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Résumé Le Provencal

du 27 octobre 1974

 

L'O.M. A RATE LE COCHE A LENS (2-2)

Les Olympiens se sont fait rejoindre deux fois

Paulo et Jairzinho : un match en demi-teinte

LENS - L'O.M. restait, avant ce match contre Lens, sur deux victoires acquises au stade-vél' face à des équipes valeureuses certes, mais dans les défenses n'étaient pas arrivées sur la pelouse de l'arène du boulevard Michelet précédées d'une bien flatteuse réputation.

En conséquence, on avait appris ces succès phocéens avec bienfaisance, mais pour tous il était évident que ce match disputé hier soir à Lens permettrait à coup sûr d'y voir un peu plus clair quant aux éventuelles possibilités olympiennes pour la suite du championnat de France.

Une équipe qui vise le titre de champion, on le sait, est condamnée à gagner ses matchs loin de ses bases en prenant par exemple le meilleur sur des formations motivées décidées à jouer le match de leur vie et soutenues par leur public.

Pour toutes ces raisons on attendait l'O.M. au tournant et le tournant s'appelait hier soir le stade Bollaert, un stade plein à craquer et qui, en la circonstance, a battu tous ses records d'affluence et de recette.

Il nous fallait savoir également quel pouvait être le rendement du tandem Paulo Cézar - Jairzinho dans une ambiance différente de celle du stade Vel' ; il fallait enfin se faire une idée quant à la valeur précise de cet ensemble marseillais riche en individualités marquantes et en étoiles de première grandeur, mais encore assez instable quant au rendement collectif.

TOUJOURS LES MÊMES ERREURS

Il est évident et ce avant que M. Bancourt ne donne le coup d'envoi, que Jairzinho et Paulo Cézar pouvait à eux seul le faire pencher la balance. Il était tout aussi évident qu'une équipe se compose de onze joueurs, les autres se devaient en tout état de cause d'aller au "charbon" ce qui a Lens peut-être considéré comme la moindre des choses. En fait les opérations de se déroulèrent à peu près comme Jules Zvunka les avait prévues, à savoir que les Lensois, plus ou moins impressionnés, et plutôt plus que moins, par la flatteuse réputation des deux Brésiliens, hésitèrent en début de match à se lancer à corps perdu dans la bataille.

Très prudents, pour ne pas dire craintifs, ils se préoccupèrent surtout beaucoup plus de protéger l'accès de leurs buts que de porter le danger devant ceux de René Charrier.

La suite prouva que leur erreur fut double, puisqu'aussi bien le premier but ne fut pas la conclusion d'une action des deux étoiles de Rio, mais un but signé Emon, après une excellente passe de Lemée. À partir de ce moment-là les Nordistes durent se rendre à l'évidence. Mais 1 à 0, il n'était plus question pour eux de continuer à jouer les chiens de berger aux basques des deux Brésiliens.

Ils changèrent donc leur fusil d'épaule et s'enhardirent à telle enseigne que, non seulement Arghirudis égalisa, mais que les attaquants lensois en général, et Elie en particulier eurent beaucoup d'occasions jusqu'à la pause.

À l'heure des citrons tout était à refaire ou plutôt tout restait à faire.

Et tout fut fait exactement de la même manière, que pendant les 45 premières minutes. En effet, l'O.M. reprit l'avantage par Jairzinho au terme d'une savante combinaison sur coup franc qui avait été répétée, toute la semaine durant à entraînement, mais Lens égalisa toujours par Arghirudis, une fois encore comme à la parade s'en vint de la tête tromper Charrier.

2 à 2, c'était, ma foi, un résultat logique sur l'ensemble du match qui tout compte fait devait satisfaire les uns et les autres.

Maintenant, dans les jours qui viennent on va se pencher sur cette rencontre, la décortiquer, la couper en tranches. Pour notre part, à chaud, nous pouvons tirer quelques conclusions. La première bien sûr c'est que l'O.M. ramène un point d'un déplacement difficile, ce qui n'est pas mal. La deuxième il faut aussi le dire, c'est que nous n'avons pas vu une rencontre d'un très grand niveau. La troisième c'est que l'O.M. a acquis incontestablement une certaine maturité, davant un adversaire courageux, volontaire et soutenu par un public record, il ne s'est jamais affolé. On n'a jamais vu les Marseillais submergés, obligés de parer au plus pressé ou de dégager en catastrophe. C'est positif.

On retiendra aussi (et on avait tendance à l'oublier ces derniers jours) que l'O.M. ce n'est pas seulement Paulo Cezar et Jairzinho. Hier soir les deux Brésiliens, c'est sûr, ont monopolisé l'attention des défenseurs lensois, Cezar a réussi quelques numéros de haute voltige, Jairzinho a marqué son but, mais il ne faudra pas oublier que Charrier sauva la "baraque" en deux occasions, que Bracci fut le plus en vue des défenseurs, qu'Eo et Lemee ont abattu avec bonheur un labeur considérable et que le plus brillant des attaquants, surtout en première mi-temps en tout cas le plus dangereux fut le jeune Emon.

Autant de constatations intéressantes qui ne doivent pas masquer quelques imperfections.

On peut, en effet, se demander pourquoi les Phocéens s'avèrent régulièrement incapables de conserver l'avantage au tableau d'affichage et on peut tout aussi se poser la question : comment se fait-il qu'Arghirudis se présenta deux fois seul devant Charrier sur des centres venus de loin ?

C'est sans doute des réponses à ces questions et surtout des remèdes qui va chercher Jules Zvunka dans les jours à venir.

Pour l'heure, ici tout le monde est content : Lens qui a réussi à revenir deux fois au score, l'O.M. qui pouvait tout aussi bien s'incliner. Jairzinho qui a réussi son but et Paulo Cezar parce que son ami a marqué.

Que demander de plus ?

André DE ROCCA

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Jules ZVUNKA : "Un point perdu !"

Sur le tumultueux chemin menant aux vestiaires, une surprise nous attendait : juchés sur un podium improvisé, un groupe de Noirs, dont nous ne saurons jamais s'ils étaient natifs de Rio ou de la Porte de Pantin, mais remarquables musiciens en tout cas, donnaient une aubade. À l'adresse de Paulo César et de Jairzinho sans doute.

À l'intérieur, les sentiments différaient d'un interlocuteur à l'autre. Certains s'estimaient satisfaits de ce nouveau point pris à l'extérieur, tandis que d'autres n'avaient pas "digéré" de s'être faits ainsi deux fois remonter à la marque.

Jules Zvunka était de cela : "On va peut-être dire que je suis difficile puisque, après un nul à Bastia et deux victoires chez nous, nous ramenons un nouveau point de l'extérieur. Mais j'estime que se faire remonter ainsi deux fois à la marque, et presque inadmissible. À 2 à 1, il fallait faire courir la balle : c'est un procédé qui permet tout à la fois de se reposer, de contrôler le match et de se créer des espaces.

"Nous avons perdu beaucoup trop souvent le ballon sur des actions individuelles. Et après c'est chaque fois la même chose : il faut courir pour l'arrêt le récupérer. J'estime que nous sommes passés à côté d'une excellente affaire, car les Lensois étaient à notre portée. On aura beau me dire que nous n'avons plus qu'à prendre le bonus, mardi devant Troyes, nous n'en auront pas moins toujours, dans mon esprit, perdu un nouveau point".

Jairzinho était bien près de partager l'avis de son entraîneur. Bien que ne possédant pas encore très bien notre langue le Brésilien a su nous faire comprendre que lui et ses équipiers avaient perdu, à son goût, beaucoup trop de ballons : "Surtout lorsque nous menions 2 à 1, a-t-il précisé. Avec un peu plus de mobilité, nous aurions assuré le résultat".

René Charrier, lui, s'inquiétait du sort de Bergeroo, le gardien bordelais, grièvement blessé hier soir. Une sollicitude sincère et pas seulement celle qui semble naturelle de gardien de but à gardien de but. En ce qui concerne le match lui même, René n'étais pas, lui non plus, très content, estimant même avoir commis une faute sur le deuxième but d'égalisation lensoise.

"Sur le premier, je ne pouvais rien faire, car Arghirudis se trouvait en position de tir. Par contre, sur le second, je dois reconnaître que j'aurais pu me jeter sur la barre. C'est égal, je pense moi aussi que nous avons plutôt perdu un point, surtout que Saint-Étienne a pris le bonus".

Albert Emon, lui, était apparemment ravi :

"Décidément, ce terrain me réussit. L'an dernier, j'y avais marqué deux fois. Cette année, j'en ai réussi un. Et en tout, nous avons ramené quatre points de ces deux déplacements".

Le président Meric était lui aussi satisfait :

"Eh bien, oui, je suis content. Un point est toujours bon à prendre et cela fait maintenant quatre matches que nous sommes invaincus. Je pense donc que toutes les conditions sont réunies pour que nous assistions mardi prochain à un bon match. Celui de ce soir, d'ailleurs, a été plaisant à suivre et le résultat a été, je crois, équitable, même si nous aurions mérité de faire la différence en première mi-temps.

"En ce qui me chagrine, c'est que Jairzinho et Paulo Cézar ont pris énormément de coups sans que l'arbitre n'intervienne efficacement. Je sais bien que le football est un jeu viril mais il y a tout de même des limites à ne pas dépasser.

Alain PECHERAL

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DANIEL LECLERCQ : "L'O.M.

ne m'a pas impressionné"

Ambiance détendue dans les vestiaires lensois.

"J'estime, nous disait l'entraîneur Arnold Sowinski, que nous avons vu, ce soir, un bon match de Première Division. Évidemment, nous n'avons pas réussi à gagner et notre public s'est retiré un peu déçu. Mais je crois que l'O.M. est une des meilleures équipes du Championnat et qu'elle a même ses chances d'aller assez loin dans la présente édition".

"En outre, la réussite ne nous a pas tellement souri, car nous avons eu quelques occasions très nettes, plus nombreuses peut-être, même que nos adversaires. Quoiqu'il en soit, mes garçons se sont ressaisi après plusieurs se contre performance et c'est finalement pour moi, là, le point essentiel.

Quant à Daniel Leclercq qui retrouvait ses anciens coéquipiers, il avouait ne pas avoir été fin tellement impressionné.

"Non, l'O.M. ne m'a pas paru aussi fort que cela. En particulier ces deux brésiliens encore que je sache très bien qu'on ne peut jamais juger quelqu'un sur un seul match.

"La différence essentielle, je crois, avec l'O.M. que j'ai connu, est que les gars semblent jouer avec beaucoup plus de confiance, beaucoup plus d'ardeur aussi et que l'ambiance au sein du club est sans doute infiniment meilleure".

A.P.

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Les réponses aux questions que l'on se pose

Les conditions de jeu étaient-elles bonnes ?

La question mérite d'être posée puisque avant-hier, c'était le 28e jour de pluie consécutive que vivaient nos infortunés amis lensois !

Ce qui revient à dire que l'on redoutait autant, dans le camp marseillais, de jouer dans un bourbier que d'avoir à affronter un temps humide et froid peu propice a priori aux exploits des deux vedettes brésiliennes.

En fait, toutes ces craintes étaient vaines. Un temps particulièrement clément régnait hier sur l'Artois, non seulement il ne tomba pas une seule goutte depuis, mais le soleil fit même à quelques timides apparitions dans l'après-midi !

Quant au terrain, nullement endommagés par les intempéries, il était en parfait état.

Le public lensois avait-il raison de réclamer des penalties pour fautes de main dans la surface de réparation marseillaise ?

Il n'en réclama pas moins de 3 en première mi-temps, deux en seconde ce qui nous paraît tout de même beaucoup.

François Bracci, avec sa franchise coutumière, non dépourvu d'humour, nous a dit à ce sujet aux vestiaires : "Disons que sur ces trois mains, il y en avait deux de collées". Ce qui a provoqué un grand éclat de rire de la part de Marius Trésor qui s'est esclaffé : "Et tu appelles cela des mains collées !"

Le public lensois n'avait donc peut-être pas tout à fait tort de clamer sa désapprobation à l'encontre de M. Bancourt.

Il est vrai qu'en football, ce qui est blanc le soir et noir le lendemain.

Et peut-être, après tout, était-ce autour de l'O.M. de bénéficier des petits coups de pouce du destin... et de l'homme en noir.

Leclercq ?

Un "patron" qui, au travers des récents comptes rendus sportifs, nous avait été présenté comme un véritable épouvantail. Nous ne doutons pas qu'il ait fait récemment de très grands matches, d'autant qu'il jouit en Artois de l'estime unanime. Mais sans doute n'était-ce pas hier le jour du blond n.7 lensois.

Certes, il distilla, comme à son habitude, quelques-unes de ces balles dont il a le secret, mais son rendement, hier, fut dans l'ensemble, très moyen, le Leclercq que l'on a connu à Marseille, en quelque sorte.

Pourquoi le jeu a été interrompu à la 64e minute ?

L'action fut assez confuse à juger depuis la tribune de presse d'autant que l'enthousiaste public lensois n'hésitait pas à se lever, à la moindre action litigieuse. C'est sur une phase de jeu embrouillé, en plein coeur de la surface marseillaise que se produisit l'incident. Deux joueurs lensois restant étendus au sol. L'un, Élie s'était étalé à la suite d'un contact assez violent mais correct nous a t-il semblé, avec ses adversaires. L'autre, par contre, c'est-à-dire Notheaux payait là sans doute, les mauvais traitements qu'il avait fait subir à Jair. Mais le Brésilien appartenant à cette catégorie de singes à qui l'on n'apprend pas à faire des grimaces rendit sa justice toute particulière en douce. Ce qui lui valut de n'écoper d'aucune sanction de la part de M. Bamcourt.

Quoi qu'il en soit, après de vives discussion, de part et d'autres, le jeu reprit au bout de quatre ou cinq minutes.

A-t-on ressenti l'absence de R. Buigues ?

À mon avis, oui. Ce qui peut paraître désobligeant, vis-à-vis de J. Lemée qui avait, hier soir, la tâche de le remplacer. Ce n'est pourtant pas notre intention et nous nous plaisons même à souligner que l'ex angevin fit un match excellent, l'un des meilleurs sans doute qu'il ait livré sous le maillot de l'O.M.

Néanmoins, il nous a paru qu'il manquait prêter main forte à la défense centrale marseillaise, souvent malmenée par un Arguérudis remuant en diable, un homme de la trempe de Buigues dont le point fort est précisément l'arrêt sur l'adversaire.

Alain PECHERAL

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Le fait du match

Ce sont aussi des hommes

On les a glorifiés, on a parlé d'eux en long, en large et en travers. On en a fait des héros. On a fait des dieux. Et puis soudain on se rend compte sans qu'on s'y attende qu'ils sont aussi des hommes.

Paulo Cézar et Jairzinho, puisqu'il s'agit d'eux, sont, c'est certain des joueurs de football tout à fait extraordinaires. Ils sont venus de leur Brésil natal précédés d'une réputation qui n'est sûrement pas surfaite. On n'est pas titulaire à part entière de la meilleure équipe nationale du monde par le fait du hasard : et puis, il y eut à Marseille, la venu de Monaco, le récital Paulo, le but de Jairzinho, celui du bonus. Sur la Canebière, il n'en fallait pas plus pour déchaîner l'enthousiasme. Il a cependant suffi d'un match, à Lens, pour que tout rentre dans l'ordre normal des choses.

Cézar, c'est vrai, a réussi quelques numéros de haute voltige, personne ne dira le contraire, mais on l'a vu aussi pester contre un partenaire coupable d'avoir raté une passe. On l'a vu se faire oublier sur son aile, on l'a vu réussir le plus difficile, et rater le plus facile. On a vu Jairzinho se faire contrer à la régulière, on l'a vu en vain essayer de passer cette défense nordiste en force, on l'a vu insister avec un rare courage. On l'a vu aussi abattre d'une manchette dans le dos de l'arbitre le jeune Notheaux coupable de l'avoir quelque peu "chatouillé". Bref, en deux mots, on a vu que l'O.M. peut compter sur Jairzinho et Paulo. Mais on a aussi vu qu'il ne doit pas seulement compter sur eux et en fin de compte, c'est ma foi réconfortant.

Les dieux du football ont aussi leurs faiblesses et à quelques centimètres près (deux tirs sur la barre) le héros de la soirée aurait pu s'appeler Elie, sans que personne songe un seul instant à s'en plaindre.

C'est ça le football.

A. de R.

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EN MARGE DU MATCH LENS - OM

 

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