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L'OM est mort et ressuscité

OM-GRENOBLE Le 7 avril 1981, le club dépose le bilan. Sous l'impulsion de Gaston Defferre et Jean Sadoul, il revit, avec sur le terrain une bande de jeunes du club entraînés par Roland Gransart

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Le 7 avril 1981, l'OM est mort. Plus de trente ans après, Éric Di Meco se souvenait encore de la Une du Provençal, avec "Pépé Roux", ce vieux supporter qui venait lustrer les coupes de France exposées dans la vitrine du club, en train de pleurer sur la pelouse du Vélodrome. "Pour moi, qui venais d'arriver, j'avais l'impression que cela finissait avant de commencer" nous racontait la future légende olympienne.

L'OM est mort par le fait d'impéritie de dirigeants coupables d'incurie envers un club malade. L'OM est sous scellés. M. Tessor, président du tribunal de commerce, a prononcé la liquidation de biens et le règlement judiciaire. Mais un duo de Cévenols va entreprendre de le sauver. Gaston Defferre, Maire de Marseille, et Jean Sadoul, président du groupement (l'ancienne Ligue de football professionnel) unissent leurs efforts, un concordat va être signé pour épurer la dette. Et pour repartir sur le terrain, on lance une bande de jeunes issus du centre de formation, menés par un entraîneur de 27 ans. Ils vont sauver le club et susciter un engouement populaire alors inimaginable.

Tout le monde est licencié

Roland Gransart, né olympien le 1er janvier 1954, fils de Maurice (290 matches entre 1949 et 1962), a joué pendant cinq ans en pro, environ 80 matches, mais il a raccroché et se consacre à l'entraînement des jeunes. Ce 7 avril 1981, à l'Huveaune il voit arriver Jean Robin, figure tutélaire de cette génération, ancien grand joueur et entraîneur de l'OM. Il prend Roland dans sa vieille 104 et l'emmène au Vélodrome où Jean Sadoul l'attend dans un bureau.

"On a un problème. Roland, il faut que tu nous assures de prendre trois points pour maintenir l'OM en D2", fixent-ils. "Je ne peux pas vous l'assurer, répond Gransart. Mais je peux vous promettre qu'on va essayer de tous les prendre jusqu'à la fin de saison." Pourquoi 3 points ? Parce que l'OM doit absolument se maintenir en D2 et éviter la chute en D3 pour conserver son statut pro et permettre la reconstruction qu'envisagent les deux décideurs cévenols.

Pendant ce temps, les joueurs sont rassemblés dans la salle des amateurs, à quelques pas de là.

 

Tout le monde est licencié, personnel administratif, joueurs et entraîneurs. L'OM a fini d'exister, seuls pouvaient rester les stagiaires et aspirants, la Ligue prenant en charge les salaires. Il ne reste que deux professionnels, Michel Castellani et Christian Caminiti, les deux derniers à avoir signé, les plus petits salaires."Dans les vestiaires, les pros vidaient les placards, nous racontait Marcel De Falco, à l'occasion des vingt ans de cette aventure, en 2001. Michel N'Gom (jeune Marseillais décédé en 1984 d'un accident de la route) me dit : tu chausses du 39 ? Tiens ! Ses Adidas étaient un peu décousues, mais elles étaient meilleures que les nôtres. Je les ai bichonnées et j'ai joué les six derniers matches avec, avant qu'elles ne soient trouées. Je les ai conservées."

Première victoire contre Grenoble

Roland Gransart met sur pied une opération commando avec une génération exceptionnelle. En 1979, les juniors ont gagné la coupe Gambardella et les cadets ont été champions de France, le même jour, au même endroit, à Lunéville. De nombreux joueurs (Lévy, Anigo, Pascal, De Falco...) sont internationaux juniors ou espoirs. Les talents se conjuguent pour former une bande à l'homogénéité, à l'unité et à la foi inébranlables. Il reste six matches à jouer dans le championnat de D2. À commencer par le 17 avril contre Grenoble.

"Nous nous entraînons au Vélodrome, avec des équipements dépareillés, une vraie armée mexicaine, se rappelait aussi José Anigo en 2001. Mais une idée commune, saine et un amour fou pour l'OM. Nous serions montés aux arbres pour ce club, avec des gars en larmes, en transe ; personne ne parle oseille, prime, salaires. Nous partons dans un projet foot."

"Mon premier souci est de ne pas jouer, nous expliquait Roland Gransart. Mais les jeunes ont besoin de moi pour les rassurer. Alors, le matin, je les entraîne, l'après-midi, je m'entraîne moi-même en me disant : tu as intérêt à être bon. Je fais ma première causerie en tenue de joueur. Contre Grenoble, le stade est mort au coup d'envoi. Dix minutes plus tard, les gens sont debout. L'affectivité, l'amitié, ça fait peut-être sourire dans le milieu du foot, mais à partir de là, elles deviennent notre moteur et l'enthousiasme va aller crescendo."

 

L'OM gagne, but de Michel Castellani : "J'étais insouciant, quand le ballon m'est revenu à l'entrée de la surface, je n'ai pas eu peur. Frappe, lucarne, 1-0."

Quand arrive le dernier match, le 22 mai, la mission est accomplie, l'OM est sauvé, invaincu avec deux victoires et trois nuls. Il reste à saluer le public face à Montpellier, le champion, qui monte. Roland Gransart a décidé d'arrêter sa carrière de joueur pour se consacrer à celle d'entraîneur. Alors que l'OM bénéficie d'un coup franc, à 25 mètres, le jeune futur retraité s'impose comme tireur. "J'étais entraîneur, alors, c'est moi qui commandais après tout." Il marque le but de l'apothéose. Le lundi matin, il appelle Paris pour dire à Jean Sadoul qu'il a rempli sa mission et retourne au centre de formation. "Pas question, tu vas rester. L'entraîneur, ce sera toi et personne d'autre", lui répond Jean Sadoul. "À l'époque, on ne lui résistait pas", conclut Gransart.

Éliminés petit à petit

En ce printemps 1981, Marseille ne vit que par ses "Minots". Les vrais. Pourtant, ce début est déjà une fin. La saison suivante démarre en trombe, ils attirent même 40 000 personnes au Vélodrome pour un match de D2 contre Toulouse. "On aurait dû les entourer, déplorait plus tard Lucien Cossou, ancien international de Monaco, qui était leur coach avant avril 1981. On a préféré les éliminer un après l'autre...". L'OM remontera en 1984, mais il en restera de moins en moins.

En avril 2001, nous les avons réunis et Roland Gransart a eu ses mots définitifs pour ses hommes : "Ce que vous avez vécu, personne ne peut vous le prendre. Je ne sais pas ce que je vous ai apporté, mais je sais ce que je vous dois. À ceux qui sont éducateurs à leur tour, je leur demande de savoir transmettre ces valeurs..."

Les plus grandes heures de l'OM se sont produites après 1981, comme de grandes marées effaçant toute trace sur le sable. Que pèsent les modestes Minots, face aux vainqueurs d'une coupe d'Europe, de la coupe du monde ? Pas grand-chose à la bourse d'un mercato virtuel. Mais très lourd dans la mémoire des vrais supporters.

Mario Albano

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Lien vers la rencontre >>>

 

 

 

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