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Résumé Le Provencal

du 14 octobre 1957

  

ANDERSSON et RUSTICHELLI marquent le onze marseillais qui mène 2-0 à la mi-temps

ANGERS ARRACHE LE MATCH NUL A L'O.M.

à quinze secondes de la fin (2-2)

(Notre envoyé spécial Lucien D'APO raconte le match)

ANGERS (par téléphone) - Quinze secondes, quinze petites secondes, les dernières d'un match qui se termina par un curieux mélange de satisfaction et de déception.

Il ne reste donc que 15 secondes à jouer, l'équipe marseillaise menait par 2 buts à 1. Elle était rangée en ordre de bataille devant ses buts. Hérissée, prête à bondir sur cette balle que les Angevins arrachaient et frappaient à grands coups de botte. Dans ses derniers sursauts, les uns cherchèrent le coup miraculeux les autres a sauvé ce succès préparé tout au long du match fertile en émotions, mais assez unis dans le son déroulement.

Dans les tribunes ont plié bagages. Le public s'écoulait en regardant les dernières fois le terrain.

Soudain, sur un renvoi mou, la balle vint mourir dans les pieds de l'ailier gauche angevin Rouiai. D'une pirouette, un temps d'affolement en face et Rouiai se trouvant en position de tir, frapper de toutes ses forces cette balle venue en dansant jusqu'à lui.

Le tir traversa une forêt de jambes. Dans les derniers rayons du soleil couchant, il passa tel un éclair pour venir mourir dans le coin gauche des filets. C'était légalisation, et en même temps la fin du match. C'était pour Angers un cri de joie et le match nul : pour l'O.M., une déception et le partage inescompté des points.

Une équipe ragaillardie.

Nous n'étions pas particulièrement rassurés quant à ce match. Le comportement désastreux de l'ensemble olympien durant ces dernières semaines, ne laisser par la porte ouverte aux espoirs. À vrai dire, nous demandions de quelle manière les Angevins allaient disséquer le moribond.

Or, quelle ne fut pas notre surprise quand dès les premières minutes de la rencontre, l'O.M. nous apparut transfiguré : une défense hermétique, vive, voire audacieuse ; une attaque décochant des tirs avec une fréquence étonnante, et surtout plus une seule trace de ce renoncement coupable des récents matches.

Feu de paille ? Non pas. À la mi-temps, Robin et ses hommes retournaient aux vestiaires avec deux buts à leur actif.

Les Angevins, eux, n'avaient pas réussi à forcer les lignes marseillaises.

Pour les clients habituels de l'O.M. - nous par exemple - il y avait de quoi ouvrir les yeux d'étonnement.

Histoire de ces deux buts et toute simple :

Le réalisateur du premier avait été Andersson, le constructeur Curyl, un Curyl plus près de la grippe que de l'état de grâce d'ailleurs.

Or donc Curyl, à la 23e minute, échappait à Kowalski et la manière la plus vexante qui soit pour un arrière : un court crochet de Curyl-David et Kowalski-Goliath se retrouvait les fesses à terre, sans ballon, mais avec son dépit, course fulgurante de Curyl qui passait encore Hnatow, allait jusqu'à la ligne de but, évitait Sbroglia et donnait en retrait une courte balle dorée. Andersson avait suivi l'action ; de l'intérieur du pied gauche il reprenait, marquait et allait serrer la main de M. Stan, en bonne collaboration.

Angers jusqu'à là, avait pourtant pris la majeure partie des initiatives, occupé le terrain et pressé la défense phocéenne sur ses buts. Mieux, les avants angevins en etaient à la 12e tentative au but ; c'était la première de l'O.M.

Huit minutes après, Marcel, sobre et redoutablement efficace, excellent en tous points, lançait Rustichelli. Un démarrage à faire sauter tous les crampons, et l'ailier marseillais se trouvait seul sur la ligne médiane, le ballon devant lui. Il longeait la touche, sautait Pasquini accouru et, toujours dans sa course, décrochait un tir modèle.

Fragassi, le goal angevin, ne put rien ; le meilleur gardien du monde n'aurait rien pu d'ailleurs contre un shoot bien dans le style de son auteur et qui prouve, qu'il fallait encore le faire, que l'ailier marseillais ne tire qu'un profit très réduit de ses moyens naturels c'est-à-dire rapidité et tir.

L'O.M. menait donc par 2 buts à 0 et l'avenir du S.C.O. Angers s'assombrissait au fil des attaques rompues par une défense intraitable.

Conserver l'avance

Il est facile d'imaginer ce que furent les consignes données par Jean Robin à la mi-temps :

"Vous avez deux points, garder-les !"

Les Marseillais entreprirent donc de protéger leur avance en bétonnant. Tactique logique de notre football moderne en la circonstance.

Néanmoins, à deux ou trois reprises, Curyl, Andersson, Gransart - mais oui - et Rustichelli vinrent menacer Fragassi. Et tandis que le trio de pointe recherchait l'action payante et isolée, Angers plaçait toutes ses troupes à l'assaut.

Domingo alors se révéla tel qu'il est : adroit, expérimenté pour sauver à plusieurs reprises sur des tirs qui paraissaient se transformer en but. L'attaque adverse, ou Bruey était une perpétuelle menace, se mit alors en devoir de tourner et virevolter autour d'une défense très repliée.

L'occasion lui fut offerte à la 32e minute quand, sur un cafouillage, Rouiai réussissait à donner une balle difficile à Bourrigault, lequel reprit très sèchement et, d'un tir en biais, passait Domingo.

Il ne restait plus que 13 minutes à jouer.

Un but d'avance encore...

In extremis

Au creux de ce stade hurlant des encouragements à son équipe, Angers se déchaînait, mais la défense olympienne était presque au bout de ses forces.

Dans ce dernier quart d'heure, la balle échappait aux Marseillais. Domingo détourné un shoot de Bourrigault, puis un autre de Wognin, puis un troisième de Camoin, puis un quatrième de Bruey et encore un heading de Bruey.

Enfin Ramon dégagea cette balle qui, depuis plusieurs minutes flirtait avec le but marseillais. Andersson parvenait à filets vers Fragassi qui s'avançait. Un léger coup de pied : Fragassi était lobé. But ? Non, Kowalski l'arrière mastodonte des Angevins, au terme d'un sprint éperdu, s'était rué sur cette balle qu'il dégagea de la tête quasi miraculeusement.

De minute, une minute ; encore 30 secondes ; c'était suffisant pour que les Angevins réussissent le but dont nous avons parlé plus haut et arrachent le match nul, d'un match nul de dernière seconde, mais match nul tout de même.

Les Olympiens étaient consternés. Par le jeu des comparaisons, on pouvait estimer leur progrès sensible. Une victoire aurait été pour eux l'opération salutaire qu'ils souhaitaient. Ils croyaient avoir trouvé à Angers le baume apaisant pour leurs supporters. Mais un match dure 90minutes et le bilan ne se fait qu'à la fin.

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En dominant, ANGERS a failli perdre une partie

que l'O.M. pouvait prétendre remporter

(Notre envoyé spécial Louis RICHARD raconte le match)

ANGERS (par téléphone) - Quel match nous venons de vivre après cette quinzaine de crises qui bouleversent le destin de l'O.M....

Devions-nous attendre une telle débauche d'énergie des joueurs marseillais que le sort semblait avoir frappé presque pour tous cruellement. Certainement pas en raison de leur état moral... et physique.

Pourtant, c'est bien à un spectacle réconfortant qu'ils viennent de nous convier. D'abord pour la hargne qu'ils ont déployée tout au long de cette rencontre non pas tellement superbe sur le plan technique, mais emballante sur le renversement de situation.

Des Angevins débutèrent en trombe et imposèrent manifestement leur supériorité tant dans le domaine du jeu individuel et collectif que dans celui d'une vitesse d'exécution plus grande.

Vingt minutes durant leurs avants eurent le monopole des opérations et mirent sérieusement à l'ouvrage la défense phocéenne dans laquelle Marcel d'abord puis Johansson et l'amateur Ramon se montrèrent intraitables.

Comme le furent d'ailleurs par la suite Domingo, Gransart et Scotti. Grâce à ses joueurs, l'O.M. évita une défaite qui n'aurait pas manqué d'être lourde.

Défaut tactique

Fort heureusement encore, les hommes de Blondel dans leur trop grande précipitation commirent l'erreur de négliger Bruey au profit de deux ailiers certes bons manieurs de balle et effectivement rapides mais pas trop temporisateurs, surtout Rouiai.

Ce défaut tactique et à la base de leur insuccès. Au lieu de passer par le centre, de jouer sur une triplette très mobile et au sein de laquelle Bruey se montrait dans un grand jour, les demis angevins s'obstinèrent à servir les ailiers. Si l'on ajoute que les inters Bourrigault et Loncle (principalement) imitèrent, au fil des minutes leurs coéquipiers du carré "magique", on conviendra que Johansson et Marcel eurent la tache plus facile pour remédier à la moindre faiblesse de leurs arrières.

Climat d'ambiance

Ce "cadeau" évita à l'O.M. d'être touché au moral et l'invita alors à lancer de belle contre-attaque dont l'une d'elles fut payante. En effet, à la 23ème minute, sur une touche de Ramon, Jensen lança Curyl qui sur une feinte mis dans le vent Kowalski puis le goal venu à ses devants. L'ailier gauche marseillais passa d'un revers la balle à Andersson qui n'eut plus qu'à ouvrir le score.

En même temps, qu'il créa un climat d'ambiance dans le onze phocéen, ce but semble atteindre le moral des Angevins. Leur domination se poursuivit bien mais leurs passes devinrent imprécises. Si bien que Scotti et Marcel râtissèrent avec une certaine facilité toutes les balles et servirent de plus près les leurs avants.

Huit minutes ne s'étaient pas écoulées après le but que Marcel après avoir contrôlé de la poitrine, effectua une passe à Rustichelli en loba Loncle et Camoin.

L'ailier droit qui se trouvait tout près du but, sur la ligne médiane amorça une échappée. Il fut "contré" par Pasquini mais ne perdit pas la balle qui poussa assez loin devant lui (sa course devait être irrésistible et sentir, ajusté dans un dernier effort, impardonnable pour Fragassi).

Deux à zéro après 31 minutes de jeu, c'était inespéré pour l'O.M. qui, jusqu'à la mi-temps sut repousser avec mérite les assauts de son adversaire toujours aussi imprécis dans ses ultimes actions.

L'O.M. apprécie

Nanti de cette avance, l'O.M. aborda le second half avec l'idée bien arrêtée de la conserver. Il joua donc une partie défensive en bétonnant. Aux quatre éléments déjà cités vinrent se joindre Marcel, Scotti et Jean-Louis Leonetti. C'est surtout dans cette dernière 45 minutes que l'O.M. gagna la sympathie du public par son ardeur à repousser les attaques angevines.

Durant plus de demi-heure, ses joueurs opposèrent une énergie admirable aux assauts des avants de Blondel, mais sur un cafouillage, l'inévitable se produisit. Bourrigault signait le premier but de son équipe (22').

Ah ! si ANDERSSON...

Rien n'était encore perdu pour l'O.M. qui avait dû concéder quatre corners en première mi-temps (contre 0) et aller en concéder quatre autres avant la fin (contre 1). Mieux, il pouvait aggraver sa marque avec un Andersson en meilleure forme.

Hélas, l'avant-centre ne pouvant poursuivre une action bien commencer, dut laisser à Fragassi le soin d'arriver le premier sur une balle en d'autres temps, il aurait aisément logé dans la cage (85e minute).

Cette défaillance devait être regrettée par les siens car, à quelques secondes du coup de sifflet final de M. Fauquenberghe, Rouiai obtenait le 2e but sur un tir qui le surprit lui-même. La balle était passée à travers une forêt de jambes sans être déviée dans sa course.

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COMMENT ILS ONT JOUE

DOMINGO : Sauva l'O.M. d'une défaite certaine en envoyant en corner à trois reprises la balle sur des tirs extrêmement tendus de Loncle, Bruey et Wognin. Son métier et sa classe émergèrent".

GRANSART : "Après un début hésitant pris la "mesure" de son ailier : Rouiai'. Se montra autoritaire il demeura jusqu'au bout".

JOHANSSON : "toujours égal à lui-même. Eut beaucoup de mérite à marquer Bruey l'avant-centre qui sait jouer et faire jouer et dont les shoots sont précis et forts."

RAMON : "Effectua une belle rentrée chez "les pros" à un poste qui n'est pourtant pas le sien (arrière gauche). Ses interventions sur nettes, ses dégagements précis et puissants. Ne fut pas intimidé par Wognin, ailier rapide et excellent technicien. Commit une seule faute en mettant une balle en corner. Mais peut-on la lui reprocher sous ces vagues successives des avants angevins ?"

MARCEL : "Le meilleur entre tous avec bien entendu, Domingo. A fait étalage de ses grandes possibilités avec une conscience qu'il convient de louer. Son rôle se confia le plus souvent en défense mais il faut convenir qu'il le fit avec brio."

SCOTTI : "A joué gripper. C'est déjà un point à son actif. Le second fut, comme à l'accoutumée clairvoyant dans les moments les plus dramatiques. À son crédit encore : de belles passes à ses avants".

RUSTICHELLI : "Débuta bien mais eu le tort de donner beaucoup de balle dans les pieds de son arrière. Il marqua un but splendide après un effort de 45 m. A démontré qu'il avait l'étoffe d'un international chaque fois qu'il a eu confiance en ses moyens. Pasquini était un adversaire à sa portée. Il pouvait mieux le dominer encore".

LEONETTI : "Très belle partie. Dut, hélas se replier et jouer comme demi. Les circonstances l'y obligèrent. C'est regrettable car son rôle aurait été déterminant dans une attaque qui n'aurait pas à compter trois ou même deux éléments".

ANDERSSON et JENSEN : "A court de forme. Les attaquants échouèrent sur eux. Le premier marqua un but, le second fut mal inspiré. De plus, il fut "contré" en fin de première mi-temps et boita toute la deuxième".

CURYL : "Demeure l'avant le plus en forme et le plus dangereux. Il effectua de belles percées, de beaux centres. Ces tirs furent moins précis que d'habitude. Il faut dire qu'il n'y eut pas l'occasion d'en placer beaucoup."

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PROPOS DES VESTIAIRES

Il y avait des éclats de voix dans les vestiaires marseillais, mais cette fois, ils n'étaient destinés ni à l'arbitre, ni au public, ni aux journalistes. C'est au Dieu du sport que les joueurs olympiens s'en prennent, où à la fatalité, comme vous voudrez.

SCOTTI rumine : "On ne perd pas un match quand on mène par 2 buts à 0 à la mi-temps. Nous avons perdu la tête, je n'y comprends plus rien."

Pour CURYL, le match nul n'est pas croyable : "Nous aurions cette occasion... une fois par an".

Jean-Jacques MARCEL : "Ce n'est vraiment pas possible ; perdre un match de cette manière c'est à peine croyable !"

ROBIN, très doctorale, déclare : "Léger mieux. Ils ont bien joué, mais ils n'ont pas su garder la balle pendant la dernière minute demi-heure".

Pour DOMINGO : "Je n'ai pas vu le dernier shoot. L'ailier angevin a tiré au milieu d'une multitude de joueurs et je n'ai rien vu passer".

Pour RAMON qui a fait l'excellent début, déception également : "Je comptais bien gagner ce premier match. Nous avions tout pour cela".

JOHANSSON : "L'avant centre Bruey est le plus dangereux des avants de la ligne d'attaque d'Angers. Nous avons bien joué, mais nous avons sûrement manqué de chance dans les dernières minutes".

"Manque de condition physique", estime M. ZARAYA.

"Il faut voir les choses en face. Vous avez perdu ce match parce que vous manquez de condition physique. Dans les dernières minutes, vous n'avez pas réussi à tenir le coup".

C'est ce que disait M. Zaraya à ses joueurs dans les vestiaires.

         

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