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Résumé Le Provencal

du 04 mai 1975

 

SAINT-ETIENNE EST BIEN LE PLUS FORT

L'O.M ouvre la marque mais s'effondre en deuxième mi-temps

SAINT-ETIENNE - Eh oui ! Pour l'O.M. à Saint-Étienne les matches se suivent et se ressemblent. Battue une nouvelle fois et sans rémission par son éternel rival, l'équipe marseillaise, il faut bien le reconnaître, a trouvé son maître, hier soir, sur le stade Geoffroy Guichard. Les Stéphanois mirent une bonne mi-temps à prendre la mesure de leurs adversaires, mais, cette période passée, ils firent la preuve par A plus B qu'ils étaient bien les plus forts. Personne désormais ne pourra plus leur contester leur titre de champion de France. Pour l'O.M., courageux, mais finalement dépassé, eh bien, il reste à assurer si possible la seconde place et ma foi, courir après sa revanche en Coupe de France.

LE BUT DE L'ESPOIR

Pourtant, soyons logique, nous avions cru à l'exploit. Durant toute la première mi-temps, tout le monde avait compris que ce match n'était pas conseillé aux cardiaques. Emporté par un public survolté, les "verts" avaient d'entrée et comme prévu, annoncé la couleur, si l'on nous pardonne cet aparté. Toutefois, dans la cuvette bouillante du stade Geoffroy Guichard, les Marseillais eurent le mérite de prouver à ses milliers de spectateurs hargneux et un rien railleurs, qu'ils n'étaient pas venus non plus pour se laisser faire. Nous avions même l'heureuse surprise de voir l'O.M. tenir la dragée haute aux Foréziens. Tant sur le plan du jeu collectif que de celui de l'engagement, les Olympiens répondaient du tac au tac, bref, les occasions étaient partagées et la rencontre justifiait sa qualité de duel au sommet.

Il faut préciser que Jules Zvunka avait conseillé à Bereta le poste d'ailier gauche et dans cette position le Stéphanois allait causer bien du tourment à son ex-équipier Bathenay, chargé de sa surveillance.

Sous son impulsion, l'O.M. allait même parvenir à ouvrir la marque avec une belle maîtrise, une telle autorité, qui était normal, à ce moment-là, de caresser les plus belles (nous devrions dire les plus folles) espérances. Un centre de Victor Zvunka, de l'aile droite, parvenait sur la tête de Paulo Cezar, qui trompait imparablement Curkovic. Nous en étions alors à la 18e minute et l'O.M. était parvenu à se hisser pour un temps à la première place du classement.

LE DÉBUT DE L'AVALANCHE

Hélas, l'euphorie dans le camp marseillais ne fut que de courte durée, Patrick Revelli réceptionnant à son tour un centre, de la gauche cette fois, réussissait à venir tromper Charrier à bout portant dans l'explosion de joie que l'on devine.

Que se passe-t-il ensuite pour que le score prenne une telle proportion ? Rendons cette justice aux Olympiens d'avoir continué à faire jeu égal jusqu'à la pause.

Mais une fois retournés sur le terrain pour jouer cette 2e mi-temps, quelque chose avait changé dans le camp marseillais. Lopez une première fois donna l'avantage à l'équipe stéphanoise. Deux minutes plus tard, Larqué, d'un tir formidable, corsait l'addition et, enfin, Bathenay clôturait la marque devant infortuné Charrier qui ne savait plus à quel saint se vouer. En un mot, un grain de sable, s'était insidieusement glissé dans la machine marseillaise. Pour quelles raisons ? Nous avons franchement au moment où ces lignes sont écrites que nous n'arrivons pas à trouver le pourquoi et le comment. Quoi qu'il en soit et une fois de plus l'O.M. a montré hier soir un double visage.

Il serait inutile d'accabler qui que ce soit au sein de cette formation marseillaise. Sur le plan individuel, tous ont été courageux mais c'est plutôt d'un naufrage collectif dont il est question. On ne peut pas dire non plus que Jairzinho fut diminué par sa récente maladie. Le Brésilien s'est battu tout au long de la rencontre. Quant à Paulo Cezar, sans jouer un match exceptionnel il avait réussi, nous l'avons dit, à ouvrir la marque avec un sang-froid remarquable.

En quelque sorte, il avait lui aussi rempli son contrat. Il est dommage dans ces conditions que l'O.M. n'ait pu réussir à afficher en 2e mi-temps la même détermination qu'en première. Le score de 4 à 1 en tout cas a dû refroidir bien des enthousiasmes. Mais St-Étienne a démontré en quelque sorte qu'il était bien la meilleure équipe française. Son titre de champion de France ne souffre d'aucune contestation. Les Olympiens, certes avait le coeur gros en retournant aux vestiaires sous les sifflets des spectateurs, alors que les Stéphanois entamaient le tour d'honneur réclamé par leurs supporters.

Ainsi, un terme vient d'être mis dans cette lutte au sommet du championnat de France. L'O.M. battu n'a pas à rougir de sa défaite, même si elle paraît sévère. Il a crânement tenté sa chance, sans jamais fermer le jeu.

Souhaitons que leur moral ne soit pas atteint.

S'il termine comme nous le pensons dans les trois premiers, il n'aura pas du tout raté sa saison.

Et puis, sait-on jamais, il reste la Coupe. Après tout, ce n'est qu'une bataille que l'équipe marseillaise vient de perdre. Il faut se consoler, comme l'on peut...

Jean FERRARA

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Le but de la 67e minute

Il y avait 67 minutes que l'on jouait, 67 minutes d'une rare intensité, d'un spectacle total qui avait mis en joie les 36.000 spectateurs d'un stade archi-comble.

Saint-Étienne menait 2 à l mais rien n'était encore joué.

Larqué, jusque-là bien timide, prit alors le ballon s'avança vers les 18 m marseillais, profita d'une glissade de Trésor et d'un tir magistral du pied droit, logea la balle dans la lucarne de René Charrier.

Trois buts à un, les jeux étaient faits. L'O.M. ne pourrait gagner en terre stéphanoise. Les "verts" conservaient leur titre.

Le stade croula alors sous les ovations et les applaudissements.

Spectacle rare, on vit même le flegmatique Robert Herbin pénétrer sur la pelouse alors que ses joueurs pêle-mêle se roulaient au sol en s'embrassant.

Image significative. C'était pour les Stéphanois l'aboutissement de toute une saison. C'était aussi le signe évident, et personne ne viendra vous dire le contraire, que jusque-là, joueurs, entraîneurs et dirigeants avaient tremblé devant cette équipe marseillaise qui, ma foi, donnait une excellente réplique.

Nous ne cherchons point ici à minimiser le succès stéphanois. Larqué et ses équipiers l'ont cent fois mérité, mais nous voulons montrer qu'il serait injuste de tirer à boulets rouges sur les hommes de Jules Zvunka.

Pour faire un bond et beau match, c'est bien connu, il faut être deux. Et hier soir sur la pelouse du stade Geoffroy Guichard, qui en a vu bien d'autres, c'était le cas.

Alors, trouvons des circonstances atténuantes aux Marseillais qui rentrèrent aux vestiaires la tête basse et le coeur lourd, pendant que leurs rivaux accomplissaient un tour d'honneur et jetaient dans les tribunes ces maillots verts que tout un peuple vénère.

Au coup de sifflet final de M. Wurtz, un dirigeant de Saint-Étienne s'approcha du président Meric pour lui dire en toute amitié : "Vous avez perdu, mais l'O.M. a été ce soir et de loin, l'équipe française si nous a donné le plus de soucis, et en tout cas la meilleure réplique."

Paroles de consolation ? Peut-être ! Mais ne nous y trompons pas. Il faut voir dans ses propos le reflet d'une certaine réalité.

Et si le score peut vous faire penser qu'en l'occurrence nous galègeons quelque peu, il ne faudrait tout de même pas perdre de vue que football et logique ne font pas toujours bon ménage. En fait, nous laisserons la conclusion à Georges Bereta qui est un orfèvre en la matière. Quelques secondes après la fin du match, alors que Lopez était venu le consoler dans les vestiaires, la "Berete" déclarait "Notre première mi-temps avait été riche de promesses. La question qu'on se pose désormais la suivante : Est-ce que demain les fruits tiendront les promesses des fleurs ?"

Même si aujourd'hui ces fleurs, sous le coup d'une trop sévère défaite peuvent apparaître comme celles du mal.

André de ROCCA

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Le président MERIC :

"Nous ne méritions pas ça !"

Il y avait beaucoup de monde dans les vestiaires marseillais, beaucoup de monde mais guère de bruit.

Les joueurs se rhabillaient en silence, on se serait cru un peu dans une église. Le plus entouré de tous était évidemment Georges Bereta, l'enfant du pays. L'ex-Stéphanois, une fois de plus, analysait la situation avec une certaine sagesse : "Je pense que sur le vu du match, Saint-Étienne mérite sa victoire comme il mérite le titre de champion de France.

'Ceci précisé, il me semble que le score est assez lourd pour nous. À mon sens, notre première mi-temps a été prometteuse, il faudra que nous continuions à travailler pour trouver la cohésion indispensable aux grandes équipes.

"J'ai surtout pu remarquer les étonnants progrès réalisés par Barhenay et je pense qu'il a été le meilleur des joueurs de la partie. Pour ce qui est de l'accueil que m'a réservé le public (Bereta fut sifflé chaque fois qu'il eut le ballon), je m'y attendais et je ne pense pas que les quolibets m'aient beaucoup influencé".

Le président Meric faisait contre fortune bon coeur : "Nous ne méritions pas ce score de 4 à 1, je ne discute pas la victoire stéphanoise, mais je pense qu'une défaite par un but d'écart aurait mieux reflété la physionomie de la rencontre. À vrai dire, à la mi-temps, je croyais même et je n'étais pas le seul à croire que nous pouvions gagner.

"L'an dernier, nous avons terminé 15e et cette année nous terminerons vraisemblablement second, autant dire que l'an prochain, nous n'aurons pas besoin de beaucoup avancé pour nous parer du titre de champion."

Quant à l'entraîneur Jules Zvunka, pour sa part, il expliquait : "Je crois qu'à 2 à 1, mes joueurs ont eu le tort de trop se découvrir pour tenter d'égaliser.

"Lorsque Barthenay eut marqué le 3e but, à ce moment-là bien entendu, c'était terminé et il n'y eut plus de match. Vous constaterez avec moi que la défaite est trop sévère, mais l'important pour nous, ce soir, et de savoir que nos suivants immédiats ont été battus ou tenus en échec, ce qui nous autorise à avoir de légitimes espoirs quant à jouer l'an prochain une compétition européenne.

Assis à même le sol, Jairzinho toussait comme un malheureux et expliquait : "Je ne comprends pas pourquoi nous avons voulu prendre des risques alors que nous étions menés 2 buts à 1. C'est là que nous avons perdu tout espoir de rejoindre nos adversaires. Pourtant, jusque-là, nous avions donné une bonne réplique et joué comme il fallait".

Robert Buigues n'était pas content : "Sur le but de Lopez, Charrier repousse la balle d'une première fois, et moi une seconde (ce n'est pas Victor Zvunka, comme nous l'avions cru tout d'abord qui dégage sur la ligne). Je pensais que le danger était écarté, et j'ai vu avec surprise la balle revenir. Nous faisons trop de fleurs à nos adversaires. Si nous jouons comme ça, nous allons nous faire sortir de la Coupe."

Bracci, tout en se rasant, murmurait : "Quand je pense que Larqué n'avait pas piqué une balle de tout le match, et qu'il a eu la chance de profiter d'une glissade de Trésor pour marquer un but décisif ; il y a de quoi râler, d'autant que lorsque les Stéphanois mènent au score, ils n'ont pas leur pareil pour faire courir la balle."

Bref, si on était assez pessimiste, et pour cause, hier soir, dans le camp marseillais. Nous laisserons la conclusion à Félix Meric.

"Aujourd'hui, la réussite n'était pas avec nous, mais nous retrouverons un jour les "verts" sur notre chemin, et cette fois nous les battrons, pourquoi pas en finale de la Coupe de France". Nous laisserons à leur auteur la responsabilité de ses paroles.

A. de R.

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M. Rocher : "La victoire qu'il nous fallait"

Dans les vestiaires stéphanois, ce n'était pas, comme on pourrait l'imaginer, une joie délirante qui régnait. On a l'habitude, au stade Geoffroy Guichard, des victoires et on sait les accueillir avec sérénité.

Tout en tirant sur sa pipe, visiblement satisfait, le président Rocher résumait ainsi la situation :

"Pour nous, cette victoire constitue le couronnement de notre saison. Nous avions besoin de réussir un tel exploit après notre petite déconvenue de la Coupe d'Europe. Le score est peut-être lourd pour Marseille, mais j'estime qu'on ne peut mettre en doute la légitimité de notre succès".

C'était également l'avis de l'entraîneur Robert Herbin : "Je crois que c'est le succès de toute une équipe, et d'un jeu collectif irréprochable. Tout notre travail à porter ses fruits ; notre titre ne doit rien à personne, vous en conviendrez".

Quant aux joueurs, bien entendu, ils étaient satisfaits, et les premiers instants de grande joie passées, ils furent plusieurs, dont l'excellent Lopez, à aller dans les vestiaires marseillais consoler Georges Bereta, qui fut leur équipier, et qui, pour beaucoup d'entre eux, restent aussi leur modèle.

A. de R.

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Les réponses aux questions que l'on se pose

COMMENT EXPLIQUER UNE TELLE DÉROUTE ?

- C'est, évidemment, la question qui est aujourd'hui sur toutes les lèvres. Cette large défaite est d'autant plus inexplicable que l'O.M., tout au long de la première mi-temps, avait fait jeu égal avec son adversaire stéphanois. Paulo Cezar était parvenu à ouvrir le score est à ce moment-là, disons-le franchement, tous les espoirs étaient permis, les quelque 2.000 à 3.000 supporters marseillais espérant qu'enfin leurs favoris allaient parvenir à battre leurs éternels rivaux chez eux.

Hélas ! il fallut vite déchanter. Peut-être les Olympiens ont-ils cru trop tôt que l'exploit était dans la poche. Ils sont parvenus jusqu'à la mi-temps à préserver leur chance, mais il est possible et même probable que le but égalisateur de Patrick Revelli les a complètement désorientés. Nous en avons eu confirmation à la reprise ou l'O.M. a encaissé 3 buts en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. De la 65e à la 71e minute, en effet, tout fut consommé en "deux temps trois mouvements". Ce sera, en fin de compte, la déception de cette 36e journée de championnat. Mais enfin, comme nous le signaler par ailleurs, il reste la Coupe !

QUE DIRE SUR BERETA ?

- Le capitaine de l'équipe de France a justifié, hier soir, son surnom de "Bereta Coeur de Lion. Pendant toute la première mi-temps, on crut bien qu'il allait être l'homme de la rencontre, tant il multiplia sur la gauche les attaques et les contre-attaques. C'est d'ailleurs sous son impulsion que l'O.M. allait réussir à ouvrir la marque. Dieu sait pourtant si le public stéphanois ne lui a pas ménagé les sifflets et les quolibets, ce qui n'est pas trop sportif. Quoi qu'il en soit, Georges, maintenant Marseillais, s'il n'a pas réussi à éviter la déroute, n'en a pas moins réussi son retour sur le stade de ses anciens exploits.

LES BRÉSILIENS ?

Jairzinho, tout d'abord, est parvenu à démontrer qu'il ne se ressentait nullement de l'attaque de grippe qui l'avait obligé à laisser partir ses camarades sans lui à Saint-Étienne. Il s'est battu sur les quatre coins du terrain, n'hésitant pas à venir prêter main-forte à sa défense. Il est dommage qu'il n'est pas bénéficié d'un soutien constant, car l'homme, indiscutablement, était en forme.

Paulo Cezar, lui, n'a pas réalisé, hier soir, l'un de ses meilleurs matches. Il fut loin notamment de rééditer sa brillante exhibition de Toulon. Mais, cette fois, ce n'était pas un match amical. Cependant, il eut le mérite d'inscrire un fort joli but à la 17e minute, ce but qui était celui de l'espoir. Mais par la suite, il ne parvint que très rarement à conjuguer ses efforts avec ceux de son ami Jair. Il faut préciser que la défense stéphanoise et notamment Janvion ne lui on pas souvent laissé le champ libre.

L'ARBITRE ?

En fin de compte, seul M. Wurtz - considéré à juste titre comme notre meilleur arbitre français - fut à la hauteur de sa réputation. Il a dirigé cette rencontre au sommet de main de maître. Et nous ne pensons pas que les Marseillais puissent lui reprocher quoi que ce soit.

J.F.

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