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Résumé Le Provencal

du 05 novembre 1956

  

SUR LA PELOUSE HMIDE DE LA CAPITALE DE LA CHAMPAGNE. L'ATTAQUE INEDITE DU ONZE MARSEILLAIS A BOURGEONNE

L'O.M. réussit une performance contre REIMS

en partageant les points

Un très bon match des Olympiens surprenants et méritants

(De notre envoyé spécial : Lucien D'APO)

REIMS (Par téléphone) - On pourrait dire de cette équipe marseillaise qu'elle est aussi changeante d'un ciel d'automne. Elle se plait décidément dans les contrastes et surprises. À croire que c'est une équipe de tempérament.

Au moment même où le pronostiqueur la range dans la catégorie des battus absolus, elle se relève, guillerette, capricieuse, et réaliste de ce que l'on n'osait pas entrevoir. Et c'est ainsi qu'hier, à Reims, dans l'atmosphère humide de la Champagne d'automne, sur une pelouse sur cette pelouse célèbre du stade Delaune, l'O.M. a lancé dans cette bataille qu'il croyait perdue, un quintette offensif tout neuf, inédit, voire surprenant.

Et cette attaque eut la suprême élégance de composé de fort belles choses, si belles d'ailleurs que Reims se trouva finalement dans l'obligation de partager les points mis en jeu. Ajoutez à cela le comportement d'une défense à laquelle on ne peut rien reprocher et, une fois encore, liez le tout grâce à l'extraordinaire gerbe d'exploits réussie par Scotti.

Le résultat brutal étonnera. Il est pourtant tout à fait logique lorsqu'on aura apprécié, comme nous l'avons fait hier, la manière avec laquelle il fut acquis. Nous pourrions même écrire : le style.

Avant que M. Zuszeck ait posé le ballon tout neuf au centre du terrain, Jean Robin avait préparé une formule nouvelle. Nous n'avions rien à perdre, disait-il, autant prendre des décisions nouvelles et faire des expériences. Ce raisonnement avait évidemment sa valeur. La logique refusant la victoire sur le papier aux marseillais, pourquoi ne pas étudier, sur le terrain, de nouveaux paragraphes.

Ainsi fut fait. À l'heure du déjeuner, Jean Robin annonçait Mesas inter droit et le jeune Leonetti ailier droit. Leonetti ? "Mais oui, pourquoi pas ! " répliqua Robin.

C'est dans un match comme celui-là que l'on découvre les talons nouveaux.

Et voilà comment Jean-Louis Leonetti, 18 ans d'âge, le faciès de Coppi et un coeur à revendre, fit son entrée parmi les grands dans cet antre rémois, patrie des vedettes.

Non content d'être invité à pareille fête, le bougre voulut aussi s'y taillait une première réputation. Nous ne dirons pas qu'il fut tremblant, mais en première mi-temps surtout il se défendit merveilleusement.

Donc, la pelouse rémoise était humide. Quelques taches de bleu dans le ciel, est pas mal de monde (7.000 spectateurs) pour assister à ce match.

Cicci est remplacé par Davannes et l'O.M. aligne de son côté : Domingo ; Gransart, Palluch ; Marcel, Johansson, Molla ; Leonetti, Mesas, Scotti, Mercurio et Andersson. L'originalité est partout.

Départ assez vif - Reims par Vincent et Leblond entreprend rapidement une rencontre qu'il veut mener tambour battant - mais, ô surprise, voilà les Marseillais qui ne laisse pas une miette de terrain à leurs adversaires. Au sens, en retrait, Scotti commence, avec une déconcertante facilité, un récital unique. Tout ce qui se passe par ses pieds est canalisé, préparé avec une maîtrise encore supérieure à celle que vous connaissez. On notera une ouverture de Mercurio sur Leonetti qui se termine par un shoot audacieux de ce dernier, puis une nouvelle poussée de Scotti que Mesas achève d'un très beau tir... dehors, et encore une infiltration Marcel - Scotti - Mercurio, dont le jeune Leonetti essaie de profiter avec énergie.

Pendant quelques minutes, Reims semble s'ébrouer, ses remous sont dangereux, mais il y a toujours le dernier carré Palluch - Johnson - Gransart et Marcel pour briser comme une porcelaine les souples mais trop fragiles interventions rémoises.

FONTAINE MARQUE

Il n'est pas question pour nos vingt deux hommes en culottes courtes d'admirer les lignes de la cathédrale de Reims qui se profile dans les nuages blancs, ni de jeter un coup d'oeil sur la basilique de Saint Rémy, fond de décor, quand bien même sauraient-ils que Clovis y reçut le baptême.

Non, pour le moment, il y a Fontaine qui, avec sa bonne tête de prêtre tibétain, vient narguer, balle au pied, Domingo, pas plus ému pour cela. Marcel intercepte quelques balles, les conduits jusqu'aux dix-huit mètres pour les confier à ses avants décidés.

Mais à 19e minute, la faille s'ouvre. Leblond centre très bien d'ailleurs, Glowacki la reprend de la tête, non, il manque son heading. Celui que Domingo attendait. La balle dont poursuit sa course et vient mourir dans les pieds de Fontaine placé juste derrière Glowacki. Le buteur rémois reprend à bout portant, de volée, et marque dans le coin gauche.

Reims mène par 1 but à 0.

On s'égosille dans les tribunes.

L'O.M. réplique aussitôt. Et voici les deux nouvelles attaques qui échouent dans les bras de Domingo bien placé. Molla, très offensif bien ajoutait aux entreprises des avants provençaux que Scotti "drive" à la perception. Le demi international est tout simplement prodigieux.

Puis, sur une touche, Palluch donne à Scotti qui transmet à Mercurio. Très beau tir de ce dernier, que Jacquet détourne en corner. Sur le corner, la balle vient courir devant les buts. Scotti rabattu, manque d'un cheveu la déviation.

Les Marseillais sont maintenant très dangereux. Les tirs se multiplient, mais oui, aujourd'hui n'est pas un jour sans.

Et voilà Domingo qui s'aventure hors de sa surface. Maouche réussie à le feinter, il centre immédiatement. La cage est vide. Glovacki est à la réception... mais la rate. Ouf.

Domingo somme maintenant au poing sous le nez de Vincent puis l'O.M. attaque encore avec Mercurio, un très bon Mercurio dont le football mesuré, adroit, est à l'origine de nombreuses offensives. Mesas, à son tour, vient porter la guerre aux défenseurs rémois, avec Andersson, il fait quelques bonnes choses. On note alors Andersson toujours marquer par un arrière, dans la position de centre-avant en pointe, Scotti, parfait régulateur est toujours en retrait.

La mi-temps survient alors que l'O.M. obtient un corner qui ne sera pas joué.

REIMS SE DÉFEND

Reprise boulet de canon. C'est Leonetti qui brûle, Joncquet capte la balle et donne un dixième de seconde trop tard à Andersson.

Les Rémois se demandent ce qui arrive à l'équipe dite boiteuse de l'O.M. Elle éclate comme bourgeron. Curieuse idée d'aller chercher son printemps footballistique dans les pluies de l'Est.

Fontaine n'est pas pour le renoncement et vient mitrailler Domingo, pas pour longtemps, car Johansson va définitivement mettre le bouillant Rémois à la raison. Gransart et Palluch s'occupent avec beaucoup d'application de Vincent et Glowacki.

Et si l'on ajoute à cela les successives attaques que Scotti calmement et Marcel, impétueusement, viennent lancer dans le secteur rémois, on comprend alors l'inquiétude qui gagne toute l'équipe de Batteux. Cela ne durera pas d'ailleurs. Leblond tire. Domingo stoppe, puis de nouveau voici une attaque de l'O.M. Conjuguée entre Andersson, Scotti et Leonetti, la balle va sortir quand Marcel, d'un ciseau spectaculaire, la remet en jeu. Scotti shoote, le tir va à côté (60e minute) ce n'est que partie remise.

ÉGALISATION

Molla qui jusqu'ici a été excellent en attaque, adresse une passe croisé à Mercurio, l'inter marseillais déboule le long de la touche, centre long. Jacquet, le goal rémois bondit, dégage du poing sous une triple charge marseillaise, mais ce mouvement se termine à dix mètres de là, dans les pieds d'Andersson. L'ex-seigneur du classement des buteurs, trop heureux de se retrouver dans cette position, parmi les chevaliers rémois, ajuste posément son tir.. et les filets tremblent.

Un but à un.

La fin du match sera un véritable "suspense". Mesas blessé ne pourra plus rien ou presque. Les Rémois se déchaîne absolument. Deux coups francs de Penverne sont magistralement bloqués par Domingo. Un shoot de Leblond fait glisser sur son nez les lunettes de Jean Robin assis sur le banc.

Tout le stade encourage les Rémois. Mais la défense marseillaise s'est groupée devant sa cage avec huit joueurs. Fontaine tire encore. Leblond - Glowacki essaient de pénétrer dans cette véritable citadelle. Marcel Palluch, Johansson, Gransart, Molla, Mercurio, Scotti, Leonetti repoussent tout.

Encore une minute à jouer et sur un long dégagement, c'est Mesas boitillant qui est bien près de marquer. Et malgré son déchaînement final, Reims devra accepter ce demi échec.

Les Marseillais n'en espéraient pas tant, inutile de le dire. Mais reconnaissons qu'ils ont mérité ce match nul. Ils ont joué hier à Reims comme s'ils ne l'avaient jamais fait encore de la saison. Robin a dit : "Je suis content du résultat, et plus encore de la manière avec laquelle il fut acquis".

C'est une conclusion qui ne se discute pas.

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Sous l'impulsion de Roger SCOTTI, le meilleur des vingt-deux

l'O.M. a retrouvé une âme pour quitter Reims invaincu

(D'un de nos envoyés spéciaux : Jean PEYRACHE)

REIMS (Par téléphone) - Dans le vestiaire rémois, le vent n'était évidemment pas à l'optimisme à l'issue d'un match qui avait vu l'O.M. prendre contre toute probabilité un point au stade Auguste Delaune, alors que la nouvelle de la victoire stéphanoise au Parc des Princes se répandit comme une traînée de poudre.

Nous attendions pourtant plus objectivité de la part de M. Henri Germain, dirigeant des finalistes de la coupe d'Europe qui nous lança amèrement :

"Lorsqu'une équipe vient pour ne pas perdre et ne cherche qu'à défendre, il n'est guère possible de faire mieux que ce que nous avons fait".

Plus près de la vérité fut l'entraîneur Albert Batteux, qui nous confiait : "Les joueurs ont opéré trop lentement alors qu'il aurait fallu prendre la défense marseillaise de vitesse. Il y avait toujours chez nous un dribble de trop qui permettait aux rideaux protégeant Domingo parfois battu en brèche, de se regrouper".

Il y a dans ces deux opinions une divergence sur laquelle nous voulons mettre l'accent, car il est inexact que même au score dès la 19me minute de jeu, l'O.M. ait "uniquement" cherché à ne pas perdre. La chose se fût trouvée inexplicable !

SCOTTI, le meilleur des 22

Il n'y avait pas de sélectionneur à Reims. Faudrait-il le regretter pour Roger Scotti ? Oui, si son comportement ne parvient pas avec netteté aux oreilles de nos pontifes fédéraux, car il fut à mon sens le meilleur des 22 acteurs du match. Heureusement qu'Albert Batteux était là !

Nous savons c'est entendu, que Roger Scotti joua hier avant-centre, et que c'est un poste de demi-aile qui est en balance dans le onze tricolores. Mais ce que Roger Scotti a fait comme leader d'attaque distributeur il sera encore mieux à son aise pour le refaire dans le carré central.

Il n'a, à Reims, pas gaspillé la moindre balle. Nous sommes dans l'obligation de lui tirer une nouvelle fois un grand coup de chapeau. Nous ne surprendrons pas grand monde en estimant que Molla fut, après Scotti, le meilleur olympien. Il demeure à l'origine du but, car c'est lui qui lança Mercurio, auteur du centre shoot dans profita Andersson.

À deux minutes de la mi-temps, sur un service de Scotti, le même Molla avait failli ouvrir la marque. Son shoot dévié par Penverne hors de portée de son propre gardien échoua miraculeusement en corner.

Le jeune Port de Boucain se replia fort judicieusement chaque fois que le besoin s'en fit sentir, et ses passes en retrait à Domingo furent marquées du coin d'une expérience qui commence à s'affirmer solidement.

Égaux à eux-mêmes

Nous ne retiendrons au passif de Domingo qu'une sortie assez aventureuse de sa gauche à l'extérieur des 16 mètres au devant de Glowacki.

Par contre, nombreux furent ses parades horizontales et verticales, malgré un équilibre instable dù au sol gras et à la perte de trois crampons.

Le trio Gransart - Johansson - Palluch eut un grand mérite à ne pas laisser prendre aux finesses du brio international Glovacki - Fontaine - Vincent.

Gardien et arrières furent égaux à eux-mêmes avec, nous semble-t-il, chez Gransart, une grande application à serrer de près son adversaire direct. Il faut dire ou plutôt rappeler qu'il s'agissait en l'occurrence de M. Vincent.

Un autre homme égal à lui-même fut Mimi Mesas, qui ne rechigna pas à la besogne dans cette tâche de chien de berger qui lui fut confié, malgré une blessure au genou survenu dans un choc avec Davanne.

De Marcel nous dirons qu'il se révéla supérieur au Marcel de Nîmes et qu'il sera redevenu le vrai Marcel pour France - Belgique.

En hausse :

MERCURIO et ANDERSSON

Comme prévu, Andersson joua la plus grande partie du match comme ailier gauche. Mais c'est comme avant-centre qu'il réussit le but égalisateur. Mercurio, inter, tant qu'Andersson fut ailier, devint ailier pour faire marquer à Gunnar le même but. Voilà deux hommes qui coururent après toutes les balles. La combativité du second était connue. Celle du premier l'égala ce qui n'est pas peu dire. Ils furent les Olympiens en hausse, et nous donnerions volontiers le numéro 3 dans l'ordre du mérite à Fanfan Mercurio.

La bonne note à LEONETTI

Leonetti, le bleu de l'équipe, ne s'attendait pas à affronter les Jonquet, Zimny, Penverne. Jeté un peu à l'improviste dans le grand bain, il aurait pu, une toute petite part de chance aidant marquer un but dès la 4e minute, sur service de Mercurio. Son tir frôla alors le montant gauche, et sortit de justesse.

Il mérite malgré une lenteur plus apparente que réel, parce que cette impression est due à sa grande foulée, de revenir au sein du onze fanion olympien. S'il obtenait confirmation la journée du 4 Novembre 1956 pourrait être marquée par l'O.M. d'une autre pierre blanche.

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M. ZARAYA : "SCOTTI grand avant-centre ?

J'en ai toujours eu la conviction"

L'O.M. n'était pas seul à Reims. En dehors des accompagnateurs du jour, MM. Alfieri, Zaraya, du masseur Froment, suppléant de Manu Giraud, nous avons noté la présence de MM. Bicais, Victor Audibert et des supporters parisiens, notre ami Pougenc en tête.

Tout le monde était évidemment radieux au terme des 90 minutes, pour ce point acquis et surtout pour le style, dans lequel il venait d'être acquis.

M. Zaraya n'était pas avare de paroles et, comme de bien entendu la conversation roula sur la future formule d'attaque.

Celui que l'on considère déjà comme le futur "driver" de la future section professionnelle autonome de l'O.M. affirma avec force :

"J'ai toujours eu la certitude que Roger Scotti pouvait faire un grand avant-centre, à condition d'avoir devant lui deux inters qui sachent utiliser au maximum les balles en or qu'il fournit..."

Un pronostic (peu coûteux) : l'attaque marseillaise aura bientôt une formation en V

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Jean ROBIN :

"Bien le résultat

mais aussi la matière"

REIMS (Par téléphone) - Nous avons mal joué disait les Rémois, mieux en accord avec leur entraîneur Albert Batteux qu'avec M. Henri Germain.

L'O.M. n'a pas de directeur sportif, mais son entraîneur Jean Robin connaît lui aussi un tantinet la musique pour en avoir joué (point n'est besoin de le rappeler, à une époque glorieuse pour le maillot blanc et des bas bleus).

Plus que le résultat, c'est la manière avec laquelle il a été acquis qui m'a enchanté nous disait-il.

"Nous n'avons rien eu à envier, je pense que le plan technique, au Rémois eux-mêmes et si, dans le dernier quart d'heure, vous avez voulu préserver le match nul qui pourrait nous en blâmer ?

"Il est inexact que j'ai donné, pour tout le match, des consignes d'excessive prudence.

C'est l'omniprésence des défenseurs qui, comparé aux fioritures des avants locaux, a pu laisser fortement croire à une défensive à outrance".

Notre opinion rejoint celle de Jean Robin. Le Stade de Reims désormais privé de Raymond Kopa a voulu, hier, jouer comme lorsque celui-ci était son avant-centre, mais Kopa et son style n'ont pas été créés en... double exemplaire.

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Ce "qu'ils disent

Sur une demi-victoire

REIMS (Par téléphone) - La joie régnait dans les vestiaires ou chacun commente à sa façon le match.

Roger SCOTTI : "Un match nul est normal".

LEONETTI surpris est charmé à la fois : "Quelle cadence. On n'a même pas le temps avec les pros de voir le ballon !"

ALFIERI : "C'est presque une victoire et nous n'avons pas volé ce point".

M. ZARAYA (après nous avoir parlé de Scotti) : "Je suis plus qu'heureux du résultat. Pour mon premier contact officiel avec l'O.M. a l'extérieur j'ai été enthousiasme par son esprit d'équipe".

MERCURIO : "Pas trop mal joué hein ? Aussi bien que les rémois je crois..."

FROMENT remplaçant de Manu Giraud : "Voilà deux déplacements que je fais et j'ai assisté au deuxième match nul (Valenciennes, puis Reims) de l'O.M. à l'extérieur.

"Deux blessés légers. Domingo : un coup au genou en sautant avec un paquet de joueurs et Mesas qui souffre aussi du genou (ligament externe)".

GRANSART : "Vincent est toujours à son aise mais il m'a semblé moins pénétrant que par le passé".

MOLLA : "Je regrette deux shoots manqués par accès de précipitation mais pour ceux que Penverne a détourné en corners, je croyais bien avoir réussi..."

JOHANSSON : "Fontaine est "remuant" et par la même très difficile à marquer"

 

  

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