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Résumé Le Provencal

du 05 janvier 1959

 

Pendant soixante huit minutes, SCHAEFFER tint tête aux avants marseillais

LES EFFORTS DE TILLON ONT ABATTU VALENCIENNES

L'O.M. arrache en seconde mi-temps un succès légitime (3-1)

Peu de monde au Stade Vélodrome : l'O.M. qui joue encore en bleu opéra en première mi-temps avec le vent dans le dos ce qui les aidera à s'installer dans le camp adverse.

Malgré cela, c'est le petit Baulu qui poussera les premières attaques pour V.A. Sur l'un de ses centres à la 7me minute, un raté de Marcel permettra à Lubiato de tirer... dans le virage. Une seconde action du n.7 nordiste sera interceptée par Fischbach

Tillon et le premier Marseillais a inquiété Schaeffer. Abattu par Provelli à la 12e minute, il tire de trop loin trente secondes plus tard puis à l'infortune, alors que s'achève le premier quart d'heure, de voir son tir, excellent, rabattu au sol par le dessous de la transversale ! Pas de chance...

Coup de théâtre !

Alors qu'on vibre dans les tribunes le petit Stako expédie vers Liron un long centre que l'avant-centre visiteur amortit magnifiquement et glisse dans les filets... Fischbach n'a pas bougé et V.A. mène 1 à 0 !

C'est encore Tillon qui forcera Provelli à concéder un corner, et Cauwelier à sauvé devant Touré et Oliver bien lancé par l'ex-Sedanais. Celui-ci ne s'en tiendra pas là...

Farmanian échoue...

A la 29e minute, Pierre Tillon sollicite d'une façon parfaite son ailier droit Farmanian qui échappe à Fabro, mais tire de près au milieu de la cage... ou se trouve Schaffer.

Rien de notable ne se produira jusqu'à la 39e minute. On notera toutefois que Touré est extrêmement délaissé à l'aile gauche ou il ne touchera pas plus de 4 ou 5 fois la balle.

À la 39e minute, un coup franc de Farmanian sera repoussé de la tête par Provelli sur Touré qui surprit donne littéralement la balle à Schaeffer.

Une ouverture de Tillon contraindra peu après Fabro à concéder le 2me corner du match et c'est la mi-temps qui survient.

Lorsque les équipes reviennent sur le terrain le vent a encore fraîchi. Le ciel s'obscurcit et la pluie commence à tomber. Tillon porte encore les premiers assauts suivi de Touré qui, se déplaçant vers le centre, assène coup sur coup deux bons tirs dont le second, à la 55e minute est envoyé par le montant du but de Schaeffer.

La pluie tombe maintenant drue et glacée.

Un rush de Gransart !...

Dans la tourmente, Gransart monte à l'attaque. Sa passe à Célestin Oliver traverse la défense nordiste et le capitaine marseillais bat habilement Schaeffer d'un petit coup de patte inattendue à la 58me minute.

De véritables rafales s'abattent sur le stade et tout le monde souffre visiblement.

Pour Farmanian le second

point

Depuis quelques instants, Chicha est passé à l'aile gauche, alors que Touré est placé au centre aux côtés de Tillon. À la faveur d'un coup franc, Chicha adresse une balle très tendue qui passe à travers tout le dispositif défensif des Valenciennois. Farmanian en hérite et il trompe Schaeffer d'un tir croisé très habile qui donne l'avantage à ses couleurs à la 68me minute.

Les visiteurs s'aperçoivent un peu tard qu'ils ont sous-estimé les possibilités de leurs hôtes et ils se ruent à l'attaque.

Dix minutes pénibles

Dès lors les Olympiens connaîtront des moments difficiles. À la 69me minute, un centre tir de Baulu est dévié par Fischbach sous la transversale, ce qui crée un cafouillage indescriptible. L'instant d'après, il se rachète en stoppant un tir terrible de Stako.

Alauzun concède un corner à Baulu et Marcel, dans les secondes qui suivent l'imite et faillit même battre Fischbach. Les accrochages se multiplient, entre Alauzun et Lubiato notamment et M. Lequesne siffle beaucoup de coups francs.

Marcel concède encore un corner qu'Alauzun dégage bien. Alors que V.A. domine, c'est encore une fois la contre-attaque qui est payante.

Le plus beau but

Tillon récupère une balle venue de sa défense approximativement vers la ligne médiane, et il s'en va à grandes enjambées sur la gauche poursuivi vainement par le jeune Balaguer, qui ne le rejoindra que sur la ligne de but. Trop tard, car son centre très précis est parti.

Célestin Oliver le convertira en un but extrêmement classique en plaçant la balle dans le coin supérieur gauche de l'intérieur du pied.

Le match est joué.

Nous sommes à la 82e minute. Rien de saillant de ce produira en dehors d'une course splendide du petit Baulu, terminé par un tir croisé à côté.

L'O.M. a gagné légitimement son quatrième match de la saison.

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TILLON le berger

À la mi-temps sous cette tribune Jean Bouin ou, le dimanche, s'organise "in pette" la plus pittoresque des "tribunes libres", n'avait pas assez d'adjectifs évocateurs pour traduire leur sentiment du moment.

Il usait largement de ces comparaisons qui font entrer les footballeurs marseillais dans la même famille que les plus gras bovins de France. Les plus sévères allaient jusqu'à les ranger dans cette catégorie de ruminants que notre bon Daudet à tout de même magnifiés aux côtés de M. Seguin.

Il en est ainsi de ces acharnés qui s'encolèrent, conspuent leur équipe et la réduisent au néant, sous le feu roulant de leurs implacables appréciations.

Le temps d'une mi-temps, dirons-nous.

Car il fallait voir, les mêmes, quelques minutes plus tard.

Les invités au combat, hurlées avec les accents de l'affection, avaient fait place aux sarcasmes.

Il semblait que ce match, rendu hallucinant, et par l'enjeu et par son décor wagnérien de pluie froide, d'inquiétante grisaille et d'émotion, il semblait bien disons-nous, que ce match, le public des gradins et celui de la "tribune libre" le gagnait avec son équipe.

Les remous de la déception transforment quelquefois les âmes, et en particulier celle des sportifs. Alors ces derniers n'eurent de cesse que lorsqu'ils eurent trouvé leur berger pour les conduire sur le chemin du salut, il était blond, éloquent, volontaire, admirable attaque en, noble dans ses gestes, sur ou presque de ses destinées, il s'appelait Pierre Tillon.

Il osa entreprendre avec la complicité de son voisin Célestin Oliver, ce que tout le monde souhaitait sans y croire, il réclama d'abord l'aide de invulnérable Gransart, puis celle de Marcel, de Touré et des autres. Et quand il les eut tous sous la houlette, il les lança, sous l'averse vers l'égalisation, puis la victoire.

Oui, Pierre Tillon a été hier l'âme de cette ligne d'avants qui sans talent, sans franche méthode cherche toujours et sa personnalité et son fil conducteur. Ce que le football bien conçu refuse à ce quintette, il essaie de le compenser par l'exploitation profonde de ses vertus morales.

Mais est-ce bien suffisant.

Valenciennes n'était pas un foudre de guerre... et l'O.M. n'en est toujours pas un.

Alors, on veut continuer à croire qu'il y aura jusqu'à la fin de ce chemin de croix un berger comme Pierre Tillon ou un autre, pour guider la caravane et sortir de cette longue nuit.

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En le forçant à jouer à terre

pluie et brouillard ont sauvé l'O.M.

que le mistral avait condamné

(Les commentaires de Maurice FABREGUETTES)

Les joueurs - conspués à la mi-temps et fraîchement applaudis en fin de rencontre - ont droit à quelques excuses.

Par un caprice du temps, la partie s'est jouée en deux épisodes très distincts, on pourrait presque dire dans deux régions totalement différentes.

En première mi-temps, nous étions à Marseille par violent et tourbillonnant mistral. En seconde mi-temps, les 22 infortunés joueurs se trouvèrent brutalement transportés en Bretagne, quand souffle le vent "qui vient du large avec les flots".

La défense sur terrain lourd

Le plus curieux est que les Nordistes l'emportèrent à Marseille, et que les Marseillais prirent nettement le dessus durant les trois quarts d'heure de brume et de crachin.

La raison en est assez simple. Menant à la mi-temps par 1 à 0 grâce à une seule contre-attaque heureusement terminée par Liron, les Valenciennois crurent qu'ils pourraient conserver ce mince avantage jusqu'au bout, en fermant le jeu à outrance.

Or ce qui est à la rigueur possible sur terrain sec et par mistral, est pratiquement irréalisable quand le terrain est lourd et la balle fusante.

En première mi-temps, les Marseillais dominant de façon brouillonne, n'avaient pu se rendre maître des éléments et par suite du ballon que trop rarement.

Résultat : deux occasions de tir seulement, ratées de très peu par Tillon d'abord et Farmanian ensuite.

"À terre ! À terre !..." entendîmes nous dire pendant la pause, dans le coin des vieux techniciens.

La pluie et la balle pesante contraignirent les Olympiens à suivre ses sages conseils... et l'on connaît la suite !

Trois buts, dont un (le dernier) remarquable dans sa conception et sa réalisation.

Ajoutons-y aussi, le passage de Touré au poste d'inter. Un passage qui, nous le souhaitons, deviendra définitive.

Valenciennes : un faible adversaire

Nous n'allons pas, pour autant, conclure en disant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes olympiens.

Ce succès, mérité, précisons-le, aura deux effets heureux : effacer complètement l'échec de Nice et rapporter à l'O.M. deux points on ne plus précieux.

L'espoir demeure, mais on ne peut se dissimuler la faiblesse de cette équipe de Valenciennes, dont les meilleures qualités semblent bien être le souffle et le courage.

Si l'on excepte quelques services longs de Stako et la meilleure veine, l'habilité de Baulu et le sens du "décrochage" de Liron, le reste fut, tout au plus, du niveau de la moyenne deuxième division.

Tillon, Gransart... et Marcel

L'O.M., de son côté, si l'on veut bien le juger sur l'ensemble des deux mi-temps et faire la part du mistral et de la pluie, a joué un match courageux, mais honorable sans plus.

On a surtout noté la confirmation des progrès de Tillon, les bonnes dispositions de Gransart, la classe et la facilité déjà connue de Marcel, l'adresse sur les reprises directes d'Oliver et la puissance au service d'une technique non négligeable de Touré.

Fischbach, très peu sollicité, fit alterner un loupé et un arrêt salvateur sur tir de Stako ; Alauzun était en petite forme ; Leonetti et Molla furent moyens, et Chicha fit preuve d'une louable bonne volonté.

Quant à Farmanian, si son jeu n'est pas spectaculaire, il eut le mérite de marquer son deuxième but en trois rencontres.

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Maurice GRANSART nommé

Super capitaine de l'O.M.

A Nice, M. Zaraya évoquait l'époque glorieuse de l'O.M., qui savait faire front aux rivaux dans les moments les plus difficiles, par la grâce d'hommes au coeur bien trempés.

Les noms de ses joueurs, capables de fustiger leurs coéquipiers d'un coup de gueule, surgissaient du passé : Bruhin, Bastien, Rodriguez, lequel n'hésita pas à user de sa voix et à botter les fesses de Nagy un jour ou il estimait que l'ailier manquait de combativité...

M. Zaraya s'inquiétait de ce que les deux internationaux Oliver et Marcel malgré tout leur talent, n'eussent pas ce caractère d'animateur au moment psychologique d'une rencontre.

En passant les effectifs actuels en revue, il ne trouvait cet enthousiasme commutatif que chez Gransart, force de caractère d'autant appréciable qu'elle prend sa source chez... une force de la nature, que craignent les adversaires quels qu'ils soient.

L'expérience a eu lieu, avec l'accord de l'entraîneur, de Célestin Oliver et de Jean-Jacques Marcel, hier, devant Valenciennes.

Gransart a été nommé super capitaine avec un rôle précis : raviver la flamme olympienne chaque fois qu'elle vacillera...

Maurice n'est pas un garçon à se laisser intimider par ces nouvelles responsabilités. Vous l'avez vu : il n'hésite pas à donner l'exemple en montant, contre le vent, à l'assaut des buts gardés par Schaeffer.

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Dans les vestiaires

Le choeur olympien :

"Que d'émotions !"

(André HATCHONDO a entendu)

Vent, pluie et triste mine... À la mi-temps, le camp olympien était consterné.

À la fin du temps réglementaire, sans pour cela pavoiser, il souriait, malgré le vent, la pluie et le ciel gris, à la victoire de ses favoris. Il riait comme si les acteurs de l'O.M. lui avaient joué une mauvaise farce en reculant... pour mieux sauter.

Que ce fut M. Zaraya, ou bien encore M. Bettini, ou bien encore Paul Martinelli dit, ou bien encore Charlot David, ou tout simplement le supporter anonyme qui ne cessa d'adresser, sans discriminer le bon et le mauvais Farmanian, le bon ou le mauvais Chicha, des coups de gueule à l'intention de ces deux joueurs, tous s'épongeaient le front, s'assuraient que le tic-tac de leur coeur était normal et poussaient un ouf de soulagement : "Que d'émotion !...".

Aux vestiaires de l'O.M., Jean-Jacques Marcel, d'une dent chagrine, discutait avec "l'invalide" Eschmann. "Encore un but bête qui aurait pu nous coûter cher ! En marquant les premiers nous aurions obligé nos adversaires à se découvrir".

Eschmann qui fit par des souffrances qu'il endura en suivant le match du banc de la touche : "J'avais des fourmis dans les jambes, de voir mes camarades se dépenser sans compter en deuxième mi-temps ça m'a enchanté et donné envie de rechausser les crampons le plus vite possible".

Gransart, lequel entamait une carrière de capitaine, préposé au moral de l'équipe sur le terrain discutait dans son coin avec Farmanian. "Heureusement que tu as marqué ce but ! Tu aurais eu de mes nouvelles autrement !", lui dit-il en souriant avec éclat.

Louis Maurer s'étonnait : "Ah ! ces balles hautes, en premières mi-temps, avec le vent ! Quelle hérésie..." Il a jugé de cette façon la rentrée de Chicha : "Une rentrée très honorable. La deuxième mi-temps nettement supérieure à la première. On ne pouvait pas lui demander davantage après un long laps de temps d'inactivité. En première mi-temps, le jeu trop aérien l'a gêné. Le temps, non plus n'était pas favorable à son tempérament..."

Aux vestiaires, dont la porte annonce "Visiteurs", les joueurs regrettaient de s'en détourner retourner dans le Nord, avec une défaite aussi lourde.

Leur leader d'avant-centre Liron, résumait ainsi l'opinion de ses camarades : "Nous aurions pu remporter au moins le match nul. Que d'occasions nous avons ratées en seconde mi-temps, au moment ou l'O.M. ne menait que par 2 buts 1 ! C'est écoeurant de lutter tous les dimanches avec l'énergie du désespoir. Décidément ce championnat est trop dur ! Les Marseillais ont joué avec un coeur admirable au cours de la deuxième partie du match !...".

Oui, championnat est impitoyable... La prochaine fois les acteurs feront sans doute des déclarations n'ayant aucun rapport avec celles d'hier.

Alors... Autant en emporte le vent.

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