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Résumé du Petit Provencal

du 08 avril 1935

 

LE MATCH DE LYON

- De notre envoyé spécial -

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Lyon, 7 Avril.

Il est écrit que jamais la coupe de France ne se déroulera en la ville des "Gones" sous un ciel lumineux et brillant d'un éclatant soleil. Il a plu en effet samedi et ce matin la cité des soyeux s'est une nouvelle fois encore éveillée avec son habituellement manteau grisâtre. Les prévisions atmosphériques ne sont pas très rassurantes. C'est donc par temps sombre et brumeux que l'on craint de voir se dérouler la demi-finale la plus importante opposant Marseille au Red Star. Les dieux ne seront donc guère disposés à nous gratifier pour une fête aussi belle de la balle ronde, de l'heureuse parure de maître Phébus ; regrettons-le et souhaitons qu'un jour prochain les sportifs entreront dans leurs grâces.

La situation géographique merveilleuse de Lyon gratifie assez souvent les administrés du président Herriot de rencontres à rendre jalouses bien d'autres villes ; qu'importent ces avantages ! Ils ont été favorables à l'évolution de la balle ronde dans cet région où autrefois l'on marquait un net désintéressement pour notre sport favori au bénéfice du rugby. Aujourd'hui le public Lyonnais est entièrement acquis aux beautés de la ronde ; la preuve en est dans la rencontre qui, il y a un mois, opposait Sochaux à Marseille et pour laquelle le Stade des Iris s'avéra nettement insuffisant pour recevoir le très nombreux public désireux d'assister à ce choc mémorable. C'est dire la place qu'occupe désormais le football chez les soyeux et le populaire et brillant accueil que les sportifs lyonnais réservent à chacune des rencontres de Coupe se déroulant sur leur territoire.

Les " Gones " auront donc aujourd'hui le privilège de voir aux prises deux clubs au passé glorieux : le Red Star, quatre fois vainqueur de la Coupe, et l'Olympique de Marseille qui a inscrit trois fois son nom au palmarès de l'épreuve.

Paris contre Sud-Est ? Marseille ou Red Star ? Les paris sont ouverts. Qui va, dans quelques heures, gagner cette dernière épreuve avant la triomphale finale ? Les deux équipes se valent ; toutes deux sont des spécialistes de ce genre de coup et peuvent émettre d'égales prétentions. Cette incertitude qui fait le charme angoissant du sport plane certainement dans tous les coeurs des sportifs de France, même dans ceux des partisans les plus enthousiastes de chacun des deux onze .

C'est qu'en effet les Parisiens ont montré ces temps derniers une admirable forme ; les Sétois en firent tout dernièrement encore la triste expérience. Leur " onze " est composé de joueurs à l'expérience éprouvée et compte parmi l'un des plus difficiles à manoeuvrer en Coupe de France.

De leur côté, les Phocéens, depuis leur éclatant succès sur les " Lions de Peugeot " se sont tout spécialement préparé pour la rencontre d'aujourd'hui et ont la conviction d'obtenir un très joli résultat.

Deux adversaires aussi près l'un de l'autre nous réservent donc un match passionnant dont les diverses phases tiendront le public constamment en haleine.

Comme nous le film, la précédente fois, nous avons rendu une courte visite aux deux concurrents. Chez les Olympiens, tout le monde est fin prêt. Les joueurs attendent avec calme l'heure de la rencontre en se divertissant de façons différentes. Max Conchy, le récent vainqueur du concours de boules de Sausset, ne nous cache pas que le Red Star est l'adversaire que les Olympiens craignait le plus " Non pas, nous dit-il que les Parisiens nous soit supérieurs, car nous avons la prétention d'aussi bien faire qu'eux, mais leur présence influe sur nous sans que nous puissions nous en expliquer les raisons. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, étant donné l'enjeu, tous mes camarades sont fermement décidés à vaincre. Vous nous verrez pleins d'allant et de volonté jusqu'au coup de sifflet final et, si le sort nous est défavorable, c'est que nous aurons eu affaire à meilleurs que nous, ce que je ne pense pas ".

Dans le clan parisien, une confiance identique règne. Thepot a donné des consignes sévères et tient énormément à jouer la finale à Paris pour montrer à ses détracteurs qu'il est digne de conduire une équipe et de conserver aussi sa cape internationale. On ne sait cependant pas encore la formation de l'équipe ; les dirigeants sont indécis entre Pinel et Bertrand comme avant-centre et entre Chantrel et Poirier au poste de demi droit. " Je compte beaucoup, nous dit Thepot, sur Andoire et Mairesse qui connaissent parfaitement les Marseillais et sur la rapidité d'exécution d'Aston et Sas, capable à eux seuls de surprendre la défense adverse. (texte illisible) succès de Paris n'est pas le fait du hasard. Faites-nous confiance ! "

De telles paroles sont prometteuses. Le public ne s'en plaindra pas.

Enfin, voici l'heure qui précède la rencontre. Les trams les autocars et de nombreuses voitures particulières dirigent vers le stade municipal une foule fiévreuse ; les conversations roulent tout naturellement sur la rencontre ; les avis sont partagés. Dans quelques instants tout le monde sera d'accord pour applaudir à la victoire du meilleur.

Aux abords du stade des spectateurs affluent, les taxis déversent des voyageurs sans désemparer. Bien avant l'heure, le terrain s'emplit à un rythme accéléré ; on a l'impression que les records seront mis à mal. En tout cas cela prouve que la Coupe avec son caractère d'indécision et la formule brutale d'élimination passionne au plus au point la foule des sportifs, voire même des profanes.

Au milieu de cette cohue sans cesse grandissante, l'intonation d'un accent de chez nous parvient jusqu'à nos oreilles ; c'est qu'en effet, le traditionnel train spécial a emmené à Lyon plus d'un millier de Sudistes ; leur entrain et leur exubérance naturelle donne à cette manifestation une note particulière et parfois gaie.

Nous voici enfin dans l'immense stade aménagé spécialement pour cette rencontre ; la pelouse est parfaite, les lignes blanches qui la délimitent et la marquent ont tout leur éclat. Le coup d'oeil est magnifique. Toutes les enceintes sont copieusement garnies d'une foule impatiente ; le succès et complet.

Alors Marseille ou Paris ? On entend cette question un peu partout, et aussitôt la réponse des partisans de l'un ou l'autre club. À ce jeu, le Red Star à une légère préférence. Maintenant tout le monde est debout et manifeste par des applaudissements les équipes qui font leur entrée sur le terrain.

Avant le match

Le Stade Municipal est véritablement grandiose, sa piste de course à pied de 500 m et celle servant aux cyclistes donnent une impression de grandeur comparable seulement à Colombes et au Parc des Princes. En effet, dans les galeries qui ceinturent majestueusement le terrain 35 mille spectateurs peuvent prendre place et suivre aisément la rencontre. À la tribune officielle nous relevons au hasard la présence de M. le préfet du Rhône, le représentant du maire ; Chavannes, président de la Ligue du Lyonnais ; M. le gouverneur de la Place de Lyon ; MM Abelly, Pelletier, Gagnaire et Philibert, de la Ligue du Sud-Est ; Sorba et Mme, sélectionneur unique ; Etchepare, Legal, Boutonnet, Sabatier et Bizoard, du Comité directeur ; M. Valérian, adjoint aux sports de Marseille ; le général Benoît, Delanghe etc...

En attendant le grand match, les juniors de Saint fons et de Rive-de-Giert se livrent à une lutte fort intéressante et font montre de belles qualités prometteuses pour l'avenir.

Enfin les équipes de mettre sur le terrain ; elles sont présentées à M. Bollaert, préfet du Rhône et au gouverneur, puis M. Conrié prend possession des deux teams et la partie commence.

La partie

Roviglione donne le coup d'envoi ; Zermani effectue un joli déboulé que Thurley arrête. Destouches s'échappe, Max sert maladroitement Di Lorto, le keeper marseillais arrive juste à temps pour stopper la balle. Sur la contre attaque, Zermani renouvelle son exploit premier, évite Andoire et à six mètres shoote malheureusement sur la barre ; la balle n'est pas reprise et c'est une jolie occasion de perdue.

Conchy commet une grave erreur en négligeant une balle qui va en six mètres ; Langillier la reprend, centre et fort heureusement elle passe devant les buts de Di Lorto s'en trouver un adversaire.

ROVIGLIONE MARQUE

L'Olympique attaque à son tour par la gauche, Roviglione et le dernier possesseur, il se heurte à Mairesse, mais aidé par Pepito, il poursuit son effort et triomphe du grand blond en plaçant la balle dans la cage.

KOHUT L'IMITE

Ce but stimule les Marseillais, ils foncent à nouveau vers les buts parisiens, Zermani en belle forme se déploie admirablement ; il centre, Andoire manque la reprise de la tête et Kohut intervient au tout dernier moment, bat Thepot.

O.M. 2 ; Red Star 0.

Ce but et follement ovationné par un public en délire. Après la remise en jeu, Di Lorto doit plonger sur un shoot de " la Caille ".

LE RED STAR REAGIT

Quoique battu au score, le Red Star essaie par Aston mais le brillant ailier ne peut s'échapper selon son désir, étroitement surveillé par Rabih et Cavalli. Sur service de Sas, Aston réalise enfin un superbe centre ; Max loupe et Di Lorto doit s'élancer dans les pieds de Bertrand.

On a eu chaud, d'autant que le keeper marseillais aurait pu dans ce choc être touché ; fort heureusement il n'en fut rien.

Eisenhoffer et Kohut mettent maintenant la défense parisienne à l'ouvrage. Max intercepte une très adroite échappée de Sas, puis le jeu se reporte sur la gauche olympienne ou Mairesse a beaucoup de mal à s'en tirer heureusement.

CAVALLI MARQUE POUR PARIS

Sur le départ de Langillier, Max s'élance pour éviter le centre, il n'y parvient pas, Di Lorto manque la balle, Rabih sauve mais Cavalli en voulant intervenir de la tête alors qu'il n'y a plus danger place la balle dans ses propres filets.

O.M. : 2 ; Red Star : 1.

Charbit fait une énorme besogne et sert très intelligemment ses avants. Un long moment la défense du Red Star est à l'ouvrage et rient ne peut passer. La partie est animée, les parisiens en mettent un coup et parfois ça sec. Les Marseillais conçoivent un très joli football, mais le repos arrive sans qu'il n'y ait eu de changement.

Le deuxième half

À la reprise le match se poursuit avec une égale ardeur, cependant on a l'impression que les Parisiens veulent combler le handicap ; les arrières jouent long à suivre, mais voici que le président Herriot arrive, très applaudi. Le sympathique premier magistrat de la cité a tenu à marquer toute sa sympathie pour les sportifs en honorant cette véritable fête de la balle ronde de sa présence effective ; c'est là un geste à retenir et qu'il honore grandement.

Mais pendant ce temps les marseillais peinent, le Red Star attaque sans désemparer ; il faut toute la virtuosité de la défense et des demis marseillais pour enrayer ces dangereuses attaques. Cavalli est admirable, par deux fois il sauve in extremis.

L'O.M. ATTAQUE

Mais voici que sur attaque des Phocéens, un service de Bruhin et très bien repris par Zermani ; son centre léger échoit à Alcazar qui tire aux buts ; Thépot plonge et dévie la balle.

Kohut et Alcazar ne réussissent pas en deux circonstances différentes, l'ailier gauche marseillais donne le frisson aux supporters adverses ; sur un de ses centres au cordeau, dont il a le secret, Zermani dribble trois adversaires, mais place à côté.

LE RED STAR EGALISE

Sur corner, alors que rien ne l'obligeait, Di Lorto sort de ces buts pour happer la balle et Thurley n'a aucune peine pour ajuster son tir. Les deux équipes sont donc maintenant à égalité.

Les inters Olympiens ne suivent plus avec la même ardeur, de même que Rabih. L'équilibre du " onze " s'en ressent et à ce jeu, la défense parisienne a beaucoup de facilité pour enrayer les quelques offensives phocéennes et permettre la contre-attaque. Di Lorto intervient sur loupé de Charbit et Bertrant est sifflé pour faute, alors que le but était à portée de ses pieds.

EISENHOFFER MARQUE

LE BUT VAINQUEUR

Alcazar tarde trop et manque une très belle occasion de gagner le match ; Eisenhoffer s'empare de la balle, s'échappe et dans son style particulier trompe Mairesse et Thépot à la fois : c'est le but de la victoire, car il ne reste plus qu'une minute de jeu.

La foule est en délire, le jeu reprend, les Parisiens attaquent avec l'énergie du désespoir ; un corner, vont-ils égalisaient ? Non car l'arbitre siffle le coût final. C'est ce qu'on appelle une victoire à l'arrachée, le terrain est envahi par un public enthousiaste ; les joueurs sont portés en triomphe par leurs admirateurs.

Appréciations

Nous disions, samedi, que la défense du Red Star était solide, mais point invulnérable. Hier on en fit l'expérience. Devant une attaque rapide et contrôlant parfaitement la balle elle ne put empêcher les Olympiens de marquer en moins d'un quart d'heure deux buts. Si Thépot a montré qu'il savait conduire un onze, il a perdu hier ses prétentions à la sélection nationale. Il apparaît ne plus posséder la défense, la souplesse et la vista des keepers de marque .

Dire que les Marseillais menèrent la partie à leur guise seraient déguisés la vérité. Après une bonne première mi-temps, ils furent submergés par les offensives incisives de Langillier et Aston au cours du deuxième half. On eut à ce moment l'impression que le bénéfice de leurs efforts pouvait leur échapper.

C'est qu'en effet le Red Star ne joua jamais battu. Au contraire, les Parisiens, bien enlevés par Finamore, forcèrent l'allure du match et il s'en fallut de peu qu'un résultat inverse ne se produise. Fort heureusement Bertrand et Destouches ne furent pas des shooteurs émérités et les interventions opportunes de Charbit et Bruhin préservèrent de façon suffisante la cage de Di Lorto.

On allait cependant l'impression qu'au cas de prolongation les Marseillais, fatigués et quelque peu déséquilibrés, ne pourraient arracher la victoire. Eisenhoffer, fort heureusement, mis un terme à cette incertitude une minute seulement avant la fin.

Chez le Red Star, ce fut la défense comme nous indiquons plus haut, qui supporte le poids de cet échec et en particulier Thépot. Des demis, Thurley fut le plus régulier,Finamore se signala en seconde mi-temps et son action fut bienfaisante pour l'équipe. En attaque les meilleures furent le tandem Aston-Las et aussi Languillier. Dans l'ensemble, le team parisien fit preuve d'un cran admirable et d'un très bel esprit de discipline. La volonté que déployèrent Audoniens auraient pu trouver un meilleur sort.

Le Red Star a été le onze le plus dur, le plus difficile pour les marseillais, et si leur victoire est acquise d'extrême justesse, elle n'a que plus de mérite en raison de la valeur de l'adversaire.

Hier les Olympiens ne jouèrent pas leur partie habituelle. Les inters baissèrent visiblement de pied en seconde mi-temps, alors que Rabih éprouvait une énorme difficulté à stopper les excellents Las et Aston.

D'autre part, Cavalli, après son erreur qui coûta un but à son équipe, perdit une partie de ses moyens et Max manqua un peu de hardiesse sur les ballons. Il est vrai que le terrain qui n'a rien d'une pelouse rendait la tâche ingrate du fait d'un contrôle presque impossible de la balle.

Charbit et Bruhin devant le danger surent se maîtriser et succomber avec une ardeur inlassable de la défense phocéenne.

L'Olympique a pris sa revanche sur son coriace adversaire. Il convient que les Marseillais ne s'endorment pas en présence de ce succès.

Ils ont à parfaire la condition de certains de leurs éléments et à harmoniser le rouage de l'équipe en vue de la finale.

Côté jeux, on ne peut dire que ce match fut beau. Au contraire, il fut heurté, passionnant par son indécision. Seul Kohut, Zermani, Aston, Sas et Languillier réalisèrent quelques jolies phases.

Cette manifestation dont le résultat rempli d'aise les Olympiens et sportifs marseillais fut pleinement réussi et la recette preuve irréfutable du succès atteignit près de deux cent mille francs.

 

Georges DARBOS

 

 

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