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Résumé Le Provencal

du 27 novembre 1972

 L'ENTHOUSIASME GIRONDIN FATAL A L'O.M.

Pourtant SKOBLAR avait marqué le but de l'espoir

BORDEAUX - Le football est un jeu collectif pratiqué par des individualités. Il peut arriver que l'exploit d'un seul homme parvienne à faire échec à la volonté tendue de toute une équipe : c'est ce qui a failli se produira Bordeaux.

En effet, quand Skoblar réussi à égaliser, à un peu plus d'un quart d'heure de la fin, à la suite d'un véritable exploit technique, l'O.M. avait été, on ne peut plus dominé par son adversaire girondin qui n'était pas un foudre de guerre, son classement modeste l'indique, mais qui empoigna le match avec une détermination farouche.

Une fois de plus les tenants du titre durent affronter un rival qui jouait, sinon le match de sa vie, se serait exagéré, du moins celui de sa saison, avec la débauche d'énergie que cela implique.

Toujours les premiers sur la balle, s'engageant malgré leur petit gabarit avec la détermination de leurs terribles et célèbres aînés, persévérant malgré la rudesse de la défense au maillot blanc, les "Girondins 72" plongèrent dans le ravissement un public venu nombreux, malgré le temps incertain de la concurrence de télévision, ayant retenu au coin du feu, bon nombre d'amateurs de rugby.

"Ah ! S'ils jouaient de cette façon tous les dimanches !", entendions-nous regretter, à la cantonade.

Eh bien ! si les Girondins ou leurs pareils, étaient capables de jouer chaque dimanche à 120 à l'heure, ils ne seraient pas les quinzièmes !

Réciproquement, si l'O.M. ne valait pas mieux que ce qu'il a montré à Bordeaux, il n'aurait pas trusté les succès depuis 3 ans.

La gloire du football, c'est bien que chaque "petit", pour peu qu'il réussisse à se surpasser, a les moyens de faire toucher les épaules un "grand".

LA PROUESSE DE JOSIP

À la 73e minute, donc, Skoblar recevait, en profondeur, une balle aérienne de Bonnel, amortissait de la tête, jonglait avec son pied droit, évitant la charge son garde du corps, l'envoyait en l'air d'une pichette et, à nouveau, de la tête lobait le gardien bordelais Rigoni.

Voilà bien ce que l'on peut considérer comme une prouesse véritable car, la même balle, on peut bien la donner cent fois au commun des attaquants, que pourrait-il bien en faire ?

Josip marqua donc de cette façon le but de l'espoir pour l'O.M., au moment ou son équipe semblait résignée au pire, n'ayant pas réagi après la réussite de Merelle, pas plus qu'elle n'était parvenir, auparavant à prendre en main la direction de la partie, et à casser le rythme infernal imprimé par les Girondins.

La preuve que tout allait mal dans cette équipe marseillaise, c'est qu'elle ne put résister à l'ultime assaut bordelais, encaissant un second but qui n'est pas du, comme le premier, à la malchance de son gardien, mais bien plutôt la somme d'une suite ahurissant d'erreurs aboutissant en cascade, à la catastrophe finale.

Hâtons-nous de dire que cette conclusion parut à tous extrêmement morale, jamais une équipe n'ayant autant mérité la victoire que celle des Girondins, même si cela amène quelques remarques.

En effet, lorsque la balle rebondit et fusa devant Carnus, à la troisième minute, pour terminer sa course au fond des filets, le malheureux gardien n'avait pas eu le moindre tir digne de ce nom, à arrêter jusqu'alors. Cela signifie que la pression des Bordelais avait été plus brouillonne et leurs tirs plutôt mal ajustés, et que la défense marseillaise harcelée, avec tant bien que mal, fait bonne garde.

Paradoxalement, son vis-à-vis Rigoni, avait eu à effectuer deux ou trois interventions extrêmement délicates. Cela montre bien que les Girondins étaient à la portée d'un O.M. qui serait parvenu à trouver la distance et à mieux coordonner ses efforts.

UNE DÉFAITE

COLLECTIVE

Il reste maintenant comme toujours en pareil cas, à trouver les raisons d'une carence certaine, puisqu'il est admis que l'adversaire est là pour défendre sa chance avec les moyens dont il dispose.

La victoire d'Angers était venue à point pour interrompre une étonnante série de défaite à l'extérieur, qui vient se reprendre à Bordeaux. Cela ne manquera pas de surprendre, si l'on sait que l'O.M. au cours de ses années de gloire, avait plutôt certain mal à s'imposer à domicile.

En évoquera l'absence de Keita et la modeste performance de son remplaçant Magnusson.

Cela ne nous apparaît pas suffisant, car l'O.M. a bien gagné deux coupes et deux championnats sans Keita, et avec Magnusson, qu'on ne peut pas plus que Carnus, par exemple, rendre responsable de cette défaite, car elle nous parait, avant tout, collective.

Certes Magnusson n'a jamais pu se débarrasser de Merelle, mais Wojciak, par exemple jamais débordé Lopez, et cela n'a pas empêché Bordeaux de gagner.

Il semblait plutôt que le facteur moral - (à une époque où tous les joueurs professionnels sont techniquement assez près les uns des autres, et cela beaucoup plus que l'on ne pense) - joue un rôle de plus en plus primordial.

L'O.M., à Bordeaux, n'a fait que subir, alors que les girondins agissaient.

Le président Gallian estimait que beaucoup de joueurs avaient été insuffisants. Ce sont pourtant les mêmes qui donnent toute satisfaction quand l'ensemble de l'équipe parvient à prendre le dessus, sur la formation adverse.

Les facteurs techniques ne sont pas négligeables : Skoblar et Trésor en ont, encore, fait la démonstration. Mais une victoire, c'est de plus en plus un état d'esprit, une conscience collective et c'est à ce titre que celle des modestes et vaillants Bordelais est amplement justifiée.

Louis DUPIC

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L'opinion bordelaise craignait Magnusson

BORDEAUX - Notre confrère "Sud-Ouest", titrait, samedi sur huit colonnes : "Bordeaux craint davantage Magnusson que Keita" et justifiait ainsi sa position.

Le Suédois, dans le passé, avait souvent joué de mauvais tours aux Girondins qui, en revanche, s'étaient toujours accommodés de Salif et de St-Étienne. En outre, on n'avait toujours pas oublié à Bordeaux la dernière démonstration de l'O.M. en août 1971, que l'on cite toujours en exemple dans la capitale de l'Aquitaine.

Le vent, en conséquence, n'était pas à l'optimisme au cours des heures précédant la rencontre, chacun se refusant à estimer l'O.M. diminué avec Trésor à la place de Bosquier et Roger à l'aile droite.

On sait ce qu'il advint de ces pronostics.

 INQUIÉTUDE

Marcel Pougenc a demandé le plus sérieusement du monde au délégué, M. Huet, s'il était pour ou résolument contre le célèbre geste de Keita. Sur le mode plaisant, bien entendu. En outre, Marcel a ramené de Paris, à l'intention du président Gallian, le casier judiciaire de Salif : six fois sanctionné en 71 et qui risque de devenir pour lui un client sérieux.

 RUSE DE GUERRE

Georges Carnus, qui venait de croiser auprès des vestiaires, n'avait pas reconnu André Merelle, l'arrière bordelais qu'il connaît pourtant depuis longtemps, ce dernier s'était laissé pousser la barbe.

S pour impressionner Magnusson ?

Si cela est vrai, il a parfaitement réussi.

 MARIO ZATELLI

À TOULOUSE

Mario Zatelli n'était pas à Bordeaux avec ses troupes. Il assistait, à Toulouse, à la rencontre opposant l'équipe locale à Sète, dans un but précis : celui de superviser l'attaquant sétois Coste.

À ce sujet, précisons que ce dernier, au cours de la saison précédente, a joué trois fois contre l'O.M. : deux fois en Troisième division et une en Coupe de France, dans les rangs de l'Olympique d'Alès. Et auparavant, Coste avait été sociétaire de l'A.S.P.T.T. de Marseille.

 TREIZE OLYMPIENS

À BORDEAUX

Pour parer à toute éventualité, les responsables olympiens avaient amené 13 joueurs à Bordeaux, l'élément en surnombre étant Ange Di Caro.

 CONFIRMATION :

NOVI ET KEITA À PARIS

Il se confirme que les deux joueurs marseillais participeront aujourd'hui au Congrès du Syndicat des professionnels et au match prévu pour ce soir dans la capitale : le délégué Jacky Novi et Salif Keita, désigné comme vice délégué en la circonstance.

 PAS D'INTERDICTION

A ce sujet, René Gallian nous a exprimé que l'ancien pro lui-même, il n'avait aucunement interdit aux joueurs de l'O.M. de participer à cette manifestation.

L.D.

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Le président GALLIAN : "Trop de défaillances"

BORDEAUX - Déjà profondément déçus par la défaite, les olympiens ont dû faire face à une véritable "bronca" des supporters bordelais qui les ont nargués à leurs entrées aux vestiaires.

Disons, pour résumer le sentiment général, que les joueurs se seraient bien passés d'une telle démonstration. Mais, enfin, là n'est pas tellement notre propos...

Le président Gallian, avant de suivre ses hommes, était allé s'informer des autres résultats de la journée.

Il évoquait devant nous les événements de Nice qu'il venait d'apprendre par un confrère de la radio.

"Les leaders n'en auront pas moins match gagné, nous dit-il en guise de préambule. Nous voilà désormais à six..."

- Comment expliquer cette défaite ? lui demandons-nous.

- Eh bien, tout simplement, affirmait le président, parce que notre équipe a trop connu de défaillance. Dans ces conditions, on ne peut pas prétendre battre un adversaire volontaire comme le fut Bordeaux cet après-midi. Je ne comprends pas ce qui s'est passé. L'O.M. paraissait en net regain de forme ces derniers temps.

"Voilà que les mauvaises performances recommencent, espérons que nous pourrons nous rattraper. Pourtant, voyez-vous, j'ai cru, après notre égalisation, que nous serions capables de ramener le point du match nul. Enfin, essayons d'oublier tout cela.

"Comme on dit, nous tacherons de faire mieux la prochaine fois".

LINDER :

"UNE LEÇON"

Linder, lui, faisait les cent pas, l'air absent, quand nous venions pour recueillir ses impressions.

"Nous avons été battus, nous disait entraîneur, par un adversaire beaucoup plus enthousiaste. Bordeaux, aujourd'hui, nous a donné une leçon.

"Je serais curieux de savoir pourquoi nos joueurs perdent, cette année, toutes leurs possibilités à l'extérieur. À Marseille, nous parvenons à nous imposer.

"Quand nous sommes loin de nos bases, rien ne va plus. Il y a là un petit mystère à élucider...

"Moi aussi je pensais qu'après le but de Josip nous pourrions nous en tirer avec un point du match nul. Hélas, vous l'avez vu, Bordeaux a eu le dernier mot. Mais je reste persuadé que nous avons fait de grosses fautes de défense.

"Je ne parle pas, bien entendu, de cette erreur d'appréciation de Carnus. Il arrive à tous les ultimes défenseurs de faire ce genre de fautes. Et il n'est pas question, ici, d'accabler notre gardien.

"Mais, sur le but vainqueur des Bordelais, notre défense a fait une erreur de placement incontestable. Goudet n'aurait jamais dû se trouvez tout seul devant nos buts".

- Pensez-vous que Keita aurait pu inverser la face des choses ?

- Je pense sincèrement, répondait Linder. Vous savez, avant le match, nous avions déjà un lourd handicap à surmonter. Vous avez vu, devant Saint-Étienne, quelle influence peut avoir un joueur comme Salif, d'autant que Magnusson, aujourd'hui était loin d'avoir tous ses moyens habituels. Nous n'avons pas attaqué non plus avec toute la détermination souhaitable. Bref, c'était aujourd'hui, l'O.M. des mauvais jours".

ZVUNKA :

"CONFIANCE

QUAND MÊME"

Et les joueurs, quel était leur état d'esprit après le coup de sifflet final ?

À vrai dire, ils avaient très peu envie de se laisser aller aux confidences.

TRESOR, le premier n'arrivait pas à détourner son rebord un point imaginaire, même l'annonce de la victoire d'Ajaccio ne parvint pas le distraire.

"Nous avons tenu le plus longtemps possible, nous disait-il, mais cela n'a pas suffi !"

"Dommage, affirmait pour sa part FRANCESCHITTI, le dernier but bordelais est heureux. Nous aurions pu faire match nul".

C'était aussi la vie du capitaine ZVUNKA, qui ne comprenait pas, lui non plus, cette nouvelle contre-performance.

"L'an dernier, nous parvenions, malgré tout, à nous imposer à l'extérieur, même quand nous n'étions pas en très grande forme. Rien de pareil cette saison.

"Enfin, il faut y croire quand même, malgré nos six points de retard. La fin de la compétition est encore lointaine. D'ici là, il peut se passer pas mal de choses".

MAGNUSSON, pour sa part, rendait hommage à l'adversaire :

"Bordeaux m'a agréablement surpris. L'équipe a fait une très bonne partie. Quant à moi, cela faisait un mois que je ne jouais plus, alors il était normal de ne pas avoir la meilleure condition".

Georges CARNUS était encore accablé par ce but stupide encaissé au début de la deuxième mi-temps :

"J'attendais le rebond de la balle, nous expliquait-il, mais elle a fusé avant de prendre le chemin des filets. Je ne veux pas chercher d'excuse, mais ce terrain était épouvantable. Le plus navrant est que cet incident est survenu au moment ou l'O.M. conservait toutes ses chances. Je suis désolé..."

LOPEZ, lui aussi, était bien sûr déçu. Mais c'est pourtant le sourire aux lèvres qu'il se rendit sous la douche :

"Depuis ce matin, nous lance-t-il, je suis papa d'un petit garçon..."

Ce qui nous vaudra évidemment de le féliciter au passage.

SKOBLAR, enfin, trouvait que l'O.M. s'était montré trop défensif :

"On ne peut pas gagner en jouant tous derrière, reconnaissait Josip. "C'est très bien d'être prudent, encore faut-il contre-attaquer pour désorganiser l'adversaire ; nous ne l'avons pas fait, ou trop rarement. Dommage, un match nul aurait été une bonne opération".

PHELIPPON :

"SUCCÈS NORMAL"

Ce n'était pas tout à fait le même point de vue dans le vestiaire bordelais. Les joueurs estimaient avec un bel ensemble que la victoire avait récompensé le meilleur du jour. L'entraîneur Phelippon, par exemple, reflétait assez bien le sentiment de ses hommes en nous disant qu'il aurait été injuste de perdre un point uniquement sur un exploit de Skoblar.

"Cet après-midi, Bordeaux a été plus fort que l'O.M. Nous avons pris l'initiative durant la presque totalité de la partie. Ce succès est tout à fait logique et je ne pense pas que nous adversaires puissent dire le contraire."

Jean FERRARA

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LES REPONSES AUX QUESTIONS QUE VOUS VOUS POSEZ

L'absence de Salif KEITA

- Il est évident que la première question venant à l'esprit est celle concernant l'absence de Keita. Et bien entendu, son influence.

Linder nous l'a dit lui-même, la suspension de Keita s'ajoutant à celle de Bosquier, était pour l'O.M. un lourd handicap. Bien que Trésor au poste de libéro, et Lopez à sa place d'arrière droit aient fait l'un et l'autre une rencontre en tous points irréprochable, empressons-nous de le signaler.

Seulement, voilà où la punition infligée à Keita trouve toute sa résonance, c'est que Magnusson, son remplaçant au pied levé, était nettement à court de condition à tel point que Linder a dû faire sortir le Suédois pour le remplacer par Gress peu avant la fin du match.

Mais il faut dire tout d'abord que Magnusson n'a plus joué en compétition depuis près d'un mois. Il a été appelé récemment en Suède pour assister aux obsèques de son beau-père, ce qui n'a rien fait, bien sûr, pour arranger les choses.

Nous nous sommes bien aperçu, hier après-midi, que le dribble du blond Roger avait perdu de ce fait pas mal de son efficacité.

Merelle, qui l'an dernier avait traversé un véritable calvaire, a pu cette fois prendre sa revanche en muselant l'ailier olympien.

Ceci explique sans doute cela.

Autre conséquence de l'absence de Salif et bien sûr de la carence de Magnusson, Skoblar, durant tout le match, a dû faire face à une véritable coalition des défenseurs bordelais.

- Comment, d'autre part, expliquer cette carence olympienne ?

Il semble que l'équipe marseillaise ait cette année le véritable contexte de l'adversaire quand elle joue loin de son stade-vélodrome. Les Olympiens sont apparus véritablement complexés, ne parvenant jamais à s'organiser devant un adversaire plus volontaire.

Comme le soulignait aussi Skoblar, il semble que les joueurs n'aient jamais pu prendre l'initiative de se porter en attaque. Ainsi, équipe tout entière a dû subir pendant 90 minutes la pression des Bordelais. À ce jeu, c'est bien connu, on s'expose toujours à encaisser des buts surprises. Ce fut notamment le cas hier après-midi. Nous restons persuadés qu'un O.M. conscient de sa valeur et maître de ses nerfs n'aurait jamais permit à Bordeaux d'obtenir le but de la victoire à quelques minutes de la fin.

Dans les prochains jours, Linder devra s'efforcer de mettre bon ordre à cet état d'esprit, ce n'est qu'en retrouvant un moral de vainqueur que l'O.M. peut espérer s'attacher aux basques de Nice. Mais hier, répétons-le, le moral est apparu assez défaillant.

J.F.

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