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Résumé Le Provencal

du 13 février 1961

 

L'O.M. HEROIQUE, MERITAIT MIEUX

battu (2-3) par le RACING, après prolongation,

il ne lui a manqué qu'un peu de chance

pour s'approprier la victoire

(d'un de nos envoyés spéciaux : A. HATCHONDO)

Nice (par téléphone). - Rêvions-nous ? Étions-nous victime d'un mirage ? Il fallut en convenir. Aux yeux des supporters marseillais qui formèrent spontanément un choeur - nous avons, évalué, leur nombre à quatre mille -, aux yeux des amoureux de la balle ronde de la Côte d'Azur, Racing - O.M. ne constitue toujours pas une affiche périmée.

Et nous qui avons rompu avec ce genre de match traditionnel ou l'O.M. jouait un rôle incontestable de vedette, avons eu la nostalgie de la belle époque, la nostalgie des rencontres de Division Nationale.

Oui, les supporters de l'O.M. étaient là, avec leurs casquettes, leurs drapeaux aux couleurs du club, leurs crécelles et leurs pétards. Oui, ils étaient bien là...

Leur coup de sifflet à l'annonce de la composition de l'équipe olympienne donnée par le speaker de service étaient dédiés aux responsables. Que leur reprochait-t-il ? Vraisemblablement l'absence d'Aygoui, écarté du "onze" titulaires pour méforme.

L'applaudimètre fut plus favorable à l'O.M. au Racing.

Jean Rigaux, le chansonnier donna le coup d'envoi symbolique. Nous passâmes vite aux choses sérieuses. En effet, la fantaisie n'était pas de mise dans un duel aussi passionnant.

L'O.M. nous inquiéta. À côté de l'assurance que manifestèrent d'emblée les Parisiens, nos joueurs faisaient figure de petits garçons.

Les Marseillais dévoilèrent leur batterie. Le Racing allait trouver, devant lui, un 4-2-4 renforcé, Bruneton s'occupant spécialement de l'avant-centre Jean-Jacques Marcel, Milazzo marquant de très près Guillot. Ce décalage n'était-il pas, en somme une preuve de prudence, voisine du complexe d'infériorité ?

Heutte alertait Misiasek qui concédait un corner (5ème minute). Heutte se jouait du même Misiasek (6ème minute). Senac lançait Jean-Jacques Marcel, qui shootait dans sa foulée... et dans le décor (7ème minute).

L'O.M. en verve

Rassurez-vous. Ce festival du Racing dura, en tout et pour tout, dix minutes.

L'O.M. s'enhardit après cet orage. Il prit même la direction des opérations. Les petits garçons changèrent de camps.

Miracle à Nice ! L'O.M. subitement semblait se souvenir de la formule magique toute simple qui fut à la base de sa glorieuse destinée : droit au but...

L'O.M. allait donc remettre cent fois sur le métier son ouvrage et nous établissions, au fil des minutes, un distingue sur les acteurs ; Pavon, jeune écervelé, échouait toujours sur le rusé Marche ; Ugolini travaillait d'arrache-pied comme à Bordeaux, mais avec moins de bonheur. Kominek "distillait" des balles ; déjà il était comme le pilier principal sur lequel allait reposer tout l'édifice marseillais ; Lefevre s'avérait son complice le plus intelligent ; Milazzo aussi. Mais quelle tâche écrasante attendait l'ex-Niçois, visiblement décidé à montrer, à son ancien public, qui n'avait point perdu toutes ses qualités ! Nous nous inquiétons sur son sort de défenseur - attaquants. On ne joua pas impunément ce double jeu. Et pourtant tout allait bien pour lui...

L'O.M. dominé un Racing qui ne savait plus où donner de la tête. Kominek marquait un but (24ème minute). Mais il était hors-jeu. Milazzo shootait (25ème minute). Un centre de Lefevre, et de Kominek s'élevaient encore au-dessus de la mêlée. Sa tête expédia, il est vrai, la balle à côté (30ème minute). Marche sauvait, en expédiant la balle en corner, une situation désespérée (37ème minute), pour son camp, sur un centre de Lefevre qu'Ugolini s'apprêtait à reprendre... ?

Il n'avait manqué jusque-là qu'un petit rien à l'O.M. pour traduire sa supériorité. Ce petit rien qui compte dans une rencontre de cette importance : la chance.

Par contre, à la première balle qui échut aux Parisien, cette chance leur sourit.

Misiasek concéda un corner sur une offensive de Heutte. Heutte toujours lui, tira ce corner. La balle parvint à Jean-Jacques Marcel, au pied des poteaux, qui se retrouva étonnamment seul (40ème minute). L'avant-centre marqua.

La défense olympienne venait de commettre une erreur fatale(1 - 0).

A l'O.M. l'Oscar de la hardiesse

Nous n'étions pas au bout de nos surprises. L'O.M. n'était pas décidé, mais pas du tout, à s'en laisser conter par son prestigieux adversaire. Bruneton, Misiasek, Molla, Tellechea, Gransart - à qui cependant nous reprochons mentalement quelques incursions à la pointe du combat, fort dangereuses - à l'image de Milazzo et de Lefevre, se dépensaient sans compter et imposaient un rythme endiablé à cette rencontre d'une très bonne qualité technique.

Kominek, quant à lui, poursuivait son festival personnel et dominé à ce jeu rivaux et partenaires.

Lefevre marquait un but, refusé pour hors-jeu (55ème minute).

Molla tentait sa chance de loin, de trop loin (57ème minute).

Tant d'efforts méritoires, tant d'audace et temps de panache pour rien ! Autour de nous, les spectateurs reconnaissaient en impatientant "C'est injuste !".

C'est à ce moment précis que Kominek servit Milazzo "sur un plateau", lequel Milazzo servit à son tour Lefevre (60ème minute).

But égalisateur (1 à 1) fut rarement accueilli avec autant de joie, de bruit et d'enthousiasme.

Deux minutes plus tard, Jean-Jacques Marcel s'anima. Il arriva pratiquement seul devant Corazza, mais son tir trouva le goal marseillais sur son chemin, qui repoussa tant bien que mal cette balle - bolide dont Van Sam hérita.

Ce dernier redonna l'avantage à son équipe. Calmement, d'un tir du pied gauche (2 à 1). Corazza repoussa encore un shoot dangereux de Luedec (65ème minute), Ugolini rata une belle occasion (67ème minute). Milazzo ne fut pas plus heureux sur un ballon qu'il parvint de Lefevre, suite d'un corner (70ème minute).

Taillandier concéda un corner (74ème minute), Guillot eut pu aggraver la marque, mais se montra mal inspiré (82ème minute), aussi mal inspiré que Ugolini (84ème minute).

Corazza détourna encore un terrible tir de Luedec en corner (86ème minute) le match étant plein de rebondissements.

L'O.M. ne se découragea pas. Nous pensions au ver célèbre : " O temps, suspend ton envol..".

À la 87e minute, nous eûmes ce que nous espérions sans trop y croire : un match nul à la fin du temps réglementaire.

Coup franc contre Luedec pour pied levé à côté de la surface de réparation... Main de Marcel à l'intérieur de la surface de réparations quelques secondes plus tard... Penalty accordé par M. Carite à l'O.M... Kominek ne laissa point passer cette occasion. Dans un silence religieux, il "fusilla" le pauvre Taillandier (2 à 2).

Kominek, le divin chauve, eut pu porter l'estocade à la dernière minute. Voici dans quelles conditions :

Kominek après touche rapidement jouée, lança Ugolini dans le trou vers l'aile droite, Ugolini adressa la balle au centre, Kominek, encore lui, surgit à point nommé. Hélas la "Baraka", c'était écrit, n'était pas, hier, avec l'O.M.

Les prolongations, à l'image du match virent une équipe olympienne terriblement entreprenante.

Le Racing bénéficia certes de deux corners (102ème et 103ème minutes). Kominek alerta Ugolini (104ème minute) qui échoua de justesse. Corazza repoussa encore une balle en corner (106ème minute). L'ex-Olympien d'une tête, dirigea la balle vers le pied gauche de Bollini... (108ème minute).

Le demi-aile, un tir tendu sans bavure, logea la balle de match dans le coin des filets de Corazza : 3 à 2.

L'aventure s'était terminée pour l'O.M. mais avec les honneurs de la guerre.

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Lucien TROUPEL :

"Notre meilleur match ! "

Dans les vestiaires de l'O.M., après la rencontre, les deux hommes seulement conservaient leur calme : M. Zaraya et Lucien Troupel.

Le président, encore souriant, malgré sa déconvenue, ne cessait de répéter à tous ce qui est l'interrogeait :

"Que voulez-vous leur demander de plus ? Ils ont fait l'impossible. La chance et l'arbitrage ne les ont pas favorisés. Pour moi il mérite tous d'être félicité.

Lucien Troupel devait nous dire :

"Ils ont fait aujourd'hui leur meilleur match de la saison. C'est eux qui ont conduit le jeu et réduit les Parisiens à la contre-attaque. Que peut-on reprocher à une équipe qui a fait le meilleur football, surtout contre le Racing ? Je suis très content de mes joueurs."

Parmi ces derniers, le moins philosophe était Kominek.

"Perdre un match pareil, c'est extraordinaire" disait-il en enlevant ses chaussettes. "Nous avions devant nous une équipe de "cadets" et nous n'avons pas su gagner. Je n'ai jamais vu ça de ma carrière !"

Et comme nous le félicitions de son match excellent, il se fâcha presque et nous répliqua :

"A quoi ça sert que j'ai bien joué puisque nous avons perdu"

Pierre Pibarot :

"Le Racing n'a pas pêché par suffisance "

Pierre Pibarot, au milieu d'une cour de journalistes, essayait de tirer la morale de cette rencontre.

"Vous avez vu, disait-il, un des défauts habituels de notre équipe. Quand mes joueurs sont en difficulté, ils affectent d'opérer avec désinvolture. En fait cette désinvolture n'est pas de la suffisance, comme on le leur reproche parfois. Ils essaient, tout simplement, de mieux jouer au football, mais ce faisant, ils prennent des risques. Cependant à quelques très rares éclairs de mon l'attaque je pense que cette dernière est sur le point de se retrouver, après une période difficile".

Et comme nous lui demandions ce qu'il pensait de l'O.M., il nous répondit très courtoisement à son habitude :

"Cette équipe m'a surpris aujourd'hui très agréablement, surtout mon vieil ami Kominek qui a certainement fait le match de sa saison"

M.F.

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QUELQUES OPINIONS

Le plus volubile des Parisiens s'était Jean-Jacques Marcel. Avec force gestes, il expliquait que le penalty avait constitué une décision injuste :

"Je n'étais pas dans la surface de réparation, et d'un... Le ballon a poussé mon épaule, et de deux... C'est comme le coup franc qui a sanctionné un soi-disant pied élevé dont je me suis rendu coupable...

"A part cela l'arbitre a été très bon...

"Les Marseillais ont été très vaillants".

Roger Marche ?... Il tempêtait contre Pavon, l'ailier de poche lui a fait en permanence le signe qui consiste à mettre son index sur la tempe et se traduit par : "tu es fou !". Il n'a pas apprécié les réactions de tragediante comediante de son jeune adversaire : on verra quand il tombera contre un adversaire direct comme Fuschs"!.

M. Carite, l'arbitre, a été ravi de diriger une rencontre aussi longue, aussi intéressante voir même passionnante.

Il a traduit sa joie de cette façon, en roulant les R, comme tout habitant de Revel (près de Toulouse) dont il est originaire.

"J'ai longtemps souhaité que cela se termine par un match nul. J'aurais eu beaucoup de plaisir à retrouver ces mêmes acteurs dans quelques jours. On ne se lasse jamais de courir après la balle sur un terrain quand on est arbitre et quand le jeu en vaut la chandelle...".

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Kominek conduisit de pied de maître

l'étonnant ballet marseillais

NICE - Contrairement à ce que l'on pourrait croire à distance nous ne venons pas d'assister à une version niçoise de la "Chèvre de M. Seguin".

L'O.M. ne s'est pas seulement battu avec un courage exemplaire jusqu'aà la 104me minute avant de s'incliner devant un adversaire nettement supérieur.

Non, ce n'est pas cela du tout !

A a surprise générale et surtout à celle des 2 ou 3 000 supporters marseillais présents sur les gradins du stade du Ray, les joueurs au maillot blanc ont fait le meilleur jeu conduisant les offensives les plus dangereuses, tandis que les Parisiens du Racing bénéficièrent d'un maximum de réussite.

Tant et si bien qu'à la fin des 30 minutes ordinairement réglementaires, un de nos confrères devait s'écrier :

" C'est un match nul heureux pour le Racing !"

Le tournant du match

Cette réflexion était d'autant moins une galéjade qu'à quelques secondes de cette première fin, l'O.M. venait de laisser échapper la victoire de trois fois rien. On pourrait même dire d'un cheveu si e crâne qui détourné le ballon hors de la case du Racing n'avait été celui de Kominek.

Cette très belle phase de jeu, une des meilleures de la rencontre, mérite d'être contée.

L'O.M. venait d'égaliser pour la deuxième fois et déjà l'on parlait de la prolongation quand Pavon, sur une rentrée en touche, passa le ballon à Kominek. Ce dernier, sans tergiverser, servit Ugolini sur la droite du terrain d'une admirable passe longue d'au moins 30 mètres. Le junior marseillais sprinta et centra, le tout en deux ou trois secondes à peine. Et qui vit-on alors, à la réception de ce centre, seul face à Taillandier ? Ce même Kominek qui venait donc d'effectuer une course de 40 mètres environ !

C'est à cet instant précis que la chance tourna complètement le dos à l'O.M.

L'adroit autrichien reprit la balle de volée mais sa position était tellement acrobatique que sa tête défit le travail amorcé par son pied droit.

L'extraordinaire réussite du Racing

A l'opposé, le Racing bénéficia à plein des faveurs du ciel dans ses rares entreprises offensives.

En première mi-temps : un seul tir valable des attaquants parisiens et un but de Marcel.

En deuxième mi-temps, le deuxième tir du Racing se traduisit par un deuxième but marqué par Van Sam.

Par la suite, Corazza ne fut sérieusement alerté que par deux tirs de Quedec, le remplaçant.

Et enfin, le "venin dans la queue" après que les Parisiens eurent été inexistants durant la première prolongation, un tir de Bollini, de 25 mètres environ, sur une balle perdue, prit le chemin de l'ange droit des buts marseillais à la 108e minute.

Récapitulons : cinq occasions sérieuses pour le Racing, 3 buts. Ces chiffres situent parfaitement de manque de chance de l'étonnante équipe de l'O.M. en cette après midi printanière.

L'excellent jeu de l'O.M.

Car si le Racing tira la merveilleuse partie que vous savez de quelques contre-attaques, l'O.M. lui, eut tellement d'occasion de marquer que nous préférons vous demande de vous référer, pour les dénombrer, au récit du match.

Et ce fait vraiment dommage de voir un aussi beau jeu que celui fait par les joueurs marseillais sur ce terrain de Nice, tombeau de leurs espérances en Coupe, pour la troisième fois consécutive, être si mal payé.

A la fin de cette passionnante rencontre qui tint constamment en haleine ses 15.000 spectateurs, on se demanda quels avaient été les meilleurs joueurs marseillais.

Commençons par affirmer qu'un aussi beau résultat collectif ne peut s'obtenir sans que chacun ait mis plus ou moins le pied à la pâte. Pour notre part nous ne voyons aucun joueur marseillais qui ait démérité . Même pas Pavon qui certes, fut le moins bon de tous mais qui avait en Marche un adversaire particulièrement expérimenté et décidé. Que le petit Pavon n'ai pas pu dominer le grand marche n'est tout de même pas une raison pour condamner ce débutant.

Kominek grand bonhomme de la rencontre

Ce cas particulier traité, il reste que le grand bonhomme de l'O.M. et de la rencontre fut Fritz Kominek.

Le stratège viennois s'est surpassé. Il a donné non seulement la leçon de football à certains de ses réputés adversaires, mais encore il se battit de bout en bout avec un coeur de vieux lion.

Pour fixer les idées de ceux qui n'ont pas assisté à la rencontre, disons que nous l'avons vu, à quelques minutes d'intervalle, reprendre un centre de Lefevre de la tête et dégager son camp de la tête à quelques mètres de Corazza.

Après lui, dans l'ordre de mérite la citation revient à Milazzo. Ce qu'a pu faire l'inter olympien, tant en défense qu'en attaque, c'est inimaginable.

Ugolini, seul contre tous

Nous nous excusons de parler de Kominek et de Milazzo avant d'en venir à Raphael Tellechea, à Misiasek et à Lefevre tous quatre excellents, mais ce qu'ils entreprirent et réussirent étant ce que l'on peut demander de plus difficile à un footballeur.

Molla dans un rôle de défenseur de soutien, fut irréprochable, aussi que Corazza.

Gransart fit également un bon match, entachés cependant de quelques imprudences offensives.

Quand à Ugolini, après une remarquable première mi-temps, il accusa nettement la fatique. Mais il est utile d'ajouter que lui, qui n'est , somme toute que l'avant centre de l'équipe de France juniors, se trouva seul au milieu de trois ou quatre des défenseurs les plus réputés de France.

Bodin, meilleur Parisien

Au Racing le numéro un revient sans discutions possible à Bodin, le calme personnifié.

Avec lui on peut accorder une mention aux défenseurs et aux demis en général, à Marche en particulier.

Mais l'attaque sans son habituel Ujlaki, déçu passablement.

Si l'on excepte quelques éclats de Marcel, de Quedec ou de Van Sam, elle joua en ordre très dispersé;

En outre, certains de ses titulaires, on pense surtout à Heutte, furent d'une timidité coupable dans l'attaque du ballons.

Hélas, tout ceci n'enlève rien au fait que pour le Racing, la fête continue et que l'O.M. pour sa part, gardera un arrière goût d'amertume de cette rencontre.

 

 

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