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Résumé Le Provencal

du 24 septembre 1970

 

ENCORE CINQ BUTS

La mise à feu :

Un tir terrible de SKOBLAR

(Louis DUPIC raconte le match)

Pour nous, c'est un test à plusieurs égards. Le public va-t-il bouder cette équipe marseillaise qui vient de perdre deux rencontres au cours de la semaine précédente ?

Cette même équipe va-t-elle, face à un adversaire facile, redresser la barre, satisfaire ses supporters ou s'enliser un peu plus ?

Mario Zatelli et ses hommes vont jouer, ce soir, une partie difficile.

Nous avons vu aux vestiaires les Charentais très décontractés, en particulier nos concitoyens Jean-Louis Leonetti et Robert Péri. Ne remplissent-ils pas, depuis des années, plus que convenable, leur contrat ?

L'entraîneur Hugues, entre Timizzolo et le Stade-Vélodrome a modifié son équipe opposant notamment à Roger Magnusson, le blond Solas son "meilleur ennemi", celui dont il fait le plus grande cas, aussi bien pour ses qualités humaines que techniques et tactiques...

Un beau duel en perspective.

L'O.M. sifflé

L'O.M. a été accueilli comme on pouvait s'y attendre, par une terrible bordée de sifflets, aux quels succèdent immédiatement des applaudissements, lorsque Leclercq adresse, de la gauche, un long centre que Kouba doit botter des deux poings.

On voit ensuite Magnusson lancer sur la droite Lopez, dont le centre passe derrière le but visiteur. Toute l'équipe marseillaise et à l'attaque et le premier tir adverse qui passe nettement en dehors du cadre et l'oeuvre du jeune Galice.

À la 10e minute, Skoblar qui vient de rater un tir à la limite, est remarquablement servi par Leclercq. Il tente sa chance, mais trouve devant lui l'excellent Kouba qui sauve son camp grâce à un très bons arrêts.

Un passage en force de Bonnel ne donne rien et l'O.M. dominent toujours. Skoblar réussit à se mettre position de tir, mais Kouba est encore bien placé.

Le public a déjà oublié sa rancoeur et n'a plus lieu que pour l'O.M. On n'a pas encore vu, d'ailleurs, l'attaque d'Angoulême.

Kouba, à la 18me minute, et encore la pour racheter devant Bonnel, une erreur de Solas qui a laissé filer Magnusson.

20e minute :

but de Skoblar

A la 20e minute, l'O.M. qui le mérite bien, va ouvrir le score.

Magnusson, bien décalé au centre, sert Skoblar sur la droite. Kouba, toujours efficace, réussit à parer le tir de Josip, mais le ballon revient dans les pieds du Marseillais et finit sa course dans les filets.

Entre-temps, avec l'arrivée des retardataires, le stade s'est confortablement garni.

25e minute :

but de Magnusson

Roger Magnusson va creuser l'écart à la 25e minute. De son aile droite, il se rabat au centre et du pied gauche et à la limite, ajusta un tir en coin et à ras de terre sur lequel Kouba plonge, mais ne peut rien.

Et le formidable gardien visiteur doit encore faire face au cours des minutes suivantes, à des situations critiques.

En revanche, on attend toujours la réaction des attaquants charentais.

Zwunka blessé

A la 30e minute, à la suite d'une attaque visiteuse, Jules Zwunka reste étendu au sol. On le transporte sur la touche, tandis que Macagno se met en tenue. Mais le capitaine marseillais reprend vite sa place. On le voit même dès la remise en jeu, mener une contre-attaque jusqu'aux abords du but adverse.

42e minute ff

but de Skoblar

Un peu avant le repos, sur une action de Couecou insuffisamment repoussée par la défense visiteuse, Skoblar récupère la balle et marque d'un tir de près du pied gauche.

L'O.M. maître du jeu

3-0, la seconde mi-temps va être d'une simple formalité pour l'O.M.

Kouba devant Couecou lâche la balle, mais la récupère grâce à un très bon réflexe.

Kula de 20 mètres tire nettement au-dessus.

Un véritable bombardement des buts visiteurs s'achève par un tir à côté de Skoblar. Novi donne une très bonne balle à Couecou, bien placée au point de penalty (55me minute), mais Kouba repousse d'une manchette.

Curieux gardien de but qui ne conserve pas une balle, les boxe, les dévie mais dont le style est, finalement fort efficace.

L'O.M. est maître du jeu.

C'est Edom qui marque Lopez et Kula arrière gauche, s'offre une bonne contre-attaque sur l'aile droite.

Delachet après une heure de jeu n'a pas encore touché la balle, du moins pour arrêter un tir digne de ce nom.

Sur une percée et un centre en retrait de Bonnel, Solas met en corner en catastrophe devant Magnusson et récidive peu après sur une longue balle brossée de Leclercq destiné au Suédois.

Sur une nouvelle passe longue de Leclercq, Couecou se débarrasse de ses opposants en pivotant, mais croise un peu trop son tir qui passe au ras des poteaux (70e minute).

Peu après, Delachet doit enfin intervenir sur tir lointain de Leonetti.

71me minute :

but de Couecou

Sur corner concédé par Péri, Angoulême encaisse son quatrième but : Couecou reprenant de la tête, comme à la parade, une passe de Leclercq. Action follement applaudie par le public qui scande maintenant le nom du Bordelais.

À la 75e minute, Grizzetti entre à la place de dom et Magnusson place un nouveau tir du gauche arrêté cette fois-ci par Kouba.

Leclercq, de 20 mètres ajuste une balle qui passe tout juste à côté du poteau. Kouba arrête un tir de Skoblar bien servi par Lopez.

87me minute :

but de Couecou

Les dernières minutes se passent comme le reste de la partie : sur le but visiteur.

Skoblar rate une belle occasion sur passe de Magnusson, mais Couecou, peu avant le coup de sifflet final s'infiltre dans la défense, dribble Kouba et marque le cinquième but de l'O.M. qui écrase ainsi un adversaire bien décevant.

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 40 minutes de rêve

(Les impressions de Maurice FABREGUETTES)

"Comment en un or pur, le vif plomb fut-il changé ?"

C'est le genre de questions que nous ne nous posons jamais, quand il s'agit de l'O.M.

Magnusson et Skoblar n'étant pas atteints par la limite d'âge, toute contre-performance de leur part ne peut avoir qu'un caractère provisoire.

Alors même plus loin.

Ces deux excellents jeunes gens, que nous commençons à bien connaître, ont autant d'amour-propre que de talent.

La suite coule de source.

Des inévitables critiques orchestrant les mauvais matches qu'ils peuvent faire, ici ou là, produisent sur leur épiderme sensible le même effet qu'une banderille sur le cuir d'un toro noble.

Voilà pourquoi le total et brutal réveil de Magnusson et de Skoblar, l'étonnante manifestation de virtuosité et d'efficacité de ces deux footballeurs d'exception, au moins en France, n'ont été pour nous qu'une toute petite surprise.

À dire vrai, nous nous y attendions.

Nous avions titré de Trnava :

"Magnusson et Skoblar méconnaissables".

Nous pourrions titrer ce soir :

"Magnusson et Skoblar ont rendu l'ordinairement sur défense d'Angoulême méconnaissable".

Et encore y avait-il Kouba. Un gardien pas seulement grand par l'attaque.

Le 5 à 0 traditionnel

Alors, quand Magnusson va et que Skoblar va - mieux encore - c'est tout l'O.M. qui va.

Le résultat, si vous étiez au stade vélodrome, vous le connaissez, un match à sens unique.

Angoulême débordé, démantelé, incapable de s'exprimer autrement que par des actions spasmodiques en attaque et des dégagements désespérés en défense...

...Et, pour finir, le 5 à 0 habituel.

Autant, contre Angers, ce résultat reflétait surtout la faiblesse de la défense adverse, autant, hier soir, était-il le reflet du brio offensif de l'O.M.

Car l'équipe d'Angoulême n'a pas mal joué, au sens ordinaire du mot, a été battue, dominée, par nettement plus fort qu'elle.

Une seule constatation, facile à faire, vous le prouvera.

Kouba fut accablé de travail, Delachet n'eut pratiquement rien à faire.

Mario : "40 minutes

de rêve"

Mario Zatelli, qui vient de passer devant nous, au moment ou nous finissions ce précédent paragraphe, nous a dit :

"Allez y comprendre quelque chose. Vous les avez vus, à Trnava et à Nancy. Je leur avais pourtant dit et répété : faites circuler le ballon, de les portez pas, jouez par les ailes, etc...

Ils semblent m'avoir écouté à retardement, aujourd'hui, pendant 40 minutes, ils ont joué un football de rêve."

Ce football de rêve de Mario fut celui pratiqué par l'O.M. en première mi-temps.

Le ballon circulait - disons plutôt courait - sous l'impulsion de Skoblar et de Magnusson bien sûr, mais aussi avec l'aide précieuse de Leclercq, très remarqué dans la partie offensive de son rôle, de Couecou... et de tout le reste de l'équipe.

Si l'O.M. avait joué ainsi à Nancy, malgré l'ampleur et l'esprit combatif de l'équipe Lorraine, il serait ce soir seul deuxième à 1 point de Rennes c'est-à-dire virtuellement premier.

Mais ce qui est fait ne se pouvant refaire, il reste à l'O.M. à préparer son avenir.

Rappelons que cet avenir s'appelle Trnava mardi prochain et Nantes le samedi 30 octobre.

Skoblar et Magnusson

Couecou et Leclercq

Skoblar numéro un et Magnusson numéro deux.

De l'O.M. et de la rencontre. Personne ne nous contredira.

À Kouba la troisième place sur le podium, ce n'est que justice.

Couecou, pour ces deux buts, mais aussi pour l'ensemble de sa très belle bonne partie, a gagné nettement le sprint du peloton, derrière les trois échappés.

Pendant la course, on a remarqué le coup de pédale de Leclercq. Du style et beaucoup d'adresse.

Englobons le reste de l'équipe dans les mêmes louanges.

Les Angoumoisins ont fait ce qu'ils ont pu, sans grand succès.

Leonetti essaya parfois de secouer son équipe, mais la cause était désespérée.

Gallice et Edom se démenèrent, eux aussi, et il semble que, placés dans de meilleures circonstances, ils eussent pu être dangereux.

Alors, O.M. - Trnava se présente bien.

Un énorme succès populaire.

C'est une certitude.

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 M. LECLERC : "Je préfère distribuer les bons points"

(Gérard PUECH était dans les coulisses)

Qui pourra expliquer un jour les joies et les peines d'un footballeur.

Hier chaque marseillais respirait l'allégresse, conscient d'avoir donné le meilleur de lui-même, de prendre cette revanche tellement attendue.

Pas de cris, ni d'exhubérance mais la sereine satisfaction du devoir accompli.

Et Mario Zatelli n'était pas le moins fier de ce nouvel exploit signé par ses "petits".

"Bravo, leur disait-il à sa rentrée aux vestiaires, on ne pouvait faire mieux. Vous avez tous joué comme je le souhaitais. Trop peut-être car désormais je vais être bougrement ennuyé pour former l'équipe !"

Le président Leclerc lui aussi rayonnait :

"Je crois que la preuve est donnée de nos possibilités. Nous savons, nous pouvons et nous devons toujours pratiquer d'une manière identique.

Il fallait cependant après nos deux dernières défaites mettre les choses au point.

Croyez-vous que cela m'enchante de jouer au maître d'école, mieux au père fouettard ?

Et je regrette et préfère de loin accorder les bons points. Aujourd'hui, nos joueurs ont évolué selon leur véritable rythme, ils ont empoigné le match à bras-le-corps en connaissant leurs responsabilités. Ils surent les assurer et je dois les féliciter. Par ailleurs, et je le répète, nous possédons un excellent entraîneur en la personne de Mario.

Vous avez vu comme moi cette banderole brandie furtivement ou été inscrit le don d'Otto Gloria. Ceux qui la portaient, l'ont vite fait disparaître. Pour ma part je me méfie toujours des "sorciers". Mais la bronca du public, ce concert de sifflet au toucher nos joueurs.

Piqué au vif, ils ont voulu prouver à des milliers de spectateurs versatiles qu'ils se trompaient. L'on est vivant et bien vivant..."

Ces paroles rassurantes se trouvaient confirmées par Jules Zwunka, capitaine, oh combien courageux comme toujours et qui se frottait le menton.

"Je sais maintenant ce qu'est un k.o. Et je plains le boxeur qui en est victime sur le ring ! Un coup de tête ou deux poings, je n'ai pas vu pu le savoir, m'a étendu pour le compte.

Heureusement j'ai vite repris mes esprits.

Mais quelle belle victoire et surtout quelle saine réaction suite à nos revers de Trnava et de Nantes. À propos rien n'est perdu contre les Tchèques. Au contraire, rendez-vous à mardi prochain.

De son côté Jackie Novi pensait - avec juste raison - que le score aurait pu être plus lourd pour les Angoumoisins.

"Deux de plus au tableau d'affichage et nul n'aurait crié au scandale. Ma reprise de la tête notamment pouvait faire mouche. Mais ce Kouba est allé la chercher je ne sais où d'une manchette.

Leur gardien les a sauvés d'un véritable Waterloo !"

Opinion reprise par Didier Couecou celui dont le nom fut souvent scandé sur l'air des lampions en deuxième mi-temps.

"J'ai toujours lutté avec plus ou moins de bonheur mais avec la confiance retrouvée je crois avoir récupéré mon punch. Si à l'extérieur, nous opérions de la même manière, nous serions irrésistibles..."

La défense olympienne -vous le lirez par ailleurs - réalisa un match facile.

Mais Jacques Delachet, lui, passait un test.

"Je n'ai vraiment été rassuré que lorsque le troisième but fut marqué. Il a permis de me déconcentrer. Après tout fut facile. Quelle belle soirée !"

Jean-Louis Hodoul, Diego Lopez et Édouard Kula cette "barrière de fer" arboraient dans son sens.

"Certes nous n'avons guère couru de risques. Mais il s'agissait de mettre en confiance notre jeune goal. Aussi nous avons veillé au grain. C'est de bon augure avant le match retour de Trnava".

Enfin Roger Magnusson et Josip Skoblar étaient très entourés comme on s'en doute.

Calmes, détendus encore que le Yougoslave se plaigne d'un coup douloureux à la jambe droite, ils se contentaient de décrire leurs exploits.

Oui, nous avons bien joué. Disaient-ils à la cantonade. Le suédois oubliant de rappeler son fabuleux 2me but, un de ces coups de tonnerre qui soulèvent tout un stade.

Dans le clan d'Angoulême, ce n'était pas l'abattement, chacun reconnaissait l'énorme supériorité de l'O.M.

Encore qu'un écart de trois buts eut mieux reflété le visage de la partie, soulignait l'entraîneur Hugues. Les Marseillais ont connu un maximum de réussite et nous au contraire on n'a pas joué normalement. Les deux premiers buts nous nous ont coupé les jambes".

Et jours Jean-Louis Leonetti, il n'y avait pas de secret dans la victoire de l'O.M.

Étouffés d'entrée, nous ne pouvions espérer mieux. Chez nous, peut-être, prendrons-nous notre revanche.

Mais ce soir l'O.M. était irrésistible !

Tous les observateurs en sont parfaitement convaincus.

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 ZATELLI

sourire retrouvé

Mario Zatelli n'est pas tout à fait un homme heureux. Passant des inquiétudes de la défaite au visas des triomphes, il n'a pas la sérénité de certains de ses collègues entraîneurs. C'est ainsi qu'après la défaite de Nîmes il avait laissé échapper quelques propos désabusés, parlant de "valises" et de départ. Les victoires contre Sedan et Angers avait ramené l'atmosphère à l'optimisme. Mais voilà que les résultats de la semaine dernière, faisant l'effet d'une douche froide, étaient venus tout bouleverser. Et Mario de nouveau était en proie au doute...

Et pour ne rien arranger, il pouvait découvrir, étonné, en pénétrant sur ae terrain, une banderole à la gloire d'Otto Gloria !

Après le match, bien sûr, il avait retrouvé le sourire. Ce n'était pas un sourire triomphant, cependant. À passer ainsi des bravos au lazzi, Mario Zatelli sait maintenant qu'une victoire, si large soit-elle, ne suffit pas à contenter la foule impitoyable, mangeuse de joueurs et d'entraîneurs.

Et pourtant où se situe la responsabilité de l'entraîneur lorsque son équipe alterne ainsi de façon flagrante le bon et le mauvais, le médiocre et le sublime ?

"C'est à n'y rien comprendre nous a-t-il confié. Quand on voit une équipe jouer 40 minutes football de rêve comme l'O.M. la fait hier soir, c'est à désespérer de voir les mêmes joueurs, entraînés pareillement, préparés psychologiquement de la même façon, jouer aussi mal à l'extérieur".

A travers ses déboires, Mario ne garde cependant aucune rancune. Le public, ce public est terrible qui peut renverser les idoles aussi vite qu'il les a hissées sur le piédestal de la notoriété, il le juge d'un oeil serein : "La foule est très versatile, bien sûr, et ça a du bon. Voyez ce soir : les joueurs ont été fustigés par une "bronca" terrible en rentrant sur le terrain. Ça les a mis en face de leurs responsabilités. D'ailleurs le public n'est pas rancunier, et dès que l'O.M. joue bien, il oublie tout et ne pense qu'à encourager les siens, ce qui est un doping formidable.

Et puis, Mario Zatelli a pour lui un atout constant : sa foi. La foi dans ce qu'il fait, la foi dans ce football qui lui a tout donné et auquel il a lui-même tout donné. Si un jour le public réclamait sa tête et l'obtenait, Mario ne quitterait pas pour autant ce milieu du football qu'il aime tant.

Un entraîneur a besoin de temps pour s'exprimer.

Et Albert Batteux n'est-il pas mis sur la sellette après chaque défaite de Saint-Étienne ?

Alors de défaite en victoire, des jours de gloire aux nuits tristes, nous nous habituerons à voir Mario tel qu'en lui-même, tour à tour heureux ou inquiet.

C'est bien là le sort de tous les entraîneurs.

Alain PECHERAL

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