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Résumé Le Provencal

du 24 février 1958

 

Pendant 90 minutes, le onze marseillais a tenu tête au leader du championnat

1 but pour l'O.M., 4 pour REIMS !

Une note un peu lourde pour les hommes de Zilizzi

(De notre envoyé spécial : Lucien D'APO)

REIMS (par téléphone) - Ce départ explosif de Curyl fit dressait le stade. On engageait à peine le match. Il pleuvait, il faisait froid. Mais Curyl, lui, avait chaud. La défense rémoise n'avait pas eu le temps de se retourner. Déjà '"Stan - Le Cosaque" l'assiégeait rageusement. Le tir fut immédiat. Il fit tressaillir Colonna avant de se prendre derrière les lignes.

Puis Alauzun, tout benoîtement, mystifiait Jonquet, Siaka, et lançait Bruneton. Un tout petit coup de pied à droite, et s'était au tour de Vescovali, qui, d'un centre impeccable, envoyait un ballon visqueux se promener sous le nez de Colonna. Scotti, avant-centre du jour, le manqua d'un rien. Tout cela en deux minutes.

Quel breuvage a-t-on donné à ses Marseillais, pour les rendre si menaçant ?

Mais ne perdons pas de temps. Voici de nouveaux Alauzun, qui, imperturbable, crochète et dribble dans un mouchoir. Oui Alauzun le maudit, l'homme dont on dit qu'il ne vaut pas un maravédis, est en train de faire de fort belles choses. Il lance Curyl, puis reprend la balle, redonne à Curyl, qui dévie sur Vescovali mieux placé et seul. Pour le jeune Corse, ce n'est pas l'heure des romances. Il bondit et fusille son compatriote Colonna, comme pour s'annoncer.

L'O.M. mène par un but à 0 après quatre minutes de jeu.

Zilizzi, sur le banc, ajuste ses lunettes. On fait la moue dans le camp rémois.

Mais alors, c'est sérieux !

Et c'est ainsi que Reims se fâche tout rouge. Avec pour maître de ballet Jonquet derrière, et Bliard, devant, la danse des avants champenois change de rythme. Bien sur, Gransart, d'abord, puis Palluch, ensuite, à deux reprises sauvent de dangereuses situations. Mais on joue vite des deux côtés.

Reims paraît cependant plus mobile. Mais l'O.M. serre de près et revoilà Alauzun qui lance Jensen. L'inter danois reprend dans sa foulée, mais manque son tir.

L'O.M. tient de plus en plus près une formation rémoise qui, de minute en minute, augmente le temps de sa production.

Curyl et Vescovali sont encore là. Plus bas, Marcel livra à Just Fontaine une bataille homérique dont souffre le prestige du buteur roi du championnat. Palluch sauve encore, alors que Bliard n'avait plus qu'à parachever une victorieuse série de dribbles.

Il y a une demi-heure que le quintette rémois essaie de perforer cette défense que dirige Marcel avec une éclaboussant autorité. Mais tout a une fin. C'est Bliard qui sonne la charge, après avoir trompé Molla et Predal, qui abandonne imprudemment sa cage pour une aventureuse sortie. Le goal marseillais parvient à frapper le premier la balle que Bliard adresser à Lamartine. Mais il ne fait que le repoussé dans les pieds de l'ailier rémois, qui canonne. Miracle ; Gransart, dans une détente désespérée, coupe le tir, mais la balle revient sur Piantoni, alors que Predal s'avance encore et donne à Lamartine. Cette fois, plus rien n'arrête la course du ballon, que Predal ramasse dans ses filets vides.

Égalité.

On tient bon quand même du côté marseillais, jusqu'à cette 33me minute, ou le même Bliard contournant tout son monde, parvient à centrer. Il y a plus que deux hommes, Gransart et Fontaine, à la réception. Gransart ne réussit qu'une reprise imparfaite, et Fontaine, à bout portant, obtient le second but.

Reims se débarrasse alors de ses nervosités de tout à l'heure et joue toujours aussi vite, mais plus posément.

L'O.M. fait pourtant jeu égal. Les contre-attaques de Vescovali, de Jensen lance fort bien, les déviations de Scotti, les coups de boutoir de ce Curyl, laissent penser que le "onze" marseillais n'est pas encore battu. D'autant plus que derrière, malgré quelques erreurs, l'ultime rempart ne cède pas, et Marcel s'impose sans rémission. Fontaine promène d'une touche à l'autre pour essayer de se débarrasser de ce gardien vigilant.

C'est sur ce score que l'on arrive à la mi-temps.

Il pleuviote toujours sur ce terrain gonflé comme une éponge. Dans la tribune, on bat la semaine, et dans les vestiaires, le signore Zilizzi "cause" sans aucune indulgence à ses hommes.

Nul besoin d'interprète. Les joueurs savent fort bien ce que veut dire Zilizzi dans la langue de Dante.

"Vous avez relâché le marquage, voilà le résultat".

Et Zilizzi réapparaît sur le terrain, derrière ses hommes, le front soucieux, les sourcils froncés.

Ça recommence par un tir de Bliard qui claque dans les mains de Predal. Ça continue par une percée de Curyl, et un bolide de Jensen. Puis une longue domination territoriale de Reims, qui cesse avec une offensive d'une remarquable qualité du trio Scotti - Curyl - Vescovali.

Reims mène au score, et n'apprend pourtant rien. Les deux équipes ont encore des chances égales. Les Rémois apportent peut être moins de volonté dans la lutte ; par contre, par l'intermédiaire de quelques-uns de leurs représentants les plus qualifiés, ils font comprendre à leurs adversaires que charbonnier est maître chez lui. Cette explication se fait à la hauteur des chevilles.

Mais c'est le football.

Ce qui l'est moins, ce sont les décisions de plus en plus curieuses du très honorable M. Devillers dont les interprétations du règlement méritent quelques retouches.

Palluch commence à lui dire son fait. Aïe ! Puis c'est Scotti qui emprunte au langage pagnolesque des expressions qui disent bien ce qu'elle veut dire.

M. Devillers réplique par des coups de sifflet purgatifs.

Mais il dépasse tout de même la mesure à la 15me minute de cette seconde mi-temps. Curyl s'est échappé. Il lance Vescovali qui tire violemment aux buts. Colonna manque la réception. La balle passe devant lui. Scotti surgit au moment même, où à terre, Penverne, presque sur la ligne de but, tient le ballon entre ses jambes et ne le rend plus jouable. Scotti essaie de lui subtiliser alors que Colonna tient les jambes pour plus de précautions. Scotti est ligoté. M. Devillers siffle et arrête le jeu. Dans l'esprit de tous il va accorder le but ou ordonner un penalty.

Que penser là ! C'est un coup franc contre l'O.M. qu'il décide, à la surprise générale.

Cette fois, les vingt-deux bras olympiens se lèvent au ciel. Scotti, broie, moud, puis avale sa colère la plus noire de sa vie.

"C'est l'égalisation, dira-t-il ensuite aux vestiaires et peut-être même la victoire. Croyez-moi".

Dès lors le ressort olympien semble détendu. Le marquage se relâche. La flamme semble s'éteindre sous la pluie champenoise alors que les contours la cathédrale commencent à s'estomper dans le fond du décor.

Jensen est touché par Penverne. Molla sauvera son attaque de Piantoni, et Marcel, tel un poilu, continue ; il se dresse dans la boue et renvoie tout. Mais ni les uns ni les autres ne pourront s'oposer à une fulgurante descente de Lamartine qui après plusieurs dribbles de haute valeur parvient à centrer. Fontaine, bloqué par Marcel, laisse courir la balle jusqu'à Bliard qui marque de près le 3me but (82me minute).

Le quatrième, d'une signification moindre - car le match et pour dire finit - c'est Piantoni qui l'obtiendra d'un tir éclair, consécutif à un centre de Fontaine, rabattu sur l'aile droite.

4 à 1 !

C'est évidemment beaucoup en guise d'addition pour ceux qui ont suivi le match.

Mais les chiffres n'ont pas toujours une valeur absolue. Il faut quelquefois savoir les interpréter.

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Deux hommes ont dominé le match

Jean-Jacques MARCEL et BLIARD

REIMS - Le stade de Reims a donc battu l'Olympique de Marseille.

En cela rien d'étonnant. La hiérarchie des valeurs et respectée.

Reims, néanmoins, ne nous a pas convaincus, loin s'en faut. Les circonstances favorables l'ont aidé pour atteindre le score de 4 buts, trop lourd à notre avis.

Certes, Reims occupa le terrain ; sa mobilité au centre, le meilleur ordonnancement de son football, peuvent impressionner l'observateur.

En regard, l'O.M., moins méticuleux, moins savant dans ses mouvements, se présenta de manière plus directe devant les buts. Les nombreuses contre-attaques marseillaises étaient plus vives par la grâce de Curyl et de Vescovali, et sa défense plus franche, plus nette, Jean-Jacques Marcel en particulier, Gransart ayant été, des trois défenseurs, celui qui commit le plus de fautes.

Comment ont-ils fait, alors, pour ne pas gagner, nous direz-vous ?

Première explication : l'O.M. joua le jeu pour le jeu après son but. Pas de béton, des ouvertures profondes que la réussite n'accompagna pas toujours. M. Zilizzi avait pour tant recommandé cette tactique dans le cas où l'équipe marseillaise marquerait la première.

Deuxième explication : le but ou le penalty que l'arbitre refusa à Scotti eut indiscutablement une influence sur le restant de la partie.

À partir de cet instant, l'enthousiasme des Marseillais semblait éteint. À deux buts partout, le combat pouvait encore retrouver l'intensité de la première mi-temps.

Côté moral, l'équipe marseillaise, jusqu'à l'incident précité, avait affiché la volonté et la même ardeur que face à Alès et à Saint-Étienne.

Un Alauzun améliorait

Les Marseillais qui, il faut bien le dire, pensaient à travers ce match de la rencontre de Valenciennes - une rencontre qu'ils estiment pouvoir gagner - ont confirmé, une mi-temps partout, leur retour en forme.

Ils ont beaucoup couru.

Mais la grande satisfaction viendra, une fois encore, de Jean-Jacques Marcel, le meilleur homme sur le terrain qui jugula Fontaine comme il avait fait de N'Jo Léa.

Marcel est aujourd'hui l'élément majeur de cette équipe où hier, à Reims, Mario Vescovali brilla d'un vif éclat avec Bruneton, qui prend de plus en plus d'assurance.

Les deux jeunes marseillais, aussi adroits et inspirés par leurs interventions, ont conquis le public rémois.

Avouons notre surprise à propos de Max Alauzun. Son contrôle de balle presque parfait et ses excellents services nous ont fait regretter la lenteur relative tant il est frappé.

En fin de rencontre, il déclina. Mais il avait néanmoins réussi à prouver qu'on pouvait finalement tirer quelque chose de lui.

Molla, Jensen, Palluch, Gransart - ce dernier avec deux fautes graves - Predal, Scotti, ont fait ce qu'on attendait d'eux.

À Reims, un très bon joueur : Bliard, celui qui "pensa" la majorité des attaques rémoises que Vincent, Piantoni et Fontaine parachevèrent avec plus ou moins de bonheur.

Lamartine fut indiscutablement le meilleur élément de la ligne offensive des Rémois.

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ILS ONT TOUS TIRE SUR L'ARBITRE

REIMS - Il fallait s'y attendre. Dans le vestiaire des Marseillais, les discussions s'entremêlèrent. L'arbitre - et lui seul - subit un massacre en règle massacre (en paroles, bien entendu).

Toutes les responsabilités le recouvrent.

Il est certain que M. Devillers a joué un rôle prépondérant au tournant du match.

Pour Yeso Amalfi, qui n'a pas joué, il y a deux solutions :

" L'arbitre devait accorder le but ou siffler un penalty.

"Il nous a absolument encaissé : et mérite trois colonnes de critiques dans tous les journaux de France et de Navarre".

Ce qu'il nous recommande, ainsi qu'à nos confrères présents, dans son inimitable accent.

Alauzun, dans son coin, et silencieux :

"Tant qu'il y aura du football, il y aura des arbitres. Prenons en notre parti".

MOLLA : "Moi je n'ai jamais vu ça et vous ?"

CURYL : "Le signor Silésie a raison. Nous avons eu tort de ne pas jouer une tactique différente lorsque nous avions l'avantage. On ne fait pas de largesses à Reims !"

PALLUCH : "si l'arbitre et de notre côté, le résultat est inversé. Reims été hier à parfaitement vulnérable. Ce score de 4 buts n'a qu'une signification relative.

"Il ne faut pas croire que les Rémois sont des "agneaux". Et dire qu'ils détiennent le titre de l'équipe fair-play !"

M. ZARAYA : "Je n'ai pas à revenir sur la faute très grave de l'arbitre à l'occasion de la phase qui aurait pu nous rapporter un second but. Mais j'ajoute que le troisième but vient d'une main flagrante. Ces quatre buts, c'est beaucoup trop cher !

"Hier à Reims, on ne pouvait pas gagner. C'était tout ce que j'ai à dire."

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UN MAUVAIS MATCH, ET JE NE SUIS

PAS CONTENT déclare Batteux

REIMS -"L'équipe marseillaise s'est fort bien défendue. En première mi-temps surtout. Mais en ce qui concerne les hommes, je ne suis pas content. Ils ont fait un mauvais match".

Pour Piantoni qui discutent peu ils simplement satisfait par le but qu'il a marqué et qui l'a rassuré quant à la qualité de son shoot.

Jonquet en a attendu d'autre. Les plaintes des marseillais ne sont pas pour l'émouvoir, "C'est normal, et pas discutable", dit-il.

Colonna assure : "Notre équipe est fatiguée par tous ces matchs successifs. Il y a eu de mauvaises passes, beaucoup de balles perdues". De l'incident il n'en parle pas.

Enfin, le jeune ailier Lamartine, l'une des futures vedettes rémoises est beaucoup plus catégorique :

"Si nous avions joué normalement, nous aurions marqué six buts !"

Voilà de quoi supprime rtous les regrets que pourront formuler leurs adversaires marseillais.

Quant à M. Germain, parfait président et parfait gentleman, il se contente de dire : "Bon", qu'il répète en apprenant la défaite de Monaco.

Mais il y avait dans les vestiaires marseillais quelques bouteilles de champagne brut. En quelque sorte, une manière de s'excuser d'avoir gagné.

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SCOTTI : "On m'a empêché de jouer

cette faute d'arbitrage est grave !

REIMS - On pense qu'une nuit de repos aura étouffé ce matin la colère de Roger Scotti. Celle qui s'empara de lui, hier vers la 60e minute de ce match de Reims. Nous vous relatons par ailleurs cette phase précise du jeu.

"Oui, on m'a empêché de jouer régulièrement la balle. On ne m'a pas permis de pousser dans les filets cette balle que Perverne, à terre, bloquait entre ses jambes. Après l'avoir extirpée, Colonna, qui ne pouvait la saisir, m'a proprement plaqué aux jambes et ne me lâchait pas.

"Tout cela, croyez-moi aurait changé la face du match. Je ne discute pas la valeur des Rémois. Ils nous sont supérieurs, mais hier, nous avions notre chance. Je m'élève contre une décision injuste de M. Devillers, contre une faute d'arbitrage que j'estime très grave".

 

 

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