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Résumé Le Provencal

du 12 juin 1966

 

Le grand retour de l'O.M.

A dix contre onze (FIAWOO expulsé)

Les Olympiens battent les Bastiais (3-0)

La Fontaine en eut fait une fable : Les molosses, les chats et la souris.

Dans les solides chiens de garde bastiais, que les excellents Farina, Vincenti, Cornu et Gandolfi nous excusent de cette comparaison qui n'a rien de péjoratif, s'étaient physiquement et moralement préparés à lutter contre les deux redoutables chats marseillais au poil noir.

Et à leur grande surprise, ils furent mangés par une souris, la plus petite souris présente sur le terrain.

Brotons vous l'avez deviné, permit à son équipe, non seulement de remporter une brillante et fort utile victoire, mais encore il sauva le match de la confusion et peut-être du désastre.

C'est pour nous une grande satisfaction à une époque où l'on ne parle que de football engagé, sans savoir exactement ce que cela veut dire, d'avoir assisté - et plus précisément au cours d'une rencontre paraissait primer le droit e tle jeu - au triomphe de la finesse et de la clairvoyance.

Au triomphe du vrai, du seul football en somme.

Bravo Brotons !

20ème minute : premier tir de l'O.M.

Le premier exploit de Brotons survint au bon moment, au moment psychologique.

Les revenons en arrière.

Deux bonne sheures avant le coup d'envoi, la foule était là et déjà garer sa voiture dans les environs pas tellement immédiats du stade était problème.

Il y avait autant de banderolles que possible : Tremble Nantes, l'O.M. est là ! Allez l'O.M. ! Allez Bastia ! bien sûr... et un Vive Fiawo !... plus quelques pétards ou petites bombes, des clairons, du vacarme. Bref, une bonne petite ambiance.

Curieusement, le premier quart d'heure se déroula dans un silence de cathédrale.

Les vingt-deux joueurs et les spectateurs étaient tellement contractés que l'on aurait cru assister à une bonne partie amicale.

C'est à peine si un bond de Joseph, suivi d'un puissant coup de tête, le ballon passant à côté de la cage bastiaise, souleva quelque "Oh !"

Un corner bien tiré par Buron était à l'origine de cette première escarmouche.

On en était là, le "round d'observation" traînait, quand Buron réussit son premier départ de la soirée.

Près de la ligne de but, il fut écrit écrouler : corner.

Buron le tire à la perfection ou presque. Orsatti contrôle le ballon devant Joseph, et l'arbitre accorde le but, malgré les protestations bastiaises.

De notre place, il nous était impossible de nous faire une opinion fondée.

Orsatti a-t-il contrôlé le ballon derrière la ligne, ou a-t-il été poussé en deçà de cette dernière par Joseph ? Mystère.

Quoi qu'il en soit 1 à 0 pour l'O.M. (20e minute).

C'est à partir de ce moment que les choses se gâtèrent

FIAWO expulsé

Premier incident : Vincenti charge durement Gauthier. Le capitaine olympien reste au tapis. La partie est interrompue. Hurlements côté jardin, énervement côté cour.

Le jeu reprend et aussitôt Joseph venge son capitaine. Ca chauffe de plus en plus.

Là-dessus, Fiawo contré par Vincenti et Cornu, reste allongé sur la pelouse.

La partie continue.

Fiawoo se relève, fou de rage, fonce sur Vincenti et, par derrière, lui administre un maître "coup de boule" dans la nuque. Le coup du lapin.

Vincenti s'effondre. L'arbitre qui n'a rien vu, laisse le jeu se poursuivre au milieu de la confusion la plus totale.

On croit alors redouter le pire, les incidents se multiplient dans tous les coins.

Enfin Fiawoo expulsé et conduit de force aux vestiaires par un commando de dirigeants de l'O.M.

C'est à la fois horrible, crispant et inquiétant pour la suite de la partie.

35ème : BROTONS sauve

le match

Le jeu venait à peine de reprendre, dans les plus mauvaises conditions, l'O.M. jouant à 10 contre 11, quand Brotons s'empare du ballon.

Nous allions alors être les témoins admiratifs d'un merveilleux slalom, l'un des plus beaux jamais vus sur un terrain de football et surtout à l'Huveaune qui se prête assez mal à ce genre d'exercice.

Balle au pied, Brotons mystifia un, deux, trois, quatre défenseurs corses, pour, au bout de sa course, donner une balle du but à Joseph.

Ce dernier rata complètement son tir et marqua tout de même.

O.M. : 2 - Bastia : 0.

Ce but calma le sesprits, le football ayant pris le dessus, de manière éclatante, sur le catch et la savate.

51e minute : Encore BROTONS

Au début de la deuxième mi-temps, les Corses jouèrent leur va-tout, mais Escale n'avait pas eu encore un véritable arrêt à faire.

Cependant, à 11 contre 10, leurs chances pouvaient être tenues pour non négligeable, quand Brotons à nouveau...

À la 51e minute, il s'empara du ballon, "mit dans le vent" ses adversaires, s'infiltra sur la gauche... et, constatant que Joseph était hors-jeu, marqua lui-même d'un revers de pieds. Orsatti, en la circonstance, n'ayant pas été irréprochable.

O.M. : 3 - Bastia : 0

La cause était définitivement entendue.

Ne jouez pas avec le feu

Par la suite la partie sombra dans la nuit et dans l'ennui.

Bastia rata deux occasions de buts. Escale réussit enfin un vrai arrêt sur le seul bon tir de son ami "Sanso", mais l'O.M. en contre-attaque, faillit saler l'addition : deux tirs de Buron, un de Joseph, un autre de Lopez sur coup franc, etc...

Brotons fit durement connaissance avec la main courante et fut la victime d'un incident tragico-comique.

Une petite bombe, la dernière explosa sous lui, lui brûla sa culotte...

On ne joue pas avec le feu...

Et, comme en mai 63, tout se termina sur un tour d'honneur : celui de la "remontée" en Nationale.

Maurice FABREGUETTE

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"Le bruit et la fureur..."

Monsieur Faulkner, permettez-moi de choisir le titre d'un de vos romans : "Le bruit et la fureur", pour en faire celui de cette chronique.

Car il s'agissait bien de bruit et de fureur dans cette grande marmite surchauffée, cette "cocotte 90 minutes" que l'on appelle Stade de l'Huveaune.

Déjà, au milieu de l'après-midi, sous les frais platanes de l'avenue du Parc Borely ou passaient de fringants pur-sang dénonçant la proximité d'un champ de course, on sentait se mijoter "L'événement", à des signes avant-coureurs qui ne trompent pas.

Cars de C.R.S., policiers, commissaires l'allure débonnaire mais veillant au grain (et des deux yeux) cela ressemblait assez à un quartier guatémaltèque.

Quand le soleil chauffe à blanc et que voltigent les régimes, sous les coups d'Etats que l'on nomme révolutions.

Une paisible marchande de chewing-gum à "un franc les onze" lançait son cri de telle manière qu'on pouvait supposer entendre : "Napoléon" laissant à penser qu'elle était carrément pour Bastia...

Mais des calicots, accrochés hauts, se chargeaient de dissiper l'équivoque, deux heures avant le coup d'envoi de : "Allez l'O.M. : In the pocket !" ou encore "Tremble Nantes, l'O.M. arrive !"

Plus aucun doute dans le coeur des supporters : l'O.M. passait son "bac" sans coup férir (j'allais écrire sans coup Ferrier !) glanait son prix Nobel et accédait à cette Académie du football, plus connu sous le nom de "Première Division".

 

* * *

Aux couleurs des arènes de Nîmes les jours de corrida, le stade attendait sous un ciel d'orage, que s'ouvre les grilles fermant le tunnel jaune qui ressemble comme un frère à la voûte des fauves du cirque Hagenbeck.

L'odeur de la poudre qui emplissait l'Huveaune n'était plus un cliché qualifiant un grand match, mais une réalité ponctuée d'explosions et de fumée bleue.

Les arbres bordant le côté voisin du tableau d'affichage étaient habités, à toutes les branches, comme un raz-de-marée menaçait le secteur.

Pour l'instant, il y avait que ce bon vieux garçon gazon sur lequel notre imagination retrouvait les fantômes de Kohut, Bastien et Vasconcellos.

Et puis soudain, à la vingtième salve, le stade a prit feu... Sifflets et bravos, cris suraigus, clairons enroués, banderoles déployées, vacarme de cinquante trains entrants en gare... C'était l'équipe de Bastia, qui, tout simplement, jaillissait du tunnel.

Ensuite, tout est allé très vite. De grandes araignées noires entamaient les rangs bleus, mettant en mouvement, à chacune de leurs piqûres, les grandes orgues populaires.

Nous retrouvions de vieilles images cinématographiques : "Trader Horn", "Ramenez-les vivants", et enfin "L'Afrique vous parle "... Elle parlait même avec des gestes qui ne furent pas du goût de l'odorat M. Bois adjudant en civil, arbitre du débat.

Quelques bâtons blancs s'égayèrent sur des mains accrochées aux grilles, des remous s'en suivirent sans trop de dégâts. La fiesta était lancée...

C'est alors qu'une truite à consonance américaine la "Brotons-vif-argent" se mêla de faire quelques slaloms étincelants.

Ce fut très pur, et cela fit, rapidement deux buts.

Ajoutés à celui inscrit par Fiawoo durant son court séjour dans la partie, le total s'élevait à trois.

Il n'en fallait pas davantage pour que l'O.M. retrouve les couleurs de sa triomphante jeunesse, celle-là même de la vague et de l'écume dansant, à deux pas sur la mer voisine.

Louis DEVILLE

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Admirable Brotons

Il convient avant tout de nous mettre à la place des acteurs de ce match hors série sur les épaules desquelles pesait une responsabilité très lourde et assez peu enviable : celle de placer, à travers les impondérables d'une heure et demie de jeu, leur club en première division. Pour eux, il était moins question de plaire que d'être efficaces et on ne saurait leur faire un procès d'intention à ce sujet.

Comme on pouvait s'y attendre, les deux formations jouant le béton, entendu fut abordée par les belligérants comme autant de combats singuliers qui revêtirent, en première mi-temps surtout, un rare caractère d'acharnement !

De part et d'autre, on se traita sans ménagement aucun, chacun montrant un mépris à peu près total pour les tibias de l'adversaire que le sort lui désignait...

À la 20me minute, lorsque Fiawoo perdit le contrôle de ses nerfs et alla descendre Vincenti qui venait de le bousculer d'un coup de tête à la nuque, on crut bien que c'en était fait du match ! Alors que des excités d'on ne sait quel parti tentaient d'escalader les grillages et recevaient des coups de bâton des membres du service d'ordre, le second but marseillais, obtenu grâce à un dribble de 50 mètres de Brotons, apporta une heureuse diversion.

Il faut donc, au moment de juger le comportement des joueurs, ne pas oublier dans quel contexte la rencontre se déroula. Le mérite de ceux qui s'efforcèrent, au milieu des pièces et des chausse-trappes, de jouer tout de même au football, n'en est que plus grand.

Si l'O.M. l'emporta de façon indiscutable, il le dut certes à un esprit de corps qui n'avait rien à envier à celui des Corses, mais aussi à sa plus grande maturité de jeu qui lui permit de passer sans trop de mal les moments difficiles et de faire la décision.

O.M. : Encore Brotons !

ESCALE : Ne commit aucune faute au cours de la dernière partie de la rencontre qui vit enfin les Corses se porter à l'attaque. Auparavant, il n'avait pratiquement pas touché la balle.

TASSONE : Prit sans cesse le meilleur sur Boukhalfa qui ne put jamais rien entreprendre de dangereux. En dehors de cela, manifesta un dynamisme et une présence remarquables et passa résolument à la contre-attaque lorsqu'il en eut l'occasion.

BERANGE : Excellent contre Vescovali qu'il priva sans cesse du ballon. À l'aise dans l'ambiance de l'Huveaune comme un poisson dans l'eau.

LOPEZ : Remplaçant numériquement Hatchi, il avait la charge de surveiller Étienne Sansonetti qui ne put jamais le prendre en défaut.

HODOUL : Ses camarades firent si bonne garde qu'il ne fut jamais mis en danger dans son rôle de bétonneur. Impeccable chaque fois qu'il eut à intervenir.

SEJNERA : Gagneur entre les gagneurs, ne laissa aucune chance à Padovani. Au cours de ce combat, sa résolution dans la dispute de la balle fit merveille.

JOSEPH : vraiment difficile à dégonfler. Se battit finalement aux quatre coins du terrain et eut le grand mérite de se trouver là à point nommé pour obtenir les deux premiers buts.

GAUTHIER : Fit plus que jeu égal avec René Ferrier. Le capitaine bastiais, son adversaire direct. Précieux par son calme, son expérience et sa technique.

FIAWOO : Avant qu'il ne frappe Vincenti, n'avait pas réussi à se débarrasser de l'étroite surveillance de Vincenti et Cornu.

BROTONS : dans la tempête, multiplia les accélérations, les exploits techniques, les dribbles ahurissants. Grâce à deux actions personnelles qui firent se dresser le stade, libéra l'O.M. de tout souci. Le meilleur du match.

BURON : Face aux terribles Farina, joua en finesse et réussit à inquiéter maintes fois son garde du corps, à déborder et à tirer.

BASTIA : assez décevants

ORSATTI : A côté de bonnes parades, nous parut assez mal inspiré sur le premier et le troisième but qu'il pouvait peut être éviter.

FARINA : Quelquefois trompé par Buron, n'en fut pas moins l'un des meilleurs Bastiais. Un terrible combattant auquel il ne fait pas bon se frotter.

GANDOLFI : Match honorable contre Joseph qui lui en fit voir de rudes et qui ne l'oublions pas marqua deux buts.

VENTENTI : Très bons en défense, où sa taille, sa rudesse, son jeu de tête le rendent difficilement à prendre en défaut, mais imprécis en attaque.

CORNU : Le meilleur Bastiais et l'un des meilleurs sur le terrain, comme bétonneurs d'abord, comme arrière central classique par la suite. Donna le ton à la défense Corse.

RACCARELLI : Tenta vainement de tenir Brotons en laisse. Un Brotons particulièrement déchaîné qui le domina évidemment de bout en bout.

VESCOVALI : Ne put jamais échapper à la surveillance très stricte Bérange.

FERRIER : N'eut pas le rayonnement que l'on pouvait attendre d'un international de sa réputation. Ne réussit jamais à "asseoir" le jeu de son équipe.

SANSONETTI : Il était difficile de jouer avant-centre hier à l'Huveaune. Étienne ne put jamais franchir le mur marseillais.

PADOVANI : Ne fut pas un grand secours à son camarade Sansonetti et subit la loi excellent Sejnera.

BOUKHHALFA : Sa finesse de touche de balle des pieds et de la tête ne put lui permettre de prendre Tassone en défaut.

M. BOIS : Il se tira avec adresse du guêpier dans lequel on l'avait fourré, réussissant, non pas à tenir les joueurs en main, mais à limiter les dégâts

Louis DUPIC

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Gauthier : "J'avais prédit

que nous monterions

Dans le camp marseillais, c'était de l'enthousiasme, du délire, les joueurs, les dirigeants s'embrassaient, se congratulaient, vidaient force coupes de champagne.

L'entraîneur Mario Zatelli était pâle, il avait les traits tirés et, il ne parvenait pas à exprimer sa joie : "Je suis heureux pour les petits", s'écria-t-il.

M. Marcel Leclerc avait un large sourire : "Enfin ! ça y est, nous y sommes ! Nous attendions ce jour depuis le mois d'avril dernier".

Le capitaine Orlando Gauthier était ravi. Vous vous rappelez au début de la saison, je vous avais dit "Je suis venu à Marseille pour ma troisième montée ! Après Nancy, Lille, l'O.M. un beau tiercé".

Le dirigeant, M. Semeriva s'est exclamé : "Je crois que le match le plus important pour la montée, ce fut celui de Béziers ! Après leur prestation contre les Biterrois ils ne devaient pas perdre contre Bastia !..."

Le dirigeant M. Haon, s'exclamait : "Aujourd'hui les joueurs marseillais sont les héros, ils ont droit à des lauriers".

Le président, le docteur Jean Marie Luciani s'est écrié : "Notre patience a été enfin récompensée".

Buron constatait : "Nous sommes une équipe de battants, c'est cette qualité qui nous a permis de vaincre !"

Varchi remarquait : "Nous avons dominé sur l'ensemble du match ! Le résultat final est donc normal".

Hodoul déclarait de son côté : "Ce ne fut pas trop dur ! Dans tous les cas, ce fut moins dur que ce que je redoutais".

Casolari murmurait : "Sans aucun doute, les blancs d'aujourd'hui étaient les meilleurs".

Escale exultait : "C'est fini de trembler, maintenant on pourra dormir tranquille ! Plus de spectre des barrages !"

Joseph affirmait : "Je n'aurais pas cru que nous l'emporterions par une marge aussi élevée".

Viaene tenait une canne à la son : "C'est l'un de nos amis qui main et nous a expliqué la rai- avait cet instrument, comme il est nerveux, j'avais peur qu'il en fasse un mauvais usage au cours de la partie.

Fiawoo, dans un coin, était le donnait un coup de tête ! "C'est la seule triste. Je regrette d'avoir première fois que cela m'arrive depuis que je joue au football ! "

Alain DELCROIX

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