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Résumé Le Provencal

du 18 janvier 1954

 

La forteresse rémoise est tombée sous les boulets

des Marseillais survoltés

Devant 40.000 spectateurs, ANDERSSON (2 buts) et BEN BAREK ont signé la brillante victoire de l'O.M. sur les champions de France par 3 buts à 2

(De nos envoyés spéciaux : Lucien D'APO )

PARIS (Par fil spécial) - Quarante mille spectateurs au Parc des Princes. On s'entasse dans les tribunes et les virages. Les petits drapeaux rouges et blancs aux couleurs des deux clubs, piqués comme des fleurs sur un pré, viennent jeter une note vive dans cette immense foule compacte et grise.

Il ne pleut pas, mais le temps et bas. Le terrain rendu friable par la neige et la pluie dont il fut recouvert ces derniers jours, est examiné avec soin par les dirigeants des deux équipes.

Et c'est Reims qui pénètre sur la pelouse très applaudi. Près de nous, un supporter marseillais lance : "les victimes entrent toujours les premières."

Autour de l'O.M. de recevoir l'accueil - un accueil cordial du public parisien qui ne serait dissimuler ce petit faible qu'il a toujours eu pour le onze marseillais.

Quinze heures, l'O.M. et Reims sont partis vers leur destin, vers lequel les Marseillais semblent se précipiter puisque Scotti lance la première offensive dangereuse. Quel départ !...

Scotti joue, promu au poste d'inter-zone, en pointe avec Andersson. Reims essuie cette première décharge te, à son tour, vient bousculer Angel qui doit plonger dans les jambes de Glovalski.

Et voici M. Andersson qui apparaît, tel un diable échappé de sa boîte et dont Jonquet n'a pas su maintenir le couvercle. Mais cette première intervention donne rien. On promène la balle, et, en quelques secondes, elle prendra les allures d'un bolide sur deux tirs d'Andersson et de Nocentini (6me minute).

Reims opère par à coups et se défend plus qu'il attaque. Gransart vient, lui aussi, tirer au but en prélude à une action particulièrement dangereuse conduite par Nocentini, mais sans résultat.

A la douzième minute, Palluch obtient le premier corner pour l'O.M. en poussant Marche dans ses derniers retranchements. Les alertes devant les buts champenois se multiplient. Marche, encore, met en corner sur un centre d'Andersson.

Penalty

Gunnar bondit une fois de plus. Il a échappé définitivement à Jonquet quand ce dernier se reprend, le rattrape et vient le faucher alors que le tir avait autant de chances de donner du travail aux marqueurs du tableau d'affichage.

Mais le sifflet de l'arbitre reste muet. Le public par contre, siffle. Roessler, scandalisé, se dresse et lève les bras au ciel... rien n'y fait.

La supériorité de l'O.M. est très nette. Avec un coeur admirable les gens au maillot blanc se ruent sur cette balle qu'il échappe que très rarement à leur contrôle. On note un coup franc contre l'O.M. que Templin botte au-dessus et une intervention remarquable dégageant ses buts sur l'assaut conjugué Glovaki - Kopa - Appel.

Fléchissement

Puis l'O.M. accuse un moment de fléchissement. Ce n'est pas au goût du public qui l'encourage sur l'air des lampions pour le remercier du football qui lui a été offert jusqu'ici.

Un public qui a disséqué au scalpel de son jugement la valeur du magnifique spectacle de technique et de cran présenté par le team marseillais. Car l'O.M. a dominé indiscutablement pendant cette première demi-heure au terme de laquelle le score est toujours nul.

On dirait les Olympiens figés, ne se souvenant plus soudain de la leçon apprise.

Puis enfin sous l'énergique poussée de Scotti et Gransart, l'ensemble se dépouille des liens de l'immobilité.

1 but partout

Scotti, absolument sensationnel - il le sera jusqu'à la fin du match - lance Palluch à l'aile. Ce dernier, puissant, décidé, feinte Marche le long de la touche et centre à mi-hauteur sur Andersson. Le goal guetteur marseillais tel un chat, reprend la balle en sautant et en pivotant. Son shoot violent et net bat Paul Sinibaldi dans le coin opposé (39e minute). Quarante mille spectateurs se dressent et acclament l'homme dont ils attendaient tant.

C'est le coup de fouet pour ses équipiers... et pour ses adversaires, car, deux minutes plus tard, sur une longue balle qui ricoche sur le dos de Johansson, Kovalski, le plus dangereux attaquant rémois, échappe à Nocentini.

Il file vers les buts et à bonne portée, décoche un fulgurant tir à ras de terre qui frappe le montant droit et vient mourir dans les filets d'Angel.

Un but partout. La foule exulte. La qualité du combat, l'énergie, la folle énergie dépensée par les vingt-deux joueurs.

Les Olympiens vont-ils payer les conséquences du régime auquel ils ont soumis leurs adversaires ?

Voilà qui va les rassurer.

Nous sommes à la 59e minute. L'arbitre siffle un coup franc pour l'O.M. au milieu du terrain. C'est Nocentini qui le shoote vers Scotti qui lance Andersson. Le Suédois en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, laisse son cicérone Jonquet sur place. Voilà l'avant-centre marseillais filant seul vers les buts. Affolement. Public debout. Andersson ne gaspille pas les cadeaux. Le voilà en position de shoot. Il tire... Et Paul Sinibaldi n'aura que la ressource d'écouter le sifflement d'une balle qui fait le deuxième but.

Les Rémois cherchent en vain à mettre en marche leur belle mécanique. Impossible. Tous les rouages sont bloqués par les onze marseillais qui collent au ballon comme la résine au pain.

Ben Barek porte l'estocade

L'enthousiasme est à son comble. Pierre Robin cherche un cigare dans sa poche. Ben Barek va l'inciter à respecter la tradition jusqu'à la 22e minute, il profite au maximum d'une belle occasion.

Palluch centre. Cicci contrôle la balle pour la donner à son goal. Passe trop lente. Ben Barek surgit et pousse le cuir dans la cage que Sinibaldi a désertée : trois buts à un.

Cette fois, on prend des poses avantageuses sur le banc du comité des Cinq.

Et le public crie : "Allez Reims..."

Second but pour Reims

Reims qui fait ce qu'il peut, mais peut peu devant cet ensemble olympien véritablement déchaîné qui renvoie tout sans pouvoir cependant éviter un cafouillage duquel Kopa (80e minute), extrait le second et dernier but. Alors même que Angel, derrière un rideau de joueurs n'avait pu voir partir le shoot...

Pendant dix minutes encore, minute à combien émouvantes et dangereuses pour le système cardiaque des dirigeants et accompagnateurs marseillais, l'O.M. se défendra avec la constance et la fidélité de Pénélope.

Et rien, plus rien, l'O.M. refuse à la défaite le droit de peser sur sa destinée.

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MERCURIO, ailier-piège et

SCOTTI, second avant de pointe

PARIS (Par fil spécial) - Lorsque à l'issue de la rencontre Roger Marche, capitaine de l'équipe de Reims et du onze tricolores nous dit : "Je savais que le 6 à 0 de dimanche dernier ne signifiaient pas grand-chose, mais vraiment l'O.M. m'a stupéfié..." Son opinion de joueur expérimenté, d'homme pesant ses mots, résumait du moins dans sa dernière partie, l'impression générale.

Stupéfaction

L'O.M. hier, a été en effet stupéfiant. Dans le concert de conversations nul n'a discuté le résultat. Nul n'a cherché parmi les plus chauds supporters rémois, à minimiser l'exhibition du onze marseillais... pas plus que nul n'a invoqué d'excuse à la défaite champenoise.

Et pour nous journalistes impartiaux, mais malgré tout Marseillais, c'est cette découverte d'un ensemble ardent, courageux, sans faille qui restera comme le souvenir marquant d'un match qui comptera dans les annales sportives de l'O.M. Pour nous être entretenus, samedi longuement à Versailles avec eux, nous savions que les joueurs du maillot blanc avaient eu leur amour-propre mis à vif par le 6 à 0 de Reims.

Jamais toutefois nous n'aurions pensé que ce désir de rachat puisse transformer ainsi totalement onze athlètes.

Et, si en ce début d'article, l'accent a été mis sur cet aspect moral, c'est qu'à notre avis il marque aussi une étape importante dans l'existence du onze marseillais.

L'O.M. a mieux joué

Reims donc a été éliminé par trois buts à deux. C'est une surprise. Ce qui l'est davantage, c'est que son vainqueur joua mieux que lui pendant la première demi-heure, se maintint à son niveau jusqu'à la pause, pour rééditer après celle-ci à peu près la même exhibition.

Quatre avants en ligne

Attaquant dès le coup d'envoi avec quatre en ligne : Scotti, Andersson, Ben Barek, Palluch et Mercurio légèrement replié, l'O.M. mit ses inters à contribution.

Ceux-ci attiraient le demi-aile adverse, glissaient à Mesas ou Nocentini qui ouvraient de nouveau sur leurs proches inters, soit sur Andersson déporté à gauche ou à droite selon la liberté de champ.

On eut ainsi 20 minutes d'un impeccable carrousel marseillais. Spectateurs et adversaire étaient sidérés.

Si ces derniers y perdirent leur sang-froid, les premiers manifestèrent leur satisfaction par des encouragements qui s'adressaient uniquement au bon football qui était distillé par l'équipe que l'on estimait inférieur à sa rivale.

Droit au but

Le mérite de l'O.M. fut pendant cette période, d'avoir attaqué selon la devise du club. Et l'on eut ainsi le premier but d'Andersson. Cette reprise de volée d'un centre à mi-hauteur de Palluch deux modèles du genre différents, le premier quart d'heure pendant lequel, jusqu'à présent, l'O.M. se cherchait... et quelquefois ne se trouvait pas étant largement dépassé.

Onze hommes : une équipe

Non seulement la défense tenait, non seulement Gransart et Salem ne marquaient aucune hésitation, mais le Marocain menait une vie infernale - sans irrégularité - a Appel, prenant le meilleur de lui à chaque coup, et Gransart se révéler comme le meilleur arrière sur le terrain.

Lorsqu'on sait que de la tenue des arrières marseillais dépend souvent celle de leurs camarades, on aura une idée de l'influence qu'eut leur exhibition sur l'ensemble de la rencontre.

Chacun étant délivré du souci d'être contraint de suppléer à une défaillance voisine, se livra à fond et l'on vit Johansson dominé Kopa ; Mesas, maîtriser Lindquist qui, préféré pourtant à Leblond passa inaperçu.

Nocentini "coller" au feu follet Glovalski et Ben Barek se démener comme un démon.

Onze joueurs formés enfin l'équipe.

Du grand Andersson

Cependant, il serait injuste de ne pas souligner le match magnifique que fit Andersson. Le Suédois lutta... et réussi. Pour ceux qui connaissaient ses qualités, c'est tout dire. Certain rémois suggéraient que Jonquet était en baisse de forme. C'est faire peu de cas de la facilité avec laquelle Andersson se débarrassa plusieurs fois de quatre adversaires dépourvus d'aménité. Andersson retrouvé, soutenu par un Scotti extraordinaire, un Palluch volontaire et bien inspiré, un Mercurio clairvoyant et au football dépouillé et un Ben Barek qui sans être aussi brillant que d'habitude fut précieux. L'attaque ne pouvait que compléter admirablement une défense à la part de laquelle Angel démontrait sa sûreté coutumière.

L'O.M. dira-t-on encaissa deux buts. Certes Angel ne pouvait rien. Sur le premier il estimait avec raison que Nocentini pouvait rejoindre Glovalski. Quant au second obtenu par Kopa sur cafouillage un mur de joueurs lui cachait la phase.

Reims pris de vitesse

On attendait beaucoup des Rémois. Les spécialistes considéraient leur valeur comme nettement au dessus de celle de l'O.M.

C'était vrai il y a huit jours et ce le sera peut-être encore de quinze. Mais hier battu sans accident ni incident. Battu en vitesse et parfois en technique les Champenois ne pouvaient que s'incliner. Glovalski leur avant le plus dangereux. Marche et Sinibaldi leurs défenseurs les plus vigilants.

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Quand la joie déborde des vestiaires

PARIS (Par fil spécial, d'un de nos envoyés spéciaux).

Joie délirante dans les vestiaires de l'O.M. A grandes bourrades dans le dos et dans un vacarme qui donne à ses vestiaires les allures d'un champ de foire, on s'embrasse et en se complimente très gentiment d'ailleurs.

Saisies dans le vent de la discussion, voici quelques déclarations toutes fraîches :

GRANSART : "Je n'ai jamais été inquiet quant à l'issue du match. Nous voulions cette victoire !"

ANGEL : "Nous avons joué comme nous devions jouer. Nous ne nous sommes jamais découverts. Hélas ! Je n'ai-je pas vu partir le tir de Kopa pour le deuxième but. Il y avait trop de monde devant moi".

SALEM: "je suis heureux, mais tellement heureux !"

JOHANSSON : "ce n'était pas comme dimanche dernier, n'est-ce pas ? C'est Glovaski qui m'a fait le plus d'impression."

MESAS : "Nous avons obéi à une tactique bien définie. C'est un beau jour pour nous."

NOCENTINI : "J'ai un peu souffert. Mais qu'importe, je crois qu'il est inutile d'insister sur l'étendue de notre joie."

Gunnar ANDERSSON : "J'ai été fauché une première fois. Je croyais bien qu'il y avait penalty. Mais je n'ai pas à me plaindre. L'O.M. et sur le bon chemin".

PALLUCH : "Kopa a été le meilleur Rémois. Pour ma part, je crois avoir fait ce que l'on attendait de moi."

MERCURIO : "J'ai beaucoup couru. J'avais des consignes spéciales que je crois avoir bien remplies. Si nos dirigeants sont contents, notre joie est plus grande encore."

BEN BAREK : "La première des choses et d'avoir gagné. La tactique est une chose qui existe en football. Mais quel merveilleux esprit d'équipe été le nôtre aujourd'hui."

SCOTTI : Au dernier, celui qui fut l'un des héros de ce match et qui déclare en tout et pour tout :

"Nous nous sommes surpassés j'ai. J'ai été un peu inquiet à la fin."

Chez les Rémois, il est évidemment difficile d'obtenir des déclarations. Leurs vestiaires sont silencieux. Marche ne cache pas sa déception. Appel, lui, reconnaît qu'il avait en face des adversaires moralement supérieurs parce qu'il sur appliquer d'entrée, une stricte tactique et de défendre ensuite comme des lions.

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Une belle prime

pour les joueurs

PARIS (par fil spécial). La victoire de l'O.M. à Paris a certainement rapporté une belle prime aux vainqueurs. A coup sur la plus belle de la saison.

M. Bicais ne cachait d'ailleurs pas sa satisfaction et soulignait que l'exploit méritait bien cela.

Le Comité des "Cinq" avait d'ailleurs proposé aux joueurs de fêter cette réussite dans le "Gay Paris". Mes ces derniers ont préféré rentrer pour être ce matin à Marseille.

LE GENOU DE JOHANSSON

PARIS (par téléphone). -- Johansson dans un choc avec Kopa se déboîta le genou droit.

"Ma rotule se baladait à gauche" nous dit-il

Elle dut reprendre rapidement sa place "normale" car le longiligne Suédois ne quitta même pas le terrain.

 

 

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