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Résumé Le Provencal

du 10 février 1975

 

PAULO, JAIR, POKOU... ET TRESOR

LE FESTIVAL DES "PERLES NOIRES"

Pour les amateurs de football ne voyant pas plus loin que le bout de leurs souliers, le jeu brésilien signifie virtuosité, fantaisie... et, pourquoi pas, acrobatie.

Or, hier, sur la pelouse du Stade-Vélodrome, c'est une leçon de simplicité, de pur classicisme que Paulo et Jai ont donnée aux spectateurs et, nous l'espérons, à tous les jeunes qui ont assisté à la rencontre.

À ce sujet, le deuxième but de l'O.M. est exemplaire.

Il ne présentait aucune difficulté technique. Ce qu'ont fait Paulo le passeur et Jair le buteur, des minimes de catégorie B. auraient pu le faire.

Mais c'est précisément là que réside le sens du grand football : ne pas oublier de réussir les choses faciles.

Il semble bien hélas, que cette notion élémentaire échappe aux footballeurs français.

En 2e mi-temps, Rennes eut deux occasions aussi belles de conclure. Mais deux fois Guermeur d'abord, Keruzore ensuite ne s'aperçurent pas que Pokou était seul face au gardien olympien Charrier, à quelques pas d'eux.

Un simple passe élémentaire du revers ou du plat du pied et la physionomie du match aurait pu être modifiée du tout au tout.

Malheureusement, il apparaît que les footballeurs français obnubilés par on se sait quelle théorie farfelue, oublient les principes de base.

Dommage pour Pokou car placé à côté de Paulo et de Jair il eut certainement fait preuve plus qu'un malheur... un massacre.

LA PART BRÉSILIENNE

Ce long préambule pour vous dire qu'hier après-midi, la part brésilienne dans la victoire de l'O.M. a été plus qu'importante, prépondérante.

Le premier but est essentiellement dû à la récupération de Jaioer. Pris de panique en voyant le ballon filer vers l'avant-centre olympien, Kerbiriou fit une main qui ne s'imposait pas tout. Le penalty consécutif à cette faute permit à Paulo d'effectuer son premier numéro.

Le 2e but, nous vous en avons déjà longuement parlé.

Pour ce qui est du 3e, c'est finalement Jair qui, grâce à ses qualités techniques, sortit le ballon d'une mêlée pour loger dans la cage olympienne.

Paulo Cezar, remarquable meneur de jeu en première mi-temps, et Jair qui commença à se rapprocher de sa meilleure forme, avaient su poser durant cette première période, des problèmes presque insolubles à la défense rennaise, pourtant pétrie de bonne volonté.

BERETA MÉCONNAISSABLE

Mais, et ce qui explique que le bonus n'ait été ni acquis, ni mérité, le reste de l'équipe n'a pas suivi le mouvement. Méconnaissable par rapport à Bordeaux, Bereta a joué en dessous de sa valeur et de sa réputation. Autour de lui, le meilleur du terrain, à l'exception de Buigues, super actif n'a eu un rendement ni bon ni constant.

Bref, sans doute un peu grisé par son éclatante victoire sur Nantes, l'O.M. avait hier ce qu'on appelle le petit pied.

LE TERRIBLE PEKOU

On s'en aperçut surtout en deuxième mi-temps, quand Paulo Cezar s'était mis en demi-réserve à l'aile gauche, on vit les Rennais investir presque de bout en bout le camp olympien.

Pendant ces longues quarante-cinq minutes pour les supporters olympiens, le grand homme de leur équipe redevint Trésor, bien soutenu par Jules Zvunka.

Mais assez souvent ils ne furent pas trop de deux, quelquefois de trois avec Bracci, pour contenir le terrible Pokou avec des moyens pas toujours licites.

Il est certain qu'à deux reprises, on frôla le penalty.

Mais enfin, avec la mansuétude de M. Delmer, tout fut bien qui finit bien.

TOUJOURS TRAVAILLER...

On retiendra surtout de ce match, qu'il aura été celui des "perles noires" Paulo, Jair, Pokou, et Trésor.

Quant à la morale, appartient à Jules Zvunka de la tirer. Nous sommes persuadés qu'il dira à ses joueurs :

"Vous voyez qu'en sport rien n'est difficilement acquis. Si vous voulez constituer une vraiment bonne équipe, il faut continuer à travailler, se battre sur le terrain, et surtout éviter de se prendre au sérieux".

Maurice FABREGUETTES

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APRES LE TEMPS DU DOUTE...

LE TEMPS DES BUTS

Ainsi donc, le ci-devant Ventura Jair n'est pas seulement un produit d'importation à vocation publicitaire et un ambassadeur des soirées brésiliennes du Midem.

C'est aussi, et encore, un footballeur.

Il lui aura fallu, comme tous les autres, le temps de s'adapter.

En huit jours, l'épaisse forêt de la critique, qui avait proliféré autour de lui, c'est miraculeusement éclairci. On lui trouve, aujourd'hui, un renouveau de qualité, une naissance d'efficacité et, dans le même élan, un tout petit soupçon de génie.

Et l'on convient qu'après tout, si le Brésilien de Botafogo ne nous offre ni plus ni moins que ce qu'il fit hier, et cela, chaque dimanche, ce public marseillais, aussi chauvin que connaisseur et aussi cruel que tendre, pourrait lui rendre ce qu'il lui avait promis à son arrivée.

C'est le travers des foules de brûler les idoles et de les faire renaître une fois revêtues des cendres d'un feu vengeur.

Cette "affaire Jair" - car c'en fut une - prend aujourd'hui une singulière résonance. Ce n'est pas immédiatement que sera clos le dossier. Mais prenons acte.

Sur le plan des affaires préalables bassement matérielles et cheval de bataille des moralistes du sport professionnel, l'O.M. a payé son Carioca de luxe en deux matches.

Donc, pour la caisse, c'est quitte.

Et les joueurs ?

Jair ne sera plus l'attaquant boulet de canon de Mexico, il était cependant inconcevable, sauf accident grave caché et malgré ses 30 ou 32 ans si vous voulez, qu'il ne reste aucun de ses gestes un, aucun de ses réflexes et plus aucune vision du jeu alors que la densité de ses dons était considérée voici moins d'un an - par la profession - comme exceptionnelle dans le football contemporain.

Il fallait bien que demeure quelque chose de ce monstre d'ébène et ce quelque chose devait encore s'adapter au football de notre championnat et, mesure transitoire, à une équipe qui avait perdu un Skoblar de la prospérité.

Disons que les événements n'ont pas servi jusqu'ici celui qui ne veut pas avouer, qu'il a été plus impressionné et traumatisé par les réactions du public marseillais que par les colères des excités de son pays.

Ce qui prouve qu'à Marseille nous ne connaissons toujours pas de demi-mesure : on est pour ou contre, on est brûlant ou gelé, aveugle ou lucide.

Mais Jair ait marqué deux nouveaux buts hier face aux rennais, ne nous étonne pas. Qu'il ait, dans le cours du match, construit quelques bonnes actions, non plus. Mais qu'il ait constitué en résumé l'heureux complément du verbe conjugue hier Trésor et demain Bereta, avec les rééditions que l'on sait, ne peut surprendre.

Il est évident que tous ses coéquipiers l'ont comme lui, servi. Non moins évident, à la lumière des faits, qui n'il y a que les sots et les entêtés pour ne pas savoir qu'en tout homme de valeur, la classe, la qualité, le don - choisissez - réapparaissent et surnagent toujours. Ne serait-ce que l'espace de quelques instants. Le temps des buts ? Ce qu'il fit.

Le "premier Jair", au jeu autrefois brûlant et enflammé, a bien sûr de vieilles jambes. Mais elles ne sont pas encore de bois, mauvais conducteur de chaleur comme on sait.

Nous dirons même qu'elles sont, en tout cas, toujours dans ce petit périmètre d'où les vrais marqueurs guettent les buts.

Ce qui, a priori, semble tout naturel et simple.

Je crois bien que le moment est venu de reparler de cette " mauvaise affaire", de ce Jair fini, qui a l'incroyable prétention de vouloir marquer des buts et les marque.

Au jour de son départ, on va peut-être se prendre un regretter cet homme toujours de sang royal, même s'il a perdu sa couronne.

Lucien D'APO

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Ils disent

Un peu, POKOU, passionnément

C'était bien parti. Un peu trop bien même. En jetant toutes ses forces dans la bataille pendant les 45 premières minutes et en se montrant par la suite incapable de tenir la distance l'O.M. a fait une mauvaise opération.

Il a laissé les Rennais, maîtres du milieu du terrain, terminer sur les chapeaux de roues, il a raté un bonus (un de plus) cent fois à sa portée et que l'on croyait acquis à la 53e minute, et surtout (les Français, c'est bien connu, ayant la mémoire courte) laissé le public, son public sur sa faim.

Il n'en reste pas moins vrai que tout bien pesé (30 minutes d'à peu près contre une heure d'exploit technique agrémenté de trois buts) le bilan doit être considérée comme positif.

Pour avoir critiqué le onze marseillais lorsqu'il le méritait nous sommes aujourd'hui à l'aise pour lui trouver de larges circonstances atténuantes.

Retenons donc seulement les 60 premières minutes. Une heure pendant laquelle nous avons vu évoluer l'O.M. que l'on aime.

Que l'on aime un peu, Pokou passionnément, selon que l'on soit neutre, simple supporter ou fanatique.

Cet O.M. là a tenu les promesses qu'avait fait naître le match joué contre Reims.

Ces promesses qui s'étaient concrétisées à Bordeaux, mais dont on attendait la confirmation.

Tout comme un chacun nous avons vibré aux exploits d'un Jair ou d'un Paulo.

Deux garçons étonnants lorsque que tout leur être est fixe sur un seul et unique but : la victoire de leurs couleurs.

Le deuxième but notamment fut un modèle du genre.

Une balle en profondeur, une fantastique accélération de Paulo et puis au tout dernier moment à se seconde même où 30.000 personnes attendaient le tir fracassant ou la tentative de lob, une déviation pour Jairzinho seul face aux buts vides.

Un but d'une limpidité absolue. Un but à projeter dans toutes les écoles de football.

Harmonieuse conjugaison de l'exploit physique et de l'intelligence du jeu.

À lui ce but valait le déplacement. Mais à la réflexion. On ne regrettera pas d'avoir vu à l'oeuvre un autre grand monsieur du football : Laurent Pokou.

Seul ou presque à la pointe de l'attaque rennaise, il a multiplié les dribbles, les contre-pieds, les exploits techniques.

Il n'a été en rien inférieur à ces deux monstres sacrés que sont Jairzinho et Paulo Cezar.

Il a assuré à lui seul le spectacle au moment même où les Olympiens étaient à la recherche d'un second souffle qu'il ne trouvèrent jamais.

Le supporter marseillais n'y a peut-être pas trouvé son compte.

Le football oui. Et qu'on le veuille ou non c'est sans doute l'essentiel. Tant pis pour le bonus...

André DE ROCCA

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Kéru : "les Brésiliens

nous ont assommés !"

On n'était pas content dans les vestiaires rennais au coup de sifflet final. Les Bretons estimaient que ce résultat de 3-1 était bien sévère. Leur entraîneur Cedolin nous disait par exemple : "L'arbitrage de cette rencontre ne nous a guère favorisés. Rien à dire peut-être sur M. Delmer, mais ses assesseurs, le long de la touche, ont manqué de discernement notamment sur les hors-jeu. Je ne veux pas paraître un mauvais perdant, mais cette façon de diriger la rencontre nous a certainement porté tort.

"Je vais même plus loin, sur le vu de la deuxième mi-temps, je crois que Rennes n'aurait pas voté le point du match nul".

Nous avons ensuite demandé notre avis a Raymond Keruzore. L'ex-olympien ne cachait pas sa déception comme tous ses camarades : "Je m'attendais un peu, nous dit-il, à ce que l'O.M. baisse de pied en deuxième mi-temps, mais à ce moment-là nous avions un handicap de trois buts. C'était trop pour espérer inverser le résultat. Mon avis sur cette nouvelle équipe ? Elle a pas mal d'arguments à faire valoir. Mais il est incontestable que les deux Brésiliens sont les éléments les plus dangereux. Ce sont eux d'ailleurs qui ont consommé notre défaite".

J.F.

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Les réponses aux questions que l'on se pose

- POURQUOI L'ARBITRE A-T-IL ACCORDÉ UN PENALTY À L'O.M. À LA 36me MINUTE ?

Question qui revient souvent dans cette rubrique... mais le bien-fondé de la sanction n'est cette fois pas en cause !

En fait, nombreux furent ceux qui, depuis la tribune d'honneur - une question d'optique sans doute - ne vinrent aucune sanction répréhensible et s'étonnèrent donc la décision de M. Delmer.

Ce n'est qu'à l'issue de la rencontre que notre lanterne put être éclairée : Rizzo, se voyant battu, avait détourné la balle de la main en pleine surface.

Un penalty indiscutable donc sur lequel les Rennais eux-mêmes n'élevaient aucune réserve.

- AUSSITÔT APRÈS CE PREMIER BUT MARSEILLAIS (36me) L'ON VIT BUIGUES SE ROULAIT AU SOL SANS AVOIR MÊME DISPUTÉ LE BALLON.

C'était la simplement une "attention" de Laurent Pokou (très grand joueur par ailleurs).

L'Ivoirien, las peut-être de se faire traiter sans ménagement par ses adversaires et voyant en Buigues l'unique objet de son ressentiment, avait proprement "cisaillé" ce dernier... qui n'a pas encore compris pourquoi.

- COMMENT EXPLIQUER LA MAUVAISE IMPRESSION LAISSÉE EN FIN DE PARTIE PAR LES MARSEILLAIS QUI AVAIENT POURTANT MENE LA PREMIÈRE MI-TEMPS TAMBOUR BATTANT ?

"Par une trop grande décontraction déconcentration de l'ensemble, nous a répondu Jules Zvunka. À 3 à 0, chacun a cru le résultat acquis. Et nous avons alors raté, par excès de décontraction deux ou trois occasions faciles qui nous eussent mis définitivement hors de portée.

"Mieux, nous nous sommes alors mis à donner nombre aux Rennais qui n'en demandait pas tant.

"Je crois finalement que, dans l'euphorie d'un bonus que l'on croyait obtenu un peu trop tôt, nous avons pris trop de risques".

La différence étant faite, nous avons du lever le pied et garder le ballon, afin de mieux surprendre et assommait définitivement nos adversaires !"

- Quelle a été l'attitude du public vis-à-vis des deux Brésiliens ?

Réservée peut-être au début (encore que l'espoir Bordelais ait arrondi bien des angles) mais chaleureux en tout cas au coup de sifflet final.

Les Marseillais n'avaient plus vu les deux hommes à l'oeuvre depuis fort longtemps puisque Jairzinho avait joué son dernier match contre Saint-Étienne le 24 novembre et que Paulo Cezar, blessé devant Reims, avait opéré pour la dernière fois au stade Vélodrome le 8 décembre (deux mois déjà) devant Lille.

Mais les Brésiliens ont "payé leurs arriérés" hier en multipliant les exploits devant leur public.

Jairzinho combatif en diable et qui vient d'inscrire quatre buts en deux matches est en train de justifier enfin son transfert.

Quant à Paulo Cezar il a prouvé que même surveillé de très près, il pouvait être irrésistible. (Ainsi son éclair de génie sur le deuxième but de son équipe qu'il offrit à son compatriote).

Le public ne s'y est pas trompé qui n'a pas ménagé ses applaudissements à l'adresse des deux hommes, il a vu hier à l'oeuvre les deux grandes vedettes brésiliennes, et non leurs ombres comme cela avait été quelquefois le cas. ?

Alain PECHERAL

 

 

 

 

 

 

 

 

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