Résumé Le Provencal du 16 décembre 1976 |
PLATINI A FAIT LA DIFFERENCE
4 à 2 : un score très lourd pour l'O.M. devant Nancy |
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- Les Provençaux n'aimeraient-ils plus, on aimerait-il moins le football ? La venue au stade vélodrome de Michel Platini, la nouvelle grande vedette du football français, les a laissés de glace. Pourtant la température était d'une douceur exceptionnelle pour la saison. Les nombreux absents ont eu le plus grand tort, car ils ont manqué le match le plus spectaculaire, le plus passionnant, le plus dramatique de la saison. Autant l'O.M. avait apparu mièvre, inconsistant contre Nice, autant il ne méritait pas de perdre de cette façon hier soir. Il eut tout contre lui : 4 tirs sur le poteau, une ribambelle de buts ratait d'un cheveu, mais aussi un certain Platini et une équipe de Nancy qu'il faut commencer à prendre très au sérieux. On a déjà tout dit sur Michel Platini, mais quel plaisir de le voir, de le revoir. Hier soir, plus que sa technique, nous avons été frappés, parfois même ébloui, par sa remarquable intelligence du jeu. D'autant plus remarquable qui a à peine dépassé les 21 ans. Quatre à deux, le score est très lourd pour l'O.M., même s'il récompense le réalisme et le sens du but de l'équipe de Nancy. Avec ses percutantes contre-attaques en deux ou trois passes au plus, elle a rappelé que le légendaire et folklorique "droit au but" cher aux Vieux Olympiens" pouvait redevenir efficace dans sa version moderne. En deux matches sur son terrain, O.M. vient de perdre le bénéfice de ses deux victoires à Sochaux et à Nîmes. Il se trouve alors à la moyenne zéro, ce qui équivaut à une place de 10e environ en fin de saison. Cependant, il ne faut pas désespérer car, hier soir, avec le maximum de mauvaise chance, l'O.M. à prouver qu'il valait mieux que cette lourde défaite. On peut encore lui faire crédit car il a su se battre et, parfois même, fort bien jouer. À notre avis, c'est l'un des meilleurs matches de l'O.M. cette saison. NANCY FRAPPE D'ENTRÉE En football aussi, il y a des K.O. C'est ainsi que l'O.M. qui, à la fin de la première mi-temps, menée aux points (trois tirs sur le poteau) était allé deux fois au tapis. Mais il faut honnêtement reconnaître que l'équipe de Nancy, jouant à la manière de l'Ajax de la belle époque, avait fait le nécessaire pour aboutir à un tel résultat. Sous la direction de Platini qui voit le jeu de façon aussi rapide que précise, les joueurs de Nancy pratiquent un football en profondeur de premier ordre. On s'aperçoit d'ailleurs dès la 10e minute quand Rubio, mis sur orbite par son jeune maître à jouer, déboucha comme une fusée pour arriver seul devant Migeon lequel dévia le ballon en corner au prix d'un authentique exploit. Ce fut un premier avertissement gratuit. Du très grand football, ce qui nous valut une première mi-temps extrêmement plaisante. Or, comme il faut être deux pour faire du spectacle, on en déduira aisément que l'O.M. avait, lui aussi, contribué grandement au plaisir que procura cette première mi-temps à tous les amoureux du football, point trop chauvins. |
Mais 2 à 0, c'était quand même lourd pour les Olympiens. DEUX BUTS DE LÉGENDE En deuxième mi-temps, l'O.M. revint sur le terrain décidé à lancer une grande course-poursuite. Il eut la chance de marquer d'entrée, grâce à Emon lequel avait profité profiter d'un excellent travail préalable de Noguès. La partie s'emballa alors sous les clameurs du public, ravi de ce qui paraissait devoir se produire. Mais on sait combien cette façon de jouer est dangereuse. On attaque, on se découvre et l'on s'expose à un contre de l'adversaire. C'est bien ce qui se produisit à la 75e minute, quand au désappointement des spectateurs, le Luxembourgeois Dussier logea le ballon dans la cage Migeon, à la suite d'une contre-attaque de son équipe. Mais nous n'avions pas encore vu le plus beau. À une dizaine de minutes de la fin, Emon, reprenant une balle de pleine volée, marqua un but proprement fabuleux. Un de ses merveilleux buts, depuis qu'il joue au football, 3 à 2 le match était vers les sommets. Mais c'est alors que se produisit ce qu'on attendait, presque depuis le début, le grand exploit de Platini. Seul, au milieu d'un groupe de joueurs olympiens, dans la surface de réparation, il esquiva, sauta, fit demi-tour et d'un tir du droit logea imparablement la balle dans la cage de l'O.M. 4 à 2, c'était bien terminé il ne restait plus au public qu'à regagner sagement la ville en se demandant ce qui venait d'arriver à son équipe. CE N'EST QU'UN ACCIDENT L'O.M. vient donc d'encaisser sa deuxième défaite à domicile en quatre jours. C'est certainement un accident de parcours assez grave, mais il ne convient pas de dramatiser. L'équipe a prouvé, hier soir, qu'elle avait des ressources et surtout que l'expérience jeunesse méritait d'être poursuivie. Zlataric et Florès, en particulier, qui contre Nice avait déçu, il faut bien le dire, se rachetèrent complètement hier soir. Le premier réussit des débordements et des tirs extrêmement dangereux pour l'équipe de Nancy. Quant au second, il faillit marquer, au moins deux buts de la tête, et du pied, bien soutenu par Emon qui, en deuxième mi-temps réalisa des prouesses. La jeune attaque de l'O.M. à prouver que le temps allait allait travailler pour elle. Malheureusement, pour ce qui est du match de dimanche, à Bordeaux, il est vraisemblablement que Trésor ne pourra tenir sa place. Depuis le début de la deuxième mi-temps, on devinait qu'il souffrait de son claquage, mais sa sortie indique clairement qu'il a besoin au moins d'une bonne quinzaine de jours pour de repos. Coup très dur donc pour les Olympiens, en cette fin de mi-saison. Toutefois, nous ne sommes pas exagérément pessimistes. Nous pensons qu'avec le printemps prochain, l'O.M. retrouvera tout ou partie de son alacrité et de son efficacité. Il s'agit d'une équipe en devenir auquel on doit encore accorder confiance malgré les apparences contraires. Maurice FABREGUETTES |
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Chance et Malchance... |
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Jusqu'à présent, lorsqu'on venait nous parler de "signe indien", nous ne consentions à prêter attention à notre interlocuteur que par pure politesse. Aujourd'hui, avouons-le, nous commençons sérieusement à nous poser quelques questions. C'est en toute objectivité, O.M., hier soir, ne méritait pas de s'incliner devant une équipe de Nancy, certes séduisante, mais qui fut pour le moins un tantinet favorisée par la chance, et qui s'en repart pour sa Lorraine avec à son avantage, un 4 à 2 pour le moins flatteur. Inutile de faire de longs discours : quelques chiffres et faits se suffisent à eux-mêmes. Non seulement par 3 ou 4 fois, Flores et Noguès ont manqué, allez donc savoir pourquoi des buts qui paraissaient immanquables, mais, tenez-vous bien, à quatre reprises, la barre transversale où les poteaux vinrent au secours de Moutier. Et ne parlons pas des arrêts miracles du gardien de but nancéien, il était là pour ça ! Comble de malchance, pour les hommes de José Arribas, ils ont perdu en cours de route Baulier et, excusez du peu, Marius Trésor lui-même. Cette noire malchance est bien dans la tradition des O.M.-Nancy puisque, autant que vous le sachiez, les "blancs" n'ont pas réussis depuis 1971 aussi bien en Lorraine qu'à Marseille, à vaincre ne serait-ce qu'une petite fois, ces satanés adversaires. Cela dit, revenons plus précisément sur la prestation olympienne d'hier soir. L'O.M. de ce 15 décembre n'était ni pire ni meilleur (et à bien y réfléchir, plutôt meilleur que pire) que celui qui, voici à peine un mois, s'en était allé battre Nîmes olympique en terre gardoise. Là-bas, dans le fief des "crocodiles", la baraka avait été marseillaise. Depuis trois matches, très exactement depuis la minute où Bianchi crucifia Migeon, à une poignée de secondes de la fin du match O.M. - Reims, la chance puisqu'il faut l'appeler par son nom, est résolument passé chez l'adversaire. Se lamenter ne servirait certainement à rien. Avant même que ne soient frappé les trois coups du championnat, on savait bien que l'O.M. n'était pas suffisamment armé pour jouer les premiers rôles et, en tout cas, le premier. La blessure ou la méforme d'Alonso n'a pas, on s'en doute, arrangé les choses. En conséquence, ce qui était vrai en août, l'est toujours en décembre. Chance et malchance, il faut en être persuadé, s'équilibreront en fin de saison. L'important, pour l'avenir immédiat, et que les Olympiens continuent à faire preuve du même enthousiasme qui fut le leur, hier, au cours des 45 dernières minutes. Faute de quoi... André DE ROCCA |
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Les réponses aux questions que vous vous posez |
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- IL N'Y AVAIT GUÈRE PLUS DE 7.000 PERSONNES HIER SOIR, POURQUOI ? -Ce n'est pas difficile à deviner. En perdant dimanche dernier contre l'O.G.C. Nice, l'O.M. a du même coup, perdu un peu plus que la moitié des spectateurs qui s'étaient déplacés alors. On sait qu'à Marseille, le résultat est ce qui compte le plus. Sur le coup de la déception et voyant leur équipe reléguée à quelque 7 points du leader, les supporters ont préféré rester hier soir chez eux. Il faut pourtant le dire, les absents ont eu tort. Certes, O.M. n'a pas gagné mais le spectacle fut souvent de bonne qualité et, ce qui ne gâche rien, 6 buts furent échangés. - POURQUOI TRÉSOR ET BAULIER ONT-ILS QUITTÉ LE TERRAIN ? - Tous deux sur blessure. Baulier avait reçu un violent coup de pied à la face (sans doute involontaire) de Rubio. Soigné pendant quelques instants sur le terrain, les médecins de l'O.M. estimèrent qu'il n'était plus en état de continuer la partie. Trésor le suivit quelques secondes plus tard aux vestiaires, victime sans doute d'un claquage. Avant que le libero marseillais ne s'arrête, en avait vu à plusieurs reprises traînant la jambe. Une bien mauvaise soirée pour l'O.M. - QUE DIRE DE L'ARBITRAGE DE M. WURTZ ? - Il a été à notre sens irréprochable. Le penalty qu'il a accordé aux Nancéiens était évident. Nous pouvons même écrire que si M. Wurtz avait fait preuve de sa sévérité coutumière à l'adresse des équipes jouant à domicile, il aurait pu en siffler un, voire deux de plus en faveur des visiteurs. Ceci dit, nous accorderons une bonne note à l'arbitre alsacien. - PLATINI A-T-IL JUSTIFIÉ SA RÉPUTATION ? - Sans contestation possible. La "petite merveille" comme on l'appelle a montré toutes les facettes de son talent. Efficacité (il a marqué deux buts et le deuxième fut un modèle du genre), technique parfaite et même plus que parfaite, et surtout une extraordinaire vision du jeu. Ses passes liftées de 30 ou 40 mètres venant tout droit dans les pieds du partenaire démarqué sont de véritables modèles du genre. Le doute n'est plus permis, Platini et un grand monsieur du football. Il n'est pas étonnant que les grands étrangers comme le Real de Madrid veuillent s'attacher ses services. - COMMENT SE PRÉSENTE POUR L'O.M. L'AVENIR ? Après deux défaites à domicile, nous sommes tentés de répondre : mal. Toutefois, il faut bien reconnaître qu'hier soir, la chance n'était véritablement pas du côté des hommes du président Meric. Ainsi, à un match de la fin du cycle aller du championnat de France, deux solutions as possible. Ou l'O.M. moralement touché commence à faire eau de toutes parts et les matches retour seront pénibles, ou bien les Olympiens font preuve du même enthousiasme et de la même rage de vaincre qui l'ont eue hier soir en deuxième mi-temps et alors tous les espoirs demeurent permis. Bien entendu, quand nous parlons d'espoir, nous voulons dire une place dans la première moitié du tableau. Il ne faut pas tout de même rêver. A. de R. |
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Les Olympiens : "Tout s'est ligué contre nous..." |
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C'est un Marius Trésor grimaçant de douleur et au bord des larmes que nous avons trouvé en pénétrant dans le vestiaire marseillais. Autre blessé de ce match, Michel Baulier est atteint d'une déchirure au niveau de l'arcade sourcilière et de la pommette. Il s'agit là bien entendu d'un accident beaucoup moins grave, mais qui l'empêchera néanmoins de tenir sa place dimanche à Bordeaux. "Vous le voyez, un malheur n'arrive jamais seul, commentait José Arribas en faisant allusion à ces deux joueurs hors de combat. En ce qui concerne Trésor, on ne peut même pas dire à l'heure actuelle si nous disposerons de lui au début des matches retour. Il y a longtemps qu'il se plaignait et il aurait sans doute dû s'arrêter avant. Pour ce qui est du match je pense que c'est essentiellement en première mi-temps que nous l'avons perdu. La marque étant ce qu'elle était après une demi-heure de jeu, nous avons commis l'erreur de trop tout découvrir. Mais nous y étions bien obligés. Disons que nous avons compromis nos chances dans cette période initiale en commettant plusieurs fautes collectives, puis que le match s'est refusé à nous après le repos par malchance. De plus, le 3e but nantais a été un véritable coup de poignard, non seulement parce que j'estime que Rouyer était hors jeu au départ de l'action, mais parce qu'il est intervenu à un moment décisif alors que nous dominions la partie de la tête et des épaules. On a beau me dire que nous avons bien joué et que ce match a été le plus beau de la saison au Stade Vélodrome, le classement demeure ce qu'il est..." Déception aussi dans le camp des dirigeants avec M. Meric qui nous disait. "Il y a décidément des périodes de malchance noire. Nous avons mis ce soir cinq tirs sur la barre et j'ai renoncé à compter les occasions de buts très nettes que nous nous sommes créées. Il est vrai que nous n'avons pas su les convertir, mais vous conviendrez qu'il s'en est vraiment fallu de peu. Ajoutez à cela que Platini et un très grand bonhomme et que Marius Trésor a joué cette partie à 50 p. cent de ses moyens et vous admettrez qu'il y avait beaucoup de choses contre nous ce soir. Quoi qu'il en soit, je pense que si Nancy joue toujours de cette façon, peu d'équipes parviendront à lui faire toucher les épaules". |
Et l'ex-vice président M. Heuillet s'associait à cet hommage à la formation lorraine. "On se console comme on peut, mais j'estime qu'il vaut mieux perdre un match comme celui là, qu'enlever une victoire tirée par les cheveux comme cela nous est arrivé devant Angers par exemple. À mon sens, c'est beaucoup plus prometteur pour l'avenir". Ils sont bons ces Nancéiens, c'est entendu, nous disait de son côté le capitaine Gérard Migeon. Mais sans une malchance noire, nous les aurions battus. C'est donc la preuve que nous avons fait un bon match. En tout cas, je n'ai jamais vu un tel manque de réussite cumulé dans une seule partie". Paroles auxquelles Hervé Florès faisait écho. "Ce Moutier a vraiment eu une veine incroyable. Tenez, en deuxième mi-temps, il s'est trouvé déséquilibrer sur une charge aérienne. Eh bien il est retombé sur le ballon alors qu'à 50 centimètres de là, il y avait Albert et Raul. Et cela a duré toute la partie !" "Oui, rien ne nous a réussi, renchérit chez Albert Emon. Sur un plan personnel, j'ai, bien sûr, réussi deux buts, ce qui ne m'était plus arrivé depuis longtemps, mais croyez-moi, j'aurais préféré ne pas marquer et gagner ce match. Un jour on joue mal, un jour on n'a pas de chance, rien ne veut décidément sourire en ce moment. Ce sont pourtant je pense qu'un garçon comme Fernandez nous a manqué pour s'occuper de Platini. Il avait bien su le faire en demi-finale de la Coupe l'an dernier. Je ne veux pas dire par là que ceux qui avaient cette charge aujourd'hui ont démérité, mais sur un garçon comme Platini, il faut vraiment un spécialiste". Quant à François Bracci, il nous confiait en reprenant ses esprits. "On a beau être habitué aux matches difficiles, j'avoue que ce soir j'ai dû puiser bien loin dans mes ressources pour terminer la partie. Il nous fallait un peu de réussite pour gagner. Ce sont eux qui l'ont eue et qui ont su concrétiser ce que nous n'avons pas su faire. Il faut dire qu'ils ont très bien joué le contre, et que Platini est vraiment insaisissable. Après Bordeaux, il va falloir sérieusement s'oxygéner pendant la trêve, car pour ajouter à nos malheurs, c'est un mois de janvier terrible qui nous attend avec Nantes, Saint-Étienne et Metz". Alain PECHEREL |
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Michel Platini : "Nous avons le vent en poupe" |
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Dans les vestiaires de Nancy, naturellement, la vedette No 1, Platini était le plus entouré et il s'est montré très volubile pour parler de ce match. "Nous étions venus à Marseille avec l'intention de faire quelque chose de concret. Nous y sommes parvenus, nous sommes donc largement satisfaits. Nous passons ainsi quatrième au classement général, c'est je crois, la première fois que cela se produit depuis la création de notre équipe. Certes nous ne devons pas plonger dans une euphorie totale, mais nous avons une équipe jeune, mobile, qui sait se battre. Nous pouvons donc continuer à réaliser des résultats. Ce n'est pas pour cela que nous devant dire que nous sommes prêts à figurer dans la course au titre. Il est d'autres équipes très fortes et pour la conquête de la couronne je crois surtout Nantes, Nice et Lyon. Je crois que les Stéphanois reviendront très fort, même si à l'heure actuelle, ils ont un lourd handicap. En ce qui me concerne, je redoutais Trésor, car je fais toujours un complexe devant ce joueur et c'est pour cela que je n'ai pas voulu l'affronter de front et que j'ai voulu l'éviter !" L'entraîneur Redin devait se montrer très réservé. "Incontestablement nous méritions de faire la différence, car notre équipe est très vive, très alerte, mais je dois reconnaître que dans cette partie nous avons été plutôt chanceux". Alain DELCROIX |
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