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Résumé Le Provencal

du 10 février 1969

 

L'O.M. AU "FINISH"

obstinés, les Marseillais arrachent

leur qualification sur le fil

(De notre envoyé spécial : Louis DUPIC)

PARIS (par fil spécial) - Ne boudons pas notre plaisir. Dans le décor mutilé du Parc, nous avons vécu un grand match de Coupe, riche en péripéties de toutes sortes, parfois dramatique, qui nous livra seulement à cinq minutes de la fin, le nom de son heureux vainqueur. Indécis, ô combien par moment passionnant, il nous laisse tous à peu près anéantis, acteurs et spectateurs, la plus grande partie de ces derniers n'étant pas des observateurs impartiaux mais les fanatiques, porteurs de banderoles et proclamant hautement leur qualité de supporters.

Aussi, après l'opposition des chorales, celle des Bretons s'étant mise en voix au cours du lever de rideau, chacune d'elles accompagna-t-elle chaque action de jeu d'applaudissement ou de lazzis, suivant quel en était son auteur.

Autre élément de drame vers : la pelouse, encore dur comme pierre vers 11 heures, mais en plein dégel, glissante, grasse, collante l'après-midi. Il ne faut donc pas s'étonner que ce match, tout en étant fort intéressant, ait été celui des bévues, des loupés énormes, les acteurs de plus en plus fatigués, ayant de plus en plus de mal à conserver leur équilibre et à utiliser convenablement le ballon au fil des minutes.

RENNES plus à l'aise

Il est admis que les équipes athlétiques sont avantagées par les terrains lourds... Au cours de la première mi-temps, les Bretons, non pas grâce à leur poids, mais bien pour avoir eu mieux adapter leur technique aux conditions de jeu s'employèrent ferme à faire mentir cet adage.

La vigilance des défenseurs, les déviations de Rodighiero, les prises de balle de Takac leur permirent de mener le jeu à peu près à leur guise. Mais ils ne purent marquer, par Lenoir - un réel espoir - qu'en raison d'une faute de Djorkaeff qui laissa, au milieu d'un paquet de boue, le ballon à Floch.

Bonnel eut une occasion énorme d'égaliser. Quant à Escale, il sauva bel et bien l'O.M.... en ne laissant pas Floch augmenter l'addition. À la mi-temps nous n'aurions pas misé un sou sur les chances marseillaises, dans la plupart de ses hommes, Joseph le premier, opéraient nettement en dessous de leur valeur...

Au point de vue tactique, autre erreur, Magnusson étant oublié à son aile, alors qu'il constituait, hier après-midi encore, le meilleur atout offensif marseillais, oubliant Cardiet à chacun de ces départs.

L'O.M. au finish

Djorkaeff et Bonnel, dont nous avons dû parler plus avant, étaient les artisans de l'égalisation et là, l'O.M. revigoré, avait la partie en poche. Certes, Fiawoo glissait et tombait au moment de pousser la balle au fond, mais Magnusson signait le second but d'une reprise de volée impériale. Décidément, Rennes était difficile à battre, et l'on allait nous faire souffrir jusqu'au bout.

Après l'égalisation bretonne, ce furent des hommes épuisés qui abordèrent une inhumaine prolongation après qu'il ait raté une nouvelle occasion de façon ahurissante, Joseph allait trouver assez de ressort pour aller marquer le but de la victoire, nous rappelant, s'il en était besoin, qu'il faut toujours attendre pour le juger, le coup de sifflet final. Ouf !

Tandis que des milliers de Bretons rengainaient dans leur poche des casquettes aux couleurs rouges et noires, des milliers de Marseillais envahissaient la pelouse, portant Magnusson en triomphe et manifestant leur joie de façon que leurs rivaux devaient juger indécente, toute combativité, toute concentration les ayant abandonnés d'un seul coup... à la 115e minute.

MAGNUSSON et TAKAC

Après avoir situé le décor est relaté les faits, il convient de vous parler des hommes.

L'enjeu était écrasant pour tous, l'O.M. comme Rennes jouant sa saison sur un après-midi. Aussi ne fut-on pas étonné de les trouver tout d'abord contractés et très prudents.

Ce fut le début de match quelconque et l'O.M. qui enhardit son adversaire, Sylvester Takac étant, bien entendu, le grand animateur breton. Les Cosnard, Jadzyk, Cardiet cessèrent de mettre la balle en touche, et toute équipe rennaise tourna rond avec Takac, certes, bien aider à la construction par Garcia, Rodighiero, Rico, mais aussi avec Cedolin, le dribbleur Floch et efficace Lenoir, révélation pour beaucoup d'entre nous.

Nous pensons que la plupart des Rennais exprimèrent leurs possibilités au maximum, aucun n'étant décevant, leur équipe donnant l'impression d'être plus cohérente, plus unie, mieux huilée que sa rivale, connaissant parfois des moments difficiles, comme Cardiet, qui ne se découragea jamais, tandis que Jadzyk muselait sans mal un Joseph lourd et très handicapé sur le terrain gras, par sa cheville malade.

N'étant pas, mais alors pas du tout, dans un jour de réussite, l'O.M. eut le mérite de ne pas renoncer, de se battre jusqu'au bout, de ne pas céder au découragement et méconnaissable par rapport à sa sortie précédente, puisa dans ses vertus, plutôt que dans son arsenal technique, des ressources capables d'assurer sa qualification.

Ce match, il l'arracha sur le fil, au finish, après avoir connu beaucoup d'erreurs. Mais il faut convenir que la plupart des Olympiens surent les racheter. Aussi, escale, responsable du second but, mais auteur de deux parades extraordinaires : Djorkaeff, imprécis, mais toujours en action et à l'origine de l'égalisation ; Bonnel, qui marqua un très joli but après un loupé magistral ; Joseph, enfin, à peu près inexistant... jusqu'au moment décisif.

Lopez, Novi, Zwunka, Destrumelle, Fiawoo et Gueniche se battirent sans doute un peu obscurément, mais ne baissèrent jamais les bras et jouèrent un rôle extrêmement utile et en contestant toutes les balles à un adversaire en verve et dans un bon jour.

Bien sûr, nous avons gardé Magnusson pour la bonne bouche. Après avoir longtemps appelé la balle sans succès, montrant même nettement son irritation, il reprit le cours de ses exploits et expédia devant le but un nombre élevé de balles, inutilisées, hélas.

Nous avons été heureux pour ce merveilleux garçon, lorsqu'il marqua, d'une reprise de volée lumineuse, un but qu'on pensait être celui de la victoire.

Magnusson et Takac : deux hommes qui ont animé remarquablement leurs équipes respectives. Des hommes comme il en faudrait beaucoup chez nous...

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18.000 SPECTATEURS AU PARC DES PRINCES...

A la 114me mn, JOSEPH donna

la victoire à l'O.M. (3-2)

PARIS (De notre bureau parisien) - Un froid sec, mais supportable.

Du soleil.

Dix-huit mille spectateurs : il y a fort longtemps qu'un match de football n'avait rencontré un tel succès dans la capitale.

Tout-Paris s'était dérangé pour voir le duel Takac - Magnusson. Et le match Rennes - Marseille devait largement mériter son titre de N1 des seizièmes de finale de la Coupe de France.

L'Olympique de Marseille se créait les meilleures occasions en début de match.

Sur un centre de Destrumelle, à la 2e minute, Frank Fiawoo surgissait tête en avant, dans la mêlée. Mais la défense rennaise parvenait à repousser la balle.

Sept minutes plus tard, sur un centre de Fiawoo, c'était Joseph Bonnel qui expédiait la balle au-dessus de la barre transversale.

On sentait néanmoins une grande contraction. Aussi bien chez les Rennais que chez les Marseillais. L'enjeu était d'importance et l'on hésitait à se livrer.

Le match ne devait réellement débuter qu'à la 15e minute, après que le Stade Rennais ait ouvert le score par Lenoir.

L'avant-centre breton, sur un centre de Floch, fusillait Escale d'un tir très sec à bout portant.

Marseille s'affolait un peu, mais pas au point de permettre au Stade Rennais d'augmenter son avance.

Égalisation ratée pour Bonnel...

Après quelques minutes de panique, l'O.M. se ressaisissait et sur un centre de Magnusson, Joseph Bonnel allait avoir l'égalisation au bout du pied. Hélas, l'ancien international, seul devant Robin, poussait mollement le ballon dans les mains du gardien rennais (23e).

La formation de Jean Prouff fort bien organisée en défense et excellente dans la circulation de la balle, tenait le match et il s'en fallait d'un rien que Daniel Rodighiero n'obtienne un second but à la 32e minute.

Seul devant Escale, Rodighiero hésitait à tirer et permettait ainsi au jeune gardien de l'O.M. de sortir et de repousser le danger. Aux vestiaires, l'attaquant breton devait confier qu'il s'était cru hors-jeu.

Ce deuxième but, c'est Takac qui allait l'obtenir en début de seconde mi-temps. Mais pour le réussir, international yougoslave contrôlait la balle avec la main et fort justement M. Carette annulé le point (52e).

...puis réussie

Malheureusement à la 23e minute Joseph Bonnel surprenait les 18.000 spectateurs et Robin à la 54e minute. Sur un centre de Jean Djorkaeff, il détournait fort adroitement le ballon qui allait se loger dans le but breton, hors de portée de Robin.

C'était l'égalisation, une égalisation qui permettait à l'O.M. de retrouver pleinement son équilibre.

Sous la conduite de Magnusson, lequel faisait passer de bien mauvais moment à son garde du corps Louis Cardiet, le onze de Mario Zatelli se montrait menaçant comme jamais il ne l'avait été depuis le début de du match.

Le Stade Rennais se voyait alors contraint de se défendre et ne devait qu'à une perte d'équilibre de Fiawoo (57e) de ne pas encaisser un second but. Second but que l'international suédois de Marseille signait à la 65e minute, d'une façon magnifique (sur une passe de Joseph), à l'instant précis où Frank Fiawoo cédé sa place à Gueniche.

Malheureux et heureux Joseph

A la 72e minute, Joseph ratait une occasion en or de mettre le Stade Rennais définitivement hors de combat. Pour réussir ce k.o., il lui aurait suffi de pousser du bout du pied le ballon que venait de centrer avec une précision remarquable Magnusson...

Et Takac, comme pour le punir de sa maladresse, égalisé deux minutes plus tard, de la tête, sous les yeux de Jean Paul escale.

Tout était à refaire. Mais le match aurait pu basculer en faveur des Rennais à la 90e minute, lorsque Lenoir expédiait le ballon sur la barre transversale.

Au cours de la première mi-temps de la prolongation, Marseille allait perdre deux possibilités de buts, gâchées toutes les deux par Joseph (101e et 104e).

Escale, de son côté, était contraint à une délicate intervention sur un tir très sec de Takac (105e).

Son punch émoussé, le Stade Rennais n'inquiétait plus guère l'O.M. dans les dernières minutes et se serait visiblement contenté d'un match nul lorsque Joseph, si malheureux jusque-là, n'avait surgi et mystifié Robin d'un tir tendu du gauche.

C'était le but décisif qui qualifiait l'Olympique de Marseille pour les huitièmes de finale.

Robert BUREAU

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ZATELLI : "Nous avons eu peur"

PARIS (par fil spécial) - Est-il utile de préciser que le vestiaire de l'O.M. était après la victoire, plongé dans une allégresse quasi générale ?

Le proche vestiaire breton ressemblait à une triste nécropole.

Le président Marcel Leclerc, placé au centre du vestiaire, tout près de l'attaque de massage sur lequel était allongé Jules Zwunka, nous disait :

"Les joueurs marseillais étaient tellement contractés avant le match et pendant toute la première mi-temps, et ont joué moins brillamment que dimanche dernier contre Sochaux. Sans cela nous n'aurions pas été menés à la mi-temps. Enfin, tout est bien qui finit bien !"

ESCALE : "J'ai touché sans arrêter"

Jean-Paul Escale fit, une fois de plus, un excellent match. Il ne pouvait rien contre le premier but marqué à bout portant et réussit quelques interventions capitales et spectaculaires.

Pourtant, il ne semblait pas être exempt de tout reproche sur le second but. Il explique le coup :

"J'ai suivi le départ du coup de tête de Takac et je pensais être bien placé. Mais la trajectoire du ballon s'est modifiée en cours de route. J'ai pu toucher le ballon sans pouvoir l'arrêter."

Ajoutant que le brillant gardien de but de l'O.M. a terminé le match en traînant la jambe droite.

Cette blessure inquiétait beaucoup. Il consulta après la partie le masseur Wanono dont le premier diagnostic fut : "Sans doute une contracture".

On ne sait - à l'heure où l'on écrit ces lignes - si Escale pourra jouer dimanche prochain contre Sedan.

ZATELLI : "A pile ou face"

L'entraîneur Mario Zatelli disait :

"Il est inutile de le cacher : nous avons eu peur jusqu'à la 114 minutes, car avant le but de Joseph, la partie pouvait se jouer à pile ou face. Heureusement pour nous, la pièce est tombée du bon côté.

"Heureusement pour Joseph qu'il ait marqué le but de la victoire, sinon il en aurait entendu..."

JOSEPH : "Cette sacrée cheville"

Le dit Joseph était littéralement effondré à l'issue de la partie. Après avoir mis cinq minutes pour reprendre son souffle, il nous déclarait :

"J'ai encore souffert de cette sacrée cheville. J'ai terminé ce match difficile en boitant. De plus, je ne m'étais pratiquement pas entraîné pendant les dernières 48 heures, toujours par la faute de cette cheville, et j'ai eu beaucoup de mal à trouver le rythme."

Marcel SERRES-SUBE

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M. Leclerc console Takac

Dans le tunnel qui amène les joueurs du stade vers les vestiaires, M. Leclerc et le joueur rennais - yougoslave Takac, se trouvèrent côte à côte.

Takac, très abattu par la défaite, fut félicité par le président de l'O.M. :

"Vous avez très bien joué. Certes, vous avez perdu, mais il fallait bien un vainqueur".

Takac, beau joueur, répondit :

"Nous avons été battus par une très bonne équipe".

 

Les éclopés de l'O.M.

C'est le célèbre masseur Wanono qui a soigné la cheville de Joseph pendant les 48 heures qui précédèrent le match.

Certes, Joseph ne fit pas un bon match, mais il n'aura pas pu jouer sans M. Wanono et c'est lui qui a marqué le but vainqueur...

Quant à Jules Zwunka, et souffre toujours d'une calcification de la tête du péroné.

À cela, ajouté la contracture d'Escale et vous saurez que l'infirmerie de l'O.M. ne chômera pas les jours prochains

M.S.S.

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"Pour aller droit au but

l'O.M. prend les RENNES !..."

PARIS (par fil spécial) - Cet aphorisme optimiste était inscrit sur une banderole brandie par des supporters marseillais avant la rencontre.

Les événements leur donnèrent finalement raison, mais pendant la première mi-temps, la banderole en question fut discrètement rangée.

On ne la revit qu'aux 65me et 114me minutes, lorsque Magnusson puis Joseph marquèrent les deux buts que l'on sait.

À l'applaudimètre

Lors de la présentation des équipes l'applaudimètre indiqua que supporters bretons et marseillais devaient se trouver à peu près à égalité dans le Parc des Princes. À titre individuel ce fut, toutefois, un équipier de l'O.M. qui l'emporta.

Est-il nécessaire de préciser qu'il s'agissait de Magnusson ?

Le chargé de mission au micro ne tenait pas une forme extraordinaire. Sans doute le froid.

En effet, comme numéro 7 de l'O.M., il annonçait Destremeau, au lieu de Destrumelle. Quant à l'arbitre qui s'appelle Carette, il le baptisa du nom de Barrette.

Il est vrai que l'arbitre n'ayant pas été particulièrement brillant, un pseudonyme ne pouvait que lui être profitable.

Beaucoup de Marseillais

On l'a dit plus haut, de nombreux supporters marseillais garnissaient le Parc des Princes.

Un train et deux autocars les y avaient amenés. Les "Marseillais de Paris" étaient aussi de la fête et parmi eux Roland Faure, rédacteur en chef de "l'Aurore", et M. Raymond Arnoux de Manosque...

M.S.S.

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autres photos (collection personnel Matthieu Lecharpentier)

 

 

 

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