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Résumé Le Provencal

du 15 mars 1973

 Tout s'est joué en cinq minutes

Devant LILLE, l'O.M. a effacé

l'affront du Stade Vélodrome

LILLE - À la mi-temps, repartait à zéro. En beaucoup mieux, de part et d'autres, la partie avait ressemblée à celle de dimanche dernier à Marseille.

Lille jouait la prudence, avec un certain talent, il faut bien le reconnaître. L'O.M. occupait le milieu du terrain, par la force des choses, serait-on tenté de dire.

Mais il ne mordait pas dans la surface de réparation lilloise ou Mujica faisait une petite promenade de santé, sans que personne songea à venir le chatouiller un peu.

Une énorme différence, cependant avec dimanche dernier : l'exploit quasiment individuel n'avait pas été signé Noguès, mais Keita.

Un de ces buts d'une telle simplicité dans l'exécution qu'ils pourraient paraître faciles, si on ne savait pas quelles ne peuvent être que l'oeuvre de très grand joueur.

Bref, Keita passa sa garde sud-américaine, Prietro et Mujica en revue, d'un double dribble très long, rentrant dans le centre et dans le même mouvement il prit à contre pied Duse, sorti à sa rencontre.

Bravissimo !

UN BON MATCH

DE COUPE

Jusque-là, le jeu avait été plutôt nerveux, plus rapide et qu'il ne l'avait été à Marseille.

L'O.M., suivant l'expression consacrée par un récent usage, jouait très sérieux, et sur le plan de la combativité ; on ne pouvait adresser aucun reproche aux joueurs.

Mais Lille faisait de même, et l'on avait observé un certain équilibre, qui s'était traduit par un nombre extrêmement réduit d'occasions de buts.

En fait, au cours de cette première mi-temps, si l'on excepte le super numéro de Keita, Duse et Carnus n'avaient fait que du bricolage. Cependant, compte tenu de l'ambiance, de la tension nerveuse, des deux équipes également désireuses de s'imposer, nous avions assisté à un bon match de Coupe, bien dans la tradition de l'épreuve.

Comme on l'avait d'ailleurs prévu, l'O.M. avait une chance de gagner ce match et de se qualifier, mais cela ne pouvait être que difficile, du fait de l'expérience et de la maîtrise de l'ossature sud-américaine de Lille.

Il ne restait plus qu'à attendre la suite.

UN SUSPENSE

DE 40 MINUTES

En deuxième mi-temps, si le suspense fut total jusqu'à cinq minutes de la fin et l'intensité du jeu très grande, la qualité de la partie baissa assez nettement. C'était d'ailleurs on ne peut plus normal.

Pendant de longues minutes, la balance pencha d'un côté, puis de l'autre, sans que l'on puisse exactement deviner qui allait finalement marquer le but de la victoire.

Lille attaquait avec une fougue digne d'éloges, mais ses avants n'ont pas la valeur technique de ces Sud-Américain jouant au milieu du terrain ou derrière. Ils réussirent certes, grâce à leur engagement, à mettre la défense de l'O.M. en difficulté, mais toujours au dernier moment il manqua le petit geste juste qui allait pu faire la décision.

En face, où Magnusson était quasiment invisible, Keita bénéficiait d'une plus grande liberté, mais les deux ou trois fois ou il eut du champ devant lui, ses camarades n'hésitèrent pas à l'arrêter en le tirant par le maillot ou en lui faisant un croc-en-jambe.

La prolongation paraissait inévitable, quand sur une contre-attaque de l'O.M. en terrain découvert - celle de la première dernière chance - Keita en faisant le grand écart, dévia le ballon sur Gress, seul sur sa droite.

Un tir dans sa foulée, celui que l'on attendait depuis plusieurs mois et l'O.M. était qualifié.

On le voit, il ne faut jamais désespérer. Ouf ! Tout de même.

L'O.M. A BIEN MÉRITÉ

SA VICTOIRE

Ce ne fut pas une qualification facile par la faute de la performance des Olympiens dimanche dernier à Marseille.

Mais, contrairement à ce qui s'était produit au Stade-Vélodrome, les joueurs olympiens abordèrent ce match avec le plus grand sérieux et le désir évident de s'imposer.

Ce qui caractérisa le plus la rencontre, fut l'extrême prudence des deux équipes.

Lille essayant - ce fut sans doute une erreur - de vouloir conserver son avantage, l'O.M. sachant aussi qu'il ne fallait pas trop se découvrir sous peine d'encaisser de nouveaux buts.

C'est ce qui donna à la partie son visage particulier : une lutte incessante au milieu du terrain, pour la conquête du ballon et très peu d'occasions de buts, de part et d'autre.

Les Lillois, s'ils entrèrent assez souvent dans la surface de réparation de l'O.M., ne réussirent jamais à tirer franchement au but.

L'O.M. en l'a vu, a réussi ses deux buts en contre-attaque et grâce surtout à la vitesse de course de Keita et à son sens du dribble.

Il s'agit donc, en définitive, d'une victoire extrêmement méritée, mais il faut bien ajouter, l'O.M. aurait pu éviter à ses supporters ce grand suspense.

LILLE N'A PAS DÉÇU

L'équipe lilloise a joué aussi bien qu'elle l'avait fait dimanche dernier à Marseille, avec calme et précision. Nous pensons cependant qu'elle manqua d'audace et que vouloir conserver, même sur son terrain, l'avantage d'un but à zéro, contre une équipe de la valeur de l'Olympique de Marseille, est une erreur.

Toutefois, il ne s'en fallut que de très peu que le plan des Lillois ne réussisse. Ils l'auraient dû, dans ce cas, comme à Marseille, à la maîtrise de leurs deux Sud-Américains, Mujica et Prieto, qui, finalement ne se laissèrent franchement surprendre qu'une seule fois par Keita.

Toutefois, l'absence de Prieto au milieu du terrain désorganisa-t-elle sans doute le ststtème offensive des Lillois, car le seul Fouilloux, au demeurant marqué de très près par Bonnel, ne pouvait tout faire. Et l'on vit une équipe qui possède de grandes qualités techniques derrière et la fougue et le désordre d'une équipe amateur devant.

C'est sur ce point que les dirigeants lillois auront à se pencher, s'ils veulent faire une carrière en première division, la saison prochaine, car le public lillois qui accepta la défaite de son équipe avec la plus grande sportivité, mérite de retrouver une nouvelle grande équipe, digne de ce que fut, après-guerre, le L.O.S.C.

Maurice FABREGUETTES

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Mario ZATELLI : "Les grandes retrouvailles"

LILLE - Vous vous doutez sans peine, sans y avoir été, que l'ambiance dans les vestiaires était loin de celle que nous avions connue le dimanche précédent. Cette fois nous avons retrouvé la délégation marseillaise, toute souriante, entourée par une multitude de journalistes et de photographes. Bref, une atmosphère qui faisait plaisir au coeur. Il nous a même semblé voir quelques larmes de joie perler dans le regard du président Gallian.

"Vous voyez, nous dit-il, il n'y a pas que des mauvais moments dans le football. Il faut simplement savoir tenir le coup, faire face aux mauvaises périodes. Ce soir, je crois que la victoire de l'O.M. n'est pas de celles qui puissent discuter. Toute l'équipe a joué avec un coeur admirable, et même si nous avions perdu, je vois mal ce que j'aurais à reprocher à nos joueurs. Ils avaient fait l'impossible".

"Sur le bord de la touche avez-vous douté à un moment ou à un autre ?

"Non, j'avais toute confiance en mes joueurs. Je les savais capables de redresser cette situation compromise. Il n'en reste pas moins que le retour à Marseille s'effectuera dans la joie".

L'ELOQUENT SILENCE

DE MARIO ZATELLI

Mario Zatelli de son côté restait sans voix devant les nombreuses questions.

"C'est vrai, finit-il par nous confier. Je ne trouve rien à dire. Tellement cette victoire me comble. Lille a bien essayé de nous désorganiser en opérant des changements de joueurs successifs. Mais nous ne nous sommes pas laissés prendre au piège."

Aviez-vous prévu une tactique particulière à l'avance ?

"Oui, on avait beaucoup parlé avec les joueurs. J'avais tout d'abord essayé de les mettre dans la meilleure condition morale possible. Et puis, nous avons aussi discuté sur le plan technique. Je crois que ces discussions finalement n'ont pas été inutiles."

"Peut-on dire aujourd'hui que l'O.M. a pris un nouveau départ ?

"Oui, a répondu Mario avec un large sourire. Ce sont de grandes retrouvailles entre les joueurs et moi-même. Je suis satisfait pour tout le public marseillais ; j'espère qu'à l'avenir il nous aidera un peu plus que ce qu'il fait jusqu'à présent. Par exemple dimanche dernier, j'ai été pris à partie par un groupe de spectateurs déçus. Sans doute ces mêmes personnes viendront-elles maintenant me féliciter. Enfin tout cela ne sont que des péripéties. Pour l'instant il ne faut songer qu'à notre victoire".

"Et pensez-vous que l'O.M. va pouvoir enfin marquer des buts à Marseille ?

"Je le pense. Oui. Le déclic s'est produit ce soir. Puis maintenant il faudra sans doute compter avec l'O.M. même sur son terrain au stade-vélodrome".

ZVUNKA : "TOUT

POUR LE DOUBLÉ"

Jules Zvunka le capitaine courageux, était pour sa part au comble du bonheur.

"Vous savez, nous dit-il, après nous avoir donné l'accolade. Ce n'était pas tellement d'être éliminés des huitièmes de finale qui me chagrinait, mais surtout d'être battus par Lille, qui malgré tout n'est qu'une équipe de seconde division ? Une défaite ce soir aurait été catastrophique, à la fois pour l'O.M. et ses nombreux supporters. Désormais nous pouvons nous consacrer avec un peu plus de sérénité au championnat. D'autant plus que nos chances de refaire le doublé sont encore intactes. Décidément l'O.M. a vécu aujourd'hui un de ses grands moments".

Un homme, on se l'imagine, était également entouré, Salif Keita, bien sûr, qui avait été le héros de la rencontre.

"C'est une victoire importante, nous confia Salif. J'ai pris, car les défenseurs lillois ne m'ont guère fait de cadeau. Je souffre même de la hanche ? Mais qu'importe puisque nous avons gagné".

Sur ce propos, Jules Zvunka s'approcha pour dire :

"Ce soir Salif est redevenu un roitelet, en attendant de retrouver son titre de grand roi. À mon avis, nous en reparlerons, pas plus tard que dimanche contre Valenciennes".

Nous nous sommes ensuite tournés, Gilbert Gress qui, en quelque sorte, avait parachevé la victoire de ses camarades.

"Je crois, nous a dit Gilbert, que l'O.M. était ce soir conscient de sa tâche. Nous avons joué avec tout notre coeur. Ce match nous a rappelé le match capital contre Nîmes que nous avions joué l'an dernier. J'ai retrouvé aussi la même ambiance qu'à Gornic ou se trouvaient pourtant 100.000 spectateurs. Lille a donc été magnifiquement soutenu par ses supporters, mais vous l'avez vu, cela ne nous a pas affolés pour autant. Je pense aussi, que nous avons eu une excellente initiative de venir nous échauffer sur le terrain avant la rencontre".

"Et bien voilà, j'ai quand même réussi à trouver le chemin des filets. Je me souviens en Allemagne, je parvenais à marquer huit à dix fois en cours de saison. Ici en France je n'en suis qu'à la moitié. Mais vous conviendrez avec moi que ce soir le but compte quand même double !"

Georges Carnus de son côté s'empressa de nous rappeler un de ses pronostiques :

"Je vous l'avais dit, ce dernier dimanche que dans n'étions qu'à la mi-temps de notre match contre Lille. Je savais que rien n'était encore perdu".

Nous l'avons encore félicité pour cette miraculeuse intervention, tout à fait en fin de rencontre, qui empêcha les Lillois d'égaliser

"Oui, nous a répondu le gardien international, il faut bien que de temps en temps, je fasse quelque chose...". Ceci dit sur le ton de la plaisanterie.

Enfin Magnusson partageait la satisfaction générale :

"C'est donc vrai que l'O.M. arrive à mieux s'extérioriser loin de son terrain. Ce soir, nous avons gagné, je crois, que ce succès aura des répercussions très heureuses pour tous. Je suis personnellement enchanté de ce succès".

Signalons que Mario Zatelli a eu un petit différend avec un journaliste qui avait écrit sur lui des choses désagréables dans un hebdomadaire parisien. Le président de la Commission de discipline a même menacé de faire un rapport, mais M. Marcel Poujenc, comme à son habitude s'est arrangé pour aplanir le différend.

Ce n'était pas le moment en effet de glisser de fausses notes dans tout ce merveilleux concert.

René GARDIEN :

"La classe de KEITA

a fait la différence"

Dans le vestiaire des Lillois, l'ambiance était bien sûre beaucoup moins joyeuse que le dimanche précédent.

"Eh ! bien, nous dit l'entraîneur René Gardien, nous n'avions pas vu le meilleur O.M. lors de notre première rencontre. Je pense que Lille, hier soir, a effectué aussi un bon match, mais la classe de Keita a réussi à faire la différence. Il a marqué le premier but et fut à l'origine du second. Heureusement, Prieto s'est fort bien comporté devant lui.

"Je dois reconnaître aussi que le public marseillais a tort de conspuer un tel joueur au Stade Vélodrome. À l'O.M., à mon avis, ce ne sont ni les joueurs, ni les entraîneurs qui sont les fautifs, mais peut-être le public qui n'encourage pas comme il se doit son équipe. J'avoue que j'ai été surpris, dimanche dernier, par toutes ces réactions plus ou moins hostiles.

"Chez nous, vous l'avez vu, nous avons perdu et cela n'a pas empêché les 20.000 spectateurs de nous lance rencore des encouragements. C'est cela le rôle de véritables supporters."

Nous avons également demandé l'avis de Noguès.

Lille a joué sur sa valeur. Je ne pense pas que nous ayons démérité. Notre seule malchance était de retomber sur un O.M. bien supérieur à celui de dimanche dernier. Notre adversaire était, cette fois, autrement organisée. En un mot, nous n'avons pas à rougir de cette élimination".

C'était également l'avis de son camarade Fouilloux :

"C'est vrai, sur le plan de la qualité le match d'aujourd'hui a été bien meilleur que la première rencontre. Lille a même eu davantage d'occasions, mais la balle n'a pas voulu franchir la ligne des buts marseillais. Que voulez-vous, c'est cela le football !

"À Marseille d'ailleurs, l'O.M. avait connu à peu près les mêmes problèmes. Bien sûr, nous sommes quelques peu déçus de notre défaite, pour la bonne raison que pendant trois jours nous avons cru à cette qualification, mais néanmoins il faut se consoler, car l'O.M. ne l'oublions pas est le champion de France en titre..."

Jean FERRARA

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