OM1899.com

Résumé Le Provencal

du 16 décembre 1957

 

Au terme d'un match passionné illustré par les exploits de JENSEN

L'O.M. (courageux et efficace) a égalité avec REIMS (3-3)

QUEL scénario ! Cécil de Mille et H.G. Clouzot, aventurés dans ce stade, en seraient restés bouche bée. Le peintre des fresques cinématographiques aurait trouvé ce match à sa mesure avec les mouvements tour à tour passionnés, affectueux et coléreux de cette foule reconquise. L'homérique bataille du seigneur et du condamné l'aurait comblé. Il y avait des faits d'arme dans ce tournoi des maillots blancs et des maillots rouges, déchiquetés à la nuit tombante.

Clouzot, lui aurait trouvé des séquences de choix. Dans la furieuse explication qui suivit le but d'Andersson - à ce moment ou les joueurs confondent souvent la bonne foi et le mensonge ; dans la terrible colère de Rustichelli refroidie par des larmes ; dans ses silences ses "creux" que le onze marseillais provoqua quelquefois par faiblesse ; dans cette satisfaction enfin, satisfaction profonde et comme secrète que les vingt mille spectateurs goûtèrent au troisième but en se cachant du voisin.

Oui, pour la première fois, la première est sûrement pas la dernière de cette saison, nous avons eu un bon match, un vrai. Une explication qui, sans être un récital de haute technique, n'en fut pas moins un spectacle rassurant.

La preuve, en quelque sorte, que l'âme de ces footballeurs marseillais contient encore des ferments de rébellion, des ressources d'amour-propre et des élans que l'âge interdit peut-être, mais que la volonté autorise sûrement.

Le score de trois buts à trois nous importe peu. Ce qui prévaut à notre sens, c'est la fraîcheur, c'est le désir nouveau, cette application d'une tactique basée sur le courage et la condition physique, c'est la constance que tous - les onze - apportèrent dans cette entreprise trop activement jugée dangereuse.

Andersson ne marque pas, mais il se bat, il joue. C'est mieux que de voir inutilement piqué face aux buts avec ses souvenirs.

Marcel n'est plus Marcel. Il est mieux que cela, en n'étant plus que le N.4 destructif, constructif et infranchissable ou audacieux. Quant à Jensen, le "vieux", trois mots ont suffi pour lui rendre une verdeur que l'on croyait passer.

Bien sûr, tout cela n'est pas éternel. Les rides ne font pas crédit. Mais on peut toujours paraître jeune, l'espace de match.

Et c'est ainsi que l'O.M. a retrouvé hier, face au leader champenois, assez énervé d'ailleurs par les inconvenances du dernier classé, une attaque, mais oui, une attaque qui s'est montrée - ô curiosité - supérieure à sa défense. Du moins plus éloquente qu'elle ne l'avait été jusqu'ici à l'occasion de matches plus faciles.

On pourrait, bien sûr, dire aux Olympiens :

"Pourquoi n'avez-vous pas encore fait ce que vous avez fait hier ? " Et on le leur dira. La réflexion viendra de l'esprit de chacun.

Mais ne jetons pas un voile sur cette joie dominicale que le dernier but de Vincent troubla en fin d'après-midi. Caressons l'espoir de prochaines et définitives retrouvailles pour continuer à croire que l'arc-en-ciel qui se figea hier à 14 h. 35 au-dessus du stade était vraiment un signe.

À quelques jours de Noël, c'est toujours bon de croire aux légendes.

Lucien D'APO

----------------------------

Les Olympiens mènent par trois fois

mais se font remonter in extremis

Malgré l'optimisme des dirigeants marseillais, qui avaient fait installer en bordure du terrain des barrières utilisées seulement dans les grandes occasions, 19.983 spectateurs étaient présents au Stade Vel (ils assurèrent aux guichets une recette de 5.711410 francs), quand M. Mourat donna le coup d'envoi. Il pleut, le ciel est bas, menaçant, mais la foule applaudit longuement les deux équipes comme pour leur rappeler qu'elle attend un grand match.

Andersson crève les filets !

Le public, impatients se demandant quelles peuvent être les prétentions d'une équipe olympienne sans Curyl, mais ou Scotti joue, en est d'abord réduit à admirer la parfaite décontraction des rémois.

Une décontraction qui n'empêche pas Domingo de se distinguer en allant chercher la balle à deux reprises (alors que les hostilités ont commencé depuis 4 minutes) successivement dans les pieds de Ramon (Bliard ayant centré) et de Leblond.

À la 7e minute, Vincent affirme la volonté champenoise par un tir d'ailleurs imprécis.

Le stade en devient pessimiste lorsque (11e minute), Scotti alerte Leonetti, qui prolonge sur Jensen. Le shoot du Danois subit le même sort que celui de Vincent.

C'est à cet instant que le gardien visiteur Colonna touche la balle pour la première fois...

Voilà un stimulant pour les "Blancs". Leonetti descend à longues foulées, centre, mais Jonquet, calme, renvoie de la tête ; Scotti donne ce coup franc, Marcel reprend : à côté.

Les locaux s'organisent, se font pressants : à la 20e minute Piantoni tente de dribbler Jensen, échoue, et le centre de ce dernier parvient à Andersson, qui reprend. La balle est dans les filets.

On crie de joie. Les Marseillais s'embrassent. Mais les Rémois protestent, affirmant que le ballon est entré par l'extérieur, trouvant un passage dans un trou des filets !

M. Mourat désigne le centre, Batteux proteste, les Champenois aussi.

Bref, on perd cinq minutes, sans résultat tangible.

Égalisation cadeau

Le match reprend s'arrête (le temps de permettre à Reims de formuler des réserves).

À la 21e minute, Bliard réussit un centre dangereux, au ras de la lucarne et le "cuir" se promène devant Domingo, tant et si bien qu'à la 24e minute Gransart, sur shoot de Vincent, a eu une intervention assez peu nette. L'arbitre, décide accorder le penalty.

C'est l'occasion pour Domingo et Andersson d' "énervé" Bliard. Vainement : l'avant-centre rémois, en coin, à raison de Domingo, qui n'a pu que ce détendre pour la forme.

L'O.M. n'accuse pas le coup et semble au contraire y puiser des forces nouvelles : Scotti lance Jensen dans l'espace vide, le Danois transmet à Rustichelli, qui lui rend la politesse.

Contre toute attente, Jensen décroche un tir splendide et Colonna s'incline !

La pause arrive sur ce score.

Encore JENSEN...

La pluie continue quand on entame la seconde mi-temps. Tour à tour Andersson (48' et 52'), Piantoni (49' et 56') gaspillent des ballons puis à la 58e Johansson, mal placé, gêne Domingo. Cette mésentente permet à Bliard de surgir... et de marquer, mettant une fois encore les deux "onze" à égalité.

Pas pour longtemps : à la 66e minute Andersson rate la reprise d'un centre de Rustichelli. Plus heureux, Jensen bondit et catapulte la balle hors de portée de Colonna, en dépit d'un invraisemblable plongeon de ce dernier.

Reims fait le forcing et après avoir botté derrière les filets (69'), Vincent shoote à deux reprises dans les mains de Domingo, incapable de maîtriser la balle gluante (74').

Quatre minutes plus tard, Desruisseaux ayant centré, Vincent, opportun, bât Domingo de près, fermant la marque.

Un corner de Jensen à deux minutes de la fin, puis un tir lointain de Siatka que Domingo laisse échapper et le match se termine dans la grisaille et sous la pluie.

Georges LEOST

 ----------------------------

JENSEN

deux buts exceptionnels

homme du jour...

Du football, on peut dire ce que l'on veut, on peut épiloguer à perte de vue sur les styles, les systèmes, les méthodes, mais tout cela est de la littérature inutile si l'on perd de vue l'objectif essentiel : mettre la balle dans les filets de l'adversaire ! À cet égard, on peut dire que les spectateurs d'O.M.-Reims auront été satisfaits, puisqu'ayant assisté à la réussite de six buts, bien que certains aient été réussis de façon accidentelle... Une pluie fine n'ayant cessé de tomber avait vite rendu la balle visqueuse et la pelouse glissante. Aussi, les chutes furent-elles nombreuses, les contre-pieds et les contrôles incertains monnaie courante.

Malgré cela, les combinaisons plaisantes furent assez nombreuses, tout comme les départs en apparence irrésistibles.

Tout en admirant, de plus, le classicisme de ses combinaisons, il est évident que c'est le stade de Reims qui fut le plus souvent maître de ballon et du jeu au centre du terrain. Mais à l'abord des 16 mètres, ces dispositions prometteuses s'effritaient contre le mur de la défense olympienne, qui ne se désunit jamais et ne concéda des buts que sur des accidents de jeu, ne laissant pratiquement jamais les attaquants visiteurs se mettre en position de tir. Comme on sait que les Rémois ne firent pas au hasard et cherchent la position idéale, Domingo n'eut pratiquement pas de tir à arrêter...

Comme l'O.M. obtint deux de ses buts sur des tirs peu communs, oeuvre de Jensen, nous n'hésiterons pas à hisser le blond Éric sur le podium.

JENSEN, l'homme du match...

Il arriva parfois qu'un joueur soit en tel état de grâce et connaisse un jour faste... Hier était le jour de Jensen ! Son premier but, en biais des seize mètres, fut un modèle de puissance et de précision. Malgré que l'angle soit réduit, Colonna ne put rien pour stopper le tir. Le second, sur un contre admirable de Rustichelli prolongé acrobatiquement par Andersson, ne fut pas moins remarquable.

Au dehors de cela, Jensen fournit une bonne partie dans le jeu collectif.

En continuant par les Olympiens, les noms qui nous viendront les premiers sur le papier seront ceux de Roger Scotti, de Jean-Jacques Marcel et de Gunnar Andersson.

Le premier pour la démonstration qu'il fit, pendant une heure un quart au moins, qu'on ne fait pas mieux que lui au point de vue technique. Ensuite, sur la fin, il rata quelques passes, mais la visibilité était mauvaise et les conditions de jeu étaient de plus en plus défectueuses.

Le second, pour la présence constante qu'il manifesta en défense, pour des interventions très nettes, quelques longs services et pour la façon parfaite avec laquelle il appliqua des consignes défensives qui ne lui plaisent guère.

Enfin, Gunnar pour la façon admirable avec laquelle il lutta, pour quelques services avisés et pour la déviation sublime du ventre de "Rusti" vers Jensen, lors du troisième but...

Des autres, personnes ne joua mal. Mais Domingo ne fut pas exempt de reproches sur les deuxième - mésententes avec Johnson - et troisième buts - pas de sortie sur centre téléphoné de Desruisseaux -.

Gransart ne sut jamais qui marquait de Leblond ou de Vincent et la défense de zone n'implique pas la liberté totale laissée à l'adversaire.

Johansson fut empoisonné par Bliard et dupé, par lui sur le deuxième but. Molla fit de belles choses, il prend de l'assurance de semaine en semaine, c'est un défenseur, solide et avisé.

Ramon accomplit une excellente première mi-temps mais termina moins bien, sans pour cela être très blâmable.

Des autres avant, qui, en définitive obtinrent le nul alors que l'on comptait sur la défense, Rustichelli eut des départs admirables, mais n'en termina qu'un de façon parfaite, tandis que Leonetti, à l'aise semble-t-il sur terrain lourd, se montrait en progrès sur certaines sorties, malgré son impuissance à "faire face aux différences".

VINCENT et JONQUET

Des "messieurs"...

Chez les Champenois, Colonna fut fusillé par Jensen, sans que cela lui soit imputable. Des défenseurs, Penverne, pour son activité intelligente, et Jonquet pour son aisance souterraine, émergèrent très nettement. Zimny fut souvent inquiété par Jensen, tout comme Giraudo par Rustichelli.

Quant à Siatke, il ne se mit guère en évidence que par une brutalité commise sur Andersson.

Des attaquants, Vincent, pour la facilité insolente avec laquelle il opéra, mérite le numéro un. Mais pourquoi ce garçon, doté d'un pareil perçant, n'a-t-il pas appris à shooter ? Il serait irrésistible avec le punch...

Leblond, avec Vincent, fut l'animateur et le pourvoyeur inlassable de cette ligne d'attaque, dont Piantoni, jamais en position de tir, malheureux dans ses services, fut la déception.

Bliard plut par sa détermination, son obstination, ses qualités d'empoisonneurs de défense, tandis que Desruisseaux, effacé en première mi-temps, terminait beaucoup mieux, libéré du trac, et donnait le troisième but à Vincent.

En somme, un match disputé avec acharnement, fertile en l'incident, virile, aux rebondissements nombreux, fécond en buts... Ce qu'il faut pour amener le public au stade vélodrome...

Louis DUPIC

 ----------------------------

AVIS UNANIMES : CE FUT TRES DUR !

Dans le vestiaire olympien, ce n'était pas une joie délirante, peut-être parce que, ayant mené sans cesse au score, les locaux ressentaient cruellement la déception d'avoir laissé échapper la victoire.

Laissons la parole aux intéressés...

Jean Robin est satisfait de la nette amélioration du jeu pratiqué par ses administrés, de la bonne partie de Jensen, qui a imposé au sein de l'équipe, et quelque peu déçu par les fautes de défenses qui causèrent les deux derniers buts rémois...

Gransart protestait contre le penalty accordé au Rémois par l'arbitre alors que, de toute évidence, la balle était allée à son bras, l'action étant involontaire.

Gunnar Andersson, lui, reconnaissait que sur le premier but, la balle était passée par le filet... Mais l'O.M. a tellement besoin de points que ce n'était pas le moment de se montrer chevaleresque...

L'autre Gunnar, Johansson : "C'était difficile, difficile..."

Ramon, lui, s'était trouvé en pays de connaissance, ayant à faire au Ciotaden Desruisseaux. Il était satisfait de l'avoir, dans la plupart des cas, tenu en échec. Jensen n'est pas très bavard, mais on pouvait lire sur son visage sa satisfaction d'avoir était l'artisan du match nul réussi contre le leader.

Côté Rémois, c'était toujours le calme et la décontraction qui habitent le leader sur le terrain.

M. Germain estimait que les conditions atmosphériques avaient nui à la beauté du jeu... Mais que le résultat devait en définitive satisfaire les deux équipes...

Colonna fut mitigé contre l'arbitre qui avait accordé le premier but aux olympiens... Andersson a shooté sur le côté du filet, qui s'est déchiré, sous le choc... M. Mourat m'a accusé de l'avoir fait moi-même... Je ne suis pas un tricheur !...

Bliard pensait que Johansson lors du 2me but rémois ne pouvait intervenir, étant pris de vitesse par la balle mouillée qui fusait trop vite...

Vincent soupirait en décrottant ses chaussures : "Ce que nous avons pu courir, et glisser, et tomber".

Enfin, Piantoni regretté : "Aujourd'hui je n'ai rien réussi, ce n'était pas mon jour. Voilà tout !"

Comme d'habitude de nombreux anciens joueurs assistèrent à la rencontre. Il ne serait pas tellement original de reproduire individuellement leurs déclarations : MM. Pironti, Aznar, Jo Gonzales, consultés, auront des opinions identiques : "Jamais de cette saison nous avons vu l'O.M. pratiquer de cette façon. S'ils avaient toujours joué ainsi, les olympiens aurait bien plus de dix points"...

De plus, on a eu l'occasion d'assister à un match rapide, viril et indécis et à deux buts splendides de Jensen. Un bon après-midi...

Nous ne voudrions pas terminer, sans donner les impressions du jeune Desruisseaux, un presque voisin, puisque Ciotaden : "J'ai eu un trac terrible pour commencer et puis, ensuite, avec cette balle gluante, visqueuse, le jeu devenait difficile pour un ailier qui doit centrer en pleine course.

----------------------------

Roger Rolhion

personne n'a envie de les voir perdre !

Nous avons eu l'occasion de causer avec Roger Rolhion avant et après le match...

AVANT : "Personne n'a envie de les voir perdre... Sans cela, qui est-ce que nous verrions l'année prochaine ! Mais je me demande ce qui est arrivé à une équipe que j'estime supérieure à celle que j'entraînais avec des Curyl, Jensen, et Domingo, par exemple. Il y a des gens qu'on a "laissé vieillir" ! Et puis, certains qui regardent par terre et qui croient avoir inventé le football... Enfin, cela leur sera dur de ne pas perdre aujourd'hui !"

APRES : "C'est la glorieuse incertitude. Je n'avais jamais vu cette équipe aussi bien jouer. Jensen et l'homme du jour. Il a marqué deux buts splendides... mais j'ai beaucoup aimé Leonetti. Le terrain lourd lui convient. Enfin, un point précieux, un résultat qui leur fera le plus grand bien !"

Albert BATTEUX

n'était pas mécontent

Reims été favori. Il a obtenu le match nul après avoir toujours été mené au score.

Voilà pourquoi, en revivant avec nous les péripéties du match, l'entraîneur champenois Albert Batteux s'estima assez satisfait du résultat :

"Remarquer que, à mon sens, le faux but d'Andersson accordé par M. Mourat, nous a singulièrement handicapé, disait-il à son retour aux vestiaires, et je ne croyais pas que le penalty compensateur réussi par Bliard et entièrement remise mon équipe en selle."

"Nous avons mieux joué dimanche dernier, contre le Racing, l'O.M. nous a offert une opposition autrement sérieuse..."

D'ailleurs, Albert Batteux estime qu'il ne dirige pas une formation irrésistible :

"Elle a des hauts et des bas, comme toutes les autres, et malgré les deux buts de Bliard je considère que Fontaine nous a beaucoup manqué."

Puis redevenu entraîneur de l'équipe de France, Batteux nous donna son opinion sur J. J. Marcel :

"Il a bien joué, mais, prisonnier des consignes défensives, il n'a pu entièrement se manifester. C'est dommage pour lui".

  

Toute reproduction intégrale ou partielle des textes ou photos est strictement interdite.