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Résumé Le Provencal

du 19 janvier 1959

 

L'O.M. relégué ? 95 chances sur 100 !

Dix Lensois ont piétiné

les derniers espoirs du onze marseillais

qui n'est même pas tombé en beauté

(Les commentaires de Maurice FABREGUETTES)

OUDJANI frappa deux fois... ou plus exactement cogna dans la balle comme bûcheron.

La première fois ce fut de la tête. L'avant-centre de Lens était isolé entre quatre défenseurs de l'O.M., un seul maillot "sang et or" au milieu des maillots bleus... et pourtant, le ballon, rasant au passage la casquette de Fisbach alla échouer dans la cage.

Avertissement avec frais, pensâmes-nous dans les tribunes, car il restait encore 54 minutes à jouer.

La deuxième fois ce fut du pied gauche, Oudjani, un modèle Abdesselem sans aucune méchanceté, récupéra une balle, cafouillé par la défense marseillaise à l'angle de 18 mètres.

Le tir partit, soudain et violent, en direction de la lucarne gauche des buts, mais sous un angle réduit. Et Fisbach, mal placé, ne put que se détendre en vain.

Nous n'étions qu'à 5 minutes de la reprise, mais nous en eûmes tous, plus que nettement, l'impression que les dernières illusions de l'O.M. venaient de s'envoler...

Adieu veau, vache, cochon... et tous les plans qu'avait pu faire l'ingénieux M. Zaraya.

En deux tirs, Oudjani, l'avant-centre dont l'O.M. ne voulut pas, venait de reléguer ce même O.M. en Deuxième Division.

À peine le niveau du C.F.A.

Sans doute y a-t-il eut une part de réussite dans la réalisation des deux buts.

Deux buts, en trois tirs de Lens, durant toute la partie, précisons-le. Le troisième ayant été l'oeuvre de Stievenard.

Cependant, ce résultat ne surprendra que les personnes ayant pas assisté à la rencontre.

Face un adversaire rapidement privé de son meilleur joueur (Wisnieski blessé à 10e par Alauzun) l'O.M. joua de façon anarchique, tant en attaque qu'en défense.

La première mi-temps en particulier, fut à peine du niveau de moyen C.F.A. et souffrit de la comparaison avec le match d'ouverture.

Passes à l'adversaire, dégagements au petit bonheur la chance, corners lamentablement ratés, dribbles inutiles, contrôles ou amortis approximatifs... bref, à la 31e minute, 22 joueurs professionnels dont certains internationaux ou sélectionnés, avaient réussi l'exploit rarissime de ne pas tirer une fois au but.

L'O.M. joue en aveugle absolu.

L'O.M. est tombé, même pas en beauté ; et Lens, si tant est qu'il s'en tire, aura été sauvé par la faiblesse de son adversaire que par sa propre valeur.

Le plus grave reproche que l'on puisse adresser à l'O.M. et d'avoir joué, ou plutôt déjoué en aveugle absolu.

En attaque, contre une défense bétonnant dès le coup d'envoi, les avants au maillot bleu commirent la faute impardonnable de jouer systématiquement par le centre, renforçant ainsi stupidement le béton de l'adversaire.

En défense, ont pu voir, en première mi-temps, alors que la partie n'était pas jouée, quatre joueurs marseillais entourés Oudjani à une distance tellement respectable, que avant-centre Lensois aurait eu le temps de contrôler le ballon, de se retourner et... d'allumer une cigarette avant d'être effectivement attaqué.

Quant aux hommes du centre, du moins ceux prévus au départ, Guix Molla, Eschman et Oliver, ils furent d'une faiblesse insigne dans le domaine de la construction.

Une fois encaissée le deuxième but lensois, tout Marseille se rua à l'attaque dans un désordre indescriptible.

Et c'est ainsi que l'O.M. coula, pour la première fois de la sa longue et glorieuse carrière, sans méthode, sans capitaine, sans lieutenant... et en donnant l'image d'une équipe complètement affolée.

Conclusion : il faut d'ores et déjà préparer la saison prochaine et la remontée rapide en Première Division, car les chances marseillaises d'éviter la relégation peuvent être largement estimées à 5 pour cent !

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On ne demande pas

à un cheval de trait

de battre Gélinotte !

SEULE une remontée miracle peut maintenant sauver l'O.M. du destin auquel il est promis depuis des années. Et le moins que l'on puisse écrire aujourd'hui, c'est qu'il faudrait avoir une foi chevillée, rivée, soudée à l'âme pour croire encore à cette équipe.

En deux matches, ces acteurs adulés se sont chargés de détruire pièce par pièce l'édifice d'espoir que, par fidélité, le public marseillais avait érigé. Ce dernier avait pourtant mis dans cette entreprise le reliquat de sa patience de sa bonté, née de l'ardent désir de sauver le prestige du football marseillais.

Tout est vain maintenant.

Seule donc, comme nous venons de l'écrire, un miracle qui serait dû à quelque cause céleste, peut interdire à - l'invulnérable O.M. - d'aller danser et souffrir prochain dans l'Enfer de la Seconde Division.

Et il ne faudra voir à travers cette relégation que la manifestation d'une profonde justice.

Car ce serait faire injure à un Championnat qui se veut de portée supérieure que d'admettre encore penser dans ses rangs une formation telle que celle de l'Olympique de Marseille, qui n'a pour tout bagage que sa volonté spasmodique. Car la preuve est faite maintenant que le talent, la force, l'inspiration et la science du jeu ont fui à jamais cette équipe que le vent des défaites balaie chaque dimanche comme un fétu de paille.

Les récentes performances - si l'on peut employer ce mot - n'étaient qu'illusion. Le onze marseillais se battait alors sur un rythme au-dessus de ses moyens.

Du scénario que le Championnat lui imposait, il ne connaissait que les premières lignes du texte. Le combat, encore valable dans son résultat sec, devenait inégal pour l'avenir.

On ne demande pas un cheval de trait de battre les records de Gélinotte ! Jusqu'ici, les Marseillais avaient fait plus que ce qu'ils pouvaient. À ce train, ils n'auraient su tenir. Pour la seule et unique raison qu'ils sont d'une valeur moyenne.

On a critiqué les dirigeants, on a critiqué l'entraîneur, on a commenté sans ménagement sa formule de préparation, ses plans-tactiques, sans jamais oser déterminer l'origine de cette médiocrité.

Elle était pourtant toute simple.

LES HOMMES DE MAURER SONT D'UNE QUALITÉ INFÉRIEURE QUELS QUE SOIENT LEURS TITRES, MIS À PART DEUX OU TROIS ÉLÉMENTS QU'IL EST FACILE D'ÉNUMÉRER.

Tout est là. Le drame de l'O.M. tient dans cette seule phrase.

À laquelle il n'y a rien à ajouter.

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OUDJANI FRAPPA

DEUX FOIS

(Le match raconté par Louis DUPIC) 

C'est le petit intérieur lensois Lafranceschina qui eut, au cours de ce match médiocre, la première occasion de but après huit minutes d'observation.

Une ouverture de son partenaire Oudjani étant maladroitement dévié vers lui par Gransart, il tenta le tir de volée et le rata alors qu'il avait le but ouvert devant lui...

L'O.M. domine

territorialement...

Puis l'O.M. domina une équipe nordiste qui joua avec six arrières bien groupés devant le jeune et souple gardien Clément. Les corners s'ajoutaient aux corners sans résultat, mal tirés.

À la 26me minute, Wisnieski était touché à la cuisse par Alauzun et sortait du terrain pour dix minutes. L'O.M. dominait de plus belle, mais le robuste Oudjani, aidé par Stievenart, était toujours dangereux, rapide et décidé.

À 32me minute, il était raté par Alauzun mais descendu proprement par Marcel, tandis que M. Barberan faisait signe que ce n'était rien...

...mais va le premier au tapis

Il devait avoir sa revanche trois minutes plus tard. Son partenaire Stievenart lui adressa de l'aile droite un centre aérien que le jeune Nord-Africain transforma proprement en but d'un heading que n'eut pas désavoué Koranyi ceci de quinze mètres et au milieu de cinq défenseurs marseillais.

Stupéfaction dans le stade... Embrassades lensoises.

L'O.M. porter son platonique avantage des corners à 4-0, mais n'avait mis réellement à son actif qu'une action dangereuse à la 41me minute, lorsqu'un coup franc tiré par Molla fut habilement dévié par Tillon de la tête mais bien accueilli par Clément.

Dès la reprise, c'était sur un centre de Stievenart un très mauvais réflexe de Fischbach qui dégageait des deux poings une balle qui eut pu facilement contrôler.

Avant d'être mis k.o. ?

Décidément le brave Camille n'était pas à son affaire. À la 52me minute, le blessé Wisnieski donnait en clopinant une petite balle à Oudjani qui la contrôlait, évitait l'attaque d'Alauzun, pivotait déclenchait du pied gauche et de l'angle de la surface de réparation un tir très tendu qui allait se loger "dans la lucarne".

Fischbach ne s'attendait pas plus à ce tir soudain qui n'avait prévu le coup de tête précédemment donnée par le n9 lensois...

Le forcing désespéré

Avant ce second coup de théâtre l'O.M. se lança désespérément à l'attaque, Marcel et Gransart s'intégrèrent à leur ligne d'avants et tous ces efforts étaient beaucoup trop décousus pour vaincre la vigilance de l'excellent Clément, bien protégé par sa défense, animée par Fiori, et qui ne s'encombrait pas de fioritures évidemment.

Marcel fut le plus dangereux d'adversaire des Nordistes. Un de ces centres tirs inquiéta fortement Clément à 60me minute. Cinq minutes plus tard, il extirpa la balle d'un cafouillage pour l'écraser sur la transversale !

Oliver rata à la 70me minute la transformation assez facile d'un bon centre à ras de terre d'Eschman.

Et c'est encore Lens qui par Stievenart avait déclenché pendant toute cette période de domination stérile le seul tir vrai dangereux (avec celui de Jean-Jacques), Fischbach l'avait difficilement dévié en corner... (62me minute).

L'O.M. avait perdu et bien perdu. On ne pouvait même pas dire qu'il eut mérité de vaincre...

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Jules BIGOT : "J'ai eu raison

contre deux fortes têtes !

(Les interviewes de Jean PEYRACHE)

M. leur Zaraya était apparemment résigné après la défaite.

Il s'en défendait mollement en disant :

"Il reste encore 15 matches...", mais la conviction n'y était pas.

Elle n'y était pas plus lorsqu'il expliquait :

"Nous avons pu espérer renverser la situation si le tir de Jean-Jacques Marcel avait pénétré dans les filets, au lieu de heurter l'horizontale, en deuxième mi-temps..."

Car il faut bien le dire, personne n'avait senti que l'O.M. pouvait l'emporter et M. Zaraya paraissait incapable de s'en persuader lui-même.

Nous avions pénétré dans le vestiaire de l'O.M. juste pour entendre Roger Scotti soupirait :

"Laissez-moi vite sortir ! ..."

Finalement voir dans cette fuite un supérieur besoin de se sentir la poitrine moins oppressée ?

C'est probable car rien n'encourage à sourire, ni même à respirer sans retenue auprès des joueurs qui retiraient leur tunique bleue après une défaite cruciale.

* * *

Dans le vestiaire, à côté, Jules Bigot, toujours aussi jeune d'allure voulut bien nous préciser :

"Je ne tire aucune gloire de cette victoire. Quelle "pagaille" à l'O.M ! La seule satisfaction que j'éprouve hormis les deux points empochés est d'avoir eu raison aujourd'hui contre Chiarelli et Zemezak, les vedettes devenues fortes têtes, qui ne se savent plus se battre. Peut-être notre réussite leur mettra-t-elle un peu de plomb dans la cervelle.

"Mais dites-moi, l'O.M. joue-t-il toujours de cette manière ? Si mes avants y avaient cru, le score aurait pu enfler dans de notables proportions..."

Oudjani, l'ex-amateur de Vendôme, qui faillit devenir Marseillais, intervint alors :

"Nous y croyons, Monsieur Bigot, mais je vous assure que pour ma part, je n'ai pas pu faire mieux..."

Il est en tout cas certain que le dit Oudjani a bien mérité du Racing Club Lensois, mais le mot de la fin appartient à Wiznieski :

"Je sentais que je n'étais pas gravement blessé, mais la douleur était vive sur ma cuisse droite ou j'avais reçu un coup de genou.

"Sans cette douleur, je me serai livré à fond et je crois que le score aurait été plus éloquent..."

Jean PEYRACHE

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Comment ils ont joué

À Lens, dans un ensemble prudent à l'extrême, on a plus particulièrement noté deux inédits à Marseille : le gardien Clément qui ne commit aucune faute et le puissant avant-centre Oudjani bien sûr !

Mention bien également à Fiori, Cartier, l'inter défensif... et à Wiznieski qui fut le meilleur homme sur le terrain, tant qu'il put jouer.

L'arbitrage bienveillant de M. Barberan.

À l'O.M. nous ne citerons personne pour de fâcher personne.

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