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Résumé Le Provencal

du 21 avril 1958

 

OVATIONNE PAR LE PUBLIC PARISIEN, YESO AMALFI, N'A PU EVITER L'ECHEC DE SON EQUIPE

Le Racing a battu l'O.M. (4-3)

(D'un de nos envoyés spéciaux : Lucien D'APO)

PARIS (Par fil spécial) - Après le coup d'envoi, il y eut d'abord un temps d'hésitation des deux côtés. On semblait réfléchir. Le Racing mis le moins de temps à réaliser cette opération préliminaire puisqu'à la troisième minute seulement Pillard - en retrait - lançait Guillot vers la cage de Predal. Trois foulées et, malgré Molla, l'inter parisien battait Predal d'un tir tendu à mi-hauteur. Guillot était hors-jeu. Nous l'écrivons tout net. Il n'empêche que le Racing menait à la marque.

Voilà bien une façon précise d'entrer dans le vif du sujet. Ce but surprise n'eut heureusement pas d'effet sur le moral des Marseillais. On les vit alors, après quelques minutes consacrées à la réorganisation de leur jeu, entreprendre ce match poursuite qu'ils affectionnent depuis quelque temps.

Un but de retard en cette période de disette, à l'heure du sprint final, était presque une condamnation. L'O.M. se mit donc en quête d'exploit dans ce Parc des Princes illuminé d'un soleil d'été.

Tout ce qu'il fallait à Yeso Amalfi : du soleil et le public de Paris. Amalfi donc conduisait ses troupes à la bataille. Ses dribbles et ses feintes d'une efficacité insolente ne trouvaient pas, hélas, à point nommé le Gunnar Andersson d'autrefois. Statique, emprunté, maladroit, l'avant-centre marseillais était une véritable déception. On vit des tirs de Jensen, d'Amalfi de Curyl de Rustichelli mais point de Gunnar, le mieux placé durant cette première partie du jeu. On vit Rustichelli tromper Marche, s'infiltré, servir et tenter la conclusion (5me, 7mes et 14me minutes).

La foule se dressa sur un magnifique tir de Curyl (15me minute) et sur un nouvel heading de Rustichelli (17me minute). Et cette foule de Paris, qui sait apprécier et, il faut bien le dire, n'est pas plus amoureuse que ça de "son" Racing, cette foule ovationna en permanence Yeso Amalfi, sublime, éloquent, et quelquefois génial. Mais Andersson - répétons-le - n'était pas là. Il s'empêtrait dans des passes en or, brisant net le travail considérable qu'Amalfi préparait.

Il y eut pourtant une seconde de sang-froid chez cet homme que la réussite fuit.

C'était à la 28me minute, Amalfi s'était infiltré tel un slalomeur pour donner à Andersson très près des buts. Ce dernier attendit l'attaque de Marche et, dans un réflexe, donna un petit coup de patte sur la droite. Rustichelli déborda facilement pour obtenir l'égalisation d'un bolide sifflant.

Le Racing et l'O.M. étaient donc à égalité.

Confusion... et but

Le temps de respirer après cette égalisation obtenue "à la cravache" et voilà le Racing qui entreprend une attaque de grand style par Bollini, en position d'ailier gauche. La défense marseillaise bafouille, Ugolini centre. Bollini centre. Pillard, très près de Gransart Predal et à la réception. Predal s'avance, il est trompé, la balle, déviée par Pillard, va mourir dans les filets (30me minute)

2 à 1.

Il faut recommencer.

Et l'O.M. recommence.

Taillandier doit mettre deux fois en corner. Curyl le shoote, manque, re-shoote et ne laisse pas un pouce de terrain à son arrière, Amalfi continue à dominer adversaires et partenaires comme la statue du Christ domine Rio de Janeiro.

Predal n'en est pas moins contraint à arracher dans une splendide détente une balle à Grillet, qui voulait faire mouche.

Puis c'est la mi-temps.

L'O.M. égalise

Le "onze" marseillais repart farouchement à l'assaut des buts parisiens. Sa pression et constante. Il domine nettement. Amalfi et sur toutes les balles. Ce sont des dix meilleures minutes. Le stade accompagne ses exploits de la voix. On le voit filer droits, se jouer de Tibari, de Bollini et, en dernier lieu de Lelong, avant de passer à Curyl. Ce dernier avance et repasse le ballon à Amalfi qui le bloque sous son pied comme s'il voulait jouer "à la baballe". C'est encore une feinte, la dernière, celle qui précède un shoote de 15 mètres sur lequel Taillandier n'a que la ressource der verser un pieu (50m minutes). Égalisation pour la seconde fois.

RUSTICHELLII passe MARCHE,

Mais...

La domination de l'O.M. est telle que tout le monde croit à son succès final. Le but chauffe constamment. Rustique passe Marche à trois reprises et centre. Andersson et trop loin ou trop près.

Cependant, alors qu'il avait une chance unique de conclure, Marche le fauche par derrière sans rémission. L'arbitre ne bronche pas.

Les Parisiens acculés dans leurs buts, se défendent comme ils peuvent. Marcel extrême défenseurs, et sur la ligne médiane et n'en bouge pas.

On croirait revoir le match contre Lens. Mais voilà une contre-attaque soudaine imprévue du Racing. Pillard, Guillot et Sadat courent au milieu de l'affolement de la défense marseillaise.

Échange de balle, deux fois, trois fois et Sadat, seul, très près, marque imparablement : 3 à 2 (69me minute).

C'est un coup porté au moral des Marseillais qui ont du mal à réagir. C'est un rêve qui s'écroule, un espoir qui s'éteint. Predal mordille sa casquette. En vérité, ils n'en sont pas encore revenus ces pauvres Marseillais, quand, sur un long centre de Lelong, l'arrière qui attaquait le long de la touche, Grillet reprend et obtient le 4me but (75me minute).

Et tout cela après que l'O.M. ait dominé territorialement et techniquement.

Sur ce dernier but, on peut noter une faute de Amalfi (la seule), de Gransart (pris à contre-pied) et de... Marcel, qui s'était avancé en attaque.

Au théâtre, on appelle ça le dénouement.

Et pourtant, l'O.M. repartira. Rustichelli et Curyl surtout, tentera l'impossible. Jensen se tient davantage en pointe. Il est là quand Amalfi après avoir passé un réseau de défenseur, tire aux buts. La balle frappe le poteau, revient en jeu et Jensen la pousse dans les filets (81me minute), mais le Racing a prit confiance et protégera son avance.

L'O.M. finit portant avec acharnement ce match avec qu'il avait conduit. Mais le tableau d'affichage ne changera pas.

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Six minutes fatales et...

GUNNAR ANDERSSON décevant

PARIS - Sept buts échangés entre l'O.M. et le Racing pourrait donner à penser que le débat fut équilibré. Il n'en fut rien en réalité, puisque le match fut conduit la plupart du temps par l'équipe marseillaises. Et le football qu'elle construisait avec ses déplacements de jeu, ses déviations et quelques fameuses percées au centre de Yeso Amalfi plurent au difficile public parisien.

C'est déjà une indication. Si l'O.M. a perdu ce match qu'il avait à sa portée c'est à notre avis pour trois raisons.

La première tient dans la carence de Gunnar Andersson, gravement inefficace hier au Parc des Princes, dans ce même stade où il fit trembler et céder les meilleures défenses françaises.

La seconde raison tient dans l'affolante faute tactique commise entre la 69me et 75me minute alors que les deux équipes étaient à égalité et que la domination des marseillais était incontestable. C'est pendant ces six minutes que le Racing obtient ses deux derniers buts sur contre-attaque. Résultat logique puisque c'est pendant cette courte mais fatale période que les Marseillais relâchèrent d'une part leur pression devant les buts et leur système défensif par ailleurs. Marcel venu s'intégrait en attaque libéra le terrain quand Grillet obtient le 4me but.

Enfin troisième raison, Bruneton n'a pas été, hier, le demi-aile défensif qu'il eut fallu. Molla, lui-même, n'a pas été très heureux.

Au contraire de la ligne d'attaque qui a l'exception d'Andersson a réussi, hier, d'excellente chose.

Amalfi a été, et de loin, le meilleur homme sur le terrain. Il marqua un but et fit marquer le troisième et tout au long de la rencontre, c'est lui qui conçut l'essentiel des mouvements offensifs de son équipe.

Amalfi, Curyl, Jansen, Rustichelli, Gransart et Marcel peuvent être cités dans cet ordre.

Au Racing, qui fut aussi volontaire contre l'O.M. qu'il avait été indolent face à Metz (dixit les dirigeants parisiens) Pillard, Guillot, Grillet et Sosa (son travail de demi-aile était facilité) se montrèrent à leur avantage. Mais où est le Racing d'antan ? Il y aurait beaucoup de choses à dire de M. Lemen, l'arbitre trop gras à mon avis pour assurer convenablement sa besogne. Le stade entier fut d'accord pour admettre un hors-jeu sur le premier but. Il fut également d'accord pour réclamer un penalty sur le fauchage que Marche infligea à Andersson en position de tir, très près des buts.

Le stade était d'accord, mais pas l'arbitre. Mais n'en disons pas davantage.

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PIBAROT :"Nous avons eu chaud"

PARIS - Les joueurs du Racing exultaient. Le tournoi de Paris auquel le trésorier du club parisien tient tant - et pour cause - est sauvé.

Pierre Pibarot flanquait sur sans cicérone Gusti Jordan, pénétra aux vestiaires pour féliciter ses nouveaux poulains :

"Nous avons eu chaud. Les Marseillais nous ont dominé longtemps. Mais pour quelles raisons la défense est-elle devenue aussi élastique pendant dix minutes ? Mes avants valides - car Guillot a été vite blessé - en ont profité".

Unanimement les joueurs du Racing reconnaissaient :

"Il serait dommage que l'O.M. se retrouve en Deuxième Division. Les Marseillais jouent très bien. Les Messins et plus encore les Biterrois, sont loin de les valoir. Il leur a manqué tout de même un petit quelque chose".

Un titi parisien s'étonnait et s'exclamer : "Les Pingouins ? C'étaient des... manchots devant Metz. Je ne les ai pas reconnus aujourd'hui ?"

Il mit les jambes à son cou pour demander un autographe à Yeso Amalfi, pour lequel Paris a toujours les yeux de chimères.

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ZILIZZI : " C'est moi le coupable"

PARIS - "Notre défaite est celle de Gunnar Andersson" a dit Zilizzi après le match. "Je n'ai pas ici à chercher des excuses. On a rejeté mes responsabilités sur un autre. C'est moi qui ai voulu donner sa chance à Andersson. J'étais persuadé qu'à Paris. Il ferait beaucoup mieux qu'à l'ordinaire. Andersson a joué avec une volonté farouche à laquelle je rends hommage mais décidément sans brio et sans réussite. Mais il est certain, par ailleurs, que le premier but du Racing était hors-jeu et que l'arbitre nous a frustré d'un penalty quand Marche "balança" Andersson".

L. D'APO

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Marcel :

"Saluons Amalfi"

(D'un de nos envoyés

spéciaux : André Hatchondo)

PARIS - Il y eut deux réactions bien opposées des joueurs et dirigeants olympiens aux vestiaires après cette rencontre ô combien fertile en émotions. Tout d'abord, la consternation paralysa leur langue. Les mimiques et les onomatopées prenaient le pas sur les explications claires. Puis subitement, une réflexion de l'un, une remarque de l'autre, les allées et venues de M. Poujenc, transformé en agent de liaison entre le poste micro ou parvenaient les résultats des autres matches et les salles d'où s'exhalent des odeurs d'embrocations, transformèrent ce monde silencieux en un choeur bruyant.

Dès que le responsable permanent de l'O.M. à Paris eut annoncé la défaite de Béziers et la victoire de Metz, M. Zaraya regarda le plafond pour compter les points.

"Tout n'est pas perdu, se contenta-t-il de déclarer sans conviction".

Notre ami Martinelli hochait la tête.

À contrecoeur, il nous livra sa pensée :

"Bien sûr, je suis très déçu. Nous avons joué pratiquement à dix. Andersson n'est vraiment pas dans le coup. Comme d'un autre côté, ne tient pas compte en haut lieu de nos droits... Oui la décision finale au sujet de notre différend avec Valenciennes est un scandale..."

Jean-Jacques Marcel rendit hommage à Amalfi :

"Le Racing a été ridiculisé par Yeso. Quel festival il nous a offert. Quant à la majorité de l'équipe, elle ne s'accroche pas au moment propice. Lorsque nous avons égalisé à 2-2, nous aurions dû accéléré..."

Nous félicitâmes Amalfi :

"Si j'ai la confiance des supporters de l'O.M., tous les dimanches je jouerai comme ça... J'ai dit deux mots aux joueurs du Racing et ce petit Senac à qui j'ai donné des leçons de football il y a quelques années, il me visait les chevilles", conclut-il sur le ton du frère aîné outré.

Andersson était visiblement abattu. Quel désastre se cantonne-t-il de remarquer à voix

 

 

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