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Résumé Le Provencal

du 04 novembre 1971

 

AJAX ETAIT

LE PLUS FORT

 

AMSTERDAM - Nous voilà installés à notre poste, dans l'immense nef du stade olympique, la tribune de presse étant située tout à fait sur la droite par rapport à la pelouse, presque dans le prolongement de la ligne de but. Il est vrai que ce stade, qui sert très peu maintenant a été édifié en fonction des Jeux Olympiques de 1928, l'emplacement réservé aux journalistes se trouvant, de ce fait, face à la ligne d'arrivée présumée, des courses athlétiques.

Fort heureusement, l'éclairage lui, est moderne et sensationnel. Nous n'aurons aucun mal, malgré la distance, à suivre le cours des opérations.

Alors que les gradins se garnissent progressivement, l'ensemble est éclairé à giorno, et pourtant, seuls quatre pylônes sont en service.

La pelouse, nous l'avons déjà dit, est magnifique, d'un vert presque irréel, le terrain de jeu nous paraissant particulièrement large.

Aux alentours, c'est de la folie. Deux bonnes heures avant le coup d'envoi, nous avons eu du mal à gagner le stade. Le peu d'intérêt manifesté, au cours des jours précédents par l'opinion publique, la proximité de la rencontre au sommet Ajax - Feyenoord, et le prix exceptionnellement élevé des places (25 florins) les plus chères, n'ont pas rebuté les supporters hollandais qui, arborant les couleurs rouges et blanches des champions d'Europe, se manifestent bruyamment.

Les Marseillais, malgré le résultat du match aller, sont venus en nombre. Ils seront plus de 1.000 certainement.

Les restaurants et les bars du stade sont, depuis longtemps, bondés d'une foule colorée. Malgré la concurrence, nous avons réussi à nous procurer quelques croquettes, tout à fait excellentes, un curieux sandwich d'origine indéterminée, et d'un verre de bière.

Contrairement aux craintes longtemps exprimées, il ne fait pas trop froid, et un vent léger a eu la bonne idée de dissiper les brouillards qui, en cette fin d'automne, flottent généralement sur la Hollande.

Nous avons appris - mieux vaut tard que jamais - que la rencontre serait dirigée par l'Écossais, M. Mac Kenzie, et nous avons cru comprendre qu'elle serait retransmise, en France, sur le petit écran, les Hollandais se contentant de résumés filmés des nombreux matches de Coupe d'Europe intéressant les clubs de leur pays, tard dans la soirée.

En guise de lever de rideau, une musique militaire, ou supposés telle, orchestre les chants du public, tandis que les deux équipes s'échauffent sur la pelouse.

L'Ajax y a été accueilli par une clameur formidable, alors que les partisans de l'O.M. tentent bravement de faire front.

Des équipes vont se présenter dans la composition suivante :

O.M. (en bleu) :

Carnus, Hodoul, Bosquier, Zwunka, Kula, Novi, Thérèse, Bonnel, Magnusson, Skoblar, Couecou.

Ajax (en blanc et rouge) :

Gardiens de but : Stuy, arrières : Stuurbier, Hulshoff, Blankenburg, Krol ; les trois demis : Haan, Neeskens, Muhren ; les trois avants : Swart, Cruijff, Keiser.

On remarquera que les Hollandais par rapport au match de Marseille ont récupéré leur arrière international Suurbier, ce qui permet à Swart de reprendre sa place, à l'aile droite et à l'Ajax d'aligner la meilleure formation possible.

Lorsque le débat s'engage, le stade est archicomble. Cela signifie que l'O.M. va évoluer devant 65.000 spectateurs et peut-être même 70.000, des pratiquables ayant été édifiés dans les virages.

La première action marseillaise menée par la gauche par Bonnel et Couecou permet seulement à Didier, agressé par Blankenburg d'obtenir un coup franc qui ne donne rien.

Le public manifeste pour tout et pour rien, sifflant les essais ratés des siens comme ceux de l'adversaire et applaudissant par exemple un échange de passes audacieuses des Marseillais dans leur surface comme un tir dangereux de Skoblar.

8me MINUTE :

KEIZER SUR LE POTEAU

S'étant fait oublier jusqu'alors, Cruijff à la 8me minute parvient grâce à un coup de rein prodigieux à échapper à Zwunka et à centrer en retrait avec précision pour son complice Keizer dont la reprise du gauche percute le poteau.

L'O.M. vient de l'échapper belles. Ajax se déchaîne et Couecou poursuivant Suurbier et l'attaquant par derrière écope d'un avertissement. Carnus peu après doit détourner un corner brossé diaboliquement par Cruijff.

Keiser de son côté termine une série de dribbles le long de la ligne de but par un centre aérien que Swart de la tête expédie sur la transversale.

17me MINUTE :

COUECOU MARQUE !

Mais le football est décidément chose bizarre. Lorraine qui vient de frôle la catastrophe doit ouvrir la marque à la 17me minute. Couecou, fauché par Haan, obtient un coup franc que Skoblar tire en force traversant le mur hollandais. Stuy plonge, lâche la balle que Bonnel parvient à récupérer et à redresser au bénéfice de Couecou qui marque à bout portant.

Dans les rangs de la petite colonie marseillaise, c'est bien entendu du délire. L'O.M. va-t-il rééditer son exploit de Gornik ? Skoblar servi par Couecou ajuste un tir à effet qui frôle le poteau à la 23me minute.

26me MINUTE :

CARNUS SAUVE

Evidemment, les Hollandais appuient sur l'accélérateur. Une balle de Cruijff déviée par la défense marseillaise, parvient à Keizer et l'on croit à l'égalisation, quand Carnus réussit devant le capitaine d'Ajax un sauvetage spectaculaire. Sur les gradins, le public commence à se poser des questions.

33me MINUTE :

CRUIJFF EGALISE

AVEC LA COMPLICITÉ DE BOSQUIER

Cependant, les champions d'Europe parviennent à leurs fins à la 33me minute. Cruijff après s'être engagé dans l'axe du terrain, expédiant un tir de face qui, dévié au passage par le pied de Bosquier, ira terminer sa course au fond des filets.

Dès la remise en jeu, Carnus sauve à nouveau devant Keiser alors que Bosquier, à la suite d'un corner manque, de peu, la lucarne du but hollandais.

37me MINUTE :

BUT DE SWART

Ajax à prendre l'avantage de façon assez heureuse. Novi repoussant malencontreusement un tir lointain de Haan dans les pieds de Swart qui à bout portant ne rate pas pareilles occasions.

Ce même Haan oblige peu après Carnus à une parade spectaculaire. Sur les gradins on entonne des champs de triomphe.

La première période se termine par une petite algarade, M. Mac Kenzie distribuant des avertissements à Skoblar et à Neeskens.

Ajax, possédant maintenant 2 buts d'avance, débute sur un rythme lent, les Hollandais se rappelant qu'ils ont, dimanche, à jouer le match décisif contre Feyenoord, se contentant de briser les contre-attaques de l'O.M.

Pour cela, ils ont recours au hors jeu, au piège duquel les Marseillais se laissent prendre à plusieurs reprises.

Sur les gradins, les clameurs se sont tues, tout le monde admettant la qualification du champion d'Europe.

Magnusson réussit un bon dribble et lance Gress sur la droite. Mais Blankenburg est là pour passer en retrait à son gardien.

Les deux équipes paraissent avoir jeté tous leurs feux au cours de la première période. Il faut un magnifique retourné de Couecou, sur corner de Magnusson, pour réchauffer un peu la galerie (60me minute).

Hodoul, remarquable depuis le début face au tandem Cruijff - Keiser, arrête une fois de plus la petite vedette d'Ajax.

65me MINUTE :

TÊTE ET BUT DE SWART

Les défenseurs marseillais ne pourront empêcher les Hollandais de marquer un 3me but par le vétéran de l'équipe, Swart, reprenant victorieusement de la tête un long centre de Cruijff.

C'est encore ce dernier qui provoque, un peu plus tard, un véritable bombardement du but de Carnus.

Un coup franc de Magnusson, un tir appuyé de Hodoul, un centre de Kula ne peuvent vraiment inquiéter le grand Stuy.

80me MINUTE :

BUT DE HAAN

On entre dans le dernier quart d'heure. Les Hollandais parviennent à mettre cinq Marseillais hors-jeux d'un seul coup, ce qui amuse fort le public.

C'est le demi rouquin Haan qui donnera un véritable coup de grâce à l'O.M. en obtenant un 4me but, d'un tir lointain, qui trompera le malheureux Carnus, masqué par un rideau de défenseurs.

À quatre minutes de la fin, un tir de Skoblar et difficilement arrêté par le gardien Stuy.

Là-dessus, attaque collective d'Ajax. Le terrible Cruijff tire du gauche, mais Carnus dévie le ballon en corner. Encore un exploit de Carnus qui, ce soir, aura été excellent.

Ajax attaque encore, sur un centre de la gauche, une reprise de la tête de Haan est repoussée en corner. Sur ce corner, nouvelle tête de Swart, mais Carnus, bien placé, arrête le ballon.

Ces dernières minutes du match ont été très chaudes pour l'O.M. Zwunka reste au sol, on vient le sortir du terrain ; il est remplacé par le jeune Leclercq.

Et la fin de la partie est sifflée sur ce résultat de : Ajax, 4 - O.M., 1.

Louis DUPIC

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Marcel LECLERC : "Mes joueurs ont fait leur possible !"

AMSTERDAM - Dans le vestiaire marseillais, pris d'assaut par une véritable nuée de journalistes et de photographes, l'atmosphère n'est pas celle des jours de catastrophe. Joueurs et dirigeants ont tous conscience d'avoir été battus par plus fort qu'eux.

Après une belle démonstration, nous avons compris, avec tous nos confrères, que l'O.M. acceptait cette défaite. Non pas d'inquiéter de gaîté de coeur, bien sûr, mais tout au moins avec une certaine philosophie.

Comme il nous a semblé l'entendre, prononcé d'une voix anonyme : "A l'impossible nul n'est tenu".

C'est bien la conclusion qu'il faut donner à la sortie des Marseillais de la Coupe d'Europe.

Le président Leclerc, pourtant, n'avait pas perdu son sourire.

En guise de commentaire, il disait : "Que voulez-vous, il faut regarder les choses comme elles sont. Pour ma part, je considère que nous n'avons pas plus mal joué que Glasgow. En revanche, nous avons fait mieux que Nuremberg, battu ici par 4 à 0 et même que Liverpool, qui s'est incliné par 5 à 1 contre ce même Ajax.

"Cette défaite de l'O.M. nous fait mesurer la différence qui existe encore entre le niveau français et celui européen. Nous sommes champions de France, certes, mais nous avons encore pas mal de choses à apprendre pour être compétitifs dans le concert des grandes équipes du vieux continent.

"Vous me demandez si je suis déçu de cette affaire ? Ma foi, je dirais qu'en tant que président, bien entendu, je ne peux guère me réjouir. Mais enfin, j'estime que mes joueurs ont fait leur possible. Et, ne l'oublions pas, ils ont quand même perdu contre le champion en titre. J'espère qu'un jour l'O.M. pourra acquérir cette même maîtrise que nous ont montrée nos adversaires ce soir. Alors peut-être, pourrons-nous à notre tour jouer les premiers rôles dans cette coupe d'Europe.

Entraîneur Lucien Leduc, lui, non plus, n'a pas sa tête des mauvais jours. Il essaie tout simplement d'analyser la situation avec le maximum de réalisme.

"Je l'avoue, dit l'entraîneur. J'ai eu un petit espoir quand Couecou a marqué ce but d'entrée. Mais ensuite, Ajax a fait le nécessaire pour nous ôter rapidement tout espoir.

"Nous avons encaissé 4 buts. L'addition est peut-être lourde, mais enfin, beaucoup de balles avaient percuté notre barre et, ma foi, la victoire d'Ajax ne peut être contestée, bien entendu.

"Je signale quand même que, sur 4 buts encaissés, 2 au moins 'ont été après que notre défense ait perdu la balle. C'est nous, en quelque sorte, qui avons mis les attaquants d'Ajax en position de tir. Mais enfin, de toute façon, je vous le répète, il n'y a rien à dire. Les Hollandais étaient bien les plus forts.

Quant aux autres dirigeants, qu'il s'agisse de MM. Gallien, Neuman ou Imbert, eux non plus ne trouvent rien à redire.

M. Gallian nous fait remarquer :

"Vous savez, quand l'O.M. a marqué ce premier but, nous avons bien entendu, tous été enchantés. On se disait : qui sait si on ne va pas en marquer un autre ? Mais il faut avouer que c'était un fol espoir. Car Ajax, vous l'avait vu, ne nous a guère laissé l'initiative par la suite".

Du côté des joueurs, c'est Lopez que nous avons vu en premier. L'arrière marseillais, qui avait insisté du bord de la touche à la défaite de ses camarades, disait :

"Ce qui nous console un peu, c'est que nous avons fait une très bonne rencontre".

Magnusson, lui, était sous la douche : "Rien à dire, précisait le Suédois. Ils étaient réellement d'une classe au-dessus de la nôtre. Vous savez quand, dans l'équipe adverse, se trouve un homme comme Joan Cruijff, il est bien entendu qu'une telle présence pèse lourd dans la balance.

Nous avons aussi interrogé Georges Carnus qui a dû, à quatre reprises, aller chercher la balle au fond de ses filets.

"Oui, il n'y a rien à redire, dit le gardien international. Ajax a tiré deux ou trois fois sur la barre, je ne sais plus. Le score de 4 à 1, à mon sens, est tout à fait logique".

Bosquier, qui nous a dit ne pas être ressenti de sa blessure, et Jacky Novi avaient à peu près le même sentiment.

Quant au capitaine Zwunka, qu'on dut sortir sur une civière à quelques minutes de la fin, il nous a d'abord rassurés sur son état.

"Oui, je suis tombé et j'ai heurté le sol avec ma tête. Heureusement, la pelouse a amortit le choc. Mais j'ai été bel et bien k.o. Maintenant, tout va bien et j'espère qu'il n'y aura pas de suite.

"En tant que capitaine, je suis déçu. Mais je le suis surtout de notre match de Marseille. Je crois que si nous avions fait un résultat chez nous, tout aurait été encore possible. Nous sommes arrivés ici, à Amsterdam dans une très mauvaise position. Nous étions menés à la marque. Et maintenant, il faut le dire, nos chances étaient très minimes de pouvoir inverser la situation. Nous avons bien marqué un but, mais le problème, comme vous l'avez vu, était d'en marquer d'autres... Et là, nous adversaires ne nous ont guère laissé de chance".

Didier Couecou était très entouré, lui aussi. Il avait été, en quelque sorte, joueur marseillais le plus en vue de la rencontre.

Nous lui avons demandé ce que représentait ce but, marquer ici Amsterdam.

"Je crois, dit Didier, que ce match est à marquer pour moi d'une pierre blanche. Ce n'est pas tous les jours, en effet, qu'on peut inscrire un but à une équipe comme Ajax.

"Sur le centre de Bonnel, je n'ai eu qu'à pousser la balle. Je n'avais donc pas beaucoup de mérite. Mais je pense quand même qu'il fallait être là.

"Je suis évidemment satisfait. On dit que j'ai fait un bon match. Mais c'est surtout parce que j'ai joué en soutien de Josip Skoblar. C'est une position que j'ai toujours souhaitée depuis que je suis à l'O.M.

Jean FERRARA

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Johan CRUIJFF : "Je n'ai jamais douté

de votre victoire"

AMSTERDAM - Dans le camp hollandais, comme on s'en doute, le joueur le plus entouré est ce phénomène de Johan Cruijff qui avait encore marqué la rencontre de son extraordinaire présence. La vedette d'Ajax nous dit tout d'abord qu'il était entièrement satisfait de cette partie jouée par ses hommes. Nous lui demandons alors s'il avait été effrayé un moment après le premier but de l'O.M.

"Effrayé ? Oh le bien grand mot ! Non, je n'ai jamais été effrayé, disons simplement que ce fut pour moi une surprise.

- Est-ce que cette surprise ; demandons-nous alors, vous a fait craindre un moment que le sort de ce deuxième match pouvait basculer ?

"Non, Ajax n'a jamais envisagé un seul instant de perdre ce match. Vous avez vu que lorsque nous avons appuyé davantage sur l'accélération, il n'y a plus eu problème. Je reconnais que l'O.M. est néanmoins une très bonne équipe tant sur le plan technique que sur celui de la condition, Les joueurs marseillais avaient déjà un lourd handicap à surmonter après leur première défaite à domicile. Ils ont eu le mérite d'essayer de prendre le match à bras le corps. Ils sont même parvenus, comme je vous l'ai dot tout à l'heure à nous surprendre. A mon avis, ce n'est déjà pas si mal".

- Et Maintenant ?

"Eh bien, maintenant il faut surtout penser à Feyenoord. Les prochains matches de la Coupe d'Europe, nous avons désormais le temps d'y réfléchir.

J.F.

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Un Ecossais n'est pas avare

L'arbitre du match, M. Mac Kenzie, et écossais, comme son nom l'indique clairement.

Dès le début de la rencontre, on s'aperçut que cet homme des Highlands n'était nullement décidé à pécher par esprit d'économie.

Pensant sans doute qu'il vaut mieux s'imposer dès le départ, il ne laissait rien passer, sifflant coup franc sur coup franc.

Enfin, un Écossais que l'on ne saurait qualifier d'avare, suivant une tradition que l'effet justifie d'ailleurs rarement.

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Pleine lune

Les dirigeants d'Ajax avaient tout prévu pour éviter les resquilleurs et les vestiaires.

Mais on ne peut rien contre la nature.

À l'heure du coup d'envoi, perçant les brumes, la plus belle lune que nous ayons vue depuis longtemps, va jeter un coup d'oeil indiscret sur la rencontre. De notre place, elle ressemblait un globe terrestre, dont on aurait pu admirer tous les détails, les maires et les continents.

Un spectacle de haute qualité, dominant de très loin la passion des hommes.

Le football passe la lune reste. Quelle belle leçon d'humilité pour les fanatiques du football.

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UNE DEMI-HEURE

D'ESPOIR !...

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Ce fut tout de même une épopée

AMTERDAM - Pour l'O.M., c'est fini, et c'est perdu. L'aventure que les champions de France viennent de vivre, sous la forme de deux défaites sans appel, a pour le moins le mérite d'avoir ouvert les yeux à toute une nation, la notre, sur les faiblesses de son football. On s'accorde à voir dans la formation marseillaise l'ensemble le plus solide et le mieux doué de notre compétition nationale. On s'accordera également à dire qu'entre l'O.M. et les footballeurs de rêve d'Ajax, il y a un écart considérable de toute une école, d'une conception de jeu et d'une expression athlétique en tous points supérieures.

La vérité de leur football avait pu être contestée lors du match aller. Elle a éclaté hier soir sur la pelouse du Stadium Olympique d'Amsterdam, dans une gerbe d'exploits techniques, si savants, ces directs, si bien brossés sur cette herbe ou Ajax ne céda qu'une fois, qu'il faudra être aveugle ou inconscient pour ne pas l'admettre.

Cruijff, Keiser, Haan et tous les autres ont usé de leur art avec une telle facilité, et par moments presque avec insolence, qu'il ne doit rester aucun regret au coeur des six cents Marseillais qui avaient fait le déplacement lointain et brumeux vers les polders hollandais.

Quand la différence est telle, rien ne doit surprendre ou étonner. Le seul salut est de retenir la leçon, cuisante ou pas, et d'en faire le plus de profit.

Ce but marqué tout au début par les hommes de Leduc, et alors que la balle s'était écrasée deux fois sur les barres de Carnus, ne fut qu'une chiquenaude pour les Hollandais.

Une sorte de coup de clairon avant la charge désespérée d'une équipe qui sentait déjà qu'elle s'engageait sur un terrain miné.

Dès lors, et nous n'étions qu'à la dixième minute de jeu, on ne pouvait plus raisonnablement croire en une surprise qui aurait pris des proportions d'un miracle.

C'est au moment où l'on fait déjà le tri de ces constatations qui le premier bilan du match.

Cruijff toujours aussi diabolique, toujours aussi percutant quand il enfonce ses attaques dans la défense adverse, commençait ce que les uns nomment le festival hebdomadaire du meilleur buteur européen, et que les autres considèrent comme un numéro de haute voltige pour spectateurs bon public. J'ai lu cela dans la presse hollandaise, et j'avoue que je ne comprends pas très bien cette curieuse interprétation journalistique.

Cruijff, en définitive, peut tout se permettre, puisque son talent lui permet de tout réussir. Jusques et y compris d'eng... ses coéquipiers à haute et intelligible voix.

Mais il convient de souligner l'énormité de la tâche qui attendait l'O.M. Dans ce cratère où le public lui-même est à l'échelon européen, toute victoire tient du prodige.

En récitant ce qu'il avait de mieux, en s'appliquant avec la meilleure conscience, le onze marseillais restait tout de même une pointure en dessous. Disons... deux.

Dès lors, toute critique tombe. L'écart est trop sérieux. Je dirais même qu'on a pour le supplicié une considération peut-être déplacée, mais sûrement cordiale.

La mise à mort, quand elle est aussi sanglante - lisez impitoyable - et sans apprêt, heurte toujours ceux qui n'aiment pas l'inégalité des combats.

Équipe européenne de l'O.M. est morte, comme il était prévu, dans la nuit d'Amsterdam.

C'est la fin d'un rêve qui fut une épopée. Mais ce n'est pas la fin d'une équipe, loin s'en faut.

L'année prochaine, peut-être...

Si le destin le veut.

Lucien D'APO

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Un autre monde

AMSTERDAM - Nous revenons de ailleurs lointain. D'une autre planète. D'un monde où le football, et surtout son environnement, semble régis par d'autres lois.

Nous revenons d'une ville si insolemment orgueilleuse, si sûre de ses joueurs, que le matin encore d'une d'une rencontre de Coupe d'Europe, elle semble nier jusqu'à l'existence de leur adversaire.

Une ville qui, néanmoins, délègue soixante-dix mille des siens, à l'heure du coup d'envoi.

Soixante-dix mille spectateurs qui, comme ceux de Marseille, déploient des banderoles, agitent des drapeaux, actionnent des crécelles, font mugir des cornes de brume, mais dont les choeurs ont une ampleur, une cohésion envoûtante, inquiétantes, effrayantes un peu.

Nous avons beau, hier soir, une heure avant le match, sous ce halo de lune, que le brouillard peu à peu effaça, nous rechercher des références familières. Nous nous efforcions de trouver des ressemblances entre ce stade olympique d'Amsterdam, et le stade vélodrome de Marseille. Il est vrai que ces ressemblances existent, mais nous convenions déjà que ce stade, pourtant conçu en 1928, était tellement plus grand, bien plus vaste, bien plus imposant.

Ajax, c'est cela. C'est plus grand, c'est plus vaste, c'est plus jeune, c'est plus vif, c'est plus vite. Ce n'est pas un seul joueur - qu'il se baptise Cruijff ou Keiser - qui accélère, c'est une équipe entière qui s'envole, lançant des flèches venues de toutes parts. C'est une attaque qui déferle, et les buts d'Ajax, hier soir, pour nous, étaient des buts cinglants.

L'O.M. a-t-il démérité ? Je ne le pense absolument pas.

L'O.M. était l'O.M., Ajax était Ajax.

Dès la dixième minute, nous sentions bien que, pour nous, la Coupe d'Europe n'était plus qu'un rêve vaguement caressé, une silhouette entrevue du seuil, souvenir déjà.

Que le tableau d'affichage ait, pendant près d'un quart d'heure, traduit une avance d'un but pour nos représentants, cela relevait du miracle ; ce fameux miracle que, secrètement nous espérions, tout en souhaitant plus sagement que le pire fut évité.

Mais cette avance, toute illusoire, ne changeait rien à l'affaire. Si jamais but s'inscrivit contre le cours du jeu, ce fut bien celui-là.

Ce but récompensait pourtant - et c'est une ironie du sort - les mérites de Couecou, un joueur qui fut si longtemps controversé à Marseille, qu'il s'apprête, paraît-il à quitter l'O.M., comme s'en alla naguère Loubet.

Si ce départ se confirme, Couecou n'aura pas manqué sa sortie.

Loin de baisser les bras, à l'image d'un certain virtuose des matches faciles, loin de manifester quelque sourde rancoeur, il sut magnifiquement défendre des couleurs qui risquent de n'être plus les siennes dans quelques jours.

Ce bel exemple de professionnalisme intègre, et intégral, restera pour nous l'un des meilleurs souvenirs de ce voyage à Amsterdam, qui ne nous laisse pas que des belles images.

Mais aujourd'hui, nous voulons oublier l'accueil anti-sportif des dirigeants et du public hollandais. Nous voulons oublier ces portes qui se ferment à notre nez.

Nous voulons oublier cette hostilité, ce mépris, qui dépassèrent les bornes de la grossièreté.

Nous ne garderons d'Amsterdam que le souvenir d'une ville vivante, belle, mouvante sur son sol, émouvante sous son ciel toujours bas.

Et nous saluons cette équipe d'Ajax que l'O.M. a eu le mérite d'affronter.

Raymond GIMEL

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A l'impossible et à M. CRUIJFF...

... nul n'était tenu

AMSTERDAM - Quand l'arbitre écossais, M. Mac Kenzie siffla le coup d'envoi, nous étions, comme le millier de supporters marseillais perdus dans l'immense foule hollandaise, partagés entre l'espoir et la crainte.

Quel allait être le comportement de l'O.M. dans le cadre d'une grande rencontre internationale, contre un adversaire redoutable, champion d'Europe en titre, ne l'oublions pas.

Une équipe d'Ajax dont les supporters étaient venus au stade Olympique sans la moindre inquiétude, pour assister au triomphe certain de leur équipe.

Dans un cas pareil, le premier quart d'heure est toujours important. C'est généralement pendant cette période que chaque équipe prend la mesure de l'autre.

Or, grande fut notre satisfaction de voir l'O.M. aborder cette rencontre avec beaucoup de volonté et un esprit assez détendu.

Au fil des minutes, on voyait les petits olympiens, petits pour les spectateurs bien entendus, venir menacer Ajax jusque dans son camp.

C'est ainsi que Skoblar frappa le premier, dès la 5e minute, et que grâce surtout à l'esprit combatif de Couecou, l'énorme travail de Bonnel et l'autorité de Bosquier en défense, l'O.M. pu se permettre de faire à peu près le jeu égal avec son illustre rival. C'était magnifique et combien inespéré.

Le grand moment

de l'espoir

Nous n'ignorons pas que pour gagner un match de Coupe dans de telles conditions, il faut un peu de chance.

Cette chance parut se matérialiser quand Keiser du pied et Swart de la tête, percutèrent le ballon sur le poteau. Là-dessus, coup franc tiré par su par Skoblar, d'un pied redevenu maître, fit que Stuy lâcha le ballon. Bonnel remit le dit ballon dans la bonne direction et Couecou put ouvrir le score.

L'O.M. non point encore qualifié, mais menant par 1 à 0 sur le terrain d'Ajax, nous étions déjà comblés.

Nous allions vivre alors un quart d'heure de rêve.

L'équipe d'Ajax est jeune. C'est une qualité, mais aussi un défaut.

Donc, cette équipe, championne d'Europe, en apparence sûre de son fait, se mit-t-elle soudain à dérailler, à mal jouer, par excès de nervosité.

L'O.M. allait-il être le grain de sable capable d'enrayer la belle mécanique d'Ajax ?

Nous étions en train de faire cette remarque à l'un de nos voisins, quand Cruijff, sorti on ne sait d'où et avec l'aide involontaire de Bosquier, va rétablir l'équilibre.

Nous sûmes alors que notre rêve n'était qu'illusion.

Cruijff l'homme invisible

Au sujet de Cruijff, les téléspectateurs peuvent se demander comment était assuré le marquage de la vedette d'Ajax. Et bien ! Cruijff pour éviter tout marquage trop strict joua les hommes invisibles, se déplaçant sans cesse sur tous les points du terrain.

Tant et si bien que l'O.M. et nous pensons que ce fut une bonne chose, du adopté un marquage à mi-chemin entre la zone et l'individuel.

De toute façon, il était impossible d'empêcher Cruijff de réussir quelques-uns de ses incomparables numéros. Avec lui, on ne pouvait que limiter les dégâts et ce qui fut fait assez intelligemment, nous a-t-il semblé.

Parmi les nombreux exploits techniques de l'idole d'Amsterdam, on a surtout noté la façon dont il faillit battre directement Carnus sur corner en première mi-temps. En plus de Cruijff, le joueur le que l'on vit peu, mais qui compte beaucoup un autre des atouts d'Ajax, fut la vitesse de sa défense.

Il est très difficile de prendre les arrières hollandais en contre - attaque car tous courent au moins aussi vite que leurs adversaires directs olympiens.

Ne soyons pas trop

exigeants.

Donc, O.M. n'a pas réussi hier sur le stade Olympique d'Amsterdam ce qui eut été presque un impossible exploit.

Nous ne lui en tiendrons par rigueur et nous pensons que ce sentiment sera partagé par tous les vrais supporters du club.

Rien ne se fait sans l'aide du temps. Et pour le champion de France, éliminer en pré-match les champions d'Europe, eut été une performance de très haute qualité sans doute au-dessus de leurs moyens actuels.

Mais nous devons nous montrer satisfait tout de même. Hier soir, devant 70.000 spectateurs et des millions de téléspectateurs, l'O.M. a prouvé qu'il ne lui manquait pas tellement de choses pour s'élever au bon niveau européen.

L'équipe marseillaise n'a jamais été ni écrasée ni ridicule, bien que l'addition finale puisse paraître salée.

Notre espoir a été déçu mais nos craintes n'étaient pas complètement justifiées.

L'O.M. a quitté la Coupe d'Europe n'ont pas en beauté, ne soyons pas ni excessifs ni ridicules, mais sans avoir démérité.

Maurice FABREGUETTES

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L'entraineur KOVACS :

"J'ai eu peur, je l'avoue !"

AMSTERDAM - M. Kovacs est incontestablement le plus aimable entraîneur. Alors que nous le congratulons pour sa courtoisie, il nous a dit en effet : "Vous faites votre métier, je dois faire le mien". Ceci étend établi, il y alla de sa petite conférence.

"Vous me demandez si j'ai eu peur ? Vous savez, tous les entraîneurs ont peur. Alors que nous étions au vert, je m'efforçais d'imaginer ce qui pourrait bien arriver si l'O.M. marquait un but dès les premières minutes. Et c'est exactement ce qui s'est produit. Alors, j'ai eu peur, je l'avoue !

"Alors que nos adversaires se trouvaient encouragés par leur réussite, nos joueurs commençaient à douter et devenaient nerveux. Ensuite, nous avons logiquement pris le meilleur, mais je ne suis pas tout à fait satisfait de mes hommes. Je crois qu'après le résultat de Marseille, ils ont pris ce match un peu à la légère. Ce qui est tout à fait impardonnable.

"Par ailleurs, je trouve que les Marseillais n'ont pas démérité, ils ont fait exactement ce qu'il fallait faire, surtout en première mi-temps, et ils n'ont absolument pas à rougir de leur défaite."

Comme on lui demandait ce qu'il pensait de l'arbitrage, il répondit :

"Je n'ai absolument rien remarqué de l'arbitrage. Cela veut dire qu'il a été bon !"

À vrai dire, M. Kovacs nous rappelle beaucoup un certain Otto Gloria.

 L.D.

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