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Résumé Le Provencal

du 07 mai 1967

 

15.000 spectateurs enthousiastes ont vu l'O.M. "estoquer" les Girondins (3-2)

Football à l'espagnole...

...et cinq buts de rêve

Ce n'est pas une évolution, mais une révolution. De la crinoline à la mini-jupe.

Après avoir pendant les deux tiers de la saison, sacrifié au jeu court et à la balle portée, O.M. s'est mis résolument à l'heure espagnole.

Nous voulons bien entendu parler du football pratiqué par les ibériques de souche et non celui des Di Stefano, Puskas, Kopa... et autres virtuoses étrangers de la péninsule.

Donc, surtout en première mi-temps, le jeu fut très serein, très long, fait de grands coups de pied, de courses folles, de charges, de bonds, de cabrioles, de chocs... et de quelques inévitables irrégularités.

Car on peut s'en douter, sans y avoir été, Bordeaux n'est pas une équipe à se laisser battre à ce jeu athlétique sans réagir.

Il s'ensuivit un match "viril mais correct" comme le dirait Roger Couderc.

À l'abordage

Un match en tout cas d'une grande intensité, passionné et passionnant.

Exactement ce qu'il faut pour plaire au public et lui redonner le goût de fréquenter les stades en plus grand nombre.

Le hasard, ce maître scénariste sportif, fit aussi bien les choses.

Après que la puissante équipe girondine eut pris l'avantage, Skoblar, en deux coups de patte de grand félin, fit entrevoir la victoire aux supporters marseillais.

Alors que Bordeaux attaquait de toutes ses forces, de toute la finesse de Ruiter et de toute la vélocité de Keita, Joseph paru lui donnait un coup de grâce.

Mais les Girondins n'abdiquent jamais, Couecou réduisit écart et jusqu'au bout, jusqu'à la dernière seconde, le courageux Escale fut en grand danger de concéder le but de l'égalisation.

Comme dans les meilleurs films policiers "suspense" donc jusqu'au bout, à l'issue d'une action constante et d'une animation soutenue.

Certes, les puristes pourront trouver à redire.

Cependant, force nous est de reconnaître que le public prit un plaisir extrême à cette violente opposition, au spectacle de ce football à l'abordage. Auquel il ne manquait parfois que la hache du même nom.

Alors, quand le public est content, il y a plus qu'à s'incliner. N'est-il pas la raison d'être du football professionnel ?

Skoblar comme El Cordoles

Paradoxalement, cette corrida fut illuminée par cinq magistrales estocades.

Cinq sensationnels coup d'épée qui soulevèrent le stade et nous enchantèrent. Ruiter le premier donna l'exemple.

Skoblar lui répondit par une reprise directe d'une absolue pureté. Un but de rêve.

Le Yougoslave récidiva, peu après, en finesse cette fois.

Puis, comme El Cordobes, victime de sa folle audace, il tomba en un combat douteux.

Joseph prit le relais. Le moins qu'on puisse écrire et qu'il marqua un but à la Skoblar.

Enfin, Couecou tint à nous administrer la preuve, qu'à Bordeaux aussi, on peut marquer des buts dignes de figurer au manuel du parfait "puncheur".

Cinq buts de toute qualité, au cours d'une même rencontre, voilà la chose rare !

D'autant plus rares que se trouvaient en présence les deux défenses les plus imperméables du championnat, à celle de Rouen près.

Cinq combinaisons à deux

Au tableau d'honneur de la soirée, il faudra faire figurer par priorité les auteurs de ces buts.

Curieusement, on assista, chaque fois à une combinaison à deux joueurs. Pas plus. Le thème de la rencontre interdisait les grands mouvements d'ensemble.

Nous eûmes donc :

1) Texier - Ruiter ;

2) Djorkaeff - Skoblar ;

3) Destrumelle - Skoblar ;

4) Casolari - Joseph ;

5) Ruiter - Couecou.

Mention spéciale étant accordée à Josip, l'inimitable, vous avez là les noms des meilleurs joueurs de la rencontre.

Ajoutez-y Escale, Zwunka, Tassone d'un côté, Montes, Abosslo, Keita et Guillas de l'autre.

Quant à la prime de la combativité, il faudra la partager entre les 22 joueurs et l'arbitre.

Car ce dernier eut bien du mérite à éviter le pire

Maurice FABREGUETTES

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Skoblar (2), Joseph, Ruiter et

Couecou, les "puncheurs" inspirés

SKOBLALR était là, ce dont nous n'avions, personnellement, pas douté. Arrivé dans la soirée de la veille après avoir raté le départ de l'avion à Belgrade, souriant et intact.

Les équipes se présentaient donc de cette façon devant 15.000 spectateurs environ.

O.M. : Escale, Tassone, Artelesa, Zwunka, Lopez, Djorkaeff, Hodoul, Destrumelle, Casolari.

BORDEAUX : Montes, Moevi, Chorda, Calleja, Rey, Abossolo, Keita, Guillas, Ruiter, Texier, Couecou.

La partie ne comportait pas de période d'observation et dès les premières secondes Couecou et Texier se montraient menaçant avec qu'un contre invraisemblable ne mette Moevi en mesure de marquer.

Au célèbre style "réaliste" des Girondins, O.M. répondait par un jeu aérien et décousu qu'il a adopté depuis le désastre de Rouen et ne lui réussit pas trop mal, si on considère le résultat.

C'est ainsi qu'un extraordinaire centre à effet de Skoblar arriva à la 14me minute sur la tête de Djorkaeff qui mettait de peu à côté.

Nouveau service de Josip vers Casolari, rejoint près du but par Moevi (17me minute).

20me minute : Ruiter marque

Les Girondins allaient ouvrir la marque sur une charge pied en avant de Texier, tout à fait répréhensible, prolongée vers Escale par un coup de tête trop faible de Lopez et une pichenette de l'opportuniste Ruiter.

Le Brésilien, sévèrement marqué par Artelesa, touchait la balle pour la première fois, mais c'était la bonne.

Couecou, à la 26e minute était à deux doigts de creuser l'écart, mais placer la balle à côté, après avoir trompé Escale.

28me minute : Skoblar égalise

Tout au contraire, Skoblar signait son douzième but marseillais en reprenant de façon foudroyante au point de penalty une bonne passe latérale de Djorkaeff... Un but classique applaudi comme il convenait.

Après cette action magnifique, le jeu baissait de plusieurs tons.

42me minute : Skoblar récidive.

C'est encore Josip qui allait nous arracher à nos fauteuils. Sur un centre de Destrumelle, qui avait soufflé la balle à Rey, il arriva à toute allure et à point nommé pour placer la balle hors de portée de Montes. Et les Bordelais subirent une "bronca" monstre lorsqu'il fut touché peu avant la pause.

Il devait revenir sur le terrain avec ses camarades, mais les premières actions nous le montraient boitant assez fortement. Cela ne l'empêche pas de réussir un centre qui semait la panique devant le but bordelais.

Sur passe de Abossolo, Ruiter rejoignait Skoblar au tableau d'affichage, mais il était nettement hors-jeu. Très opportuniste ce Ruiter !

Le cas de l'heure de jeu était abordé et lorsque Skoblar amorcée à la ligne médiane une action qu'il menait jusqu'à la ligne de but adverse, en collaboration avec Hodoul et Destrumelle.

Keita est répliqué en trempant Zwunka, mais Escale arrêtait son tir à ras de terre.

61me minute : à Joseph le 3me !

Après un centre tir de Destrumelle qui échouait sur l'arête supérieure de la barre transversale, l'on ne desserrait pas son étreinte. Casolari débordait sur la droite et réussissait en pleine course un centre parfait que Joseph, imitant exactement Skoblar, envoyait cette balle au fond des filets ! Encore un but magnifique à mettre à l'actif des Marseillais devenus efficace sur le tard...

Peu après, Casolari se mettait lui aussi à boitiller et Joseph demeurait le seul des avants locaux unijambes.

77me minute : Couecou pour Bordeaux

Mais c'était décidément la soirée des jolis buts... Un débordement et un centre de Ruiter permettait à Couecou de battre imparablement Escale, à la façon de Skoblar et de Joseph.

Les dernières minutes allaient être longues et pénibles pour l'O.M. fatigué et diminué, qui allait cependant conserver le bénéfice de la victoire.

Louis DUPIC

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La demi-heure

éblouissante....

Cette nocturne sur laquelle une légère brume bleutée ajoutait un voile de féerie, nous a plongé par ses personnages et leurs couleurs, au coeur même de l'Histoire de France.

Période brûlante de la Révolution aboutissant à la Convention puis au Directoire..., en passant par la Patrie en danger !

Girondins en maillots blancs veinés de bleu, bataillon des Marseillais drapés dans le rouge de la révolte... Tout y était, y compris la guillotine qui allait tomber cinq fois, pour faire un somptueux 3 à 2, au terme d'un match viril, sévère, âpre, intense, tout chargé d'électricité.

Cette assemblée se mit à danser une "Carmagnole" effrénée, et on avait envie d'entonner le champ fameux : "Ca ira !" Quand le merveilleux soliste aux jambes de pur-sang se mit à dessiner, très haut, par-dessus le ballet, ses entrechats, ses "huit" et ses "jeté- battus".

À l'admirable spectacle !

Dans cet artiste inspiré, la foule avait très vite reconnu son sauveur.

Et Josip Skoblar ne manqua pas ce que chacun attendait de lui. C'est-à-dire, ces minutes de rêves qui ont fait de la première mi-temps la demi-heure éblouissante.

Deux buts, deux éclats, deux fulgurantes traînées de poudre qui s'enflamme et communique le feu aux gradins qui s'embrassent.

Puis, un choc malencontreux l'éliminait, et on l'emportait sur des épaules fraternelles, horizontal, pareil à un gisant, tache rouge sur le fond sombre de la pause tribune Ganay.

Et la foule, bouleversé, n'avait d'yeux que pour son dieu. On oubliait tout... On oubliait que Guillas fut un jour comparé à Napoléon... On oubliait que Djorkaeff ressemble à Serge Gainsbourg...

On se reprenait à vivre et revivre les minutes enfuies, un centre jailli d'une géométrie inconnue, le premier but suivi du salut olympique, le deuxième, ponctuée par un shadow-boxing qui en disait long sur la joie de Josip.

Et puis, on attendit anxieusement.

Était-il gravement blessé ? Reviendrait-il sur le terrain ?

Il revint, boitillant, diminué, malheureux et s'excusant d'un geste de la main devant un public ravi qui l'applaudissait pleine de reconnaissance.

Il revint pour éblouir une dernière fois la tribune Jean Bouin en exécutant un lob qui tenait de la magie.

Seul, Rastelli, peut-être, devait faire des tours semblables, qui le firent passer pour un sorcier

Louis DEVILLE

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Jules Zwunka : "Un match nul nous aurait fait mal au coeur !"

Dans le camp marseillais, les visages étaient épanouis. Le président Marcel Leclerc était satisfait... Ce fut un match spectaculaire, très virile : engagement physique fut total dans les deux équipes !

L'entraîneur Mario Zatelli exultait... ce fut un véritable festival Skoblar !

Skoblar était soucieux : "Ma cheville me fait mal, mais ce n'est pas grave ! J'ai fêté mon retour de Belgrade..."

Jules Zwunka nous livrait le fond de sa pensée en ces termes : "Réellement cela nous a fait plaisir d'avoir gagner. Un match nul nous aurait fait mal au coeur".

Escale, l'oeil pétillant de malice s'exclamait : "Ce fut dur ! À la fin j'ai été en danger".

Marcel Artelesa constatait : Rencontre sévère, équilibrée. Bordeaux nous a mené la vie dure et puis c'est la troisième rencontre en une semaine et cela se fait sentir !"

M. Neumann s'écriait sur un ton joyeux : "Quelle intensité de jeu ! Pas un instant de répit."

Alain DELCROIX

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ARTIGAS : "Abossolo n'a pas suivi les consignes"

Dans le vestiaire, les joueurs n'étaient pas très bavards. Ils étaient déçus du résultat final.

L'entraîneur Artigas, s'est montré pourtant prolixe : "Si j'avais disposé de Péri ou de l'un de ces deux hommes et j'aurais mis Calleja sur Skoblar, mais n'ayant ni Péri ni Leonetti, Calleja a du s'occuper de Joseph et Abossolo a été chargé de Skoblar ! Il a respecté les consignes pendant un quart d'heure, puis il les a laissé tomber et il est parti jouer sans se préoccuper davantage du Yougoslave !"

Alain DELCROIX

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