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Résumé Le Provencal

du 23 août 1970

 

L'O.M. k.o. en deux minutes !

Triple exploit du jeune VERGNES

(Louis DUPIC raconte le match)

NIMES - Lorsque les deux Olympiques provençaux sont aux prises, ce n'est jamais un derby comme les autres. Nous n'avons pas souvenance qu'un seul d'entre eux se soit déroulé de façon normale.

C'est ainsi qu'à une lourde défaite nimoise à Marseille, succéda, huit jours plus tard, l'élimination, à Alès, de l'O.M., tenant de la Coupe : tel est le bilan des deux dernières confrontations.

Les précédentes, à Nimes, en juin et août de l'année dernière, avait été passablement orageuse, sans que les torts, selon nous, puisse être portés aux griefs de l'un ou l'autre des antagonistes.

Pour faire un mauvais match, comme pour en faire un bon, il faut être deux, et nous avions condamné également provocateurs et agresseurs, les deux camps se plaignant aussi amèrement de l'attitude de l'autre, s'accusant mutuellement d'avoir mis le feu aux poudres, soit par des paroles déplacées, soit par des coups de pied dans les chevilles.

Nous nous retrouvions ce soir, dans cette fameuse tribune de presse de Jean Bouin, celle de tous les stades français d'où l'on entend le mieux battre le coeur de la partie, sans trop savoir ce qui nous attend, du meilleur ou du pire, suivant l'humeur des acteurs et spectateurs, entassés comme des sardines en boîte, et placés si près du champ de jeu qu'il leur est à peu près impossible de ne pas prendre violemment parti.

Hier soir, il fallait franchir ces cinq ou six barrages, en montrant pattes blanches, pour parvenir aux abords du stade, la rencontre se jouant à guichets fermés.

Arrivés enfin aux vestiaires, plus jalousement gardé que les réserves de la Banque de France, nous avons trouvé Loubet en tenue, alors que sur la pelouse les amateurs olympiens faisaient excellente figure face à leur homologue nîmois.

Était-ce un signe prémonitoire ?

En tout cas, les jeunes Marseillais s'imposaient brillamment quelque peu devant un adversaire de bonne valeur, petit exploit qui déchaîné l'enthousiasme de nombreux supporters. Quelque vigoureux coup de sifflet nîmois en réponse, et l'on était dans l'ambiance !

D'autant plus que quelques secondes après le coup d'envoi, M. Frausiel, désireux de tenir bien en main les deux équipes, sanctionné Kabyle d'un premier coup franc pour une charge bien offensive sur Magnusson. La partie était lancée.

Virile, mais correct.

Dès les premières minutes, on voyait Vergnes rater de quelques centimètres une passe en retrait de Hodoul, vers son gardien Escale, et ce dernier devait capter habilement un coup de tête de Bonnet. En compensation, Couecou à la 5me, mettez de peu à côté un joli centre de Leclercq qui, peu après, tirait sans succès à ras de terre.

Abordant la partie sans s'accorder la moindre période observation, les deux adversaires lui donnaient d'entrée une rare intensité.

Malgré la vigueur de l'engagement les acteurs de se départissaient pas d'une assez grande correction. M. Frausiel réprimant d'ailleurs impitoyablement et impartialement toutes interventions douteuses.

Et Mezy, à la 15me minute, écopait d'un avertissement pour avoir eu, apparemment la langue trop longue.

L'O.M. dangereux

A la 18me minute, sur une remarquable action de Magnusson Betton soufflait de quelques centimètres la balle à Skoblar bien placé, face aux buts.

L'O.M. depuis quelques minutes appuyait ses actions, et après une combinaison avec Loubet, le grand Leclercq, en très bonne position, croisait un peu trop sentir.

20me : but de Vergnes

Paradoxalement, à ce moment là, Escale qui venait de dévié au-dessus un bon tir de Marcellin, se laissait tromper sur le corner servi par Bonnet, par la reprise de la tête de Vergnes, pourtant pas tellement appuyée. Nous assistions là, alors que l'O.M. donnait l'impression de prendre la partie en main, à un surprenant renversement de situation.

Sur sa lancée, Nîmes se montrait dangereux sur un terrible coup franc de Mezy, 28me. Mais l'O.M. était à deux doigts d'égaliser, Novi plaçant un très bon tir qui frôlait le poteau.

Un peu plus tard, Lopez démarqué par Magnusson était abattu en pleine surface par deux Nîmois (34me). Et de l'autre côté du terrain, Vergnes, quelques secondes plus tard, manquait de peu une balle basse de Auger monté en attaque.

Jusqu'au repos, la bataille continuait à faire rage, Nîmes réussissant à conserver son avantage.

Le double exploit

de Vergnes

Non seulement les "Crocodiles" faisaient front, mais encore allaient-ils, dès la reprise, augmenter leur avance puis creuser définitivement l'écart, ceci en moins de deux minutes.

À la 46e minute, le petit Bonnet réussissait un centre de la gauche qui prenait la défense marseillaise à revers, et était repris d'une position pourtant difficile par Vergnes, dont le tir prenait Escale complètement à contre pied.

Une minute plus tard, c'était Mezy qui, de la gauche, alertait son avant-centre Vergnes, en pleine euphorie et complète décontraction, crochetait le capitaine marseillais Zwunka du pied droit et déclenchait du pied gauche, un tir appuyé qui heurtait le montant avant de pénétrer dans les filets.

Un but de la tête, un du pied droit et un du pied gauche, le jeune Vergnes venait de réussir le hat-trick ! Et ce n'était pas fini !

À la 52e minute, Escale devait mettre en corner un terrible coup franc de Mezy. Il n'y en avait plus alors que pour Nîmes qui menait le jeu à sa guise, après avoir réussi le but sensationnel de k.o.

En État de grâce, Vergnes à la 57e, n'était privé de son quatrième but que grâce a un excellent réflexe de Escales ; il avait repris de la tête un centre de Scherer.

Marcellin, l'un des meilleurs nîmois, l'imitait à la 65e minute, Escale étant encore à la parade, à la suite d'une offensive de l'arrière Odasso.

Le gardien marseillais avait encore un très bon réflexe sur un tir à bout portant de Bonnet. Scherer avait des explications orageuses et l'arbitre sortait son petit carnet.

La partie, heurtée au possible, n'avait pratiquement plus aucun intérêt, sombrant dans la confusion la plus complète.

La victoire nîmoise ne pouvant faire pratiquement aucun doute, la dernière demi-heure nous parut bien longue, l'un des rares faits notables étant un but marqué par Scherer, sur centre de Marcellin, mais refusé pour hors-jeu.

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 La vraie surprise :

un match à sens unique

(Les impressions de Maurice FABREGUETTES)

NIMES - L'O.M. avait pourtant pris un très bon départ, Leclercq eut le premier but du match au bout de son pied gauche et Lopez adroitement lancé par Magnusson fut abattu dans la surface de réparation de façon très suspecte.

L'équipe marseillaise bénéficiant d'abcès de fixation des défenseurs nîmois provoqués essentiellement par Magnusson et Skoblar, jouait très intelligemment dans les espaces libres.

C'est alors que la défense nîmoise très homogène et remarquablement couverte par Augé, gagna la première partie de la bataille.

Si l'O.M. avait pu matérialiser sa supériorité de la première demi-heure autrement que par des tentatives malheureuses, le déroulement de la rencontre eut vraisemblablement été tout autre.

Un match à sens unique

Mais avec des "si", on transformerait aisément Waterloo en Austerlitz.

Passé cette première demi-heure bien jouée, l'O.M. exactement comme contre Ajaccio il y a quatre jours se désunit complètement.

L'attaque se résuma rapidement au numéro de Magnusson au demeurant extraordinaire. Le milieu du terrain perdit complètement la maîtrise du jeu et, conséquence inévitable de toutes ces carences, la défense en fut réduite aux moyens du bord ou protéger Escale.

Ajoutez-y la réussite de Vergnes et vous connaîtrez assez exactement les raisons de ce cinglant échec.

Ajoutons-le franchement, nous pensions que l'O.M. pouvait être battu et pas de cette façon.

Car en deuxième mi-temps, l'un de nos voisins put se permettre de dire : "C'était un match à sens unique" ; et c'est miracle si les Nîmois déchaînés n'ajoutèrent pas quelques buts supplémentaires.

Il faut ouvrir les yeux

Nous n'allons pas accabler l'O.M. Ce n'est pas notre habitude et ce serait injuste, pour tous ces joueurs olympiens qui luttèrent de tout leur coeur de bout en bout.

Cependant, il convient dès à présent d'ouvrir les yeux. Le temps de l'optimisme béat n'est plus de mise.

Équipe actuelle a d'indiscutables qualités, nous ne sommes nullement inquiets pour elle, mais il ne faut pas plus dire qu'elle est supérieure à celle de la saison dernière. Il y a tout de même des évidences qui crèvent les yeux

1) - Pour des raisons qui nous échappent, l'équipe n'a qu'une mi-temps dans les jambes.

2) - Ni Couecou pourtant très combatif, ni Leclercq ne peuvent remplacer Bonnel à l'un des deux postes qu'il s'occupe.

3) Skoblar à la pointe du combat n'est pas une bonne solution. Il est trop marqué, il prend des coups, il s'énerve et ses partenaires - nous pensons surtout à Loubet - ne profitent plus de ses éminents services.

Si l'on tient vraiment à rendre service de Couecou, dont la bonne volonté évidente, il faut lui rendre sa place véritable. C'est après Ajaccio, un deuxième avertissement, mais celui-là avec frais. Il faut en tenir compte.

L'équipe nîmoise

améliorée

L'équipes de Nîmes, celle de la saison dernière à un homme près, Vergnes semble s'être bonifiée avec le temps. Bien que l'attaque ait marqué trois buts c'est sans doute la défense qui fut à l'origine de ce succès.

Malgré la pression exercée par Magnusson sur son flanc droit, elle garda tout son calme.

Betton fut un rude adversaire pour Skoblar, Botasso, ne craignons pas de l'écrire, mit Loubet dans sa poche.

Au milieu du terrain, Mezy et Leclercq ne se marquant pratiquement pas, le jeune Nîmois fut technique, plus vif que son adversaire mena le jeu presque à sa guise après un début difficile.

Entre Scherer et Bonnel fut le match nul à peu près parfait.

Le trio de pointe nîmois Marcellin, Bonnet et évidemment Vergnes, donna beaucoup de fil à retordre à la défense de l'O.M.

Ce fut peut-être la plus grande surprise du match qui par son déroulement et son terme constituera un énorme étonnement.

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 Le président Marcel LECLERC :

"Les meilleurs ont gagné !"

NIMES - Nous avions perdu depuis très longtemps le souvenir de ces soirs de défaite : joueurs la tête entre les mains, effondrés sur leurs bancs, et dirigeants ne sachant que trop dire.

"Les meilleurs ont gagné, a déclaré sans ambages le président Leclerc. Nîmes a joué large, à la manière, et notre défense s'est laissait trop souvent surprendre en n'attaquant pas de balles franchement comme elle en a d'habitude. Mais, ce n'est pas catastrophique ; nous perdions encore d'autres matchs, mais nous en gagnerons aussi."

De l'autre côté des vestiaires Mario Zatelli déclarait :

"Ce fut une rencontre qui comporte deux tournants, qui nous furent également défavorables. Nous avions la partie en main lorsque Vergnes marqua un premier but que nous n'aurions jamais du encaisser. Nous avons mis du temps à nous reprendre. Et puis, il y eut le coup de massue de la reprise. Nous ne pouvions pas nous remettre de ce double coup de sort, mais notre défense n'a pas fait sa partie habituelle, c'est certain".

Escale expliquait comment il avait encaissé le premier but :

"Le coup de tête de Vergnes n'était pas terrible pourtant. Mais j'ai été trompé par la feinte involontaire d'un de mes partenaires, et n'ai pu qu'accompagner la balle au fond de la cage".

Jules Zwunka, le capitaine, se faisait le porte-parole des défenseurs, qui seront logiquement mis sur la sellette :

"Nous n'étions pas partis pour encaisser un 3 à 0. On va croire que nous avons été "promenés" ; ce n'était pourtant pas le cas, mais, évidemment, après le doublé de Vergnes il n'y avait plus de problèmes."

Jacky Novi, le Nîmois, était l'un des plus touchés par la défaite :

"Perdre à Nimes, je veux bien encore l'admettre, mais 3 à 0 c'est vraiment trop dur !"

Roger Magnusson mettait ce lourd résultat sur le compte de la bonne partie fournie par les Nîmois, mais aussi sur le maximum de réussite qui sourit à ces derniers, notamment à leur avant-centre Vergnes. Lui et Skoblar nous expliquaient que le but obtenu l'avant la fin grâce a leur collaboration, était parfaitement valable :

"J'ai centré en retrait, disait le Suédois. Comment ce but a-t-il pu être refusé ?

Skoblar montrait sa jambe droite sévèrement touchée, et se plaignait des irrégularités de son adversaire direct, Betton.

Enfin, Charlie Loubet avouait qu'il s'était très vite sentit les jambes lourdes.

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 Nîmes - Kader Firoud :

"Notre mariage a payé"

Pour une fois, les Nîmois et les Marseillais étaient bien d'accord sur le fond du problème.

Kader Firoud accordé pour sa part un bon début de match à ses adversaires, "Mais, expliquait-t-il, leur supériorité momentanée a été provoquée par notre propre carence. Nous forcions trop la balle ; nous avons été irrésistibles dès que nous avons joué large, et notre succès ne se discute pas".

Le visage de Jacky Vergnes, héros de la soirée, rayonnait de bonheur :

"Marquer trois buts, c'est déjà très bien, mais contre une équipe aussi réputée que l'O.M., ça c'est vraiment formidable".

Quant à Kabyle, il nous disait en souriant de toutes ses dents :

"Cette fois il n'y a pas eu de combats singuliers entre Kabyle et Magnusson, et je vais rappeler que, la saison dernière, je n'avais pas de tous les torts."

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 Le double mur de Jean-Bouin

NIMES - Tout est relatif. Le stade de Nîmes archi-plein ne représente pas plus de 15.000 personnes, mais ces 15.000 spectateurs, pour la plupart archi-compressés, font du bruit tout comme 50.000.

"Le plus impressionnant" nous a fait remarquer Jean-Paul Escale, "c'est en cas de coup franc direct. J'ai un mu devant et un autre mur derrière, celui du public. Le premier me masque parfois le ballon, quant au second, il fait tut pour me démoraliser".

Mais ajouta-t-il après un moment de réflexion, les murs ne démoralisent que les mous.

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Le président d'honneur des Nimois, M. Chiarini, nous a expliqué l'affaire des deux Roumains encore absents :

"Tout est en règle, maos comme il s'agit de deux officiers, l'un de la police l'autre de l'armée roumaine, le consulat de France à Bucarest fait une petite enquête avant de leur délivrer le visa d'entrée en France.

Peut-être craint-on que le football ne soit qu'un prétexte à l'espionnage. Toujours les romans noirs.

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Pendant que nous écoutions M. Chiarini, le jeune Emon des amateurs de l'O.M., marquait du gauche un but splendide. Le quatrième de l'équipe amateur de l'O.M. (à 2) contre les amateurs nimois. But signalé par le départ vers le ciel d'une fusée, sans nul doute marseillaise.

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Bien que l'un ait tous ses cheveux et l'autre un crâne en boule de billard, Mario Zatelli et Kader Miroud se ressemblaient avant le match. Tous deux étaient contractés que l'un nous a dit : "Ca va très bien , M. Dupic"...

Et l'autre :"Comment allez-vous, M. Sinet ? "

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Nous attendions l'entrée des équipes pour avoir à l'applaudimètre une idée de la densité des supporters marseillais. Aux cris sui saluèrent l'annonce de la présence de Loubet, on peut estimer à trois ou quatre mille le nombre de ces supporters

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A quinze secondes du coup d'envoi, coup -franc pour charge de Kabyle sur Magnusson. Un peu plus tard, coup-franc pour charge de Skoblar sur Betton. Josip, il est vrai, n'a jamais aimé le béton.

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Bonnel et Schoerrer jouaient les frères siamois à la perfection, mais sans méchanceté, cette fois.

A force de se marcher sur les pieds, ces deux excellents joueurs auraient-ils fini par s'estimer ?

Mais quand Skoblar s'en mêlait, cela tournait au vinaigre. Lequel des deux aurait-il oublié quelque chose au Chili en 1962.

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En fin de première mi-temps, il y eut un véritable gag. L'arbitre venait de siffler un coup franc en faveur de Marseille, mais Magnusson et Kabyle, qui n'avaient pas entendu, se démenèrent au moins cinquante secondes, sous l'oeil amusé des spectateurs et de tous leurs partenaires.

On ne peut pas dire que ces deux joueurs ne mettaient pas tout leur coeur à l'ouvrage.

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(photos : collection personnelle Norman Jardin)

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