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Résumé Le Provencal

du 12 octobre 1970

 

L'heure

 

merveilleuse

 

de l'O.M.

 

L'O.M. est en tête du championnat. Pour la majorité des sportifs marseillais c'est vraiment la grande nouvelle de ces dernières années. Tous espéraient cette royauté - peut-être provisoire mais bien réelle pour l'instant - du championnat, cette compétition qui est la véritable jauge de valeur. L'équipe marseillaise engagée dans la bataille pour le titre avec l'obstination fait feu des quatre fers. Ses puncheurs marquent des buts, ses défenseurs sont quasi infranchissables. Jamais la compétition nationale n'avait présenté autant de motifs d'intérêt. C'est le championnat à "l'arme blanche", impitoyable, spectaculaire, éprouvant et passionnant. L'O.M. - pour le moment - y joue le premier rôle. C'est suffisant pour mettre la ville en joie.

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L'O.M. MAILLOT JAUNE !

Nous n'avons jamais tremblé pour les Olympiens

VALENCIENNES - Nous avions chaud dans la tribune du stade Nungesser, ce qui laisse supposer que les joueurs, soumis à des tâches plus éprouvantes, eux, n'avaient pas froid sur le terrain.

Cette température inhabituelle pour la saison, surtout dans le Nord, explique et excuse le manque de rythme de la rencontre.

Comment on pouvait le supposer, Valenciennes essaya de surprendre son adversaire dès le départ, par une attaque rapide du ballon et une ruse tactique : le placement de Houen au centre de l'attaque, à côté de Joseph.

Vu du côté des tribunes, le résultat a été assez curieux.

Au milieu d'une sorte de mer verte, on voyait un flot blanc et rouge, fait de cinq joueurs : Zwunka, Joseph, Houen, Kula et Hodoul, surveillant général.

Devant la très calme et très sûre défense de l'O.M., ces premières velléités offensives de Valenciennes ne contribuèrent pas à faire d'Escale le héros du match.

En fait, il n'avait pas encore touché le ballon quand Loubet, semblant sortir du cauchemar de Vienne, marqua un but strictement individuel, tout en finesse, tout en subtilité, tout en savoir-faire.

Une différence de classe.

Ce but eut un double effet. Il sapa complètement le moral de Valenciennes d'abord.

Conscience de sa vulnérabilité en défense, l'équipe valenciennoise parut se ratatinait devant son but, ensuite.

L'O.M. en profita alors pour faire une démonstration, peut-être pas éclatante mais tout de même indiscutable, de sa supériorité.

La différence de points au classement entre les deux adversaires apparut clairement au grand jour du stade.

D'un côté une équipe animée d'une louable bonne volonté, faisant de son mieux, mais limitée.

De l'autre, un ensemble plus cohérente, mieux organisé, et surtout plus riche que son rival en footballeurs de classe.

Il fallut un bras très involontaire d'Hodoul pour qu'Escale ait l'occasion de voir passer le seul tir de Valenciennes en première mi-temps.

Un tir au demeurant imparable.

C'est dire à quel point V.A. malgré la débauche d'énergie de ses joueurs et le soutien de son public, avait été peu dangereux.

Un défaut d'avoir fait un grand match complet, l'O.M. avait eu le même mérite de museler son adversaire de prendre sa mesure.

 Le but de Skoblar : un but d'entraînement.

Le but de Skoblar, qui devait faire la différence, fut un but d'entraînement.

Magnusson tira le corner par-dessus la tête de la première ligne des joueurs des deux camps, Skoblar, venu de l'arrière, reprit la balle de plein front et fit mouche.

Sur un corner, joueur en mouvement, celui dont l'adversaire se méfie le moins, est toujours le plus dangereux.

On remarquera au passage que la défense de Valenciennes aurait dû savoir que Skoblar et un redoutable spécialiste du jeu de tête.

En fin de rencontre, alors que l'O.M. essayait de conserver son avantage, Valenciennes joua son va-tout.

Mais, une fois encore, la défense de l'O.M. nous administra la preuve de sa solidité, de son sang-froid et du rôle important qu'elle a joué dans la montée de l'équipe de la première place.

Escale, un peu plus sollicité qu'en première mi-temps, n'eut tout de même pas à se surpasser.

Un coup de tête de Joseph, un tir de l'Allemand Klose, et surtout une intervention dans les pieds de Guinot.

Dans notre tribune, en dépit des efforts de V.A., nous n'avions jamais vraiment tremblé pour l'O.M.

Depuis le début, la victoire marseillaise nous avait paru inéluctable, et finalement elle fut, comme devait nous le dire un peu plus tard Mario Zatelli, tout à fait normal.

 Le duel Joseph Zwunka.

On avait fait du duel Joseph - Zwunka le sommet de la rencontre, la clé du match.

Il constitua en fait une simple péripétie.

Trop isolé et jouant avec une certaine retenue, Joseph ne fut jamais le terrible "Zé", l'homme qui bouscule les défenses.

Il nous apparut en bonne forme, mais très contracté. Jouant devant ses anciens partenaires et amis, il n'osa jamais s'engager résolument.

Il est vrai que Zwunka, meilleur que jamais, ne le quitta pas une semelle et se permit même de rivaliser avec lui dans le jeu de tête.

Nous éviterons de juger Joseph sur cette partie tout à fait moyenne pour lui.

 V.A. trop contracté.

Il nous a semblé aussi que V.A. n'employait pas la bonne méthode pour essayer de battre l'O.M.

Contre un adversaire indiscutablement supérieur, il faut oublier cette supériorité, penser qu'il peut être dans un mauvais jour, pour essayer de le vaincre.

V.A. a toujours été à mi-chemin entre l'audace et la crainte, et le fait d'avoir volontairement abandonné tout le côté droit du terrain n'arrangea rien.

Ce n'est pas un reproche, mais une constatation.

V.A. nous a produit l'impression de penser trop son match et de ne pas assez le jouer.

Contre une équipe comme l'O.M., très sur en défense et disposant, même si ce n'est qu'épisodiquement comme aujourd'hui, de très grands moyens offensifs, il faut jouer en toute liberté d'esprit.

Voilà donc l'O.M. à la première place, après un match où il a surtout démontré son aptitude à s'adapter à toutes les situations.

Mercredi, Sochaux, deuxième, et dimanche Saint-Étienne, le tombeur de Rennes.

Le grand sport ne fait que commencer, et c'est tant mieux.

Maurice FABREGUETTES

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 Robert DOMERGUE : "Ce n'est pas une affaire personnelle"

VALENCIENNES - Avant la partie, nous avions rencontré Robert Domergue, qui nous avait assuré :

- Je ne fais pas de ce match une affaire personnelle. Mes déboires marseillais sont de l'histoire ancienne. Je les ai oubliés depuis longtemps. Aussi, cette semaine, je vous précise que je n'ai pas axé notre préparation en fonction de l'O.M. en tant que l'O.M., mais seulement dans le but de vaincre rival de tout premier plan et de prendre si possible, deux points tout à fait nécessaire pour notre situation.

" J'ai demandé à mes hommes de ne pas se faire une montagne de leurs éminents adversaires, de ne pas se laisser impressionner par leur réputation, mais de ne pas les minimiser non plus. J'ai souhaité que leur attitude s'harmonise entre deux principes et qu'ils jouent également très vite pour priver les Marseillais, présumés supérieurs, du ballon".

Deux heures plus tard, nous retrouvions l'entraîneur de V.A. dans un vestiaire où régnait un silence de mort. Les Nordistes accueillaient comme une condamnation cette quatrième défaite consécutive et baissaient la tête sous les paroles de leur entraîneur.

- Voilà comment nous perdons nos matches ! De grosses fautes de défense et une totale impuissance en attaque. Les deux buts de l'O.M. sont de véritables "cadeaux". Le premier sur cette glissade du notre jeune arrière central Gumez, qui est d'ailleurs coutumier du fait, il ne sait pas attaquer et arrêter un adversaire, et se trouve toujours en déséquilibre.

"Quant au second, il n'y avait personne à la réception de la balle sur le corner de Magnusson, et c'est bien un comble ! Gumez chargé de marquer Skoblar, étant non seulement très grand mais encore très bon dans ces circonstances... Mais il a 20 ans et que pourrais-je lui reprocher ? (Gumez est là à côté). Pourtant tu étais bien cramponné ?

"Quant à l'O.M., il ne m'a pas produit une très forte impression. Je l'ai trouvé beaucoup moins forts que Nantes et en condition physique précaire. Les Marseillais ont souffert en fin de partie. Était-ce le meilleur O.M. ? Je ne le crois pas. Il a assuré son succès grâce à ses individualités. Mais avec une équipe moins naïve, nous les aurions certainement battus.

"Pour nous, la question est de pouvoir nous renforcer le plus possible. Avec l'effectif actuel, nous sommes condamnés à subir souvent de pareils déboires.

"Pour me résumer, j'ajouterai que ma mauvaise humeur n'est pas dictée par le fait d'avoir été battu par l'O.M., mais par celui de ne pas pouvoir trouver de solution immédiate à nos problèmes. Ce n'était pas je vous le répète une affaire personnelle".

L.D.

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 Un exploit de SKOBLAR qui vaut de l'or...

VALENCIENNES - Le célèbre clair de lune à Maubeuge n'est peut-être qu'une plaisante légende, mais le soleil de Valenciennes est une resplendissante réalité. Pluie à Marseille, pluie à Paris, mais ici un temps splendide : c'est le monde renversé et nous n'avons pas l'air très malin avec nos casquettes et nos imperméables. Mais ne faisons pas la fine bouche !

Le chauffeur de taxi volubile nous emmène vers le stade Nungesser. Il nous fait un saisissant portrait des malheurs de V. A.. Une équipe, selon lui, bien désarmée, adepte de la défense renforcée ou Joseph est complètement isolé, à la pointe du combat. Quant à l'Allemand Klose, il n'est qu'un brillant farfelu.

"Moi qui vous parle, je ne vais plus voir les matches de football. Bien que je sois un abonné. C'est trop triste de voir perdre son équipe, et je suis devenu supporter des basketteurs de Denain".

Mais en nous quittant il nous lance :

"Mais je serai tout de même au stade tout à l'heure !"

Et quelques instants plus tard, nous le retrouvons tout prêt de nous... Serment de supporters, serment d'ivrogne !

Aux vestiaires de V.A., nous avons rencontré Robert Domergue et Joseph aussi souriants l'un que l'autre. Nous n'avons pas parlé du passé mais seulement du présent.

Si Valenciennes est prêt à tenter l'impossible pour vaincre l'O.M., cela n'a rien à voir avec ces réminiscences, mais bien parce que V.A. reste sur trois défaites consécutives.

Malgré cela, l'assistance est extrêmement honorable. À mi-chemin entre les records et le petit public habituel.

De l'avis des familiers, sans doute 10.000 spectateurs, en comptant les ayants droits.

Quelques beaux duels.

Les deux équipes pratiquant un strict marquage individuel, nous assistons dès le début à neuf combats singulier parmi lesquels, entre anciens coéquipiers, Bonnel - Kocik et Zwunka - Joseph. Au cours des cinq premières minutes, le terrible capitaine de Valenciennes va d'ailleurs deux fois au tapis, énergiquement propulsé par Bonnel, sans autre conséquence que de petites tapes mutuelles sur les épaules !

Joseph, lui, a réussi à reprendre fortement de la tête un joli centre de Guinot, la balle passant juste à côté du but (4me minute). Puis Couecou se blesse, fort heureusement sans gravité, en venant heurter un banc placé bien trop près de la ligne de but.

V.A. s'efforce courageusement de prendre l'initiative au cours de ce premier quart d'heure.

14e m. : but de Loubet

Charly Loubet va pourtant ouvrir la marque dans des conditions plutôt curieuses. Il élimine Jolie d'un très joli crochet, se rabat vers le centre ou d'une glissade du Gumez survenu à la rescousse lui ouvre littéralement le chemin du but. Il ne manque pas cette occasion inespérée et trompe facilement Lawnizak sorti à sa rencontre. Sur les gradins, on crie à la malchance. Mais tout aussitôt, Magnusson déborde Dugueyperoux et centre en retrait pour Skoblar qui, trop confiants, tente une reprise difficile et la manque.

La chance, cette fois, et belle et bien pour V.A. !

26e m. : un penalty

providentiel.

Elle ne va pas se démentir, car à la 26me minute, sur un débordement de Klose, Hodoul, placé quelques centimètres à l'intérieur de la surface et près de la ligne de but, intercepte du bras, volontairement ou non, le centre de l'ailier allemand. Penalty ! Décide immédiatement M. Lefebvre et transformation imparable de Coustillet. Cela redonne vie à V.A. et aussi à la partie.

Coup sur coup, Houen tire de peu à côté (29e mn), puis Couecou de la tête dévie juste au-dessus de la barre un bon centre de Magnusson (31me minute). Trois minutes plus tard Loubet imite le Suédois et centre avec précision.

Skoblar et Couecou se précipitent, se gênent et Lawnizak peut contrôler la balle trop molle du Yougoslave.

À plusieurs reprises, en cette fin de première mi-temps, Guinot essaie de trouver la tête de Joseph, mais Zwunka fait bonne garde.

M. Lefebvre aussi, qui inflige un avertissement à Magnusson dont le geste de révolte envers Dugueyperoux est pourtant assez compréhensif.

49e m. : tête magistrale

de Skoblar

La seconde mi-temps, alors que le soleil s'est caché, débute par un tir de Houen, mais surtout par une série de dribbles de Magnusson qui vont permettre à l'O.M. de prendre l'avantage. Roger obtient et tire deux corners. Sur le second, la balle s'élève, Couecou saute, l'effleure, mais Skoblar est là, derrière lui qui ajuste de 10 à 12 mètres un coup de tête magistral et victorieux.

Un véritable exploit qui jette un froid sur les gradins et coupe sans doute aussi les jambes des nordistes.

L'O.M., comme précédemment, semble maintenant mettre du jeu et Hodoul mène une contre-attaque de sa surface jusqu'aux abords de la surface adverse.

Klose, trop personnel, tente sa chance de 20 mètres et ne peut inquiéter Escale et tout juste à la 60me minute, Robert Domergue remplace Gumez par Sérafin.

Sur une longue balle de Jolis, Escale intervient coup sur coup en catastrophe devant Joseph et Klose menaçants.

La foule exulte, Kuskoviak ayant réussi pour une fois apprend la balle à Magnusson.

M. Lefebvre, après le Suédois note Skoblar sur son petit carnet.

Le Yougoslave a eu le grand tort de se faire faucher par Jolis en pleine surface et de montrer son mécontentement. C'est, on le sait, un crime dans notre malheureux football.

L'O.M.

toujours dangereux.

Au cours du dernier quart d'heure, marqué par le logique forcing de Valenciennes, les contre-attaques de l'O.M., extrêmement dangereuses, lui permettent d'obtenir trois corners et de menacer souvent le but de Lawnizak. C'est ainsi que Bonnel rate de quelques centimètres, de la tête, la reprise d'un centre de Magnusson.

A quelques minutes de la fin, Novi ayant été touché au visage, Mario Zatelli le remplace par Leclercq qui trouve ainsi l'occasion de se faire applaudir par son ancien public.

Ainsi la partie se termine par une nouvelle victoire à l'extérieur qui fait de l'O.M. le leader du championnat.

Louis DUPIC

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 JOSEPH :" JE SOUHAITE A L'O.M. D'ETRE CHAMPION !"

JOSEPH, au maillot rouge alourdi de sueur, était prostré dans un coin, comme ses camarades. "Nous perdons toujours nos matches de la même façon, par le minimum, et sans être surclassés le moins du monde. Mais ne perdons, et seul le résultat compte. Cela dit, je n'ai pas été tellement impressionné par l'O.M., que j'ai trouvé moins bon que la saison dernière, et surtout beaucoup moins collectif, se contentant des coups d'accélérateur de ses vedettes.

"Je n'étais pas trop inquiet à la pensée de me trouver face à Jules Zwunka. C'est un adversaire très difficile pourtant. Il a fait un très bon match, en commettant ses petites irrégularités habituelles. Mais vous avez dû constater mon isolement ! Il n'est pas facile dans ces conditions de tromper une défense comme celle de l'O.M., auquel je souhaite sincèrement d'être champion de France !"

L.D.

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Ils disent

Mario ZATELLI :

"C'est normal"

VALENCIENNES - Une joie raisonnée et raisonnable dans le vestiaire olympien, où l'on venait d'apprendre la défaite de Rennes etpar conséquent, la conquête du maillot jaune par les olympiens.

Mario Zatelli, très calme, très décontracté, nous a dit :

"C'est un résultat normal. Mon équipe a fort bien joué pendant vingt minutes en deuxième mi-temps. Puis, elle a un peu oublié de faire circuler le ballon. Et la fin du match fut assez pénible pour elle. Mais, à cette réserve près, je suis très content d'elle !"

Hodoul : "Je n'y suis pour rien"

"Klose a centré très fort devant moi", nous a confié Hodoul, responsable du penalty.

"Il fallait bien que je mette le bras quelque part. Pour moi il n'y a pas penalty. C'est le ballon qui allait vers mon bras et non mon bras vers le ballon".

Magnusson : "C'est insensé !"

Magnusson était furieux : "Encore un avertissement ! Je ne comprends pas. Toute la partie, j'ai été victime d'irrégularités et, pour une petite fois que je pousse mon adversaire de la main, je reçois un avertissement. C'est insensé !"

Novi : "Un coup de tête de Zé"

Novi est sorti du terrain à quelques minutes de la fin, touché au nez.

"C'est un coup de Zé dit-il en riant. Sur le moment, j'ai cru que j'avais le nez cassé.

Le médecin de service nous a confirmé qu'il s'agissait que d'un simple coup douloureux sur le moment, mais sans danger.

Skoblar : il ne peut plus rien dire.

Skoblar, lui aussi, a reçu un avertissement. Il ne décolérait pas dans le vestiaire :

"Savez-vous ce que j'ai dit à l'arbitre ? Il y a penalty ! Et puis vous affirmer que je ne lui ai rien dit d'autre. Là-dessus, voilà que je reçois un avertissement de plus. Maintenant, c'est comme avec la police, on ne peut plus dire un mot sans être bouclé".

M.F

 

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