Résumé Le Provencal du 04 octobre 1970 |
L'O.M. FURIEUSEMENT ! LECLERCQ : un but d'anthologie |
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NANTES - Il ne peut pas sur Nantes, même si de gros nuages s'amoncellent dans le ciel, et on ne peut pas dire que la ville, au cours d'une journée relativement ensoleillée, nous ait offert ce teint blafard chanté par Barbara, bien que les toits d'ardoise paraissent toujours attendre la prochaine adverse. Bien sûr, il ne fait pas très chaud la nuit venue, le vent du large balayant avec insistance le plat pays bas-bretons. Dans les douves du massif château des Ducs, quatre gros cygnes disputent une régate nocturne sous les projecteurs placés opportunément par le Syndicat d'Initiative. Pas très loin luisent ceux du stade Marcel Saupin. Nous franchissons le pont, longeons le canal et traversons le Champ-de-Mars mêlés à une foule très dense. On attend, ce soir, en principe, la chute des records d'affluence et de recette, la location, la veille, s'élevant déjà à 20 millions. Partout où il passe, l'O.M., en ce début de saison, fait le plein ! Cette équipe marseillaise, nous l'avons trouvée silencieuse, très concentrée, peut-être un peu inquiète, à la pensée des taches difficiles qui l'attendent en ce mois d'octobre. Nous avons également appris que Mario Zatelli hésitera à utiliser son douzième homme, Ange Di Caro qui s'est plaint le matin encore, de sa blessure à la cuisse. La pelouse du stade Marcel Saupin est sèche et l'éclairage parfait. L'arbitre de la rencontre et M. Frauciel. Nantes est privé de Claude Arribas, le fils de son entraîneur, mais Rio est présent au centre de défense après avoir été incertain. Dans un stade comble A l'annonce de la composition des équipes, c'est le nom de Philippe Goudet qui est le plus applaudi. L'avant-centre nantais vient d'ailleurs de se voir décerner l'Oscar du football pour le mois de septembre. Quant aux noms des joueurs de l'O.M. ils ont été accueillis par un curieux mélange de sifflet de bravos, et il en est de même lors de l'entrée de l'équipe marseillaise sur le terrain. Les locaux, vêtus de vert pour la circonstance, sont, on le devine, ovationnés. C'est du délire quand Osman, après une interception, traverse le terrain à grandes enjambées et force Kula à concéder un corner. Quant à Magnusson, sa première tentative de dribble est arrêtée par Pech au moyen d'un bon coup de pied dans les chevilles. Puis on voit Kula amortir une balle au profit d'Escale, juste sous le nez de Blanchet. Tout cela au cours des cinq premières minutes. Skoblar réussit ensuite un amorti difficile, mais se fait prendre la balle par Fouché bien protégé par Osman. La première tentative sérieuse, à la 10me minute, et l'oeuvre de Michel, dont le tir passe nettement au-dessus. Nantes dangereux C'est encore Michel qui contrôle une balle longue à quelques mètres du but marseillais, mais se fait rejoindre et contrer par Lopez (13me minute). Les Nantais se font plus pressants. Blanchet donne le cuir à Levavasseur, bien placé face au but, et Escale doit plonger courageusement dans les pieds. Les deux hommes se heurtent violemment (15me mn) mais l'O.M. va obtenir, sur une bonne réaction, deux corners consécutives sans résultat. À la 20me minute, Levavasseur, qui a été touché au genou dans son choc avec Escale doit laisser sa place à Gardon. Fouché et Escale On voit alors Novi à la limite, décocher un tir très dur sur lequel Fouché, gardien nantais, a un excellent réflexe. Sur la contre attaque, Lemerre imite Novi, mais Escale est à la parade. Pour clore cette très vive passe d'armes, Fouché sauve encore sur une reprise de volée à bout portant de Bonnel, pas assez appuyée cependant. 24e minute : but de Skoblar Skoblar va ouvrir la marque sur une action apparemment anodine. Josip est accroché par Rio, se dégage tout aussi vivement et alors qu'on attend un coup de sifflet, il s'en va tromper Fouché d'un coup de patte du pied droit, la balle touchant le poteau avant d'entrer dans le but. |
Sur la remise en jeu, Pech, devenu ailier gauche, tente sa chance de près et Escale sort d'une belle détente. Maintenant, les accrochages se multiplient entre Bonnel et Pech, Skoblar et Gardon. 34e minute : Skoblar sur la barre Depuis que son équipe a dû être modifiée, Nantes est beaucoup moins tranchant et l'on voit Skoblar, de 20 mètres, décocher un terrible tir du droit qui va s'écraser sur la transversale. La balle revient juste sur Bonnel qui tire à côté. Nouvel incident entre Blanchet et Escale qui vient d'arrêter son tir de près et lui un "boulé" dans les jambes 38e minute. Cette première mi-temps s'achève dans la confusion. Une rude bataille La seconde période débute sur une vive pression des Nantais, qui ont sans doute tiré des plans pendant le repos et a entendu quelques bonnes paroles et conseils de leur entraîneur. Ils obtiennent, tout d'abord deux corners par Lemerre et Pech, sans résultat. Toutes les balles sont disputées avec un rare acharnement, et quelques gladiateurs des deux camps se distinguent. 53e minute : Blanchet égalise Nantes, par Pech, obtient deux nouveaux corners, et sur le second égalise par Blanchet, qui effleure la balle de la tête... 54e minute : le gauche de Leclerc Aucun découragement chez les Marseillais, qui se ruent à l'attaque alors que leurs adversaires sont encore à ce congratuler. Un centre de Magnusson, très effacé jusqu'alors, une adroite remise de la tête en retrait de Skoblar et, de 20 mètres, c'est un tir fulgurant de Leclerc dont le "gauche" traverse la défense bretonne et trompe imparablement Fouché. Un véritable coup de théâtre, qui a coupé court à la vive réaction nantaise qui aurait dû suivre l'égalisation. Mais la déception avalée, Lemerre et ses camarades repartent à l'assaut, les défenseurs marseillais et tous leurs coéquipiers se battant avec la dernière énergie. Depuis un moment, c'est Magnusson qui surveille Demichele : un comble ! Mais le Suédois, revenu à son emploi normal, se fait applaudir par un dribble aérien remarquable, et est sifflé pour un tir raté. Les dernières minutes promettent d'être difficile pour l'O.M., qui fait francs avec courage et contre-attaque en toutes occasions, surtout par Skoblar, très décidé. Le public apprécie une très bonne combinaison marseillaise, et un peu moins certaines manoeuvres destinées, bien entendu, à gagner du temps. On entre dans le dernier quart d'heure ; les Nantais s'énervent, et les Marseillais s'accrochent ; on sait que ce n'est pas le moral qui leur manque. Un long centre tir de Lemerre passe tout près de l'encadrement. Dans des conditions difficiles, Skoblar et Magnusson réussissent à inquiéter leurs adversaires et maîtrisés par ces derniers obtiennent des coups francs qui sont d'autant de temps de gagné. Alors que l'équipe nantaise est à l'attaque, une excellente contre-attaque de Couecou, qui passe remarquablement Lemerre, est à deux doigts d'aboutir. 89e minute : le troisième pour Couecou A la 89me minute, l'O.M. va se mettre définitivement à l'abri. En effet, ses contre-attaques menées en terrain très découvert sont, depuis quelque temps, très dangereuses. Couecou, qui vient d'échouer de justesse, va avoir le dernier mot en reprenant de la tête, alors que l'arbitre consulte son chronomètre, un joli centre de Skoblar. La partie s'achève ainsi sur le précieux succès marseillais. Louis DUPIC |
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Comment arrêter la tempête |
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NANTES - Nous venons de lire à la une d'un hebdomadaire parisien ce titre, assez étrange : "Gondet, prend ton fusil pour arrêter l'O.M. tempête". Nantes, il est vrai, est assez loin de l'Océan, mais prendre un fusil pour arrêter une tempête est une idée qui ferait certainement sourire un marin. Au demeurant, l'O.M. s'il peut être parfois tempétueux, attire le beau temps partout où il passe cette saison. Pour ne pas changer, il fait très beau ce soir à Nantes. Skoblar a même trouvé la pelouse du stade Marcel Sapin un peut trop dure. X X X Il y a là, à côté de nous, la grande armée des envoyés spéciaux parisiens. On aime ou l'on même moins l'O.M. en ce moment, en France, mais il reste l'un des grands sujets spectaculaires de l'actualité football. M. Boulogne, le sélectionneur nationale, est là lui aussi, avec son crâne à la Yul Brynner : "Ce soir, nous a-t-il dit, il y a qu'un seul de mes joueurs sur lequel je ne suis pas inquiet, c'est Charly Loubet". Il ne l'a pas ajouté, mais peut-être le pense-t-il : "Ah, si seulement les arbitres, dans l'intérêt de l'équipe nationale pouvaient suspendre à tour de rôle tous les titulaires de l'équipe de France ça n'irait pas plus mal. X X X La réalité - on le sait - dépasse parfois la fiction. À quelques encablures du stade Marcel Saupin se trouve une fête foraine. Parmi les nombreuses attractions, il en est une de ball-trap dont la raison sociale nous a sauté aux yeux. |
On peut lire en effet, en grosses lettres noires sur fond blanc : "Olympic - Jeu Leclerc". Le dit jeu Leclerc est assez simple, il faut crever cinq ballons en matière plastique pour avoir droit à un lot. Le président olympien va-t-il trouver matière à procès ? X X X Derrière l'un des buts du stade Marcel Saupin, l'entassement de la foule à la tribune populaire rappelle celle des stades anglais. Les oeufs dans le panier de la ménagère. Dans cette foule nous a paru bien sage. Pas de banderoles, pas de pétards et même pas de chansons reprises en choeur, comme en Angleterre. Toute l'apparence d'un volcan éteint. Mais nul ne l'ignore ce sont les volcans de ce genre dont les réveils font le plus de dégâts. X X X Nos trois supporters amis, que nous appellerons l'équipe de M. Roux, était là aussi bien sûr. Est très optimiste. Voici leurs pronostiques : deux à un, deux à zéro pour l'O.M., cela va de soi et un à un. Il reste à savoir si tout à l'heu- la rencontre terminée, nous fêterons ça au muscadet. |
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VICTOIRE A LA CAGLIARI |
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NANTES - Nous étions en train de donner le titre : "Victoire de l'O.M. à la Cagliari" quand le match de partit comme une fusée. Sur un corner pour Nantes, le plus petit des 17 aux 18 joueurs massés devant la cage d'Escale surprit tout le monde et égalisa de la tête. Mais une minute plus tard, le plus grand joueur sur le terrain par la taille plaça dans la bonne orbite une fusée Leclercq. Jusqu'à la, c'est-à-dire pendant la première mi-temps, nous avions eu un match assez facile à comprendre. Devant une équipe nantaise jouant avec beaucoup de conviction mais dans un certain désordre, l'O.M. formait un bloc, certes peu spectaculaire, mais solide, homogène et presque sans faille en défense. Bref, l'O.M., avec un Couecou ailier gauche replié et Bonnel joue promenant avec bonheur son N.9 partout, jouait à l'italienne. Skoblar - Riva A la pointe du combat, Skoblar-Riva faisait peser sur la défense de Nantes la menace de sa super technique, de sa ruse de footballeur expérimenté, et de son tir. Ah ! ce boulet qui vint rebondir sur la transversale nantaise vers la 33me minute de cette première mi-temps ! Les affaires de l'O.M. eussent été encore meilleures si Gori - Magnusson n'avait manifesté à l'aile droite une timidité hors de propos. Le problème commence à devenir inquiétant. Il devient évident que Magnusson souffre d'une crise de confiance : lui qui aime le brio par-dessus tout en arrive à ne plus rien tenter de difficiles et même à rater ses passes et centres à quelques exceptions près. Il faudrait que les psychologues du club se penchent sur son cas. Nantes comme Saint-Étienne mercredi dernier On pouvait croire que ces deux buts, l'un de Blanchet l'autre de Leclercq, allaient faire rebondir le match, nous valoir des émotions fortes : un 5 à 4 par exemple ! En fait, rien de tel ne se produisit : l'O.M. et c'était de bonne guerre en déplacement, essaya de conserver cet avantage en se défendant bec et ongles, tandis que Nantes n'arrivait pas à organiser son jeu. Nous assistâmes donc à une sorte de rush nantais, marqué du sceau de l'impuissance, comme celui de Saint-Étienne mercredi dernier devant Cagliari. L'équipe nantaise a alors montré ses limites et ses défauts. Un seul attaquant doté de punch : Gondet, et qui, pris en charge par Zwunka (le maître stoppeur) passa complètement inaperçu. Un milieu du terrain portant trop le ballon, avec un Michel qui ne fit pas un match de classe internationale, et une défense manquant absolument de rigueur et d'organisation : le résultat fut celui que l'on pouvait prévoir car toujours en pareil cas l'équipe qui domine et ne marque pas finit par encaisser un but. |
Et ce fut à une minute à la fin, l'oeuvre de Couecou. En fait, il n'était qu'une péripétie, la victoire de l'O.M. été déjà bien ancrée au port à ce moment-là. Victoire indiscutable. Si l'on veut bien aller au fond des choses, cette victoire indiscutable de l'O.M. et que le public nantais ne discuta pas, est avant tout celle du réalisme. Il y avait dans le jeu des Nantais une naïveté, sort esprit amateur qui n'existe pas à l'O.M. Car, en fait, c'est la classe de Skoblar d'une part, et la force représentée par la défense marseillaise, d'autre part qui ont assuré ce succès. Tout le long de la rencontre, la défense de l'O.M., bien organisée devant Hodoul fit un match exemplaire ; elle protégea de façon tellement efficace son gardien escale que celui-ci jouant pourtant avec équipe dominée, n'eut que peu à faire, sauf en première mi-temps. La revanche de Trnava Ce succès, bien mérité, vient au moment opportun. L'O.M. passablement démoralisé par sa "victoire éliminatoire" sur Trnava, avait besoin d'une victoire pour retrouver intact son moral. Après ce succès, pour sur équipe de tête du championnat, l'O.M. va pouvoir maintenant, à tête reposée, reprendre sa marche en avant. Il reste encore de difficiles déplacements, mais on peut supposer aisément que l'O.M. que nous avons vu aujourd'hui peut rapidement se hisser à la première place du championnat. Maurice FABREGUETTES
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Georges Boulogne : "L'O.M. est supérieur à Nantes" |
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Le directeur des équipes de France, M. Georges Boulogne était très élogieux à l'égard de l'O.M. : "Il y a dans cette équipe qui a joué fort intelligemment des valeurs individuelles qui ont fait la différence. Pour moi, l'O.M. est nettement supérieure à Nantes. "Par ailleurs, sa défense n'a commis aucune faute". Alors qu'on lui demandait son opinion sur les internationaux, et notamment sur Philippe Gondet qui venait de recevoir l' "Oscar du football" pour le mois de septembre, il nous répondit : "Je sais bien que Gondet, au cours de ce match, ne s'est pas montré particulièrement à son avantage, mais son adversaire direct, Zvunka, a fait un très grand match. "Pour l'avant-centre de l'équipe de France, même opérant sur son terrain, la partie était très difficile. Par ailleurs, j'estime que Novi et Michel ont joué chacun un bon match". |
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LEMERRE : "les Marseillais sont vraiment bons !" |
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Le capitaine nantais Roger Lemerre se montrait, quant à lui, très sportif : "Ils sont vraiment bons vos Marseillais, allait-il nous dire. Ils ont remarquablement joué le coup. Bien sûr ils n'ont pas manqué de réussite, le second but de Leclercq d'ailleurs magnifique nous ayant littéralement coupé les jambes, au moment ou nous venions d'égaliser et où nous espérions prendre l'avantage. "Je pense également que les autres buts marseillais ont été acquis sur des erreurs de notre défense et pouvaient être évités. Mais la réussite sourit toujours à l'équipe la meilleure !" |