Résumé Le Provencal

du 5 juin 1966

Magistrale victoire de l'O.M.

(De notre envoyé spécial : Maurice FABREGUETTES)

BEZIERS - Depuis douze ans au moins, on n'avait vu autant de spectateurs à Sauclière pour le football.

Rappelons que la saison dernière le même match s'était joué devant environ 400 spectateurs payants.

Ce soir, le succès dépasse les espérances, même les plus optimistes.

À l'heure du coup d'envoi, la foule ne cesse d'affluer et il est certain que le nombre de 10.000 personnes sera largement dépassé. Le ciel très brumeux toute la journée s'est dégagé et c'est vers la fin de soirée d'une admirable douceur que va se jouer la rencontre.

Les deux équipes se présenteront dans les compositions annoncées.

À l'O.M. Bérange jouera à et à Béziers, Sekou.

Les deux entraîneurs Zatelli et Tomazover nous ont dit, sans être consulté : "Ce sera un coup de poker".

Alors que les deux équipes entrent sur le terrain, ce que l'on peut qualifier de "boucan" serait de nature à crever les tympans les plus solides. On croit entendre des "Allez l'O.M." et des "Allez Béziers", mais tout cela est perdu dans le brouhaha, le son des cloches, des trompettes et autres instruments dits de musique.

Le speaker a déjà multiplié les appels au calme, mais quand l'O.M. vient saluer le public s'est une véritable "bronca".

Bornons-nous à souhaiter que tout se passe bien, c'est à dire sportivement.

Eh bien ! La partie débute très calmement, les 22 joueurs paraissant également contractés. Le contraste est d'ailleurs amusant entre la fébrilité du public et le calme des joueurs.

Mais cela dura-t-il ?

Les premières escarmouches sont à l'avantage de l'O.M. : un arrêt de Iche sur coup franc tiré par Hatchi.

Ajoutons que l'O.M., comme prévu, joue le strict béton et domine néanmoins une équipe qui jeu curieusement le béton elle aussi.

La première action offensive dangereuse (10e minute) est à porter à l'actif de Fiawoo qui part sur la gauche et centre pour personnes, malheureusement.

Trois minutes plus tard, le même Fiawoo déchaîné, mais trop seul, perça la défense biterroise en son centre, obligeant Iche à lui plonger dans les pieds.

La partie s'est maintenant animée sur le terrain. Les charges commençant à être un peu plus appuyer de part et d'autre. L'arbitre, s'il n'y prend garde, va se laisser déborder. Nous sommes déjà à la 20e minute et Escale n'a pas eu encore à intervenir.

Là-dessus, Cuxac, victime d'un choc à la tête avec l'un de ses partenaires, est sorti du terrain et, sur un centre de Bonnel, Gianella réussit une admirable reprise de la tête, le ballon passant de peu au-dessus (25e minute).

Cuxac rentre : plus de peur que de mal !

A la 30e minute se passe une chose assez extraordinaire : une reprise de volée de près de 50 mètres, donnée au petit bonheur la chance, Cuxac oblige Escale à dévier le ballon en corner. Quelques secondes plus tard à peine l'O.M. laisse passer sa première grande chance.

Sur une balle cafouillée par la défense biterroise, Buron centre ras de terre ; Joseph que l'on avait peu vu jusqu'à la, surgit et tire à côté.

La réponse biterroise et immédiate.

Sur un coup franc à la limite de la surface de réparation, Gianella, l'homme dangereux de Béziers, tire en force et en coin. Bel arrêt d'Escale.

Nouvelle tentative dangereuse des biterrois à la 40e minute. Hadi centres Christol reprend au bond et tire à côté d'assez peu.

Le public biterrois entre en transes, car son équipe jusque-là plutôt dominée, attaque à fond dans les dernières minutes de la mi-temps et Escale doit arrêter un tir de Bonnel (44e).

Puis, tout à fait à la fin de la mi-temps, Bérange sort in extremis le ballon des pieds de Gianella.

À la mi-temps, le score vierge de zéro partout était au demeurant assez logique.

Le ciel est passablement couvert quand les deux équipes reviennent sur le terrain. C'est d'ailleurs pourquoi les projecteurs viennent d'être allumés. Béziers attaque le premier et dès la 50e minute, Escale doit arrêter un tir de Bonnel. L'O.M. continue à jouer avec beaucoup de calme et une grande prudence. Fiawoo restant seul en pointe.

Il est certain qu'à ce jeu les avant-centres, Fiawoo d'un côté, Gianella de l'autre, sont à plaindre. Quoi qu'il en soit, le premier quart d'heure de cette mi-temps peut se résumer ainsi : Béziers domine, mais ne marque pas. Alors, attendons la contre-attaque marseillaise.

Après quelques tentatives biterroises on a pu croire à cette contre-attaque heureuse. Sur un long dégagement aérien, Daure repousse mal le ballon de la tête. Fiawoo, à l'affût, se précipite et se heurte à Iche, mais comme cela se passe presque toujours en pareille circonstance, c'est le hasard qui va faire la décision. Sur un coup franc tiré par Buron, Fiawoo reprend du gauche au bond, le ballon heurte au passage le tibia de Brotons, et prendre Iche à contre-pied (60e minute).

O.M. 1 - Béziers 0.

Les "Allez l'O.M." reprennent nettement le dessus.

Bonnel venait à peine de rater l'égalisation que Buron, le long de sa ligne de touche, mystifie deux lourds arrières biterrois, ouvrant ainsi une large brèche en défense adverse.

Le centre précis ras de terre et en retrait de l'ailier gauche marseillais trouve Joseph, qui marque d'une reprise directe du gauche (64e).

Un fort joli but...

O.M. 2 - Béziers 0.

Inutile de vous dire que la chorale marseillaise donne de la voix comme s'ils étaient venus 20.000 au moins de Marseille.

La partie à présent semble jouée, bien que Béziers n'abdique pas. Cependant, ce sont toujours les contre-attaques de l'O.M. qui apparaissent les plus dangereuses. Sur une nouvelle percée de Buron, meilleur acteur de cette mi-temps, Joseph dévie de la tête sur Fiawoo. Ce dernier tire, et Iche sauve miraculeusement de la semelle à la 78e minute.

Au chapitre de mauvaises manières, citons deux charges extrêmement violentes de Daure sur Brotons. On se demande d'ailleurs pourquoi.

La fin de la partie se déroule suivant le même scénario. Béziers se rue à l'attaque en ordre dispersé et se heurte à la défense fortement groupée de l'O.M. Tant et si bien que le meilleur arrêt d'Escale a pour cause un tir lointain mais très violent de Hadi.

Et pour conserver à cette mi-temps son aspect général, deux nouveaux départs de Buron mettent toute la défense biterroise dans un grand embarras. La partie se termine alors que Buron, toujours et encore lui, en position d'ailier droit, vient de donner une excellente passe à son ami Brotons.

O.M. 2 - Béziers 0.

BURON ! BURON ! scandaient

BEZIERS - En définitive, ce match dont on pouvait craindre qu'il ne dégénérât, s'est joué nous ne dirons pas dans le meilleur esprit sportif, mais de façon suffisamment correcte, si l'on tient compte des circonstances et de l'état de fièvre de certains supporters.

La victoire de l'O.M. est le fruit d'une tactique longuement mûrie et appliqué avec la plus grande rigueur.

La défense de l'O.M., avec Hodoul en position de bétonneur, musela l'attaque biterroise, ne lui permettant de se montrer vraiment dangereuse qu'en de rares circonstances.

De tous les défenseurs marseillais, celui qui eut la tâche la plus rude fut incontestablement Sejnera qui avait à marquer Giannella, numéro un de l'attaque biterroise. Ce duel Sejnera - Giannella fut impitoyable : le petit Marseillais se permettant parfois de prendre la balle de la tête au blond Sud Américain.

Donc, après une première mi-temps fort disputée, mais assez neutre qui vit l'O.M. dominer d'entrée et Béziers jeter tous efforts dans les 5 dernières minutes de cette période, les deux équipes étaient 0 à 0.

Ce résultat reflétait assez bien la physionomie du jeu et les rares occasions qu'avaient eu les deux équipes de conclure.

À l'O.M., Fiawoo, seul en pointe, avait bien débuté, mais Buron s'était heurté sans succès à Lavagne et Joseph, égaré à l'aile de droite, paraissait assez effacé.

Cependant, il est une vérité presque constante en football.

Quand l'équipe qui domine ne marque pas, elle risque fort de se laisser battre sur une ou plusieurs contre attaques et c'est exactement ce qui se passa

L'O.M. sous l'impulsion d'Hatchi et surtout de Brotons, recommençait à se manifester en attaque quand la chance vint lui offrir le premier but.

Un tir de Fiawoo qui allait passer à côté, heurta au passage le tibia de Brotons prenant Iche à contre-pied.

Ce but fit comprendre aux joueurs marseillais qu'ils étaient sur le bon chemin celui de la victoire.

Et ce fut tout de suite après le grand festival Buron, le petit ailier gauche retrouvant sa forme internationale est mis à "faire joujou" avec les arrières biterrois. C'est ainsi qu'après avoir mis Lavagne et Daure dans le vent, il offrit, le mot n'est pas trop fort, un admirable deuxième but à Joseph. Le but du k.o. Mais Buron ne s'en tint pas là.

Absolument étincelante pendant les 20 dernières minutes, il se permit quatre ou cinq percées agrémentées de contre-pied et de centres au cordeau de grande classe.

Tant et si bien que la chorale marseillaise se mit à scander : Buron, Buron sur l'air des lampions tandis que Brotons, très brillant lui aussi, en cette fin de match multipliait les exploits techniques. Et c'est ainsi que se termina cette rencontre dans l'enthousiasme d'une victoire finalement bien méritée.

Toute équipe de l'O.M. doit être félicitée. Dans des conditions dites très difficiles, elle a réussi l'un des meilleurs matches de sa saison. La défense, forte du gardien Escale, absolument impeccable, et de cinq arrières mérite la citation en bloc.

Nous avons déjà écrit que Sejnera avait eu à supporter la tâche la plus importante mais Hodoul fut parfait et ses partenaires irréprochables.

Au centre du terrain Hatchi et Brotons jouèrent de mieux en mieux à mesure que le temps passait.

En deuxième mi-temps, les biterrois, décidés à faire la décision attaquèrent dès la reprise et c'est alors que la défense marseillaise formant un bloc homogène et imperméable, mit un terme à toutes les attaques de Gianella, Crisol, Bonnel et Hadi. On put alors croire que l'on allait vers le match nul.

Brotons joua peut-être avec une plus grande virtuosité que Hatchi, mais ce dernier fut d'une utilité au moins égale à celle de son ami et partenaire.

En attaque, une attaque le plus plus souvent réduite à trois joueurs, répétons que Buron fut le grand bonhomme de la deuxième mi-temps, le véritable roi du terrain pendant les 30 dernières minutes.

Fiawoo débuta très fort, puis touché à la jambe, il n'en fit pas moins un bon match.

A Béziers, dans un ensemble qui confondit souvent vitesse et précipitation les meilleures furent Gianella dont la tâche était quasiment impossible, Hatchi, Cuxac et Daure. Par contre, Sekou fut la grande déception de la rencontre.

"ON JOUERA CONTRE BASTIA A L'HUVEAUNE"

Dans les vestiaires de l'O.M., de la joie régnait en maîtresse, on parlait surtout de l'étonnante victoire de Bastia à Paris. "Alors, avons-nous demandé à M. Leclerc, où allez-vous jouer cette rencontre qui va être capitale et qui pourrait attirer 40 000 personnes ?"

Réponse : "Nous la jouerons certainement à l'Huveaune, car nous pensons que notre équipe est beaucoup plus à l'aise sur les petits terrains que sur les grands".

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Buron, le héros de la rencontre, se laisser féliciter et, comme nous lui faisions remarquer qu'il avait surtout été excellent en deuxième mi-temps, il nous dit :

"Vous comprenez, comme les vieilles machines, j'ai besoin d'une période de rodage. D'autre part, j'avais joué mercredi un match amical à Rouen, avec les anciens de mon club, ce qui fait qu'en première mi-temps j'ai cru utile de me ménager".

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Mario Zatelli, on le devine, ne se tenait plus de joie :

"Vous avez vu, nous a-t-il dit, nous avons aujourd'hui très bien joué. Mon équipe a exécuté parfaitement les consignes que je lui avais données. Grâce un notre système défensif, nous avons pu museler complètement l'attaque biterroise, ce qui a permis à notre propre attaque, qui jouait la contre-attaque, de passer à plusieurs reprises. Nous avons marqué deux buts, dont le second était de toute beauté, et nous aurions pu en marquer plusieurs".

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L'entraîneur biterrois Marcel Tomazover a accepté cette défaite avec une grande sportivité : "Que voulez-vous, c'est ça le football. Nous avons fait le jeu ; notre équipe est passée à l'attaque en deuxième mi-temps pour essayer de remporter la victoire. Elle n'a pu marquer de buts, et de ce fait elle a été battue sur quelques contre-attaques de son adversaire. Mais je reconnais que l'équipe marseillaise a aujourd'hui très bien joué et que sur ce que j'ai vu faire, elle mérite de jouer en première division".