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Résumé Le Provencal

du 23 janvier 1956

  

Le réveil du 'onze' alsacien (décidé par STOJASPAL

HAAN et leur coéquipiers) a fait du bruit, hier, à la Meinau

L'O.M. en déroute à Strasbourg (50)

L'équipe marseillaise, littéralement ankylosée, n'a jamais

Pu réagir devant le forcing effréné des Alsaciens

(De notre envoyé spécial : Lucien D'APO)

STRASBOURG - Il y avait neuf minutes que l'on jouait. Les onze Olympiens, après avoir fait une entrée timide sur l'herbe revêche du stade alsacien, cherchaient encore la synchronisation de leurs mouvements, de leurs actions, en face d'une équipe strasbourgeoise littéralement chargée de dynamite en ces premières minutes.

Neuf minutes, donc, que l'on jouait quand une balle haute que Scotti ne put valablement contrôler parvenait à Haan, avant-centre du team alsacien. Haan, sans un dixième de seconde de retard, lançait son ailier gauche Hertrich par-dessus Johansson, dans le trou. Ce dernier, vif comme l'éclair, échappait à Molla et, d'un tir en biais, ouvrait la marque.

On prévoyait déjà la catastrophe. La lenteur des actions de l'O.M., en regard de l'impétuosité de son adversaire, laisser entrevoir un match très difficile.

On vit bien, certes, Tivoli tirait au but à la suite d'une passe en retrait de Rustichelli. On vit bien le trio Constantino, Rustichelli, Tivoli s'infiltrer heureusement dans la défense alsacienne pour n'être battu qu'in extremis par Kaelbel. Mais tout cela, en vérité, n'était rien en comparaison des rushes multiplies du quintette adverse.

Poncet, sauva deux situations très dangereuses, en particulier en plongeant dans les pieds d'Hertrich, avancé seul vers sa cage (17me minute). Il sauva encore sur le tir de Muller (19me minute) et le keeper marseillais repoussait de son mieux ce déluge de coups des avants alsaciens.

Que se passait-il ?

En vain nous cherchions à trouver des raisons valables à cette immobilisme du onze olympien, pendant que Stojaspal, Haan, Muller, on ne peut mieux appuyés par leurs demis, nous offraient un numéro technique de haute tenue.

En bon marseillais, perdus à ce bout de France, nous nous reprenions à espérer, à la suite d'une percée de Rustichelli, stoppée plus loin par Kaelbel.

Stojaspal devait alors nous fixer définitivement et sur sa forme et sur celle de son équipe. Le voilà parti sur la droite, complètement démarqué, affolant la défense marseillaise par des feintes et des opérations psychologiques réussies, crocheter Scotti et centrer sur Skiba. Celui-ci ailier, s'était rabattu vers le centre est très calmement à, à la réception du coup de pied adresser par Stojaspal, il dribblait Johansson. Le chemin était ouvert. D'un shoot froid comme une rafale, fusilla Poncet à quelques mètres.

Deux buts pour Strasbourg, rien pour l'O.M. à la 26me minute ! Oui nous allions à la catastrophe.

Flambée

Un moment, Durand d'abord, Tivoli ensuite, alertaient les arrières strasbourgeois. Un centre de près de Durand, sur lequel le goal Bartheimebs dut plonger pour éviter le pire, un tir de 15 mètres de Tivoli, frôlant l'horizontale, puis une montée très dangereuse de Jean-Jacques Marcel que Durand, fort bien placé pourtant, ne put parachever, constituèrent avec d'autres petites choses la flambée marseillaise qui caractérisa la fin de la première mi-temps.

Courte flambée à laquelle l'ensemble strasbourgeois répliqua avec une vigueur indomptable et, de nouveau, Poncet était à l'ouvrage.

Mais il ne pouvait être partout et c'est un heading miraculeux de Palluch qui arracha la balle que Haan avait presque mise dans la cage.

2 à 0 à la mi-temps. Sur le papier - nous disons sur le papier - l'O.M. pouvait encore réussir l'égalisation.

Troisième but

A n'en pas douter, pour les douze mille spectateurs, ces deux buts venaient de sonner le réveil de l'équipe strasbourgeoise.

Décrié, abandonné, critiquée durant ces derniers dimanches, elle avait besoin de se refaire une popularité. Elle avait surtout besoin de sauver ses meubles dans l'incendie qui illumina le bas du tableau dans le classement.

Et c'est encore plus gourmande plus décidée, qu'elle aborda la seconde mi-temps. Elle le prouva rapidement. Le temps de se remettre en place.

Skiba, en possession du ballon, descendait le long de la touche et "brûlait le signal Palluch" pour shooter au but aussitôt.

La balle passait devant la cage. Par miracle, Muller et Haan manquaient d'un cheveu la déviation et Molla dégageait, mais si faiblement que Stojaspal, sur le qui-vive, réceptionné et, tout seul, ajusté sentir comme dans une baraque foraine. De 15 mètres, le Viennois à la crinière de feu ajoutait le troisième but (47me minute).

C'était fini. À moins d'un miracle, le onze olympien ne pouvait éviter la déroute. Et les miracles ne sont pas en vente libre.

Feu à volonté

Maintenant la défense de l'O.M. s'affolait. Les terribles coups de patte de Stojaspal, les coups de bélier de Haan, la frénésie que toute l'équipe strasbourgeoise supportait à la destruction de son adversaire, inspiré presque la pitié, si l'on peut utiliser ce terme pour une explication sportive.

Et, comme pour saluer ce feu d'artifice du onze strasbourgeois, le soleil apparut dans le ciel de ce stade de la Meinau, empli des accents rudes et joyeux de la foule alsacienne. Dans ce stade qui - curieux contraste - était aussi glacé avec une banquise à l'heure du coup d'envoi, l'enthousiasme s'était installé. C'était devenu une manière de grande salle de fête un jour de kermesse.

Pendant ce temps, l'O.M. croulait sous les charges de l'équipe de Kaelbel.

Stojaspal était en pleine interprétation de son festival : un Tuscanini du football maître de son orchestre. La musique continua : attaques, contre-attaques, tirs de loin et de près etc...

le 5me but se préparait

Une balle retombant en chandelle sur un paquet de joueurs coups de tête de Muller qui donnait en retrait à Haan et le bolide de ce dernier arrêtait sa course dans les filets. Poncet venait encore d'être fusillé (70me minute).

5 à 0 !

L'O.M. toujours ankylosé, le moral complètement détruit, ne pouvait plus riposter.

Haan décidément dans un jour extraordinaire se déportait sur la gauche pour recevoir une ouverture impeccable de Stojaspal. Quelques mètres de course de nouveau shoot dans la foulée et buts. Le cinquième (78me minute).

Peu après, l'arbitre M. Miel accordé un penalty sévère à Strasbourg pour faute de Palluch sur Bruat. C'est l'Humpal qui shootait ce penalty et le manquer ce (80me minute).

Dans les dix dernières minutes, la marque aurait pu être aggravée à plusieurs reprises. Les occasions se succédèrent et se perdaient. La supériorité des Strasbourgeois devenait insolente. Il était temps de mettre un terme à l'aventure marseillaise en terre Alsacienne.

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Les Strasbourgeois ont profité pleinement

de la carence des joueurs phocéens

STRASBOURG - La défaite de l'O.M. s'explique en deux mots : carence générale. On ne peut, en effet, situer des responsabilités sur un ou deux joueurs, tout en soulignant, cependant, que seul Jean-Jacques Marcel et Poncet ont eu le rendement habituel. Le capitaine marseillais s'évertua en pure perte d'ailleurs à remettre de l'ordre dans ses troupes en même temps qu'il se porta en attaque chaque fois qu'il le put pour essayer de combattre la fatigue de ses avants. Il donna même deux occasions magnifiques à Durand et Mesas que, ni l'un ni l'autre ne surent exploiter.

L'équipe olympienne se chercha durant tout le match, pas une ouverture en profondeur, pas un changement d'aile pour désintoxiquer le porteur du ballon sur lequel s'agglutinaient les joueurs strasbourgeois.

En eut pensé, par exemple, que de longues ouvertures en avant par-dessus Kaelbel, auraient pu être exploitées par Rustichelli littéralement bouclé par le policeman alsacien, mais indiscutablement plus rapide que lui.

Cette dispersion des forces, ce non-respect de la place et de la zone de jeu les Strasbourgeois surent les mettre à profit. Ainsi vit-on fréquemment des trous énormes au centre du terrain. Cette faculté d'opérer librement qu'on leur donnait aux demis et aux inters strasbourgeois de confectionner un maximum d'assaut.

Côté alsacien s'est indiscutablement Stojaspal, Haan, Kaelbel, suivie de Hertrich, Schweitzer et Muller qui fournirent la meilleure production.

Stojaspal a été absolument remarquable. Son football d'une limpidité merveilleuse a été le foyer de la réussite de son équipe.

Kaelbel, grand capitaine revenu à une meilleure forme, était infranchissable. Et iI en fut ainsi à des degrés moindres mais toujours satisfaisants de toute l'équipe alsacienne.

Il convient donc de dire en résumé que Strasbourg en pleine réussite à d'autant mieux profitait de la situation que l'équipe marseillaise était bien en dessous de ses possibilités habituelles

L. D'APO

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Confidences olympiennes après la défaite

"Nous n'avons pas d'excuses"

STRASBOURG - Pas de curieux dans les vestiaires de l'O.M. On ne fête pas les battus. Nous ne sommes que deux ou trois avec MM. Alfieri, Arifon, Rolhion et leurs hommes.

On commente la défaite. Les joueurs parlent sans colère, sans excuse.

Roger Scotti assure que Strasbourg a réalisé une performance exceptionnelle. Ce n'est pas tous les jours que l'on joue comme on fait Stojaspal et ses hommes.

Jean-Jacques Marcel est très net :

"Que voulez-vous faire, ils étaient plus forts et nous n'étions vraiment pas dans le coup. De plus, je crois que nous sommes arrivés trop tard samedi soir à Strasbourg. Un jour entier de voyages et au lit à minuit, ce n'est pas indiqué.

"Mais quelle défaite ! Et Stojaspal en voilà un qui n'a pas les pieds attachés".

Penser, pour sa part, et ma foi il est mieux placé que personne, estime qu'il aurait pu encaisser deux ou trois buts de plus, et il ajoute : "On a vu d'autres équipes battues par 5 à 0 et en enverra d'autres".

Les jeunes Tivoli, Durand et Rustichelli sont silencieux. On les sent touchés, déçus.

Molla, dont nous vous signalons par ailleurs la profonde désillusion se demande encore si cette défaite est bien réelle.

Pour Palluch, c'est un concours de circonstances bien malheureux. Rien n'allait et, ce qui est grave c'est que rien n'avait pour tout le onze.

C'était juste le contraire du côté strasbourgeois.

Enfin, pour Rolhion, très éprouvé, cette défaite est inexplicable :

"Ils ont tous craqués. Nous étions toujours en retard sur la balle, dispersé, lents. Cette équipe décidément, a eu des résultats contradictoires au possible.

Dans le clan strasbourgeois, bien entendu en pavoise.

Stojaspal, que ses dirigeants étaient à deux doigts de mettre sur la touche, sourit en recevant les félicitations d'une foule d'amis qui se pressent autour de lui.

"L'O.M. joue un joli football, dit-il avec délicatesse, mais il est trop improductif."

Pour M. Schetrer, président du Racing, ce succès constitue le départ du redressement :

"J'ai été surpris par l'indolence du jeu marseillais. L'O.M. nous avait habitués à beaucoup mieux".

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A STRASBOURG, on dit :

Les Marseillais

auront leur revanche en "Coupe"

STRASBOURG - À Strasbourg, on ne va pas jusqu'à dire que les Marseillais ont abordé cette rencontre sans se soucier du résultat.

Le désespoir des Marseillais était beaucoup trop net pour être fin. Et d'une manière générale, la supériorité du team strasbourgeois a été si éloquente et sa réussite si parfaite, que l'on pense que n'importe quelle équipe aurait subi le même sort à la Meinau.

Néanmoins, on a pour habitude, dans les milieux sportifs d'Alsace, de craindre les réactions de l'équipe phocéenne. Aussi bien, les échos favorables à une prochaine victoire de l'O.M... en Coupe de France contre le même adversaire, dans 15 jours circulent tir en nombre.

"L'O.M. prendra sa revanche à Casablanca".

C'était le leit-motiv au siège du Racing club Strasbourgeois hier soir.

Mais, n'est-ce pas aussi une manière de consoler les battus avec des mots aimables ?

Pas un seul joueurs marseillais en effet a trouvé une excuse à la défaite. C'est avec beaucoup de dignité que tous ont accepté cet échec. Ils en furent pourtant très touchés.

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Jean MOLLA

a éclaté en larmes

dans les vestiaires

STRASBOURG - Jean Molla le jeune arrière de l'Olympique de Marseille, n'en pouvait plus quand il rentra dans les vestiaires. Il savait avoir mal joué et savait aussi qu'il supportait en partie le poids de cet échec. Et il ne put éviter une crise de larmes quand il vérifia l'étendue de la défaite.

Aussitôt, tous les joueurs et les anciens en particulier ceux confèrent autour de leur cadet.

Roger Rolhion, très paternel, simplement lui pris la tête entre ses mains et lui dit :

"Tu en verras d'autres petit, c'est ça le football".

Mais Molla malgré l'amitié affectueuse dont il se sentit endossé ne se calmait pas pour autant :

"Ce n'est pas possible répétait-il".

Ce petit drame sentimental propre aux jeunes ne prouve-t-il pas que l'actuelle formation olympienne a aussi ses élans au coeur et un esprit de corps qui nous plaît de souligner ?

Surtout après avoir été le témoin d'une sportivité à laquelle nous n'étions pas habitués.

 

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