Les commentaires

Triumvirat, Troyes, trois buts pour Troyes qui font le bonus... c'était écrit dans les astres.

Il n'avait pourtant suffi d'un petit rien, d'un trois à trois, pour que les deux équipes se séparent également satisfaites, avec deux points chacune.

Mais le Dieu du football n'a rien voulu entendre, car il semble bien que son plus clair désir, cette saison, soit de voir, à un O.M. périmé dans des structures succéder un O.M. nouveau.

 LA DEUXIÈME DIVISION

Les spectateurs - nous ne voulons pas parler des 120 supporters troyens évidemment ravis - ont pu tout de même voir marquer cinq buts, dont quatre de toute beauté.

C'est assez rare, pour être souligné.

Mais trois de ces buts ayant été troyens, vous devinez sans y avoir été que les 6.000 personnes présentes au Stade Vélodrome partirent la tête basse, en évoquant, déjà, de vieux souvenirs du temps ou l'O.M. recevait Forbach, Boulogne, Limoges... Besançon et Béziers.

Car le résultat d'hier faisait suite à ceux de Sète et de Sedan (sept buts encaissés en trois matches contre des adversaires ne faisant pas dans le génie) rend la position de l'O.M. très inconfortable.

D'autant plus que pour cinq matches seulement à domicile, l'équipe olympienne doit en disputer sept à l'extérieur.

Voilà qui confirme ce que nous écrivions lundi dernier, à partir de Sedan :

Quand la maison brûle, les pompiers passent avant l'architecte.

  APRÈS OSIM, WATTEAU

Dans ce match jouer sur un rythme assez ralenti, on attendait le blond.

Le joueur dont les renversements de jeu, les passes au millimètre... et les tirs fulgurants devaient éclairer la partie.

C'est assez exactement ce qui se produisit. Malheureusement, pour les supporters olympiens, le blond du jour ne fut pas Leclercq, mais un notre ch'timi Watteau.

Qu'il ait grandement contribué aux trois buts de son équipe, par son art archi-connu, de tirer les coups francs (celui qu'il marqua directement sur "piqué", fut un pur chef-d'oeuvre) c'est une chose.

Mais que le même joueur se soit littéralement promené, comme Osim à Sedan, pendant tout le match et sur tous les points du terrain, est impardonnable.

Enfin, ce Watteau là, il ne vient pas de Patagonie, on le connaît et l'on sait qu'il est dangereux de laisser une trop grande liberté.

Notre impression est que Fernando Riera n'a qu'une connaissance imparfaite du football français et des joueurs se produisant dans l'Hexagone.

  UNE DÉFENSE FLOTTANTE

L'O.M. et ce sera sa seule fiche de consolation, marquer deux buts très spectaculaires.

Le premier, centre au premier poteau d'Emon, plongeon et coup de tête en plein vol de Skoblar était de premier ordre.

La reprise de volée de Keruzore fut également du grand art.

Oui mais en dépit, en dépit des qualités athlétiques de Tresor et de la sûreté de Lopez, la défense olympienne est encore plus flottante que notre franc.

Le Boedec et un arrière latéral de fortune et V. Zvunka n'en est encore qu'au stade des espérances lointaines.

Ajoutons-y un milieu de terrain très fluctuant dont l'action collective n'est pas assez soutenue et vous comprendrez aisément pourquoi l'O.M. et, aussi, malade sur le terrain.

Le moins drôle est que l'on ne saurait accuser les joueurs de manquer de volonté.

S'il n'y avait que cela, le remède serait plus facile à trouver.

  EMON ET KERUZORE

Nous sommes de ceux - très majoritaires - qui pensaient que l'O.M. ne pouvait pas redescendre.

Aujourd'hui, nous commençons vraiment à être inquiets. Le classement est une chose, mais la tenue d'une équipe, sur trois matches consécutifs, à une plus grande valeur de test.

Il convient donc de prendre l'actuelle situation de l'équipe très au sérieux.

Pour ne pas terminer sur une note trop pessimiste, écrivons que Emon a sans doute gagné définitivement ses galons d'équipier premier et que Keruzore parait être sur le chemin de la forme.

Maurice FABREGUETTES

Ils disent

Avant que la porte des vestiaires ne s'ouvre sur une équipe marseillaise complètement désorientée, M. Genoyer avait eu le temps de donner une courte conférence de presse improvisée dans les couloirs du stade-vélodrome.

"Je suis surtout désolé en tant que spectateur, déclara-t-il aux journalistes. Et je suppose que le maigre public aura emporté aujourd'hui le même sentiment que le mien. Maintenant, si vous me parlez du club lui-même il est bien évident que le malaise ne date pas d'aujourd'hui. L'O.M. aurait-il gagné, sa victoire n'aurait rien changé au problème".

Cette défaite ne risque-t-elle pas d'enrayer votre mission ?

Après Sedan, vous aviez annoncé qu'il nous fallait agir au plus vite. Quelle est à ce sujet, votre point de vue du moment ?

Passons au point de vue de la direction intermédiaire.

Pour signaler tout d'abord que les membres du triumvirat n'étaient que deux. M. Caussemille ayant été victime d'un accident de voiture.

M. Vernet, en premier lieu, nous fit remarquer, sans grande conviction semble-t-il, que l'O.M. ne méritait pas de perdre.

"Je ne pense pas que l'on puisse adresser de gros reproches aux joueurs, ajouta-t-il. Ils ont fait à mon avis, une bonne première mi-temps".

- D'où vient alors la déconvenue ?

M. Toran, l'autre responsable, émettait à quelque chose près le même avis.

"Oui, nous disait-il, nos joueurs depuis quelque temps, ont une fâcheuse tendance à s'effondrer en 2me mi-temps. Béziers, Sedan et maintenant contre Troyes. C'est suffisant pour s'interroger sur l'efficacité de leur préparation. Il n'en reste pas moins que la situation devient de plus en plus critique".

Jules Zvunka, capitaine des temps héroïques, avait bien une idée sur la question, mais il préféra la garder secrète.

Quant à M. Barthélémy, il nous déclara :

Voyez alors l'opinion de ces footballeurs placés plus ou moins sur la sellette.

"La situation ne s'arrange pas, nous a confié Skoblar. Nous aurions besoin de notre public pour éviter le pire. Je sais bien que nos supporters ne sont pas gâtés, mais il faut penser au club. L'O.M. doit s'en sortir coûte que coûte".

Nous avons demandé à Georges Carnus si le moral défectueux était la cause de toutes ces contre-performances.

"C'est sur, nous a confié le capitaine. L'O.M. ne parvient plus à jouer avec ses moyens".

Enfin, Keruzore estimait que l'état d'esprit n'expliquait pas tout.

"L'O.M., nous dit-il, a bien joué en première mi-temps. À ce moment-là, personne, ne pouvez me croire, ne pensait à la crise. C'est ensuite que tout s'est détériorer. Je ne sais pas ce que pense mes d'équipier, mais pour moi, c'est bel et bien une question de condition physique".

- Croyez-vous que l'O.M. puisse se tomber en 2me division ?

"Hélas tout est possible ! Cependant, il ne faut rien dramatiser. Les joueurs ont pris conscience de la situation. J'espère que nous serons tous réagir. Ce match de dimanche prochain, à Rennes, sera en tout cas d'une importance capitale..."

Vous avez pu le noter, nous n'avons pas donné l'opinion de Fernando Moreira. C'est que le malheureux entraîneur ne sait vraiment plus à quel saint se vouer...

Jean FERRARA

Les Troyens :

Les Troyens étaient tellement heureux qu'ils ne parvenaient pas à réaliser leur bonheur.

L'entraîneur Pierre Flamion était radieux. "C'est formidable ! Il faut un peu de chance mais il faut aussi l'aider ! C'est ce que nous avons fait contre les Marseillais ! Mes gars y ont cru en seconde mi-temps ! L'égalisation sur le second but fut le tournant de ce match. À ce moment-là, nous avons pensé que nous pouvions gagner ! Heureusement que nous avons obtenu cette victoire car les autres mal classés ont également cravaché ! "

Le gardien Formici était moins "explosif".

Thorain constatait : "Le midi nous réussit, mais il ne faut pas trop accabler les Marseillais, ils sont victimes d'une mauvaise ambiance !"

Parizon était enchanté d'avoir signé le but de la victoire. "On n'arrive pas à réaliser notre exploit, car c'est notre première victoire de la saison à l'extérieur, je pense que maintenant nous allons nous sortir d'affaire, mais j'espère que l'O.M. redressera lui aussi sa situation. Il faut qu'il y parvienne car ce n'est pas possible qu'une ville comme Marseille descende en 2e division !"

A.D.

Le fait du match

La défense marseillaise, dont on avait pu espérer qu'elle irait s'améliorant après ses matches "à l'italienne" de Paris et Nancy, donne décidément de la bande !

Est-il vraiment utile de faire le compte ?

Sedan : trois buts. Et le premier bonus de la saison pour les gentils Ardennais.

Troyes : trois buts. Et une première victoire à l'extérieure pour les valeureux Champenois.

S'il est des gens aujourd'hui qui doivent se frotter les mains et tirer des plans sur la comète ce sont les Rennais qui s'apprêtent à accueillir les ex-champions de France alors qu'ils courent toujours après leur premier bonus...

Évidemment on dira que la défense marseillaise n'est pas seule en cause et que l'équipe tout entière porte la responsabilité de ce nouvel affront.

N'empêche que les défenseurs, à notre sens, en ont lourd sur la conscience.

Histoire étant un éternel recommencement, c'est le début de l'actuelle saison que l'on a l'impression de revivre.

Par trois fois Carnus à ramasser la balle au fond de ses filets.

Et par trois fois c'est un coup franc qui était directement à l'origine de la réussite adverse !

Sur le premier, concédé bien inutilement par Skoblar, par un seul maillot blanc ne bougea. Et la molle reprise d'Illich atterrit dans la cage.

Sur le second, réplique exacte du tir égalisateur de Keiser lors d'un incertain O.M. - Ajax, Watteau se joua du mur comme à l'entraînement.

Sur le troisième, enfin, donné une nouvelle fois par Watteau-le-laissé pour-compte, la pourtant lointaine reprise de Parizon survola une fois de plus une défense figée.

Comme son prédécesseur Joseph Bonnel, Fernando Riera devrait décidément consacrer quelques séances de travail au problème des coups de pied arrêtés.

Car par les temps qui courent, l'O.M. n'a guère les moyens de faire ainsi des fleurs à ses adversaires !

Alain PECHERAL

Le match en bref

Ciel gris, ambiance maussade pour le match de championnat O.M. Troyes. On n'en attendait pas un miracle mais on croyait en un sursaut vengeur des olympiens !

A la 10e minute, Emon fonce, prend de vitesse Grégoire, centre au cordeau sur Skoblar qui de la tête, ouvre le score.

O.M. 1 - Troyes 0.

Sur une faute de Skoblar contre Bourgeois, arbitre, M. Vautrot siffle un coup franc pour les Aubistes (13e).

Watteau le donne avec une rare précision, Illich d'un heading égalise.

O.M. 1 - Troyes 1.

Sur un corner d'Emon, reprise très puissante de Keruzore qui score. La balle heurte d'abord la transversale avant de pénétrer dans la cage.

O.M. 2 - Troyes 1.

À la mi-temps, pourtant rien n'est encore joué.

Carnus est en danger sur une tête de Tonnel (52e), à la 57e minute, coup franc à la limite des 18 mètres olympiens. Watteau, l'ajuste d'une balle brossée en cloche qui surprend Carnus.

O.M. 2 - Troyes 2.

À la 60e minute de jeu, Riera fait sortir Leclercq et rentrer Franceschetti. Le rendement de l'équipe ne s'en trouve pas amélioré.

70e minute, nouveau coup franc pour les Troyens. Watteau, l'exécuteur des hautes oeuvres le tire un défenseur marseillais renvoie la balle, mais Parizon est à la réception et marque le but de la victoire.

O.M. 2- Troyes 3.

Alain DELCROIX

Les réponses aux questions

que vous vous posez

Jusqu'alors, on la posait comme une boutade. Désormais, nous avons bien peur qu'elle ne soit la grande question de cette fin de saison. En effet, l'équipe marseillaise semble installée dans un processus de dégringolade, souvent irréversible en pareil cas.

Sa nouvelle "défaite à bonus", mais à domicile, cette fois, s'inscrit, hélas, dans une ligne logique, venant après l'élimination en Coupe par le modeste Béziers, puis l'échec enregistré face à Sedan, la lanterne rouge. On ne peut donc plus considérer ces déconvenues comme de simples accidents de parcours. Quand on en est à offrir le bonus à Troyes, on peut tout aussi bien craindre de donner, dimanche prochain, son premier bonus à Rennes, comme ce fut le cas pour Sedan.

L'O.M. risquent-ils de descendre ? Pour la première fois nous croyons sérieusement que oui ! Cela est arrivé à des équipes qui valaient largement celle présentée en ce moment. À l'O.M. 58-59, par exemple !

Aussi, avant de se pencher sur les structures du club et nourrir des querelles de personnes, devra-t-on s'occuper en priorité du sauvetage sportif de notre malheureuse équipe.

Tout le monde et personne ! L'entraîneur ? Ce serait trop facile. Les joueurs donnent l'impression de faire ce qu'il peuvent et c'est bien le plus grave, car ce qu'ils peuvent, c'est ce n'est pas grand-chose !

Nous ne savons pas, toutefois, s'ils ont pleinement conscience d'être les seuls à vraiment détenir la clé du problème.

Les dirigeants sont ce qu'ils sont, mais ce ne sont pas eux qui tirent à côté, ratent leurs passes, ou se placent mal sur les coups de pied balle arrêtée...

Nous incriminerons plutôt un esprit général, à base de relâchement, de manque de rigueur, de mollesse intellectuelle. Les Yougoslaves, mercredi dernier, ont donné une bonne leçon télévisée de football tel qu'il doit se jouer, et nous avons frémi en les imaginant aux prises avec une équipe française.

Carnus nous a expliqué qu'il avait été trempé par l'action d'Illic, dont le front n'avait fait qu'effleurer le ballon, le déviant selon une trajectoire imprévisible. Ballon qui heurta le montant avant d'aller au fond de la cage.

Mais cela n'explique pas pourquoi, sur une balle de coup franc classique, aucun défenseur marseillais n'a sauté pour contré le Yougoslave.

C'est notre avis, car le défenseur troyen n'avait pas joué le ballon, qui roula en sortie de but, alors qu'Emon "voltigeait" littéralement. Peut-être M. Vautrot estima-t-il que Grégoire n'avait pas agi volontairement et l'on sait que seule l'intention doit être punie.

Louis DUPIC

Sachez que

"Le président de l'O.M. a démissionné ! Lassé par les attaques systématiques dont il était l'objet, il a déclaré que sa décision était irrévocable. Cependant, il acceptera peut-être de faire parti d'une commission destinée à expédier les affaires courantes jusqu'à l'assemblée générale.

"Une tâche difficile, la situation sportive et financière de l'O.M. étant préoccupante !"

Voilà un "flash" style dépêche d'agence, qui était encore d'actualité il y a seulement quelques jours, quelques heures.

Pourtant, en l'occurrence, il s'agit du résumé de l'article qui faisait la "une" de "L'Equipe" début août 1951 et que Henri Roessler a exhumé pour nous de ses archives.

"Vous avez écrit que l'O.M. vivait la crise la plus grave de son histoire. Rien de nouveau sous le soleil, puisque, pour ma part, au cours des quatre saisons passées comme entraîneur, de 1950 à 1954, j'ai connu deux crises au moins aussi noire !

La première, l'été 51, conduisit au transfert de sept titulaires, et par conséquence, nous réduisit, en fin de saison, à jouer le barrage, alors que l'exercice précédent avait été honorable.

"En avril 54, nous étions qualifiés pour la finale de la Coupe, et la section professionnelle était alors dirigée par le "Comité des Cinq" qui avait décidé de démissionner avant même que d'en connaître le résultat !"

Une crise qui devait se terminer par le départ définitif du président Dancausse. Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets.

L.D.