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Résumé Le Provencal

du 22 février 1954

 

L'O.M. malmené en première mi-temps, se reprend

ensuite et coiffe BORDEAUX sur le poteau (3 à 2)

Ainsi qu'il fallait s'y attendre le Stade Vélodrome était plein à craquer hier après-midi. Dès une heure de l'après-midi la vaste enceinte du boulevard B. Michelet, en effet, était prise d'assaut par les spectateurs, avides de voir aux prises, le leader Bordeaux et l'O.M., si brillant il y a huit jours à Paris. Bien que le record n'est pas été battu en a enregistré 35.500 entrées payantes pour une recette de 8.800.000 Fr. Ce qui n'est déjà pas si mal que cela pour une rencontre de championnat. Ce succès financier d'ailleurs a été de plus un succès tout court pour les Olympiens qui ont finalement battu les Bordelais par 3 buts (Ben Barek 64', Andersson 83', Scotti 86') à deux (Wosniesko 63' et 88').

Cette victoire in extremis de l'O.M. fut longue à se dessiner, on peut s'en rendre compte puisqu'il fallut attendre les toutes dernières minutes de la partie pour voir Andersson et Scotti, sonner le glas de leurs adversaires. Mais avant d'en arriver à cette conclusion heureuse, les Olympiens étaient passés par pas mal de transes et le public avait vibré tout au long par l'ardeur apportée à la lutte par les deux équipes d'abord, par les renversements de situation extraordinaire ensuite.

Large domination bordelaise

Dès le début du match, en effet, les Bordelais contrairement à ce que l'on prévoyait, prenez l'initiative des opérations et malmenées les Olympiens qui se cherchaient ainsi que l'on a l'habitude de le dire devant une équipe beaucoup plus rapide sur la balle, athlétique et en pleine forme, défendant avec énergie sa première place. L'attaque en particulier, en pleine euphorie, faisait la loi. Il fallait alors tout le brio d'Angel, un Angel impeccable, froid, toujours bien placé, stoppant les essais des terribles avants girondins, par ce que ceux-ci, après 30' de jeu ne se retrouvent pas avec un but d'avance.

Pas de fioritures dans le jeu bordelais, et des actions, liées, directes, toutes déterminées par des tirs aux buts.

Qu'avait donc fait l'O.M. pendant cette première demi-heure ? Pas grand-chose sinon que se défendre. Les seules actions dangereuses mises à leur actif étaient un tir de Nocentini au-dessus de la cage et un centre shoote admirable d'ailleurs d'Andersson, raté par Bernard et... par Mercurio.

Timides réactions des olympiens

Après avoir sorti miraculeusement une balle qui prenait la direction des filets olympiens, Nocentini, donnait à Mercurio. L'ailier gauche marseillais centrait sur Andersson. Le tir du suédois allait s'écraser sur l'horizontale, alors que Bernard était bel et bien battu. Cette tentative malheureuse qui se situait à la 38' rappelons-le, allait permettre aux Olympiens de se trouver quelque peu l'emprise bordelaise, et de terminer un peu mieux la première moitié du match et surtout sur un score vierge.

Abdesselem (irascible) et Johansson

A la reprise de la partie, De Harder, dans son style locomotive, était stoppé, près des buts olympiens par Gransart. On sentait néanmoins que les Marseillais "carburaient" mieux que précédemment. De très nette, la domination girondine s'atténuait. Johansson bottait ne se défendait vaillamment devant un Abdesselem inférieur de par son numéro, mais avant de pointe en réalité. Le Marocain jouait dur et plusieurs fois Johansson s'était plaint de son jeu dangereux.

Soudain à la 60' Abdesselem décrochait volontairement un coup de pied à l'arrière central. Celui-ci s'écroulait. Puis se relever et venait beauté... le postérieur de son rival. Cris, bagarres, vite repoussés d'ailleurs par arbitre qui prenait la décision de sortir les deux antagonistes.

Wosniesko marque

Le calme revenu, De Harder donnait en vitesse au redoutable Wosniesko. L'ailier droit se rabattait près des buts d'Angel et shootant sèchement, la balle allait s'écraser au fond des filets pour la plus grande joie des Bordelais.

... L'O.M. égalise par Ben Barek...

La remise en jeu s'effectuait en vitesse. Mercurio s'échappait, centrait en direction de la cage de Bernard. Ben Barek, se détendait et déviait de la tête la balle hors de portée du gardien girondin. Elle pénétrait à l'intérieur des buts mais de Kubber, d'un revers de main magistrale la sortait. L'arbitre n'était pas dupe est désigné du doigt le centre du terrain. L'O.M. venait en moins de 30 secondes d'égaliser.

... puis domine à son tour

Remis en confiance, les Olympiens se déchaînaient. Bordeaux courait à sa perte en "bétonnant". Cependant, à la 70' Wosniesko passait Salem, bottait vers Angel. Gransart, juste sur sa ligne dégager le cuir d'un gauche magistral.

Les Olympiens reprenaient leur ascendant. Un bolide de Ben Barek (73') s'écrasait sur le montant du poteau.

Les aiguilles tournaient et l'on était toujours 1 à 1.

Andersson donne la victoire...

Vers la 83' Mercurio lançait Scotti. Roger courait irrésistiblement vers les buts. De Kubber dans un réflexe formidable levait la balle à Scotti et la mettait en corner. Mercurio le tirait. Andersson reprenait de volée. C'était le second but marseillais. Un troisième était encore marqué par Gunnar mais il était refusé par hors-jeu de Ben Barek.

... et Scotti la complète

Toujours en mouvement, l'attaque marseillaise ne laissait pas souffler sa rivale. Scotti et Andersson partaient ensemble - balle au pied. L'inter-droit olympien se dégageait et inscrivait le troisième et dernier but olympien.

Dans un réflexe désespéré Bordeaux, contre-attaquant, Kargu donnait à Wosniesko qui battait Angel pour la seconde fois (88e). A deux minutes de la fin, le match était joué et malgré un dernier effort, le leader s'inclinait devant l'O.M., pour la première fois depuis le 13 décembre 1953.

Maurice GOIRAND

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Les Bordelais sont à l'origine

de leur défaite

Les Olympiens ont été loin de fournir une grande partie devant Bordeaux, en première mi-temps, au cours de laquelle ils furent franchement dominés par une équipe bordelaise admirable et bien supérieure à ces devancières. Bordeaux, d'ailleurs, hier après-midi, a fait honneur à son titre de leader, non usurpé nous le reconnaissons bien franchement, au vu de ces premières 45 minutes de jeu.

Ensemble, bien en souffle, pratique un football incisif qui pouvait être plus efficace sans le brio d'Angel. Aucun trou, solide en défense et brillant en attaque. Dommage pourtant que son leader Abdesslem soit aussi vindicatif.

Les Olympiens ont de sérieuses excuses à faire valoir car ils se sont présentés avec les jambes encore lourdes donc non remis complètement de leur épuisant duel soutenu contre Reims, la semaine dernière.

Les Girondins ont perdu un match qu'il estimait pouvoir gagner. Ils déclaraient après la partie qu'ils avaient été beaucoup plus handicapés par la mise sur la touche d'Abdesselem que les Marseillais par celle de Johansson. C'est à voir car rien ne dit que si la rencontre s'était déroulée normalement, le Marocain aurait eu plus de réussite devant ce même Johansson ?

Non, à notre avis, la défaite de Bordeaux provient de son béton, dès l'égalisation olympienne.

En effet, des que Ben Barek eut mis les deux équipes à égalité, on vit Kargu se replier en défense pour préserver le nul. Cette faute de tactique a été fatale à la formation de Gérard. Elle a permis aux Olympiens de se reprendre et de l'emporter finalement grâce aux assauts incessants qui livrèrent aux buts défendus par Bernard. Encore une fois, la défensive n'a pas payé et c'est logique. D'ailleurs, pour illustrer cette affirmation, Kargu, lorsqu'il revint dans l'attaque, aux toutes dernières minutes de la partie, fut à l'origine du second but bordelais.

Si le leader, au lieu de se cantonner dans une tactique aussi stérile, avait imité son adversaire, peut-être aurait-il pu inverser le résultat. Le succès était à ce prix. Bordeaux ne l'a pas compris. C'est dommage pour lui et... heureux pour l'O.M.

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CE QU'ILS DISENT

LE JEU DES JOUEURS

Dans les vestiaires marseillais, régnait une satisfaction extrême.

L'entraîneur Roessler accable par les émotions du match s'est assis sur un banc : "Bordeaux à un team solide, qui joue vite ! Mais je crois qu'il s'essouffla en seconde mi-temps !"

M. Pierre Robin était moins rouge que dans la tribune : "Pendant une demi-heure les Girondins furent extrêmement dangereux, mais par bonheur, les nôtres appuyèrent sur l'accélérateur à coups !"

M. Bicais nous dit très simplement : "Nous avons gagné à l'arrache !"

Et Michel Blanco constatait : "Ce ne fut pas du gâteau, mais voilà deux bons points tout neuf !"

Johansson nous montra son genou enflé : "C'est incroyable comme Abdesselem joue dure. Il m'a drôlement énervé."

Angel commenta la rencontre de ces termes : "Ils possèdent une remarquable équipe, mais nous avons gagné, c'est le principal."

Ben Barek, le visage rayonnant s'exclama à son tour : "Nous avons du cravaché, mais, à présent, nous sommes ravis."

Enfin, Mercurio nous confia : "Mon premier but était valable, il a pénétré dans la cage adverse !"

Visages tirés chez les Girondins, cela est compréhensible, l'entraîneur Gérard disait avec toute sa sincérité : "L'arbitre mérite qu'on lui élève une statue pour que l'on se souvienne de lui ! Jamais il n'aurait du sortir Abdesselem !"

De Kubber ajouta de façon sereine : "C'est dommage, nous n'avons pas eu de chance ! Sur le premier but j'ai sorti la balle avec la main, il pouvait y avoir penalty, mais pas buts !"

De Harder fut laconique : "Le résultat, c'est l'arbitre qui la fait !"

Grimompon apporta un son de cloche semblable : "La fin de la partie fut très mouvementée ! Mais nous n'avons pas été favorisés par l'arbitrage !"

Enfin Abdesselem nous donna sa version des incidents : "Johansson est tombé tout seul puis il m'a donné un coup de pied inexplicable ! Ce n'était pas du football, mais du catch..."

ANGEL d'abord...

Dans le camp marseillais, le joueur qui mérite, sans conteste, le numéro un et Angel, le capitaine.

Durant la première mi-temps, il permit à son club d'atteindre la pause sur un score vierge.

Il fit preuve de beaucoup de courage et de décision. Johansson jusqu'à sa blessure fut très combatif et accrocheur. Kargu n'eut pas la partie facile.

Nocentini se montra un demi aile très décisif et non seulement il stoppa Arnaudeau, mais encore, il soutint plusieurs mouvements offensifs de son camp.

Gransart et Salem furent volontaires, mais ils furent souvent pris de vitesse par leur vis-à-vis.

Mesas ne baissa pas les bras mais il n'eut qu'un rendement moyen.

Andersson fut honorable pendant le premier half et mis à son actif un shoote sur la transversale (39me minute). Au cours du second il fut plus brillant il marqua un but d'une excellente facture.

Mercurio pas très à son aise au début termina au mieux, il trompa Bernard une fois et eut des déboulés inquiétants.

Ben Barek s'efforça de construire mais nous l'avons déjà vu plus "pétillant".

Palluch eut des actions redoutables, mais il joua souvent trop en retrait. Scotti joua d'abord en "demi-teinte" puis il se reprit avec brio et par un rush implacable réalisa le troisième but.

En défense, deux Bordelais émergèrent. De Kubber qui dépensa une folle énergie et Garriga qui, athlétique, bien placé contint le "Sir Gunnar" au cours du premier half.

Janczewski et Grimonpon furent souvent moyen, sans plus ; Gallice ne sortit pas souvent de sa réserve ; en attaque Abdesselem abusa du "numéro" personnel, Kargu ne perça pas avec son "tranchant" habituel, Arnaudeau fut plutôt effacé et en définitive les hommes à mettre en exergue sont Wozniesko auteur de deux buts et le pétillant De Harder toujours en action.

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Andersson a battu

Kargu... aux points

Kargu occupait samedi le poste de leader des buteurs avec 20 buts, Appel été second avec 17, Andersson se trouvait en troisième position avec 16 "goals".

Le duel franco-polonais avec le scandinave de Montolivet promettait donc d'être éclatant. S'il ne fit pas jaillir de véritables étincelles, c'est qu'il fut "broyé" dans l'ambiance... sud-américaine qui ne cessa de régner tout au long de cette partie enflammer.

Kargu exécuta son premier tir vers la 7me minute, puis trois minutes plus tard son rival amorça une belle descente et glissa en position déviée droite une excellente balle mal reprise par Mercurio.

A la 25me minute, l'avant-centre girondin tira en force sur Angel et il récidiva deux fois encore à la 67me minute, il faillit marquer ; ce fut Gransart qui l'en empêcha en sauvant miraculeusement ses bois.

Par la suite Andersson obtint un tir triomphal (86me), eut un autre but refusé.

En résumé l'homme d'Aquitaine eut sans doute une action plus soutenue mais Gunnar se montra plus opportuniste et sortit de sa coquille au bon moment !

A.D.

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M. Pierre Robin a allumé un cigare à faire pâlir d'envie Winston Churchill lui-même

Au milieu de la foule compacte qui avait envahi le Stade Vélodrome, nous avons pu bavarder avec d'anciens olympiens Franz Olej. Celui qui fut demi-aile des blancs pendant huit ans a préféré assister à ce match plutôt au Carnaval de Nice. Il arrivait en effet de cette cité depuis quelques heures à peine.

* * *

Dans une loge, il y avait un supporter acharné qui, pendant une heure, clama à tous les échos : "Je parie 1.000 francs que l'O.M. marquera le premier but !.

Lorsque Wozniesko eut scoré, il remit prudemment le billet qu'il exhibait depuis longtemps dans son portefeuille...

* * *

A la fin de la rencontre, M. Pierre Robin avait la couleur du homard cuit à point, mais il n'avait pas omis d'allumer un magnifique "Havane" -suivant la tradition- et que Master Churchill lui-même aurait pu lui envier !

* * *

Par prudence les dirigeants olympiens avaient fait installer des barrières qui ceinturaient la moitié du terrain ; elles ne suffirent pas à contenir la marée humaine, et l'une d'elle craqua à l'extrémité Nord de la tribune Ganay. Comme quoi il suffit parfois d'un seizième de coups pour permettre de pulvériser la semaine suivante les records de recette...

* * *

Combien existe-t-il de vérité ? En principe, une seule. Nous avons eu l'impression, comme d'un procès, qui pouvait s'en présenter plusieurs en écoutant Johansson et Abdesselem.

Le flegmatique Suédois reprochait au Marocain sa dureté inqualifiable et ce dernier mettant en cause, Gransart qui d'après lui, avait mis le feu aux poudres.

 

 

 

 

 

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