Résumé Le Provencal du 15 avril 1973 |
Un seul but : est-ce suffisant ?
Une grande première mi-temps de Coupe mais l'O.M. termina le match péniblement |
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Il fallait la Coupe pour donner un coup de fouet au football français et rendre au public du Stade-Vélodrome le De ces rencontres qui sentent goût des grandes rencontres. la poudre. On dira ce que l'on voudra, au nom des grands principes, le football se nourrit de passions et il faut objectivement reconnaître qu'elles sont supportrices dans la proportion de 90 pour cent. Entre l'O.M. tenant de la Coupe et Lyon finaliste de la saison précédente, le match débute à 100 à l'heure. Pas de round d'observation, chaque équipe mettant cartes sur table. Les Olympiens avides de buts chez eux lancèrent par vagues successives leurs différentes lignes à l'assaut de Chauveau. Les Lyonnais considérant le match retour comme une planche de salut, avaient adopté la tactique de prudence à laquelle d'ailleurs tout le monde s'attendait. Il ne fallut pas attendre longtemps pour connaître la constitution des tandems : Baeza-Skoblar ; Cacchioni - Keita ; Trivic-Bonnel ; Zvunka-Lacombe ; Novi- Di Nallo et Bracci-Chiesa pour ne citer que les principaux. Quant aux arrières lyonnais Domenech et Lhomme, ils se contentèrent assez vite d'un rôle de voltigeurs. LA TÊTE DE BONNEL Mais le scénario n'est pas tout, l'essentiel tient en la manière dont chaque joueur interprète son rôle. En première mi-temps, l'O.M. renouvelant ses récentes bonnes parties, faillit bien réussir dans son entreprise. Nous n'allons pas vous écrire un nouveau film de la partie, mais il est bien certain que durant ces quarante-cinq premières minutes, les occasions qu'eut l'O.M. de conclure furent nombreuses et souvent bien amenées avec même une réelle élégance. Quand sur un centre extrêmement travaillé de Skoblar, Bonnel d'un coup de tête en plongeant, réussit à tromper Chauveau, on crut bien qu'il s'agissait que d'un petit commencement. Mais tout de suite après, un tir d'une violence extrême de Chiesa vint percuter la transversale juste au-dessus de Carnus. "Tiens, tiens", pensa-t-on aussitôt. "Ces Lyonnais ont dû répondant et ce ne sera certainement pas aussi facile que prévu par les trop optimismes supporters olympiens". LA DÉFENSE LYONNAISE FORTE EN TÊTE On devait s'apercevoir aussi assez rapidement que la défense lyonnaise chapeautée par le calme technicien Mihajlovic, était très forte dans les reprises de la tête. On le savait déjà au demeurant, car Baeza plus particulièrement n'est pas un inconnu. De ce fait, la tactique olympienne après un rush initial fut vouée à l'échec et parce que trop basée sur des centres qui mettaient Skoblar et Keita en position d'infériorité. Toujours cette absence de véritable ailier à l'O.M. que l'on remarque d'autant plus que l'adversaire est de qualité. Une autre réalité de ce match pesa assez lourd dans la balance. Le jeune Cacchioni athlétique, ardent, rapide, fut pour Keita un adversaire très peu conciliant. Keita souvent bouclé et rapidement découragé, Skoblar fort bien tenu en respect par son vieil adversaire Baeza, l'O.M. se trouvait-t-il ainsi à demi privé de ses deux meilleures armes offensives ? |
UNE GRANDE PREMIÈRE MI-TEMPS Quoi qu'il en soit, la première mi-temps avait été remarquable et passionnante. Il est assez rare de voir aussi bien sur un terrain de football en France, en ce moment. Tout y était, l'engagement et un certain bien jouer. Car, si l'O.M. avait nettement dominé cette première période, les réactions de Lyon furent extrêmement dangereuses. Sans doute, les Di Nallo, Chiesa et Lacombe, ne réussirent-ils pas - sauf sur un tir de Chiesa dont nous vous avons déjà parlé - à mettre Carnus en grande péril, mais à moins d'être aveugle, eil est aisé de se rendre compte que ce trio effensif peut-être fort dangereux le cas échéant. À plusieurs reprises d'ailleurs, il ne manqua que quelques centimètres dans des échanges réalisés à la plus grande vitesse, celle du football en déviation. Donc bien que l'O.M. ait fait généralement la loi, et mérité sans doute de mener plus largement à la mi-temps, il fallait se rendre à l'évidence : l'équipe lyonnaise à une autre dimension que celle de Strasbourg, d'Ajaccio et du Red Star. LYON DOMINE EN DEUXIÈME MI-TEMPS La seconde mi-temps fut nettement inférieure à la première. Pendant une bonne vingtaine de minutes, les Lyonnais maîtres à leur tour du ballon au centre du terrain, firent passer le frisson dans le dos des supporters olympiens. L'O.M. accusant sans doute la fatigue de ces matches à répétition, devenait soudain méconnaissable. Ses intermédiaires disparaissaient de la circulation, les passes devenaient imprécises et les interventions souvent laborieuses. Tout cela est fort inquiétant, mais il apparut aussi à un quart d'heure de la fin que les Lyonnais se trouvaient dans l'obligation de souffler un peu à leur tour. Tant et si bien que cette partie magnifique engagée se termina presque au pas. On sentait les Lyonnais très contents de leur courte défaite et les Olympiens incapables d'appuyer vraiment sur l'accélérateur. La conclusion du match tient dans la réflexion de l'un de nos voisins. À la mi-temps, il nous disait : "Ah quelle belle et exaltante partie et quel bon O.M. !" Au coup de sifflet final, en partant la tête basse, il devait nous murmurer : "La deuxième mi-temps n'a pas malheureusement tenu les promesses de la première, ce sera très dur mercredi à Lyon". DE QUI DEMAIN SERA-T-IL FAIT ? Ce que sera la deuxième manche de ce match à Lyon, nul ne le sait. Avec tout de même l'avance d'un petit but, l'O.M. pourra voir venir, mais il n'est pas du tout certain non plus que les Lyonnais se lancent à l'attaque tête baissée. Deux choses sont à peu près certaines : 1. Lyon qui a tout misé sur la Coupe est un adversaire de qualité. 2. L'O.M. ayant l'habitude de gagner souvent à l'extérieur et ayant réussi en plus d'excellentes performances sur le stade de Gerland, restera le favori. Cependant, il faut mieux s'attendre à un match très difficile, passionnant, et souhaitant le, pas trop dur. Maurice FABREGUETTES |
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Le président GALLIAN : "Confiance pour le match retour" |
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Quan dnous sommes entrés dans les vestiaires marseillais, ambiance, il fatut bien le dire, n'était pas tout à fait à la joie. L'O.M. venait de battre Lyon, mais cela ne se ressentait pas dans les attitudes. A tel point que Mario Zatelli, faisait son entrée à so ntour, essaya de réveiller un peu tout le monde : "Allons, mes enfants ! Que je sache, ce match n'a pas été perdu ? Alors, je vous en prie, ne faites pas cette tête. Pensons déjà à fêter notre victoire". Nous avons, bien entendu, essayé de connaître un peu plus le sentiment de l'entraîneur : "Eh bien, comme je le disais à mes hommes, jusqu'à preuve du contraire nous avons remporté cette première rencontre. Évidemment, si nous avions pu marquer deux ou trois buts de plus, je n'en serais plus satisfait, mais croyez-moi, 1 à 0, c'est déjà un résultat positif". - Que dire maintenant sur le match retour ? "En ce qui concerne le match retour, on verra, a répondu ma Zatelli. Mignot, entraîneur des Lyonnais, à dit lui-même que ce match retour à Lyon serait bien plus difficile que le premier : alors, nous allons essayer de lui confirmer qu'il avait vu juste. En ce qui me concerne, sur cette première rencontre, je pense avoir vu la meilleure mi-temps jouée par l'O.M. depuis bien longtemps. À mon avis, c'est surtout ce qu'il faut retenir. Vous avez vu aussi que les joueurs lyonnais, pendant presque toute la deuxième période, se sont tous regroupés devant leur but. Dans ces conditions, vous en conviendrez, il était bien difficile de développer un football offensif. Enfin, nous oublions maintenant cette partie. Désormais, c'est la deuxième qui compte". ZVUNKA : DU PROGRÈS PAR RAPPORT À LILLE Voyons maintenant l'opinion des joueurs, à commencer par le capitaine Jules Zvunka. "Je suis tout à fait d'accord avec M. Zatelli. Pour moi, le résultat est satisfaisant. Souvenez-vous de la dernière partie de Coupe, jouée contre Lille. Nous avons perdu au Stade- nous l'emportons par le même score. On peut donc parler de progrès sensible. Toute plaisanterie mise à part, il faut comprendre aussi le travail harassant de nos attaquants. Pour eux, la répétition des rencontres est beaucoup plus éprouvante que pour les défenseurs. Lyon l'a d'ailleurs très bien comprise en obligeant Skoblar et Keita à se livrer à fond pendant la première mi-temps. |
"Ensuite, ils ont essayé de mettre à mal notre défense, surtout dans le premier quart d'heure de la première mi-temps. Mais là, vous avez vu aussi que nous avons su les contenir". Georges Carnus, déjà occupé à se raser, n'était pas mécontent non plus de la tournure des événements : "Vous savez, nous dit-il, contre Lyon il faut gagner par 5 ou 6 buts d'écart, ou alors par un tout petit but d'avance, comme ce soir. Je crois que ce score nous sera en définitive favorable. Car au stade Gerland, nos adversaires seront bien obligés de se livrer à leur tour, et là ils auront peut-être de mauvaises surprises. Souvenez-vous du match que nous avions gagné largement contre Montluçon. Nous croyons tous que c'était dans la poche, et cela a failli nous causer bien des désagréments. Je le répète : 1 à 0, c'est pour moi un excellent résultat". Josip Skoblar, lui, essayait de reprendre son souffle : "Un match de tous les trois jours, nous a confié le buteur olympien, c'est vraiment beaucoup. Ce soir nous avons éprouvé une certaine fatigue. Les voyages, les déplacements, les va-et-viens incessants, tout cela n'est pas fait pour vous donner le tonus nécessaire à une rencontre de coupe. Enfin, nous avons battu Lyon, c'est l'essentiel. Nous essaierons de confirmer ce résultat mercredi prochain". Jacky Novi, de son côté, s'estimait satisfait de la partie : "C'était en quelque sorte ma rentrée, et comme j'aurai la charge de certain Di Nallo, je n'ai pas voulu me livrer à fond. Vous savez que l'attaquant lyonnais ne doit pas être lâché d'une semelle dans ce genre de rencontre. Aussi, j'ai préféré m'attacher à ses basques plutôt que de prendre un quelconque risque offensif. D'ailleurs, je crois qu'en général, avec mes camarades de la défense, nous avons bien su contenir les quelques assauts lyonnais". Nous avons gardé pour la bonne bouche le point de vue de M. Gallian : "1 à 0, ce n'est déjà pas si mal. Il faudra bien que cette un jour ou l'autre. D'ailleurs, c'est ce qu'elle devra faire si elle entend arracher la qualification, car jusqu'à preuve du contraire l'O.M. est bel et bien le vainqueur de ce premier match. Vous pouvez me croire : moi, je suis confiant pour la suite des opérations". Jean FERRARA |
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MIGNOT : "Je redoute les Marseillais à Gerland" Les Lyonnais étaient satisfaits du résultat final et l'entraîneur Mignot nous a dit : "Il nous faut remonter un but, ce n'est pas la mer à boire. À Lyon, il faudra que nos petits attaquants soient en bonne position pour trouver l'ouverture, mais je redoute les Marseillais car je les soupçonne d'être capable d'être meilleurs au stade de Gerland qu'au Stade Vélodrome". Le directeur sportif M. Pibarot, nous a déclaré de son côté : "Un but de retard ce n'est pas insurmontable. À Marseille, on n'a vu que le côté négatif de notre formation, celle-ci sera certainement au match retour une meilleure prestation". Le gardien Chauveau s'est exclamé : "J'ai eu chaud à plusieurs reprises ! Mais le résultat final n'est pas si mauvais que ça pour nous !" Enfin, Chiesa soupirait : "Vraiment on ne s'est pas ménagé dans un camp comme dans l'autre. Ah, si nous avions pu faire match nul ! Alain DELCROIX |
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Seulement une bénédiction des papes ! |
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Il est une chose bien connue chez le public marseillais : c'est son ethnocentrisme, ou, si vous préférez, sa propension à faire de son équipe victorieuse l'émanation de ses propres qualités. Il estime parfaitement traduit, exprimé et représenté quand gagne le "onze" au maillot blanc... qui était bleu, hier soir. Quand il gagne, faut-il bien s'entendre. Vous me direz que tous les publics du monde en sont là. Dans leur réserve les Anglo-Saxons ou les Scandinaves dans leur froideur s'embrasent chacun à leur manière. Nous dirons que c'est la hauteur des flammes et l'ampleur des émissions vocales qui diffèrent. L'origine des peuples, leurs tendances, leurs goûts, leur éducation expliquent ces différences. Pourtant, le public marseillais a quelque chose de plus. Selon les jours, il est adorablement ou cruellement partisan. "Nous avons gagné, ils ont perdu". On connaît bien la formule devenue le plus malsain des lieux communs. Les Marseillais des gradins aime s'approprier les mérites de ses joueurs et considère qu'il participe à leur éclosion. Car lui aussi joue. A coups de gueule, de gestes, et par ses démonstrations qui ont fait dire "aux étrangers" que le public de chez nous était, à quelque chose près, celui du Colisée de la Rome de César. Oui, certes, c'est une passion. Une passion que la moindre défaite refroidit et qu'une série de contre-performance glace semble-t-il, chaque fois, à tout jamais. Hier soir, pendant l'avant match, c'était la sérénité. Bon vieux public repu, régénéré, rendu généreux et condescendant par la souveraineté retrouvée de son équipe. Il arriva au stade la fleur aux lèvres et l'invective en bandoulière. Il pensait, le bougre, que Josip ! et Salif ! monarques-jumeaux de cette dynastie allaient croquer les Lyonnais pour la bonne règle de la hiérarchie d'abord, par nécessité ensuite. Sans oublier de saupoudrer le tout de sadisme. Les fauves On le sait, il n'y a pas plus vorace carnassier et agressif qu'une bête de race à qui on dispute son empire et tous ce qui en dépend ou qu'il contient. Skoblar et Keita - les deux hommes sur lesquels reposaient trente mille espoirs - sont des fauves de race. Ils n'aiment pas que l'on doute de leur pedigree. Il supporte à la rigueur, les comparaisons mais n'admettent pas la désobéissance d'une classification. Ils veulent toujours être les plus forts. Et ils le prouvent souvent. Quand ils le peuvent. Pour un rien, un tout petit rien, qui part du cerveau, traverse les tripes et vient survolter leurs muscles et leur volonté. Car, ce qui te démarque l'un comme l'autre eux, les champions patentés, garantis, c'est cette dose supplémentaire d'orgueil qui les fait réussir le dernier geste dans le dernier souffle du dernier dixième de seconde. Cette merveilleuse passe retournée de Skoblar, que Joseph Bonnel transforma en but, comme seul sait d'ailleurs le faire "Monsieur 500 Matches", en est bien la preuve. L'orgueil de réussir l'incroyable, l'impossible. Tous les champions, les vrais, ont ce sursaut d'orgueil au moment où tout paraît vain. Dans l'instant de l'exploit. C'est dans le dernier mouvement que leur fière est éruptive. Là, ils deviennent plus frémissants que les autres entre l'objet (le ballon) et le projet (le but). Nous avons dégusté cet unique but parti d'un nid de réflexion, préparé selon les règles de la balistique par l'incomparable Skoblar, et achever dans le fracas de ce chasseur de prime qu'est l'homme du Languedoc. Et avez-vous vu, bien vu, Keita se faufiler dans la savane de ses adversaires, donnant à ses compères des balles seulement caressées ? Les monstres de l'O.M. nous ont rappelé, dans cette soirée, qu'ils étaient rares, en fin de compte, ceux qui détiennent les ferments de la réussite. Et ce bon public, tout de même déçu en deuxième mi-temps ? Le voilà peu rassuré avec un seul but d'avance. Il trouve le bulletin maigre et les provisions insuffisantes avant la campagne du Rhône. Pour un peu, à la mi-temps, ce peuple, mis en liesse par le retour en pleine lumière de son équipe aurait proposé à ses idoles la chaise gestatoire. Ne sont-ils pas, J et K, les papes de cette religion que beaucoup de marseillais pratiquent sur les gradins païens du stade ? Eux qui ont fait du classement final leur paradis et du long championnat leur évangile ? Oui, mais les papes, hier, ne nous ont offert qu'une bénédiction. Lucien D'APO |
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(Photos : collection personnelle Norman Jardin)