BILAN OLYMPIEN . |
1937 |
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Aristide Gorelli, millésime 1937
Cet Olympien de 93 ans est le dernier Marseillais survivant du premier titre de champion de l'OM Cet homme-là est un bain de jouvence. À 93 ans, Aristide Gorelli est un livre d'histoire bien vivant et vivifiant, qui passe de Vasconcellos à Cheyrou en deux mots, des années 30 au XXIe siècle en un clin d'oeil et deux éclats de rire. Marseillais bon teint, il coule des jours paisibles du côté de Saint-Barthélémy, où il vivait déjà quand la France chantait le Front Populaire et que nos voisins allemands ou italiens frémissaient sous les bottes. Aristide Gorelli est le plus ancien champion de France olympien. Dans le salon de son rez-de-chaussée, aucun souvenir ostensible de ce passé lointain. Juste quelques cahiers et des photos exhumées pour l'occasion. "Je ne jouais pas souvent, mais j'étais là, nous nous entraînions tous les jours", explique celui qui a disputé quelques matches entre 1934 et 1938, mais qui a surtout joué une rencontre de D1 lors de la saison 1936-37, contre Antibes (victoire 2-0) celle du premier titre de champion de l'OM. Parce qu'à l'époque, il n'y avait que 11 joueurs sur les feuilles de match, aucun remplacement autorisé. Il est le dernier survivant d'une équipe dont les vedettes s'appelaient Zatelli, Bruhin, Bastien, Aznar, Vasconcellos... "Jaguar, je l'ai vu arriver un jour au Billard Palace, place de la Bourse ; il venait d'Espagne, qu'il avait fuie après la guerre civile, en passant par les Pyrénées. Il sollicitait un essai. "Menez-moi au stade !" Au stade en tramway "Les dirigeants l'ont conduit à l'Huveaune avec Kohut, qui lui mettait des boulets et Eisenhoffer, des tirs plus roublards à ras de terre. Il était bon mais pas le gardien phénoménal qu'il a été par la suite. "Quand on se baladait sur la Canebière, les gens disaient "Bonjour Vasconcellos !" Il se retournait et corrigeait : "MONSIEUR Vasconcellos !". Aujourd'hui, existe-t-il un seul joueur de l'OM qui se promène sur la Canebière ? Ou qui prend le tramway ? "J'allais en bus jusqu'au cours Saint-Louis et là, je prenais le tramway pour l'Huveaune. Une fois, un copain me dit: "Tu as une touche." Une jeune fille me regardait. Au terminus, elle vient vers moi et dit : "Vous êtes bien monsieur Gorelli, de l'OM ? Alors vous voyez Monsieur Zatelli tous les jours ? Vous pouvez lui faire passer ce mot ? "J'avais une touche, oui, mais pour le beau Mario..." Rarement titulaire, Aristide a été surpris, un beau dimanche, par un dirigeant, à l'heure du café. "Tu as mangé ? Alors prend ton sac, Conchy est malade, tu joues arrière droit." Voilà comment, Gorelli a joué contre Antibes, son seul match de championnat lors de la saison 36-37. Cinq ans dans un camp De ses vieux cahiers, il extrait de belles photos de groupe ; en déplacement avec l'OM, le jeune homme des années 30 sourit à la vie aux côtés d'Alcazar, Bruhin, Ignace, Zermani. Puis arrive 1939, la guerre, Aristide est fait prisonnier. "Je suis resté cinq ans dans un Stalag, près de la Baltique, puis en Alsace et j'ai eu la chance de jouer au foot ; l'équipe du camp gagnait contre ses homologues, alors le sergent nous traitait bien. Un jour de 1945, un officier de la Wehrmacht a dit : "Français, c'est par là ! Nous étions libres, de rentrer à pied, sous la mitraille de l'aviation anglaise, car des soldats allemands fuyaient avec nous. "À Marseille, j'ai repris le boulot de dessinateur industriel à la Société des Eaux et un peu joué en FSGT. À part quelques contacts avec Mario Zatelli, je me suis contenté de suivre l'OM à la télé. Ah ! Waddle, Ravanelli, Drogba et aujourd'hui Ziani, Mandanda, Cheyrou ; ils marquent l'OM et seront marqués à vie par Marseille..." Le Milan AC à l'Huveaune "Mes débuts, je les ai faits en amical, à l'Huveaune, contre le Milan AC, en octobre 1934. Mon père travaillait dans une usine de meubles, Rimorini, aux Chutes-Lavie ; c'était plein d'italiens d'origine, comme nous. Alors, ils étaient tous venus, à la fois pour voir le Milan et pour me soutenir. J'avais mes supporters. "Nous jouions le WM, qui était assez rigoureux à l'époque ; j'étais demi droit et je marquais donc l'inter gauche international adverse, dénommé Romani. Sur son premier ballon, il m'a fait plein de feintes et j'étais tellement tétanisé que je n'ai pas bougé ; c'est comme ça qu'il a glissé et que je lui ai pris le ballon. J'ai balancé un grand coup de botte vers Kohut et il a marqué d'un tir terrible du gauche. Mes supporters m'ont tout de suite applaudi. "Un peu plus tard, comme nous menions au score, les Italiens ont commencé à castagner. Alors, je me suis adressé à Romani en italien pour lui dire de se calmer. Il était étonné : - Tu es italien toi aussi ? Mais je ne me souviens pas de toi, tu ne jouais pas l'an dernier... - Sûr, aujourd'hui c'est mon premier match ! - Ah oui ? Alors ne t'inquiète pas, ça va bien se passer si tu es italien... A partir de là, dès qu'il avait le ballon, il mettait en retrait. Il ne m'a jamais dribblé et ça s'est bien passé..."
Auteur : Par Mario Albano (La Provence du 07/03/2009) |