Résumé Le Provencal

du 11 octobre 1959

Par 4 buts à 2, NANTES bat l'O.M.

(D'un de nos envoyés spéciaux : Lucien APO)

Nantes (par téléphone) - Depuis plusieurs années, le football professionnel a conquis Nantes. Mais ce soir, avec la venue de l'Olympique de Marseille, elle découvre une équipe dont le prestige est resté intact sur les bords de la Loire. Il est vrai que les sportifs nantais n'ont suivi que de loin les tribulations de l'O.M. et, pour eux, les joueurs en blanc maillot demeurant dans la tradition des équipes terrifiques d'avant guerre.

Ceci dit, dans ce stade Malakoff ou tout est net, les spectateurs sont rangés comme à la parade autour d'un ground rendu plus verdoyant sous la lumière crue des projecteurs.

Il ne pleut pas ; il ne fait pas froid et l'ambiance, au moment ou M. Bois siffle le coup d'envoi est on ne peut plus sympathique.

La foule s'est entassée sur les gradins à l'anglaise, une foule record dont les réactions sont presque aussi bruyantes que celles du public méridional.

L'O.M. a recueilli une belle flambée de bravos. Pour Nantes c'était de l'enthousiasme.

Et la bataille des deux ténors de division II s'engage sur le ton le plus vif.

Devant le football impulsif et rapide des nantais, l'O.M. essaie de s'organiser, non sans mal d'ailleurs, puis l'équilibre revient et les deux formations se neutralisent un moment.

Alerte, cependant dans le camp marseillais où une mauvaise passe de Ramon à Fischbach provoque quelques secondes d'affolement.

Le rythme que les Nantais imposent donne à la rencontre un caractère tout particulier.

La clairvoyance de Molla et de Leonetti pendant ces minutes difficiles remet toutefois un peu d'ordre dans le rang marseillais.

Mais voici que Tillon, se rabattant sur l'aile, parvient à subtiliser la balle à Carpentier, balle qu'il redresse parfaitement et centre adroitement. Les défenseurs nantais sont pris à contre-pied à la réception et Boulle place un bolide de vingt mètres qui heurte la transversale dans un concert d'exclamation.

De nouveau les intérieurs nantais lancent l'offensive. Leonetti très en arrière, ratisse tout.

La pression de leurs adversaires oblige les hommes de Troupel à se regrouper au petit bonheur, en particulier sur un tir du centre avant M. Nick qui shoote face au but. Fischbach bloque.

L'O.M. bousculé sur ses buts, doit concéder un corner. M'Nick le tire ; Collados, à la réception, le détourne de la tête vers Couronne seul, qui, à bout portant ou presque, fusille Fischbach.

Il y a 16 minutes que l'on joue et Nantes même par 1 but à 0.

Les "Hurrah !" déferlent dans le stade ou la joie éclate. Et on note, peu après, un tir de Durand que Somlay, le keeper nantais repousse du poing.

Intervention de Boulle, Nantes repend le cours de ses assauts.

Cette fois c'est Collados qui traverse toute la défense Marseillaise et va battre Fischbach qui s'était pourtant avancé (20me minute)

En quatre minutes, Nantes a brisé la volonté des Marseillais.

Le moment de stupéfaction passé, l'ensemble olympien essaie de se reprendre.

De nouveau la combativité habite les joueurs de Troupel, mais sans réussite ; ils sont aussi techniquement et tactiquement dominés.

Puis sur une attaque Eschman-Oliver, Tillon place un shot de loin. Somly repousse du poing... et l'attaque nantaise repart avec un Woznieski particulièrement incisif à l'aile gauche.

Entre temps une bonne combinaison Peri-Tillon-Eschman se termine par un excellent tir de ce dernier, mais hors la cage.

Dans le mouvement suivant, la chance sert les Nantais sur une action confus au cours de laquelle Somlay avait abandonné sa cage.

De nouveau Durand tape en direction des buts encore désertés par Somlay. C'est le but !

Non ... Carpentier, sur la ligne, dégage.

L'OM semble appuyer davantage ses actions, en vain d'ailleurs. On note quelques accrochages et, en finale pour cette première mi-temps, une attaque de Tillon se prolonge sur Durand seul face au but. Somlay vient lui plonger dans les jambes et sauve.

Mais la réplique nantaise est vive, vive.

C'est la mi-temps : 2-0 en faveur de Nantes.

La rencontre reprend évidemment dans des conditions morales très difficiles pour l'O.M. qui de nouveau doit subir une équipe nantaise vraiment impétueuse.

Eschmann continue à aller chercher la balle pour la ramener vers les buts nantais. Travail obscur qui sombre dans la puissante machine à dégager de la défense adverse.

Couronne qui s'engage dans les lignes marseillaises telle une anguille, réussit à dribbler tout son monde et de près, à travers trois défenseurs marseillais marque à la 55e minute.

L'équipe phocéenne parait effondrée.

Sur une attaque de Boulle qui réussit à contrer, Durand reprend de la tête. La balle entre dans les filets d'où Baloche l'arrache de la main.

Il y avait but, l'arbitre siffle penalty et Oliver ne laisse aucune chance à Somlay

3 buts à 1 (58e minute).

Et voici la même phase, cette fois c'est Tillon qui centre dans les mêmes conditions que Boulle tout à l'heure.

De nouveau Durand à la réception, renvoie de la tête sur les buts, et c'est Caullery qui, à son tour, arrête de la main la balle qui pénètre dans les filets.

Penalty.

Oliver s'apprête sous les sifflets. Le tir vibrant aux oreilles de Somlay, et c'est le deuxième but.

3 points contre 2, l'espoir revient au coeur des joueurs marseillais. Ils attaquent avec une vigueur retrouvée.

C'est Carpentier qui doit sauver dans une incroyable acrobatie sous la double charge de Tillon et Oliver.

Les Nantais accusent le coup, Durand obtient un corner très près d'une conclusion favorable.

C'est maintenant une incomparable bataille entre deux équipes dont une veut protéger son avance et l'autre obtenir l'égalisation.

Les contacts deviennent plus rudes, Echmann touché revient tout de jeu en jeu, le punch a maintenant changé de camp.

C'est à la suite d'une offensive isolée de Schindlauer réussit le 4me but nantais. Depuis la droite, il contourne la défense marseillaise et d'un tir en biais surprend Fichbach à la 75e minute

Nantes mène par 4 buts à 2.

Le public ovationne son équipe qui mérite d'ailleurs, sur l'ensemble de la partie, de mener à la marque.

Ce quatrième but a rendu son équilibre au onze de l'Ouest.

Phase dangereuse pour ce dernier à la 78e minute.

Sur une ouverture de Eschmann à Durand, ce dernier donne à Tillon qui part dans le trou, shoote... mais Somlay s'est littéralement lancé dans ces pieds et sauve brillamment.

L'O.M. s'accroche toujours à un espoir.

Mais l'heure est là et la victoire de Nantes est applaudie.

Pourquoi les Marseillais

(D'un de nos envoyés spéciaux : LOUIS DUPIC)

Nantes (par téléphone) - A l'image d'une grande partie de sa ville détruite par les bombardements, pendant la guerre, le F.C. Nantes présente un stage tout neuf.

Pour tous les Bas-Bretons interloqués par l'éclatement début de saison de leurs favoris, le club eut un grand enfant... qui aurait peut être poussé trop vite.

Crise de croissance ? Sans doute, puisque des échecs successifs à domicile face aux Lillois, puis devant les modestes Capistes de Langilier sont venus tempérer un enthousiasme tendant à s'exacerber.

Nous attendions avec impatience l'ouverture du débat pour voir si le F.C.N. était un authentique candidat à l'accession ou un outsider éphémère.

Eh bien, nous fûmes vite fixés.

Les Nantais utilisèrent une tactique extrêmement simple : deux démis prudents ; Samson, Bodini, un grand stratège : Schindlawer, un autre intérieur : Wosniesko qui ne perd pas la balle, devant tris hommes décidés, d'une vivacité déconcertante, toujours dans le sens du jeu et qui mirent les défenseurs marseillais sur des charbons ardents.

Si Molla, au centre, sut contenir le brillant M'Nick, Ramon et Bedelian ne surent jamais en première mi-temps, résoudre le problème que leur posèrent les ailiers Couronne et Collados trop vifs et trop rapides pour eux.

Nous donnerons pour exemple de la promptitude qui caractérisa les actions des bretons, leur second but.

Schindlawer achemina la balle du milieu du terrain à l'approche du but marseillais. Au moment d'être attaqué, il glissa la balle à Collados qui s'intégrait à toute vitesse entre Ramon et Molla. Les Marseillais ne purent que se regarder consternés.

Pendant une heure, les Olympiens, face à cette formation solide et alerte, parurent singulièrement figés et désarçonnées. Certes, ils se créèrent des occasions mais tous les contres furent favorables aux Athlétiques Nantais, dont le plus heureux fut aérien Somlay, sauvé par la transversale sur un tir de Boulle, puis assez chanceux pour pouvoir ressaisir avant Oliver puis Durand, des balles qui lui avaient échappé.

Quand Carpentier, sur la ligne à la 37me minute arrêta un tir de Durand, on comprit que les Dieux étaient Bretons.

Sans cesse sur la balle - et c'était justice - puisque toutes les attaques locales se développaient à toute vitesse sur les visiteurs manquant tout à la fois de promptitude, de méthode et d'inspiration.

Dans tous les espaces vides il y a avait des Nantais pour recevoir la balle. Moins décidés, moins rapides, moins homogènes, nos représentants avaient cause perdue.

Tout en décontraction, Caullery et Balloche, en force, muselèrent les avants de pointe au maillot blanc.

Cela dura une heure !

Les hommes les plus satisfaisants étaient encore ceux du milieu : Molla, Leonetti, Eschman, Peri et Oliver qui, malgré certaines carences, occupaient sans reproches le centre du terrain.

Les locaux assurèrent leur succès en quatre minutes, au cours d'une extraordinaire période de pointe comme celle que l'O.M. mit à son actif après une heure de feu. Et l'on se demandera par quelle aberration Saint Etienne "brada" me magnifique petit Callados, superbe de vitesse, d'allant et de fois de vivre

On traitera par ailleurs dans quelles conditions l'O.M. ramena le score à 3 à 2 mais, au point de vue technique, deux centres de boulle, puis de Tillon, les reprises de la tête de Durand qui forcèrent Balloche, puis Caullery à arrêter de la main la balle qui entrait dans les filets, puis les exécutions des penalties par Celestin Oliver, tout cela fut aussi impeccable que ce qu'avaient pu faire les Nantais au début.

Tillon et Durand harcelaient la défense enfin !

L'équipe locale flottait maintenant à la dérive. Nantes et l'O.M. montraient chacun un nouveau visage diamétralement opposé au premier.

Une heure pour Nantes, 30 minutes pour l'O.M.

Pourquoi les Olympiens démarrèrent-ils si tard et notamment les avants de pointe ?

Un but linéaire de Schindlauer vint leur enlever leurs dernières illusions.

Quant aux 16.000 Nantais qui remplissaient le cratère bouillant du Stade Malakoff, ils se montrèrent d'une ignorance et d'une partialité rarement vues...

Quand on vous disait que Nantes était un pays neuf ! ils ont bien le temps de devenir blasés...

Les Olympiens

Tillon avait marqué

Déçus de n'avoir pas égalisé après avoir ramené le score de 3 à 0 à 3 à 2, les Marseillais regrettaient surtout que M. bois l'arbitre du match n'ait pas validé le but que Pierre Tillon avait obtenu au moment crucial de la seconde mi-temps.

" La balle a frappé le haut du filet après avoir ricoché sous la barre. Le but était parfaitement valable" disait le principal intéressé.

Lucien Troupel estimait que, malgré tous les joueurs de l'O.M. avaient démontré en remontant au score, qu'ils étaient en plein renouveau, mais qu'à chaque fois ils avaient raté le tournant du match en laissant scorer. Couronne en seconde mi-temps et en ratant par Boulle, qui tira sans contrôle la balle, une occasion qui aurait valu à ses hommes l'égalisation.