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Joseph, le dernier quintuplé

RED STAR -OM 22 mars 1970 : lors d'un match en retard à Saint-Ouen, l'avant-centre camerounais marque 5 buts et fait une passe décisive. Aucun autre attaquant de l'OM n'a fait aussi bien depuis 50 ans.

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Dario Benedetto a marqué trois buts lors de la dernière victoire de l'OM qui ne date que du 28 février à Nîmes. Une performance accomplie à trois reprises par Florian Thauvin en 2017 et 2018, mais aussi une fois par Valère Germain, Lucas Ocampos et Kostas Mitroglou. Et par la plupart des grands buteurs du club.

Pour trouver mieux, soit un quadruplé, il faut remonter au premier match sur le banc olympien de Raymond Goethals, avec quatre buts de Jean -Pierre Papin contre Lyon, le 13 janvier 1991, "JPP" ayant déjà accompli pareil exploit le 30 août 1989 face à Sochaux. Josip Skoblar avait inscrit deux quadruplés, lui aussi, contre Rennes, le 23 mai 1971, et Strasbourg, le 14 août 1973.

Mais aucune de ces deux légendes n'a fait aussi bien que Joseph. Joseph, de son vrai nom Yegba Maya, cinq fois buteur le 22 mars 1970 sur le terrain du Red Star, après avoir offert à Skoblar le premier des six buts marseillais, d'une déviation de la poitrine reprise de volée par le Yougoslave. Un quintuplé de la part d'un joueur qui avait failli ne pas être titularisé, lors d'un match que son équipe avait failli rater pour une grève des aiguilleurs du ciel, uniquement contournée parce que le commandant de bord avait averti la tour de contrôle à Marignane qu'il transportait l'OM. Une rencontre enfin qui avait été rejouée, après avoir été remise puis non homologuée. Bref, une performance exceptionnelle dans des circonstances exceptionnelles.

Mais parlons d'abord de Joseph auquel nous avons consacré un gros chapitre dans notre ouvrage "Grands Buteurs de Marseille" aux Éditions Gaussen.

Le Camerounais Joseph, auteur de ce quintuplé d'anthologie il y a un demi-siècle sur le terrain du Red Star, reste à ce jour le cinquième meilleur buteur de l'histoire de l'OM en première division.

Le Camerounais Joseph, auteur de ce quintuplé d'anthologie il y a un demi-siècle sur le terrain du Red Star, reste à ce jour le cinquième meilleur buteur de l'histoire de l'OM en première division. Photo archives La Provence

Joseph, c'est Yegba Maya. Un patronyme trop compliqué à prononcer pour la France post-coloniale. Alors, on dit Joseph. Le garçon arrive à Marseille en 1960, de Yaoundé où, à 16 ans il jouait déjà en D1 camerounaise, au Dragon Club.

Il veut devenir mécanicien aux chemins de fer, comme son père, au Cameroun, et comme son frère Marcel, chez qui il vient habiter. Il joue en amateur, au Gallia Chutes-Lavie, jusqu'au jour où il rencontre la réserve de l'OM en coupe de Provence et marquequatre buts. "On m'a demandé si ça m'intéressait de jouer à l'OM. Ils m'ontlogé dans un hôtel de la Préfecture et m'ont dit de me consacrer au foot. Je m'entrainais deux fois par jour, avec les juniors et les professionnels et puis j'entraînais les pupilles", nous expliquait-il en 2010.

Il débute à Sedan le 4 novembre 1962 mais attendra la saison suivante pour devenir titulaire à part entière. Avec des hauts et des bas, les critiques normales ou racistes. "Si tu jouais mal, tu entendais : 'Remettez-le dans le bateau ! J'ai reçu aussi des tomates." Mais Joseph va tout renverser sur son passage. Le 11 juin 1966, contre Bastia, il est le buteur décisif pour la remontée en D1. Et s'il a parfois du mal à l'échelon au-dessus avec le nouvel entraîneur Robert Domergue, le déclic se produit quand Mario Zatelli reprend les choses en mains à l'automne 1968. "Un psychologue hors pair, nous a raconté encore Joseph. Il me mettait en confiance ; un jour, à l'extérieur, j'avais raté deux ou trois occasions en première mi-temps et aux vestiaires, il n'a cessé de m'encourager, il me disait que lui aussi avait été attaquant, qu'il savait que je devais persévérer, croire en moi. Et j'avais fini par marquer."

Le 18 mai 1969, il est le héros des Marseillais à Colombes en finale de la coupe de France : il signe les deux buts de l'OM, le deuxième étant une merveille de précision, en pivot. Marquer des buts, c'était son boulot. Un jeu de tête exceptionnel, mais aussi pied droit, pied gauche. Pour le comparer à un contemporain, celui qui s'est le plus rapproché de son jeu récemment, à l'OM, c'est Bafé Gomis. Joseph suscite même l'admiration de Josip Skoblar, qui appréciait son partenaire camerounais : "Je jouais en neuf et demi derrière lui et il faisait le ménage devant ; moi je trouvais tout propre et j'en profitais. Son poids, sa masse musculaire faisaient la différence, mais il était aussi très adroit, très efficace. Mario Zatelli a préféré s'en séparer à l'étét 1970, pour que je joue seul avant-centre, les résultats lui ont donné raison. Mais Joseph était vraiment un bon attaquant."

Revenons-en donc à ce 22 mars 1970, dimanche des Rameaux, où se déroule enfin un Red-Sar-OM, prévu début décembre, mais remis pour des raisons climatiques, que le Groupement (la LFP de l'époque) fixe peu après au 27 décembre, ce qui rend Marcel Leclerc fou furieux. "Roger Magnusson et Josip Skoblar ont prévu de partir en vacances en Suède et en Yougoslavie, il est hors de question de les priver de trêve, nous ne jouerons pas ou j'envoie l'équipe réserve." Et c'est ce qui se produit parce que les instances ont cru à du bluff.

Instant de gloire pour des jeunes, qui vont faire 2-2 et connaîtront des destins divers. Ange Di Caro, auteur de deux buts, dont un petit chef d'oeuvre, fera une belle carrière, à l'OM puis à Nancy, François Bracci deviendra international, Christian Delachet champion avec Bordeaux, mais pour Leon Galli, c'est le seul match en D1. Et il ne sera pas homologué parce que l'OM n'a pas aligné assez de professionnels.

Alors on le rejoue le 22 mars. Et sans pitié. À la mi-temps, les deux équipes sont pourtant à 1-1, Yves Herbet ayant répondu à Josip Skoblar. Mais entre la 54e et la 87e minute, Joseph signe cinq buts. Un exploit exceptionnel.

L'OM possède deux ailiers de grand standing : Roger Magnusson et Charly Loubet. Ils lui offrent chacun deux centres décisifs, pour deux reprises de la tête et deux du pied. En moins de vingt minutes, il réussit un quadruplé. À trois minutes de la fin, l'OM bénéficie d'un penalty généreux. Jean Djorkaeff, le capitaine et tireur habituel, mais aussi Josip Skoblar et Roger Magnusson poussent Joseph à le tirer. Ce dernier finit par accepter devant une telle insistance de la part de grands joueurs si généreux. Et il exécute Christian Laudu. 6-1 pour l'OM. "Je ne souffre plus du paludisme qui m'avait handicapé, mais j'ai maigri et perdu un peu de puissance, je ne pensais pas être aussi en forme", devait commenter le modeste Camerounais. "Et dire que j'ai failli ne pas le faire jouer", ajoutait Mario Zatelli.

Joseph reste le cinquième meilleur buteur de l'histoire de l'OM en première division. Juste derrière Mario Zatelli, précédé de Gunnar Andersson, Josip Skoblar et Jean-Pierre Papin.

Lien vers la rencontre >>>

Fiche Yegba Joseph >>>