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Résumé Le Provencal

du 17 novembre 1958

 

Dans le brouillard de Lorraine, le onze olympien audacieux

et courageux a confirmé sa résurrection

L'O.M. et PERI éblouissant

Arrachent le match nul à NANCY (2-2)

(D'un de nos envoyés spéciaux : Lucien D'APO)

NANCY (par téléphone) - Un jour de novembre c'est toujours triste. Et en particulier dans l'Est. Dans ce crachin, cette froidure et cette ambiance si peu accueillante, onze joueurs marseillais ont néanmoins éclaté de joie, hier, en fin d'après-midi.

Ils étaient venus jusqu'ici à un bout de France pour réussir la deuxième manche de leur revanche. Cette revanche qu'ils ont entrepris de prendre seuls, malgré les difficultés, et en essayant de forcer le destin.

Après Nîmes, c'était Nancy. La partie était tout aussi difficile en face d'une équipe dont la ténacité n'est pas l'arme la moins acérée.

Pour l'O.M., s'agissait d'aborder ce nouveau combat avec la volonté d'un challenger. Cette volonté, les onze olympiens l'ont exprimée hier à Nancy avec une telle force que nous n'hésitons pas à croire à leur résurrection future. Car leur match fut un bon match. À deux reprises tout au long de ces 90 minutes menées tambour battant, leur désir d'échapper à un nouvel échec secoua si vivement l'équipe qu'elle égalisa coup sur coup en réplique aux buts nancéiens.

Le match commença sur une attaque de Deladerriere frétillant et ondulant à souhait. Ravitailleur de premier ordre "Petit Léon" fit l'impossible dans les premières minutes pour donner à ses avants la balle de but. Mais il y avait chez ces derniers trop de recherche pour obtenir la bonne position. Si bien que la défense marseillaise, plus prompte, parvint, non sans peine, à écarter le danger.

Les vaines tentatives

de DELADERIERE

Cela pour le petit quart d'heure. Mais il y avait les autres. Deux autres, pendant lesquelles Nancy enfin trouva plus de champ à ses actions. Du fond de sa ligne d'attaque, Deladerriere entreprit alors de planter dans la défense adverse des attaques aussi franches que bien inspirées. Hélas pour Deladerriere et son quatuor, il y avait certes une défense mais aussi et surtout Pierre Péri. Un Péri éblouissant, d'une audace extrême, et qui par dix fois, montra aux avants nancéiens un ballon qui tenait au creux de ses mains au moment même où ces derniers espéraient au fond de ses filets.

Nous ne nous étendrons pas sur cette première mi-temps qui fut à l'avantage de Nancy et que Péri, pour tout résumer, laissa sur un score nul.

Mais nous n'avons vu que le début de l'extraordinaire numéro du goal marseillais. Cette mi-temps était bien nécessaire pour reprendre notre souffle.

Un spectacle

Revenons donc au terrain pour la deuxième mi-temps. Nous y sommes. Il y a du brouillard. Col relevé, gants aux mains, on se croirait à Highury.

Là-bas, les Marseillais attaquent franchement. C'est Tillon d'abord qui centre, Touré loupe la balle et laisse à Vescovali, seul. Excès de précipitation du jeune ailier marseillais, et Nagy cueille la balle au milieu des buts. Les Lorrains s'énervent. Les Marseillais, eux, semblent peu disposés à laisser une marge aux hommes de Gérard. Les voilà intransigeants. Leonetti, qui s'infiltre comme une anguille, et Oliver très entreprenant, multiplient les attaques. Ce n'est pas du goût des Lorrains, qui reviennent à la charge, collent, s'animent et profitent de la blessure de Leonetti pour s'installer devant les bois de Péri.

Une erreur de Molla, puis d'Alauzun, et Jubert, l'avant-centre très remuant des Nancéiens fusillés Péri. Il le croit du moins, car Péri a bondi comme un léopard pour arracher littéralement la balle. Nouveaux assauts de Nabat, celui-là, Péri plonge et arrête. La pression des maillots rouges ne se relâche pas. Dans le stade les acclamations montent, enflent et éclatent. Elles sont adressées à Péri qui pare, écarte et arrête tout. Énumération de ses arrêts est impossible durant ce quart d'heure pendant lequel Péri vient de sauver son équipe. Et, comme pour parachever ce numéro de haute voltige, il réussit un sensationnel doublé sur la même balle que Marcel déjà de la tête avait superbement renvoyée.

L'orage est passé. Plus exactement le ballon a enfin quitté la surface marseillaise.

La ligne d'attaque phocéenne s'organise beaucoup mieux et, au moment ou l'on ne s'y attendait le moins, Templin échappe à Alauzun. Il centre sur Jubert, qui reprend de la tête avec force. Péri, pris à contre-pied, parvint néanmoins à se redresser. Il sort la balle des buts, mais trop tard le point est acquis.

Six mille spectateurs poussent un soupir de soulagement qu'Eschman abrège immédiatement. Car les Marseillais touchés dans leur amour-propre, se ruent tels des forcenés sur le but lorrains. Ils obligent la défense a cafouillé, à si bien cafouillé d'ailleurs, qu'Eschman adroit et lucide, glisse la balle d'un tout petit coup de patte dans les buts que Nagy à abandonnés.

C'est légalisation, trente secondes après le but lorrain.

Un bolide de LEFEVRE

Tout cela s'est passé entre la 64e et la 65e minute. Il ne faudra attendre que quatre minutes pour que sur une percée de Valentek, Jubert réussisse à donner à Lefevre qui, en pleine course, reprend de volée et d'un bolide obtient le second but (69e minute).

Tout pourrait se terminer là. Mais ce n'est pas du goût des hommes de Célestin Oliver. Et l'on voit Leonetti que sa blessure n'a pas diminué, s'avancer avec une technique consommée dans les lignes lorraines. Il donne une balle splendide entre Colot et Scholhammer. Tillon et Vescovali s'engouffrent dans le même trou, superbement creusé, nous l'avons dit par Leonetti. Il ne reste plus que Nagy devant les deux Marseillais. Tillon contrôle dans sa course et vient de très près battre le goal nancéien impuissant.

Le but égalisateur, une minute encore après le second but lorrain (70e minute), les Nancéiens en restent suffoqués, pendant que les Marseillais décidément très gourmands, continuent et cherchent le point de la victoire.

C'est toutefois Nancy qui menacera le plus dangereusement encore pendant quelques minutes. Mais il y a Péri, un Péri dont la fulgurante audace découragerait onze hommes à la fois. C'est ce qui se passe, car le team lorrain fini par céder, malgré une dernière tentative de Jubert.

Et là encore il y avait Péri plein de boue et de coup, mais glorieux.

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Les Olympiens sur la voie du renouveau

Avec le prodigieux PERI, GRANSART, LEONETTI, OLIVER... et tous les autres

NANCY (par téléphone) - Ce qu'il y aura donc l'essentiel à retenir de ce draw de Nancy, c'est la faculté de récupération de la condition physique de l'équipe marseillaise.

On l'accusait de ne point se battre : Elle s'est admirablement battu.

On l'accusait de manquer d'esprit tactique, elle en a fait montre en seconde mi-temps, au moment même où tout allait mal pour elle.

Pour l'entraîneur Moreira, ce nouveau match nul est une satisfaction. Il confirme sa thèse. Il ratifie sa formule de préparation, dont tout un chacun disait qu'elle était excessive.

Au football assez mobile des Nancéiens, l'O.M. opposa une tactique prudente, certes mais qui laissa néanmoins aux pourvoyeurs de l'attaque de nombreuses latitudes pour préparer à leur tour l'offensive.

Le tout composa un match assez agréable, en seconde mi-temps surtout.

Le public lorrain ne s'y trompa pas et sut d'ailleurs applaudir les bonnes choses, aussi bien d'un côté que de l'autre.

Nous avons dit que la première mi-temps fut moyenne quant à la qualité de jeu. Par contre la seconde période nous réserva des mouvements précis, à base d'une bonne technique.

Pierre Péri fut le grand homme de ce match et cela avec une telle maîtrise, une telle audace que l'on peut sans erreurs assurer que ce fut l'une des meilleures parties réalisées par un gardien de buts olympiens de ces dernières années.

Gransart et en ce moment dans une condition souveraine. Il rattrapa pas mal d'erreurs de ses camarades, tout ça remplissant sans faiblesse son propre rôle. Donc Gransart, excellent.

Il y a aussi de bonnes choses l'actif d'Alauzun.

Marcel, après s'être offert quelques fantaisies, ne se dressa pas moins avec autorité devant l'attaque nancéienne. Il fit montre d'un courage extrême au moment décisif de la rencontre.

Du très bon Leonetti, instigateur du second but et partout à la fois.

Molla, plus faible que son coéquipier de l'autre côté, doit se reprendre.

Dans la ligne d'attaque, Oliver a couvert un terrain énorme, lancé de nombreuses attaques, imposé sa présence et, tout compte fait, a signé un de ses meilleurs matches sous le maillot blanc.

Tillon, à côté de quelques hésitations est en progrès, de même que Vescovali, qui eut pu obtenir un but vainqueur avec un peu de réflexion.

Eschman, actif, a shooté au but. Il a eu beaucoup de constance. Il n'a pas marchandé ses efforts.

Tourré, lui, était visiblement gêné sur le terrain gras. Il est beaucoup mieux d'ordinaire.

Nancy un jeu séduisant. Jubert, Deladerriere, Lefebvre et Collot en sont les armes maîtresses.

Les arrières ont commis de nombreuses fautes, et en particulier sur l'attaque décisive de Leonetti.

Ce fut un match correct, viril, certes, mais sans ces petits accrochages qui déshonorent le championnat.

Une bonne journée en somme, pour les Marseillais, qui ont fait une autre promesse dans les vestiaires lorrains : cette promesse appelle le Racing.

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André GERARD, entraineur de Nancy :

"En football, on ne temporise pas impunément"

(D'un de nos envoyés spéciaux : André HATCHONDO)

NANCY - Bien entendu, les Olympiens n'avaient aucune raison d'être mécontents. Aux vestiaires, le vent était à la plaisanterie.

Modestement les ironiquement, le "prophète" Célestin Oliver nous fit remarquer :

"Je m'excuse de m'être trompé d'un point dans la somme des pronostics concernant les rencontres de Nîmes et Nancy. Enfin !... Ça n'est pas mal tout de même !"

Mais il enchaîna en s'adressant à Tillon, sur le ton espiègle :

"Dis, tu ne vas pas nous parler de ce but pendant cent ans !... Mon gosse l'aurait marqué !"

Il nous adressa en même temps une oeillade.

Jean-Jacques Marcel, de son côté, surenchérissait :

"Ton gosse ? Tu veux dire que ma fille aurait marqué ce but !"

Louis Maurer était heureux tant du résultat que de la forme physique satisfaisante qu'affichent ses hommes.

"Ils tiennent 90 minutes, maintenant !"

MM. Zaraya et Martinelli exultaient :

"Notre redressement est amorcé", constatèrent-ils avec un ensemble bien touchant.

Prudente réserve. Voilà l'expression qui convient pour décrire l'atmosphère des vestiaires nancéiens.

L'entraîneur Gérard n'a pas perdu son accent chantant bordelais. Ses premières paroles furent ponctuées d'exclamation :

"La situation est de moins en moins claire ! Le championnat de plus en plus difficile ! Je donnerai une part de mon salaire pour connaître la position des clubs au classement du dernier jour ! Il y a douze ou treize équipes qui sont menacées ! Pas une, je le maintiens, douze ou treize !..."

Il ne cache pas à son entourage qu'il est déçu. Non pas que ses joueurs l'aient encouragé en se montrant plus inférieurs hier qu'aux dernières sorties. Non, ils ont joué ardemment. Peut-être leurs tirs était-il plus mous que d'habitude...

En réalité, ils ont temporisé, et en football, on ne temporise jamais impunément.

Alors ? Et bien ! Disons que l'O.M. c'est trouvé là où il le fallait au bon moment et qu'il mérite mieux que cette dernière place.

Petit Léon Deladerriere acquiesça lorsque son mentor en arriva à cette conclusion :

"Le score du match est correct. Les spectateurs, je pense en ont eu pour leur argent. Je suis personnellement navré de n'avoir pu décrocher ce deuxième point qui aurait fait notre affaire. Peut-être avons-nous tiré au but plus que nous adversaires. Peut-être n'avons-nous pas eu finalement leur réussite... Mais c'est cela, le football. Il y a toujours un côté de... poker.

Nous laissâmes Petit Léon à ses réflexions très logiques.

En franchissant le seuil de la porte des installations quelque peu vétustes du stade de Nancy, nous aperçûmes dans le chemin boueux longeant les tribunes MM. Zaraya et Herlory, personna grata de la 3 F et président du F.C. Metz, en pleine discussion. S'agissait-il de "affaire administrative" de l'O.M. ? Pas du tout ! Des brides de phrases comme : "S'il faut vous le prêter et pas le transférer..." prononcées par la personnalité messine, nous confirma que cette discussion était axée sur le cas Moresco, discussion dont nous vous rapportons tous les propos par ailleurs.

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MORESCO va-t-il être prêté à l'O.M. pour un an ?

NANCY - Moresco, Cannois d'origine, ailier ou plutôt avant-centre de métier (et par goût), hantait les vestiaires de l'O.M. avant et après le match.

Tandis qu'Olympiens et Nancéens soumettaient leurs corps rompus à la bienfaitrice douche chaude, Moresco arpentait nerveusement le sol, à quelques pas de MM. Herlory, son actuel "patron" et Zaraya, qui s'entretenaient justement sur son cas.

Nous l'avons questionné :

- Que se passe-t-il ?

- J'en ai assez de Metz. Je ne m'habitue ni au climat ni aux moeurs de cette ville, ni à l'ambiance du club. Ma femme tout comme moi est Cannoise. Elle en a tellement assez qu'elle a rallié la Côte dès samedi. Je vais donc me retrouver tout seul aujourd'hui dans l'Est. J'ai le cafard. Ah comme j'aimerais que des accords me permettent de m'installer à Marseille !

Plus tard dans la soirée MM. Zaraya nous fit port des détails de l'entretien qu'il eut lieu avec le mécène messin.

"J'ai souligné qu'en aucun cas il ne pouvait être question d'un transfert, mais seulement d'un prêt. Il est d'accord sur le principe : prêt pour un an avec bien entendu, l'option. Il m'a fait des propositions.

"Je lui ai fais des contre-propositions. Nous en sommes restés là. Aujourd'hui, à midi, nous réglerons définitivement l'affaire par téléphone."

 

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