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Résumé Le Provencal

du 05 mai 1969

 

COLOMBES POUR... ...LA DIXIEME FOIS

 

L'OPIUM

DU PEUPLE

La balle qui roule plus près d'un but que de l'autre, et voilà que tout un monde s'agite, hurle, se passionne, sans trouver la juste mesure de ses élans.

Une simple balle de cuir, inerte, sans voix, sans âme, que l'on pousse du pied dans un exercice qui, à première vue, pourrait paraître ridicule à un homme venu d'une autre planète.

Gestes anodins, comme inutile par rapport à d'autres gestes aux fins plus graves dans la vie de tous les jours est emplie.

Magie du football.

Ce football capable de modifier pendant tout un jour l'âme et le visage des gens et des villes. Ce football qui va jusqu'à changer le rythme cardiaque de tout un peuple.

La foule des stades a quelquefois des enthousiasme agressifs que bien des armées en ligne fussent-elles celles de Napoléon n'avaient pas.

Et ce n'est plus une spécialité latine.

Les froids Nordique, les dignes Britanniques, les doux Slaves laissent, eux aussi, aux portes des stades leur étiquette habituelle... pour devenir des "combattants du gradin".

En observant cette immense foule qui débordait hier d'un stade vélodrome aux dimensions curieusement réduites, c'est un trait des Marseillais qui se définissait encore.

Ils se plaisent dans tous les combats. Ils défendent leur équipe au bord de la réussite comme ils défendent leur bulletin de vote, qu'il soit, lui aussi, promu la victoire ou non.

L'âme de Marseille s'exprime à chaque rebond du ballon, toujours nouvelle et toujours jaillissante. Les passions de son hérédité méditerranéenne réapparaissent. La furieuse envie de vaincre qu'elles communiquent à son équipe, c'est le ferment que les Marseillais se sont transmis de génération en génération. C'est presque une complicité qui les conduit tout naturellement à ne voir plus qu'une équipe : la leur.

C'est ainsi que se gagnent les batailles de la Coupe de France.

En considérant pourtant qu'ils ne sont que onze pour traduire sur le terrain - et positivement - la volonté de dizaines de milliers.

Intervient alors le talent de ceux qui supportent, comme les cariatides, tout le poids des désirs de l'immense foule.

Ça pèse !

Chaque course, chaque geste devient une inquiétude ou un espoir. Tout est observé à la loupe, toute la partie est disséquée, analysée.

Mais quelle que soit l'ampleur des clameurs, la vérité et sous les semelles des vingt-deux acteurs. Eux seuls luttent.

Et pour se battre, hier, sans l'émotion, il aurait fallu que le divin, l'insondable Magnusson étendit, comme il le fait d'ordinaire, davantage d'inimitables couleurs sur sa palette.

Il fallait que l'obstiné Bonnel arrache dans un souffle, le dernier, le but homérique dont l'histoire sera contée à des milliers d'exemplaires.

Il aurait fallu que Joseph, en d'autres temps véritable fauve lancé dans la savane, ne restât pas en quête d'une proie insaisissable.

Il fallait que ce meilleur merveilleux Escale sache parer à tout pour protéger les siens. Religieusement. Prêt à toutes les blessures.

Il fallait qu'ils aient tous, tous sans exception, le coeur battant, la peur au ventre, la tête bourdonnante...

Pour quitter l'arène sereinement.

Et frapper d'une joie exultante près de 50.000 fidèles plus croyants encore en ce football que les pèlerins qui à la Mecque s'en vont.

Vertu du sport, qui brise, le temps d'un match, les soucis et les banalités quotidiennes pour les remplacer par d'innocentes et saine passion.

Le football, sont l'opium du peuple, dit-on. Gardons-nous alors, en ces périodes d'incertitude, de faire la chasse aux intoxiqués.

Eux, Au moins, font des rêves d'enfant.

Lucien D'APO

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Joseph BONNEL

une tête qui vaut de l'or

Alors que les derniers candidats spectateurs tentaient au prix d'innombrables difficultés, de trouver place... "quelque part", nous assistions, dans le vestiaire angevin, au drame de Gallina, troisième titulaire indiscutable indisponible après Dubaele et Novilleron.

Personnellement, nous n'avions jamais douté de l'abstention forcée du dernier nommé, qui était formel, malgré les minces espoirs de son entraîneur Louis Hon. Mais nous pensions que l'aveu de Gallina, samedi, revenait plutôt de la guerre psychologique. Il n'en était rien. À 16 heures, il prévenait Louis Hon qu'il ne voulait prendre le risque de laisser ses camarades en fâcheuse posture.

Les responsables angevins repoussaient l'idée de lui faire subir une infiltration de novocaïne et prenaient leur décision : Alain Gouraud, 21 ans, troisième gardien angevin en début de saison dernière Gallina et Volovici, aller faire ses grands débuts à l'occasion d'une demi-finale de Coupe avec, pour toute expérience professionnelle, celle d'un seul match de 2e Division..., et à vrai dire, il ne paraissait pas particulièrement impressionner !...

Curieux destin !

Curieux destin, d'ailleurs, que celui d'Alain Gouraud qui allait vivre et nous faire vivre un après-midi absolument hors-série. À 17 h 11, il semblait promis à un avenir déplaisant, après avoir laissé passer sous lui un tir habile, mais non pas meurtrier de Magnusson.

À 17 h 16, il était, comme ses camarades, remis en selle et en confiance par la réussite de Deloffre. Il allait être, jusqu'à 18 h 45 (nous tenons compte des arrêts de jeu) le héros de la rencontre, réalisant les parades les plus ahurissantes, notamment sur des tirs à bout portant de Magnusson, Joseph et Gueniche, barre et poteau lui étant par ailleurs d'un concours précieux.

Mais à 18 h 45, très exactement, son destin croisait celui de Joseph Bonnel, qui se précipitait à "tête perdue" sur un ultime corner de Destrumelle. La balle allait au fond et des milliers de coussins prenaient leur envol, saluant la qualification de l'O.M. pour la finale.

Angers calme le jeu

La rencontre... et le score eurent très exactement la physionomie que nous attendions : Angers, avec sa bonne technique, calma le jeu, recherchant à sa façon l'ouverture et l'O.M. répliqua par des coups de butoir : les charges de Joseph les accélérations de Gueniche et les percées de Magnusson.

Mais, dans l'ensemble, la première mi-temps fut assez favorable aux visiteurs et le public - qui sifflait l'O.M. a sa rentrée au vestiaire - ne le voyait pas encore à Colombes !

L'O.M. avait pourtant ouvert la marque et pris une sérieuse option sur la victoire dès la 11e minute, Roger Magnusson profitant d'un contre entre Joseph et son garde du corps Perreau pour récupérer la balle, éviter Chlosta, et tromper Gouraud qui ne fut pas sans reproche. Nous ne donnions pas cher, alors des chances d'Angers dont l'arrière Perreau se faisait soigner paraissant tout prêt de laisser sa place à Guillou.

Mais le mérite des visiteurs fut alors de réagir, dans leur manière, posant un sérieux problème à l'O.M. et égalisant six minutes plus tard (16e) sur une action de Dogliani, achevée par Deloffre, sur laquelle Escale passa "à travers".

Occasions marseillaises

C'est alors que Gouraud commença son numéro de gardien en état de grâce, qui parut interminable aux supporters marseillais ! Il commença (20e) par mettre en corner un tir sec de Magnusson qui avait échappé à Perreau.

Il racheta un loupé de Deloffre en mettant en corner un retourné dangereux de Gueniche (25e). Il intervint encore sur une très bonne combinaison Magnusson-Gueniche-Joseph, terminé par un jeu coup de talon de "Zé" (35e).

Il fut impuissant sur une percée rectiligne, dans l'axe du terrain de Magnusson, servi par Bonnel, mais Chlosta dévia légèrement le ballon qui passa à quelques centimètres du poteau (37e).

Par opposition, le bilan angevin apparaît modeste, avec un loin tir lointain de Stievenard (32e) et un tir brossé subtil de Dogliani que Escale dut dévier en corner (42e).

L'O.M. à l'assaut.

À la reprise, l'O.M. partit littéralement à l'assaut du but angevin et dès le coup d'envoi, Gouraud paraît un tir de Gueniche (46e). Quelques minutes plus tard, il réussit coup sur coup deux interventions insensées devant Joseph (50e).

À la 51e minute, il était bel et bien battu par un coup de tête de Joseph, reprenant superbement un coup franc de Bonnel mais la balle percutait la transversale. Encore quelques secondes et Gueniche manquait d'un souffle une ouverture de Novi (53e). L'O.M. ensuite relâchait quelque peu son étreinte et repartait très fort à 62e minute, quand un centre de Djorkaeff se ne trouvait personne à la réception...

Mais Gouraud était battu lorsque Magnusson, contrant Perreau tirait sur le poteau (66e). Cette action du suédois était "encadrée" de deux belles contre-attaques angevines.

À la 63e minute, Hodoul se faisaient prendre la balle par Edwige et Escale devait "rattraper le coup" en mettant en corner un très bon tir de Margottin. À la 67e minute, Edwige réussissait une audacieuse reprise de volée qui passait de très peu à côté.

Gouraud faisait encore des siennes en déviant sur le poteau puis de là en corner un tir de Djorkaeff (72e).

À la 81e minute, c'était un télescopage avec Magnusson, provoquant un arrêt de jeu de cinq minutes, pendant lequel Mario Zatelli remplacé Gueniche qui avait fait beaucoup d'efforts et reçu un coup à la cheville, par Fiawoo.

In extremis !

Le grand Franckie, entré à froid, obtenait un corner, concédé par Gouraud (83e). On commençait un peu partout à se demander ou se jouerait le match d'appui.

L'O.M. obtenait un corner... "le dernier", soupiraient spectateurs l'oeil sur leur montre. Il était parfaitement tiré en direction du point de penalty, par Destrumelle. Le ballon devait achevait sa course, tandis que trois Marseillais, échelonnés selon les meilleurs principes tactiques et stratégiques précipitaient et prenaient leur chance.

Bonnel, venu de loin, frappait la balle avec une netteté parfaite, ouvrant à l'O.M. le chemin de Colombes.

Louis DUPIC

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"NOUS IRONS A PARIS"

ce fut leur seul cri

Les embrassades n'ont jamais été si enthousiastes dans ce vestiaire olympien qui en a pourtant vu d'autres. Tout le monde se tient enlacé et Mario Zatelli, libéré lui aussi d'une folle angoisse, n'est pas le dernier à laisser enfin éclater sa joie.

"Que l'on prépare tout de suite une caisse de champagne, on discutera après..."

Les joueurs, eux, ont le sentiment d'avoir frôlé une espèce de catastrophe. Ce but inespéré de Bonnel leur a tout d'un coup redonner un moral de collégiens qui, après un sévère examen, se retrouveraient pour le traditionnel monôme. Exubérance à volonté ! Que pense le principal intéressé, Joseph Bonnel, dont le coup de tête victorieux à déchaînés sur le stade une explosion indescriptible ? C'est le torse nu qu'il rejoint ses camarades. Les supporters lui ont littéralement arraché son maillot.

Quand j'ai vu venir cette balle, personne n'était devant moi. Je me suis dit, ça y est on ira à Colombes... Mais quel suspense !

Escale est là tout près. Il n'a pu résister au plaisir d'allumer une cigarette.

Savez-vous ce qui l'a le plus impressionné dans ce match ? Le gardien adverse ! Et Jean-Paul est un connaisseur.

"Ce Gouraud, dit-il, a été sensationnel. Je pensais qu'on n'arriverait jamais à le prendre en défaut. Quelle autorité pour un jeune de son âge ! Je dois avouer tout de même que les copains ont fait un match terrible..."

Et lorsque nous lui demandons ce qu'il a à dire sur sa propre parti, il répond par une boutade :

"Moi, j'ai fait mon travail à Angers. Ça suffit amplement".

Fiawoo, lui, estime que les dix dernières minutes ne lui ont pas été suffisantes pour s'exprimer pleinement. Puis il rend hommage à son camarade Joseph :

"Jo a manqué de réussite, sinon la différence aurait été plus nette..."

Et Joseph, en bon camarade, lui renvoie la politesse :

"Avec Franck à côté de moi je ne suis plus le même. J'ai trois adversaires sur le dos. Lui me libère un peu. Ça me permet de respirer plus librement. Mais vous avez vu cette "guigne". Encore un tir sur la barre et le gardien qui arrête un tir impossible. Décidément je ne suis pas en veine !"

Hodoul en ce qui le concerne, envisageait déjà le match d'appui et reconnaît volontiers que la rencontre n'a guère été facile. "On les a eus quand même", nous dit-il avec un large sourire.

Le capitaine Djorkaeff s'inquiète avant tout de trouver quelque chose à boire.

"Nous avons souffert, c'est incontestable. Vous vous rendez compte, toutes ces occasions manquées ! Enfin nous avons la victoire et nous le méritons bien".

Magnusson, dont les progrès dans la langue de Molière piétinent, essaie de nous faire comprendre qu'il n'est pas du tout mécontent de sa partie. Il fait un geste sec de sa main fermée et nous traduisons : "Vous avez vu ce but !..."

Nous nous tournons vers Zwunka, voisin de vestiaires du blond Suédois.

"Ça va Jules. Pas trop dure ?

"Pénible oui ! Crispant surtout ! Mais maintenant nous sommes récompensés. On ne peut pas être plus content !"

Destrumelle aussi avoue sans fausse honte que cette demi-finale n'avait rien d'une partie de plaisir.

"La chaleur était gênante il faut le dire, nous étions contractés. Mais notre succès, même long à se dessiner, est tout à fait logique. Ce n'est pas toujours drôle, malgré tout d'être le favori".

Lopez ne veut plus entendre parler de ce match :

"Maintenant il faut songer à l'autre, celui qui nous opposera à Bordeaux en finale".

Son ami Gueniche, qui a pourtant cédé sa place à Fiawoo à dix minutes de la fin, n'a pas totalement récupéré.

"Ma foi, aujourd'hui, je me sentais en bonne condition et j'ai la sensation d'avoir réalisé de bonnes choses. Puis j'ai été blessé à la cheville et il était sage de faire entrer Franckie. Mais vous ne pouvez pas savoir ce que j'ai eu peur. Car un match d'appui n'était pas gagné d'avance".

Le mot de la fin à Novi.

"Nous y voilà enfin en finale ! Encore quelques jours de sursis pour les moustaches. Et devant Bordeaux vous verrez, nous serons beaucoup moins contractés".

Jean FERRARA

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"CARDIAQUES S'ABTENIR"

Nous imaginons volontiers la joie de M. Leclerc, juché dès la fin du match sur les épaules de quelques athlétiques supporters, et accomplissant le tour du terrain.

À l'image du triomphe réservé aux empereurs romains.

Quelques minutes plus tôt, président de l'O.M. s'était tourné vers la foule cernant le quadrilatère de jeu et, des deux mains, avait longuement salué. Son club venait de gagner son billet pour Colombes. La gageure était tenue.

Mais, grands dieux, quel long suspense avant de toucher au but ! Et ce spectateur - qui venait à l'image de centaines d'autres, de lancer son coussin vers le ciel en signe d'allégresse - trouvait le mot de la fin : "Cardiaques s'abstenir !"

Plus qu'un coeur marseillais aura, hier, battu à cent à l'heure.

* * *

Dès 10 heures du matin (oui, vous avez bien lu), quelque cinq cents fidèles se trouvaient agglutinés devant les portes du Stade-Vélodrome. Nantis de copieux casse-croûte, comme il se doit.

C'était le classique pique-nique sur l'herbe, pardon... sur les gradins en ciment de l'arène du boulevard Michelet.

Un gigantesque "saucisson-party" dans la plus pure tradition.

* * *

Un de nos confrères, qui avait pris un taxi pour rallier le stade, s'entendit dire par le chauffeur : "J'espère que Dogliani marquera son but". Et d'ajouter : "Je travaille pour l'entreprise de taxi Dogliani et noblesse oblige..."

* * *

Surpris, à la porte des invitations, tous les je joueurs de l'A.S. Monaco avec, à leur tête, Louis Pironi. Chacun d'eux brandissant un fanion aux couleurs de l'O.M.

L'entente des clubs du Sud-Est en quelque sorte.

* * *

De nombreux anciens de l'O.M. étaient au rendez-vous : Marcel Artelesa, qui encourageait ses ex-partenaires aux vestiaires avant le coup de sifflet : Gaby Rossi, devenu joueur-entraîneur de La Crau, et qui fut finaliste en 1954 contre Nice.

Quant à Henri Biancheri, il demeurait absolument neutre. "Je suis marseillais de coeur, avouait-il, mais j'ai joué trois ans à Angers, dont une finale. Que le meilleur l'emporte..."

* * *

Un petit drame s'est déroulé dans le camp angevin quelques minutes avant le coup d'envoi. Il concernait René Gallina. L'intéressé se plaignait des reins (suite à une chute enregistrée à Gemenos) et Louis Hon hésitait à l'incorporer.

"Je crains surtout pour lui un choc psychologique. Certes une infiltration de novocaïne calmerait la douleur, mais n'aura-t-il pas l'appréhension de son réveil ?"

Le Docteur Luciani, mandé, devait confirmer le verdict. Même consolé par Alphonse le Gall, kinésithérapeute à Angers, et qui porta lui aussi le maillot de l'O.M., Gallina pleurait sur son rêve envolé.

Quelle tristesse d'être éliminé si près du port !

* * *

Nous avons revu les traditionnelles banderoles. De nouvelles, aussi, témoignant de l'imagination de leurs auteurs.

Ainsi celle-ci : "Malgré les Angevins, l'O.M. aura la Coupe ou les "caves" de Bordeaux. Vive Mario !"

Il fallait le trouver, même avec une faute d'orthographe... Une autre : "Sausset avec l'O.M. à Paris". Décidément, le succès fait tache d'huile.

* * *

Gourault, le goal frisotté d'Angers - un remplaçant de talent - réalisa quelques sauvetages miraculeux. Les barres transversale ou verticales l'aidant en d'autres circonstances.

Alors, un de nos voisins nous souffla : "Il est allé porter un cierge à la Bonne Mère, ce matin !"

C'est ça, la baraka

* * *

L'O.M. par élan, emprunté, Joseph rate inexplicablement une reprise apparemment facile.

"Pas possible, ils ont mangé de la rouille, à midi !"

* * *

Toujours les sifflets intempestifs et stupides. Ceux qui accueillent l'équipe d'Angers à son entrée sur la pelouse, et aussi les passes en retrait des arrières à leur goal.

Une minute plus tard, le stade croule sous les applaudissements, Zwunka, pressé, propulse le ballon vers Escale.

Ah ! ces supporters !

* * *

Notre ami Gascard lance au micro appels sur appels à l'adresse des jeunes joueurs de Lyon qui ont joué et perdu la demi-finale de la Coupe Gambardella.

"Pour les punir", nous lance un ami.

Mais le jeu atteint à ce moment-là une pleine intensité. Et les Lyonnais restent de marbre. On les comprend.

* * *

Un des premiers à féliciter Mario Zatelli - qui avait les plus grandes peines du monde à cacher son émotion - fut le préfet Jean Laporte. Quant à Mme Bonnel, dont son champion de mari venait de marquer le but victorieux, elle pleurait à chaudes larmes.

Il est vrai qu'un instant comme celui-là, dans la vie d'une épouse de footballeur, ça compte !

* * *

Stievenart, l'homme-protée d'Angers, celui que l'on met à toutes les sauces, tint fort honnêtement son rôle... d'arrière, alors que la plus grande partie de sa carrière se déroula à l'aile.

À ce propos, il nous confiait avant le débat : "Aujourd'hui, je remonte quinze ans en arrière, lorsque je disputais une demi-finale avec Lens contre Reims. Et, dès le début de partie, Jean-Marie Courtin s'était trouvé au point de penalty seul devant le gardien, quand Jonquet lui avait arraché sa culotte pour le retenir. L'arbitre, d'ailleurs, était resté muet..."

Dès le coup de sifflet final, une annonce, lancé au micro, laissait bien augurer de l'avenir : "Les supporters de l'O.M. organisent pour le 18 mai un voyage organisé à Paris. Inscrivez-vous !" Avis aux amateurs les places seront chères à Colombes !

Gérard PUECH

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Le chemin du succès

passa par mille transes

L'aiguille de notre chronomètre flirtait avec la 92me minute.

Le hasard d'une tribune de presse compressée, nous avait fait choisir une place de repli à peu de distance de la ligne de camp angevine.

Déjà l'un de nos voisins nous avait demandé :

"Ou se jouera le match d'appui. À Lyon ou à Paris ?"

Nous lui avions répondu hâtivement :

"Nous n'en sommes encore qu'au deuxième match. Avec l'O.M. il faut toujours attendre la fin".

Le "oui" de Bonnel

A peine venions-nous de prononcer ces paroles prophétiques que Fiawoo, l'homme de bonne volonté, obligeait la défense angevine à concéder un corner.

Celui de la dernière chance.

Pour mieux voir, nous nous levâmes sans tenir compte des légitimes protestations des quelques personnes placées derrière nous.

À la guerre comme à la guerre.

A notre gauche, nous avions Destrumelle, visage crispé, appliqué comme tirant la langue, en bon élève de football, pour mieux régler la trajectoire du ballon.

Et le ballon parti...

Le reste ne dura que quelques secondes qui pourtant parurent interminables.

À peine notre oeil venait-il d'enregistrer que Joseph et Fiawoo se trouvaient mal placés, que Bonnel surgissait de l'arrière, sautait et au sommet de son bond, faisait "oui" de la tête.

Oui à la finale ! La dixième pour l'O.M., dans six gagnées.

Ainsi donc, le chemin de Colombes venait-il de s'ouvrir, in extremis, devant l'équipe de Mario Zatelli.

Mais le moins que l'on puisse écrire et que ce chemin passa par mille transes.

Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel

Cette bonne chose faite, on s'aperçut alors seulement qu'il y avait plus de 40.000 spectateurs, des banderoles, des pétards et de l'enthousiasme en réserve.

Pour avoir été trop longtemps contenue, l'explosion populaire n'en fut que plus forte, plus spontanée, plus tonitruante.

Il est vrai que nul metteur en scène n'aurait imaginé pareille fin heureuse.

Quand on le laisse faire, le sport est le plus grand imprésario du monde.

L'arc-en-ciel a-t-il assez de couleur pour toutes celles que purent voir les entraîneurs, les dirigeants, les joueurs des deux équipes et les supporters pendant ces 9 minutes d'horloge ?

On peut en douter.

Il n'y a que la Coupe pour mettre ainsi les nerfs à nu et faire atteindre au football une troisième dimension.

Celle qui, passant très nettement par-dessus les techniques et les tactiques ordinaires, donne à cette succession de luttes pour la possession du ballon l'apparence d'un acte de foi.

Dogliani comme Osim

Pour tenir l'O.M. et la foule en laisse, les Angevins avaient choisi la bonne méthode.

La meilleure que soit en leur pouvoir.

Geler le jeu et l'enthousiasme des spectateurs.

La première mi-temps ne nos amis de l'Anjou fut extraordinaire. Elle faisait penser à un récent France-Yougoslavie et notre Dogliani, par certains côtés rappeler le grand Osim.

Malgré Magnusson, Joseph et même un excellent Gueniche, le centre angevin Dogliani, le maître à bien jouer Deloffre et Poli faisaient la loi.

Il distillait un football de charme, fin, précis, intelligent, auquel ne manquait en définitive qu'une forte présence à la pointe du combat.

Ce faux-train, lent en apparence seulement, faisait apparaître dérisoires les efforts désordonnés de l'O.M.

À la mi-temps, bien que les attaquants olympiens aient pu paraître plus percutants on n'était rassuré qu'à demi.

Qu'il était loin Colombes !

Une 2me mi-temps olympienne.

Mais l'O.M. - et c'est son plus grand mérite - est une équipe ayant foi en son étoile.

En deuxième mi-temps, elle prit le dessus sur son adversaire.

Moins poli (sans jeu de mots), moins précis que celui d'Angers, son jeu n'en contraignit pas moins la défense adverse à faire feu de tout bois.

Deux tirs sur le poteau (Magnusson, Joseph) et de nombreux sauvetages, quelques-uns héroïques, de son jeune gardien Gourault.

La "Bonne Mère" était-elle vraiment Marseillaise, en ce beau dimanche de mai ?

On ne le demanda longtemps d'autant que les Angevins, ne s'avouant jamais vaincus, surent se montrer très dangereux à plusieurs reprises.

On connaît maintenant la fin.

L'O.M. jouera la finale le 18 mai prochain à Colombes contre Bordeaux.

La finale idéale.

Mais après avoir félicité les vainqueurs de ce match en deux épisodes, il faut donner à Angers ce qui lui revient de droit.

La palme du "bien jouer" à une équipe loyale, sympathique et valeureuse.

M. FABREGUETTES

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HON : "Nous avons perdu à Angers !" 

Côté angevin, la défaite, bien qu'amère, a été sportivement acceptée. L'entraîneur Louis Hon n'affiche pas, bien sûr, une mine réjouie. Et on le comprend ! Mais il sait contenir sa déception.

"De toute façon, nous dit-il, être ceci ou pas ne change rien à l'affaire. À tout prendre, il vaut mieux être dans le camp du vainqueur. Que voulez-vous, c'est la loi du sport. D'ailleurs il ne fallait pas compter nous imposer à Marseille. Nous devions faire la différence à Angers. C'est là que nous avons raté la route de la finale. Enfin, il nous reste tout de même des satisfactions avec la montée en Division nationale. Toutes les équipes ne sont pas arrivées jusqu'à la. Il fallait déjà le faire !"

Dogliani, le Marseillais du Maine-et-Loire, pousse d'abord un ouf de soulagement avant de corroborer les dires de son entraîneur :

"Et oui ! Aujourd'hui nous aurions pu être tranquilles. Nous n'avons pas su, chez nous, exploiter notre avantage. Mais ce but à la dernière minute est tout de même dur à avaler..."

- Et le public ?

"Vous savez, ce n'est pas aux joueurs de juger les spectateurs, mais plutôt le contraire. Les Marseillais veulent voient gagner leurs favoris. C'est normal. Dans ces conditions, ils ne sont pas tendres pour les autres."

Quant au jeune gardien Gouraud, lorsque nous lui disons qu'il a été le héros du match, il a un gentil sourire, à peine désabusé.

"Hélas ! le héros malheureux, nous répond-il. Le premier but de Magnusson m'a complètement dérouté. J'étais persuadé que le Suédois allait centrer. Il a fait un crochet cours et a tiré aussitôt. Je n'ai plus rien vu ! La tête de Bonnel, franchement, était imparable. Mais Dieu que le public ici est impressionnant.

J.F.

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Pour qui joue la foule ?

On croyait que la foule serait le douzième joueur de l'O.M. On pouvait même redouter quelques excès.

En fait, les spectateurs furent d'une sagesse exemplaire et, curieusement, en première mi-temps, l'équipe la plus contractée, la plus nerveuse fut celle de l'O.M.

Il pouvait sembler que cette immense foule jouait contre son club.

L'effet escompté jouait en sens inverse.

Le football est vraiment une science aussi étonnante qu'illogique.

Certes, les spectateurs firent-t-il un triomphe à leurs joueurs la partie terminée.

Mais cette intervention ne fût-elle pas, comme celle des carabiniers d'Offenbach un peu tardive ?

M.F.

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