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Résumé Le Provencal

du 15 novembre 1954

 

AMBIANCE DE CORRIDA, AU STADIUM TOULOUSAIN, OU LES AHURISSANTES DECISIONS DE M. LEQUESNE PROVOQUENT DES INCIDENTS.

L'O.M. battu (sur penalty) par TOULOUSE : 1 à 0

au terme d'un match vif, passionnant, mais

faussé par l'arbitrage

(D'un de nos envoyés spéciaux : Lucien D'APO)

TOULOUSE (par téléphone ) - Un match de football se joue avec 22 joueurs. Du moins le croyons-nous jusqu'ici, estimant somme toute, que les trois autres acteurs d'une rencontre, à savoir l'arbitre et les deux juges de touche, ne remplissaient qu'un rôle secondaire dans le débat. Si nous ajoutons à cela qu'il n'est pas dans nos habitudes de nous attarder sur les erreurs possibles et humaines des "hommes en noir", on nous excusera du paragraphe très particulier que nous réservons à M. Lequesne qui eut, hier, le privilège de décider du résultat final de ce match Toulouse - O.M., joué devant 20.000 spectateurs.

Or, les faits sont les faits. Rien n'est plus irréfutable que les faits.

M. Lequesne s'en est fort peu soucié. La double décision qui coûta un penalty aux Marseillais et les priva en outre d'un but, on ne peut plus valable, contient en elle-même les ferments de graves conséquences.

Que ce très honorable directeur de jeu soit critique, rien de plus normal. Ne nous appartient-il pas décrire, par ailleurs, quelques heures après ce match, que son arbitrage, absolument ahurissant, a peut-être purement et simplement faussé cette journée de championnat ?

Ne sont ce pas ces deux coups de sifflet officiels, lancés hier sous le soleil toulousain, qui laisse ce soir l'O.M. en troisième position au classement, alors même qu'il avait contrôlé cette rencontre, sinon de bout en bout, du moins dans sa majeure partie ?

Le penalty

Le match se disputa sur un ton vif. L'importance des débats avait incité les deux adversaires à prendre leurs mesures, avec quelque prudence, dans les premières minutes. De part et d'autre, en s'attacha enfin à construire, et c'est ainsi qu'à la 6me minute, sur une longue ouverture de Johansson, remarquablement utilisés par Marcel et Andersson, Vandooren se retrouvait avec le but au bout du pied. Mais il n'alla pas plus loin. Une minute après, c'était Meftah qui ratait lamentablement une superbe occasion créée par Dereuddre depuis le centre du terrain.

L'O.M., légèrement dominé dans ces premières minutes, surtout par Rytkonen et Dereuddre opposait l'excellente défense de son trio Gransart - Johansson - Palluch.

Miracle, à la 12me minute. Sur un shoot de Scotti, Kautsmann, le keeper toulousains, ratait son blocage et la balle faiblement renvoyée, s'en revenait tout benoîtement dans les pieds d'Andersson. Le bolide frappa la barre et Boucher dégageait in extremis.

C'ESt QUATRE MINUTES APRÈS QUE SE SITUA LE PREMIER INCIDENT. SUR UNE PUISSANTE ATTAQUE DE DEREUDDRE, PARTIE SUR LA DROITE, PALLUCH S'AVANCAIT, PRIS À CONTRE-PIED, L'ARRIÈRE OLYMPIEN ARRÊTAIT LA BALLE DE LA MAIN À LA HAUTEUR DE SON VISAGE. MAIS IL COMMETTAIT CETTE FAUTE HORS DE LA SURFACE DE RÉPARATION DANS LAQUELLE IL NE PÉNÉTRA QU'APRÈS AVOIR ACCOMPLI DEUX PAS EN ARRIÈRE EMPORTÉ PAR SON ÉLAN, C'EST ALORS QUE M. LEQUESNE SIFFLA LE PENALTY.

Ce ne furent que des hauts cris parmi les joueurs marseillais, Palluch en tête, indiscutablement de bonne foi. Le match arrêté, le juge de touche questionné, la colère du capitaine Angel, tout cela meubla ces quelques minutes au bout desquelles Valorizeck tirait le penalty. Angel touchait le ballon du bout des doigts mais ne pouvait empêcher le cuir de secouer le filet (16me minute).

Occasion unique

L'O.M. commença alors à faire peser sur les épaules des toulousains le poids d'une domination qu'aucun buts n e vint pourtant concrétiser. Deux coups francs ne donnaient rien. Un tir de Vandooren (23me minute) une attaque de Rustichelli, échapper seul sur un loupé de Pelmelding, alors que l'on croyait au but, une série d'offensives savamment conduites par Jean-Jacques Marcel, tout cela n'apportait rien de plus au crédit de l'O.M.

En regard, Toulouse par Bouchouk (28e minute), Rytkonen (30eme et 32me minutes), venait aussi menacer, mais avec moins de constance, la cage d'Angel.

C'est un premier exploit de Kautzmann qui sauva les Toulousains à la 36eme minute, alors que sur corner, un remarquable heading de Jean-Jacques Marcel allait tout droit dans le coin. Kautzmann bondissant comme un diable, arrachait ce but à la foule qui applaudissait déjà.

But refusé

Peu avant la mi-temps, les Marseillais acculaient littéralement les hommes de Bigot sur leurs buts. Une offensive de Vandooren, conduite depuis la ligne médiane, parvenait devant la cage de Kautzmann. Vandooren adressait un petit coup de pied vers Scotti et Andersson, en bonne position. Kautzmann s'avance en même temps que l'arrière Boucher, revenu sur Scotti, pour repousser la balle, qu'Andersson ne laisse pas traîner et qui à bout portant, fusille le keeper toulousain.

Le juge de touche à lever son drapeau.

La balle a pourtant était remise en jeu par l'adversaire. Le règlement est net. L'arbitre néanmoins ne revient pas sur sa décision et de nouveaux incidents éclatent entre les Marseillais, l'arbitre et le délégué de service. Littéralement frustrés d'un but, Angel et ses hommes essaient de bien faire entendre raison au directeur de jeu qui, enveloppé dans le manteau de la dignité, montre d'un index autoritaire le point de remise en jeu. Les 20.000 spectateurs du stade, dans un élan de sportivité, huent l'arbitre et sa décision. Mais là encore rien n'y fait, et la mi-temps survient peu à peu.

L'O.M. domine mais ne marque pas

Quand le jeu reprend, les équipes ne sont pas calmées. L'O.M. entreprend alors un travail fantastique, mais rendu improductif par la carence des avants, qui combinent fort bien, mais ne shootent que très rarement aux buts.

Angel détournera certes deux ou trois tirs, mais c'est Kautzmann qui sera le plus souvent alerter. Le onze Olympien, de plus en plus pressant sur les buts toulousains, ne parviendra pas cependant à obtenir le point égalisateur.

On notera un superbe tir de Marcel (50eme minute), une nouvelle percée du Brignolais (61ème minute), une série d'attaques du quintette offensif, et un tir de Scotti (65eme minute) qui frôle le poteau droit.

Le jeu alerte, sec, est passionnant. La nette supériorité de l'O.M. dans le dernier quart d'heure laisse entrevoir légalisation. En vain la garde olympienne donne sous tous les angles. Kautzmann arrête tout et Pleimelding renvoie tout... Pendant que M. Lequesne continue à se signaler de son côté, par des décisions que l'on qualifiera pour le moins de curieuses.

La fin libère les inquiétudes des supporters toulousains et la colère de leurs confrères marseillais.

Pendant que M. Lequesne, bien entendu, regagne les vestiaires sous la protection d'un solide peloton de policiers.

Ce qui ne constitue pas à vrai dire un retour triomphal.

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Comment l'O.M. n'a pas gagné par 1-0

malgré une domination de 60 minutes

TOULOUSE (par téléphone ) - L'Olympique de Marseille a perdu hier au Stadium Municipal de Toulouse, un match qui n'aurait jamais dû perdre.

Il arrive que l'on parle ainsi à l'issue d'une confrontation qui a été, en football, ce qu'une erreur judiciaire et pour les Assises, quand le verdict, par son implacable injustice, condamne celui qui méritait au moins l'acquittement.

Aujourd'hui la chose et si flagrante qui nous est impossible de la passer sous silence en restant projectif.

Du penalty imaginaire...

Dès la 17e minute, les 20.000 spectateurs assistèrent à une décision effarante de l'arbitre, le malheureux (c'est le moins que l'on puisse en dire) M. Lequesne. Celui-ci vit la main de Palluch entrer en contact avec le ballon, comme tout le monde.

Mais il se basa sur le fait qu'en retombant au terme de son intervention aérienne, l'arrière gauche olympien se trouvait à l'intérieur de la surface de réparation. Or, il eut été indispensable, pour rester juste, de tenir compte d'un point important : Palluch amorçait un mouvement de recul lorsqu'il toucha la sphère. Il était alors à deux mètres environ hors de la ligne des 18 mètres, en direction du centre du terrain.

Ainsi fut changé en penalty un coup franc qu'il eut dû être accordé aux 20 mètres et ainsi Valorisek marqua-t-il pour le Toulouse F.C. l'unique but de la confrontation.

... au vol manifeste !

Et ce n'est pas tout. À la 43e minute, en effet, sur ouverture de Vandooren, Andersson reprit le cuir à bout portant et fusilla un Kautzmann impuissant à se défendre.

L'O.M. venait d'égaliser pour tout le monde, sauf pour le juge de touche et l'arbitre, ce dernier refusé le point pour un soi-disant hors-jeu.

M. Lequesne pris l'avis de son suppléant et celui-ci, drapeau levé, ne revint pas sur sa décision.

Pourtant Scotti était marqué par Boucher et qui, plus est, le gardien local avait remit la balle en jeu en la repoussant vers Gunnar, qui, évidemment, ne manqua pas si belle occasion. Inutilement d'ailleurs, et c'est pourquoi Marseille a été volé comme au coin d'un bois.

Les Olympiens dominèrent

Résultat d'autant plus navrant que ce 1 à 0 en faveur des hommes de Bigot sur ceux de Rolhion est illogique.

Si les Toulousains dominèrent pendant une partie du premier half, les Phocéens les écrasèrent territorialement 60 minutes durant, pratiquement le meilleur jeu, affichant une condition physique nettement supérieure à celle de leurs rivaux, s'imposant en bref, mais ne parvenant pas à matérialiser cet avantage.

C'est ainsi qu'Angel fit bien ce qu'il eut à faire, plongeant superbement sur le penalty, sans pouvoir toutefois le dévier complètement hors des filets.

Gransart, malgré deux ou trois erreurs, eut son rendement habituel, ainsi que Johansson, extrêmement précieux.

Quant à Palluch, il est à créditer d'un match sensationnel, tout simplement. Et il nous est déplaisant de le signaler.

Marcel a confirmé brillamment son net retour en forme, allant de l'avant à l'arrière, assurant la liaison entre ses lignes et accomplissant, comme Mesas, un énorme labeur.

Rustichelli, eut, à la 26e minute, le but au bout du pied. En pure perte malheureusement. Mais il courut beaucoup dans des conditions souvent difficiles.

Vandooren est à inscrire en tête des attaquants. Il porta à son actif de fort belles choses.

Andersson ? Il battit Kautzmann, nous avons dit comment, et cela eut dû être suffisant.

Scotti abattit une lourde tâche, sans désemparer et le Gall eut fort à faire contre des défenseurs décidés, sûrs et expérimentés.

Un bilan intéressant, malgré ce vol scandaleux.

Du côté toulousain, Kautzmann mérite le numéro 1 pour ses brillants arrêts (1 à terre ; 2 en l'air).

Pleymelding l'aida efficacement et les demis Bellot et Cahuzac ne reçurent pas le prix de leurs efforts, parce que le quintette offensif de Toulouse FC pêcha par sa stérilité, Derreudre et Valorisek étant pour surtout des préparateurs et ne trouvant pas en Rytkonen, Meftah et Bouchouk les finisseurs attendus.

Un verdict lamentable donc, qui fera date...

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Le public toulousain est d'accord

"On a volé les Marseillais comme dans un bois

TOULOUSE (par téléphone ) - Nous avons retrouvé dans les vestiaires des visiteurs, au Stadium Municipal de Toulouse, des joueurs marseillais non pas mécontents, mais furieux, et manifestant ce sentiment avec tant, de légitime il est véhémence qu'il nous est impossible de ne pas en parler.

Roger ROLHION, l'entraîneur de l'O.M., fataliste nous dit avant de partir vers le car qui conduira l'équipe phocéenne à Saint-Gaudens : "Ils (les Toulousains) ne nous ont rien appris. C'est nous au contraire qui leur avons donné la leçon. Le résultat ? Nous avons perdu avec les honneurs de la guerre, dignement."

Pierre ANGEL après avoir remarqué : "Il en est toujours ainsi à Toulouse : les résultats sont contestés, les décisions des arbitres à contre-sens et jamais, évidemment, en faveur des visiteurs", déclare encore en se rhabillant : "Que l'on avantage un onze au milieu du terrain, passe encore à la rigueur mais, dans la des conditions de tout à l'heure, c'est ni plus ni moins du vol".

Et le portier marseillais livre le fond de sa pensée en affirmant : "Il faut être menteur pour soutenir que l'on a vu un hors-jeu de ce joueur. C'était trop flagrant.

C'est aussi l'avis de tous les spectateurs, les joueurs, en somme de tout le monde, sauf du juge de touche, l'arbitre ne faisant que se rapporter à celui du porteur du fanion.

Quelques instants plus tard, appelé discrètement dans le couloir qui mène à la sortie des vestiaires par le délégué de la 3 F., Pierre ANGEL prendra magnifiquement toutes ses responsabilités pour crier bien haut, la présence de M. Bicais :

"L'arbitre nous a volé de l'argent !" "Je ne sais pourquoi M. Lequesne n'a pas voulu m'écouter quand je me suis adressé à lui poliment, à la faveur d'un arrêt naturel du jeu, comme le veut le règlement."

Il faut bien avouer que nous ne comprenons pas non plus. Car tout de même, si les joueurs ont des devoirs et des responsabilités, le référée en a également.

Roger SCOTTI, qui se savonne sous la douche bienfaisante, traduit l'impression générale en nous confiant :

"C'est un scandale commun Metz et plus encore qu'à Metz !

Pour nous, qui avons assisté aux deux rencontres, c'est là, notre sentiment.

Nous avons été assez sévères envers l'O.M. en d'autres circonstances pour avoir le droit, aujourd'hui de reconnaître le bien-fondé de cette déclaration.

Dépassant cette comparaison, Roger Scotti conclut :

"Toujours parler de nous sert arrière on dit partout : C'est marseillais ont de la... voix et c'est tout ! Il vaudrait mieux agir... ". Et nous censurons à bon escient la suite des paroles du talentueux demi, qui estime encore que le juge de touche, sur le but de Gunnar n'avait pas le droit de se tromper.

GRANSART épouse un point de vue identique et relève : "Nous avons eu plus d'occasions d'inquiéter les Toulousains que ceux-ci n'en ont eu".

Au sujet du penalty, Gunnar JOHANSSON est formel : "Je jure devant Dieu et sur ce que j'ai de plus cher, il n'existait pas. J'étais trop bien placé pour pouvoir en douter".

Michel BIANCO résume ces 90 minutes par ces mots : "Les loups ont été mangés par les agneaux. Nous avons été volés comme au coin d'un bois".

Tandis que Roger Rolhion avant de nous quitter à ses joueurs : "Vous êtes aussi fort que les futurs champions de France !

Pronostics ou ironie ? A vous de choisir. Mais sachez le faire plus justement que M. Lequesne...

G.I.

 

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