellement fraternelle :

"Que le temps s'arrête et s'efface... qu'ils retrouvent leur paysage passé, celui du printemps de leur vie, et qu'ils jouent devant nous leur grand match du Retour...

" Comme quand il avait vingt ans"

Louis DEVILLE

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LES VIEUX DE LA VIEILLE...

Les vieux ont des souvenirs que les jeunes n'ont pas. Pas encore du moins.

Cela surtout. Ceux qui, hier soir, aux clameurs d'un public qui leur rappelait celui de leurs vingt ans, n'ont pu et su répondre que par des larmes.

Car ils pleuraient, ces vieux briscards.

Leur coeur battait d'une infernale chamade, leur tête bourdonnait, leurs mains tremblaient.

Ce public en or, qui leur adressait le plus beau message du coeur que public n'ait jamais adressé à ces idoles, devenait soudain pour eux, figés sur la pelouse, impitoyable en criant leur affection au moment même où l'on voudrait qu'elle fut discrète.

Cette foule, aux dimensions nouvelles, trente ans après, à laquelle n'étaient plus habitués, elle était là presque romaine pour ces Césars.

Et dans ces quelques minutes, toute une vie de football et de gloire sportive traverse leur pensée.

Tout surgissait du passé, dépoussiéré, rafraîchi, ravivé.

C'étaient ces matches au bout duquel, pour des primes qui feraient aujourd'hui sourire, on se battait jusqu'au dernier souffle. C'était Willy Kohut, hurlant de la touche : "A moi, à moi !" ou Mario Zatelli, artiste dansant, dans le carré magique, pour retourner des balles impossibles dans les filets.

C'était Manu Aznar, l'obstiné, l'imbattu, le coriace, chargeant de feu ce pied terrible qui atomisait les défenses. C'était Milou Zermani, le vif argent, impétueux, plus avide de balle qu'un collégien de billes. C'était Franz Olej hermétique, dur, sévère, infranchissable.

Et derrière cette barrière de muscles, ce fronton sur lequel toutes les balles s'écrasaient Ferdi Bruhin, chevalier, dans son célèbre dernier quart d'heure, lançant à coups de pied et de gueule ses avants au combat.

C'était Bastien, l'inoubliable, le plus offensif des défenseurs, l'homme qui ne sut jamais accepter l'échec et de mener aux heures grave le pèlerin des grandes causes.

Jo Gonzales encore, ; celui peut être qui aime le plus la compétition, l'effort, la lutte. Fort et doux à la fois. Tour à tour le porteur de la bonne parole, l'auteur du beau geste irréductible.

Et Henri Conchy. À la fois l'élégance, l'efficacité et le courage, l'homme qui a réfléchissait à la meilleure utilisation de cette boule de cuir. Un gentleman aussi.

Puis Ben Bouali, la cuirasse de l'O.M., un "Obélix" de moindre taille, mais aussi efficace. Un grand joueur.

Enfin ce que nous ne dissocierons pas.

Le "Jaguar" Vasconcellos, la plus belle attraction foraine des terrains de foot. Le lundi il dépensait sa prime de victoire sur le cours Belsunce, dans les parapluies à cravate. Et il laissa de cire l es Courtois, Duhart, Abeeglen et surtout Beck, fusillés par son regard avant qu'eux même ne le fusille.

À notre ami Albert Pardigon qui lui céda sa place à "l'exception Vasconcellos.

C'était le même, avec moins de chance. C'était le même avec plus de timidité. C'était l'homme qui aurait dû faire une carrière plus extraordinaire si le destin l'avait un tout petit peu accompagné.

Ils étaient là.

Ils étaient tout cela.

Sans oublier l'homme qui les "Drivait" quelquefois dans l'ombre, quelquefois au grand jour, mais toujours avec cette incroyable affection qu'il avait et qu'il a toujours pour ce qui court avec un maillot blanc.

André Gascard tu t'es reconnu ?

C'était aussi ta fête, Tonton.

Ils t'ont dis qu'ils t'aimaient bien. Mais tu le savais déjà. Tu sais tant de choses.

Quand nous débutions dans ce métier qui est aujourd'hui le nôtre c'est chez toi qu'on allait aux "nouvelles". Et tu avais toujours une histoire à nous raconter. Celle que nous ne voulions pas entendre.

C'est l'époque où nos anciens, Victor Azais disait son fait et Eisenhower, André Oliver faisait des matches de l'O.M. des romans à suspense Albert Laurence sanctionnait sans pitié.

André Gamonet, Tony Tempesti, Quillichini, Arvieu encore.

Ceux que vous lisez aujourd'hui entraient dans la carrière où ils pénétraient sur la pointe des pieds. Nous tous, que le vent de la vie à disperser d'un journal à l'autre, Étienne Vivaldi, André Barutaud, Maurice Fabreguettes, Jean Javelet, avons regardé cette scène comme eux.

Avec quelque chose qui, du côté du coeur scandé le tic-tac des années passées.

Les souvenirs, au fond se rejoignent et se confondent.

Ce sont ceux des demis-vieux et des vieux.

On les a jetés en vrac, hier soir sur cette pelouse de lumière.

C'est ce des années claires.

Lucien D'APO

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